Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-PFD-244

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la mort d’une femme de 38 ans (la plaignante).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 5 août 2021, à 22 h 36, le Centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’UES concernant une fusillade impliquant un agent de police à Burk’s Falls. L’UES a communiqué avec un inspecteur qui a fourni les renseignements suivants.

Le 5 août 2021, à environ 20 h 19, la Police provinciale de l’Ontario a été appelée à se rendre à une adresse à Burk’s Falls en raison d’une personne indésirable. Les agents de police sont arrivés à 20 h 28 et ont été menacés par une femme qui brandissait un couteau. La femme a attaqué les agents de police avec le couteau. Les deux agents de police ont déchargé leur pistolet et la femme a été touchée. Un troisième agent de police est arrivé et a entrepris des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire (RCP), mais les tentatives de réanimation ont échoué.

La femme décédée était la plaignante.

Les agents de police impliqués étaient l’agent impliqué (AI) n° 1 et l’AI n° 2. L’agent témoin (AT) était l’AT n° 1.

L’ensemble de l’équipement d’usage de la force a été protégé et un périmètre de sécurité a été établi autour des lieux de l’incident.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 6 août 2021 à 0 h 12

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 6 août 2021 at 3 h 45

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
 

Personne concernée (la « plaignante ») :

femme de 38 ans, morte


Témoins civils (TC)

TC n° 1 A participé à une entrevue
TC n° 2 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC n° 3 A participé à une entrevue
TC n° 4 A participé à une entrevue
TC n° 5 A participé à une entrevue
TC n° 6 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 6 août et le 20 septembre 2021.
 

Agents impliqués (AI)

AI n° 1 N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI n° 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 19 août 2021.


Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 6 août et le 15 septembre 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

Le 6 août 2021, à 3 h 45, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux à Burk’s Falls. La voie d’accès aux lieux se trouvait sur le côté est de la route. L’éclairage du terrain était faible.

Il y avait deux véhicules sur les lieux.

Le véhicule n° 1 était un véhicule de la Police provinciale de l’Ontario, soit un Chevrolet Tahoe 2017 entièrement identifié. Les gyrophares du véhicule n’étaient pas activés. Le véhicule n° 1 était orienté vers l’est, devant un bâtiment. Le moteur du véhicule roulait au ralenti, et le clignotant droit était activé. Un sac pour éléments de preuves non scellé de la Police provinciale de l’Ontario, contenant un couteau, se trouvait sur le siège arrière du côté conducteur.

Le véhicule n° 2 était un véhicule civil, soit une camionnette noire Ford F-150. Le véhicule était orienté vers le sud, au sud du véhicule n° 1. Près du pneu arrière gauche (côté conducteur), la plaignante, décédée, était allongée sur le sol, et une couverture était posée sur elle. La défunte était couchée sur le dos, le visage vers le haut, la tête orientée vers le sud/sud-ouest. Elle était vêtue d’un débardeur blanc, d’un short gris, d’un soutien gorge et de chaussures de course.

Le corps et les lieux ont été photographiés, et les mains de la défunte étaient recouvertes de sacs en papier pour protéger les éléments de preuve.
Sept douilles ont été trouvées sur les lieux.

Le véhicule n° 3 était un véhicule de la Police provinciale de l’Ontario entièrement identifié. Il était orienté vers le nord sur l’accotement est de la route, au nord de la voie d’accès. Les gyrophares n’étaient pas activés. Le véhicule n° 3 était présent au début de l’incident, mais il avait été retiré puis ramené sur les lieux avant l’arrivée de l’UES.

Les éléments de preuve recueillis sur les lieux comprenaient sept douilles, un couteau, des bijoux et un écouvillon de sang.

Une fois corps retiré des lieux, les lieux ont été examinés à l’aide d’un détecteur de métal.

Éléments de preuve matériels


Éléments de preuve photographiés

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus au détachement d’Almaguin Highlands de la Police provinciale de l’Ontario à Burk’s Falls où l’équipement et les uniformes de police ont été examinés et photographiés.

L’arme à impulsions de l’AI n° 2 a été examinée et considérée comme n’ayant pas été tirée. Le pistolet Glock, modèle 17M, de l’AI n° 2 a été examiné. Une cartouche a été retirée de la culasse. Le chargeur a été retiré de l’arme et contenait 13 cartouches.


Figure 1 – Pistolet Glock 17M de l’AI n° 2, avec chargeur et cartouches.

Figure 1 – Pistolet Glock 17M de l’AI n° 2, avec chargeur et cartouches.

Le véhicule de police de l’AI n° 2 et les articles de l’uniforme de police ont été examinés. Un examen approfondi du siège du conducteur a permis de découvrir une tache de sang. Des photographies ont été prises et un écouvillon du siège a été recueilli. Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a récupéré le gilet balistique de l’AI n° 2. Un petit défaut sur le dessus de la radio portative a été remarqué et photographié. L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a pris possession du gilet balistique et des panneaux.

Le 24 août 2021, le gilet balistique appartenant à l’AI n° 2 a été examiné. Un défaut linéaire a été repéré sur la pochette de la radio portative, sur le côté avant gauche du gilet. Le matériau était endommagé. Un défaut linéaire a été repéré sur le côté gauche du support arrière : une marque horizontale de couleur argentée. Un deuxième défaut linéaire se trouvait sur le côté gauche du support arrière. Il s’agissait également d’une trace horizontale de couleur argentée. Une troisième trace de couleur argentée, également un défaut linéaire, était située sur le côté gauche du support arrière, à un angle de 45° vers le bas, de gauche à droite. Un défaut circulaire était situé sur le côté droit de la surface extérieure du panneau arrière. Les défauts ont été photographiés.


Figure 2 - Défaut linéaire de couleur argentée sur le gilet de l’AI n° 2.

Figure 2 - Défaut linéaire de couleur argentée sur le gilet de l’AI n° 2.


Figure 3 - Défaut circulaire sur le panneau arrière

Figure 3 - Défaut circulaire sur le panneau arrière

Les articles de l’uniforme remis à l’AI n° 1, y compris le ceinturon de service et l’équipement d’« usage de la force » accessibles, ont été examinés et photographiés. L’arme à impulsions n’a pas été déchargée. Le pistolet Glock, modèle 17M, de l’AI n° 1 a été examiné. Une cartouche a été retirée de la culasse, et le chargeur, qui contenait 14 cartouches, a été retiré de l’arme.


Figure 4 – Le pistolet Glock (modèle 17M) de l’AI n° 1, le chargeur et les cartouches

Figure 4 – Le pistolet Glock (modèle 17M) de l’AI n° 1, le chargeur et les cartouches
 
Sept douilles de cartouches ont également été recueillies sur les lieux, ainsi qu’un couteau Buck d’une longueur de 12 cm. Un débardeur blanc « Merona » de la plaignante décédée a également été obtenu.


Figure 5 – Le couteau Buck

Figure 5 – Le couteau Buck

Éléments de preuve médicolégaux

Les deux pistolets Glock ainsi que les sept cartouches vides et les deux chargeurs ont été remis au Centre des sciences judiciaires (CSJ). Une demande d’examen a été formulée afin de faire concorder les cartouches vides aux pistolets Glock.

Le rapport sur les armes à feu du CSJ, daté du 3 février 2022, a permis de déterminer que trois des cartouches vides provenaient de l’arme à feu de l’AI n° 1 et que les quatre autres provenaient de l’arme à feu de l’AI n° 2.


Figure 6 – Cartouche tirée trouvée sur les lieux

Figure 6 – Cartouche tirée trouvée sur les lieux

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Enregistrements des communications

Le 5 août 2021, à 20 h 15 min 50 s, le TC n° 3 a appelé le service 9-1-1 et a déclaré [traduction] : « Ma colocataire (la plaignante) vient de donner des coups de pied à mon chat, m’a frappé 15 fois avec un foutu râteau, elle est censée partir, mais je ne vais pas attendre que sa mère arrive ». Le TC n° 3 a déclaré [traduction] : « Je veux qu’elle s’en aille, elle ne veut pas s’occuper de ça, des mandats ont été lancées contre elle par la Police Provinciale de l’Ontario. » Le répartiteur a demandé si la plaignante était violente et le TC n° 3 a répondu à ce dernier qu’elle s’était enfermée dans la maison. Il a dit au répartiteur qu’elle avait bu et qu’elle avait peut-être un couteau de chasse, mais pas d’armes à feu. Le répartiteur a dit [traduction] : « Ok, pas d’armes, pas de chiens, des enfants? » Le TC n° 3 a dit qu’il n’y avait pas d’enfants et a indiqué que la plaignante était en état d’ébriété et souffrait de plusieurs troubles de santé mentale.

Le répartiteur a transmis à l’unité de police qui est intervenue les détails des mandats d’arrestation non exécutés contre la plaignante.

Un agent de police, qui était essoufflé et agité, a indiqué [traduction] : « Coups de feu tirés, personne au sol, besoin d’aide ». Une ambulance a été demandée.

Une note indiquant qu’il y avait « femme au sol, ambulance demandée » a été enregistrée à 20 h 29 min 29 s dans le rapport de la répartition assistée par ordinateur.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants du Détachement d’Almaguin Highlands de la Police provinciale de l’Ontario entre le 9 août et 1er septembre 2021 :
  • Détails de l’incident (Rapport de la répartition assistée par ordinateur);
  • Rapport général
  • Notes de l’AT n° 2
  • Notes de l’AT n° 1
  • Photos de la voiture de police
  • Photos de la blessure
  • Liste des témoins potentiels
  • Rapport du profil de la plaignante
  • Note sur l’historique de formation de l’AI n° 2 et de l’AI n° 1;
  • Politique sur l’usage de la force
  • Politique sur l’arrestation ou la détention

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les éléments suivants provenant d’autres sources :
  • Dossiers des services médicaux d’urgence
  • Résultats préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario
  • Rapport de l’autopsie daté du 15 février 2022 et reçu par l’UES le 16 juin 2022 du Bureau du coroner
  • Rapport sur les armes à feu du Centre des sciences judiciaires daté du 3 février 2022.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage du poids des preuves recueillies par l’UES, qui comprenait des entretiens avec l’un des deux agents impliqués, l’AI n° 2, et deux témoins civils. Comme il en avait le droit, l’AI n° 1 a choisi de ne pas s’entretenir avec l’UES et de ne pas autoriser la diffusion de ses notes.

Dans la soirée du 5 août 2021, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel du TC n° 3 signalant une dispute impliquant la plaignante à Burk’s Falls, où les deux personnes partageaient un chalet. Selon le TC n° 3, la plaignante, qui faisait l’objet de mandats d’arrestation non exécutés, avait donné des coups de pied à son chat et l’avait frappé avec un râteau à plusieurs reprises. Elle était en état d’ébriété, souffrait de troubles mentaux et pourrait avoir accès à un couteau de chasse. Le TC n° 3 voulait qu’elle quitte la résidence. Des agents de police ont été dépêchés à l’adresse.

L’AI n° 2 et l’AI n° 1 sont arrivés sur les lieux dans des véhicules distincts peu avant 20 h 30. L’AI n° 2 a arrêté son VUS de police, orienté vers l’est, au sud de l’entrée du bureau des affaires. L’AI n° 1 s’est garé derrière lui. À quelques mètres au sud du côté passager du véhicule de l’AI n° 2, orientée vers le sud, se trouvait une camionnette. Le TC n° 3 s’est approché de l’AI n° 2 et s’est entretenu avec lui par la fenêtre ouverte de la portière du conducteur. Quelques instants plus tard, ils ont été abordés par la plaignante.

À l’est des véhicules de police, la plaignante s’est rapidement approchée du VUS de l’AI n° 2. Elle criait. Elle tenait un couteau dans sa main gauche. Lorsqu’elle a atteint la portière du conducteur, la plaignante a commencé à frapper l’agent par la fenêtre ouverte avec le couteau. Alors qu’il tentait de se défendre, l’AI n° 2 a crié à la femme à plusieurs reprises de lâcher le couteau. Son gilet, le haut de son corps et ses jambes ont été frappés à plusieurs reprises. À un moment donné, afin de créer une distance avec la plaignante, il s’est poussé vers le côté passager de son véhicule. Lorsque l’agent a réussi à sortir son arme à feu, la plaignante avait quitté les lieux et se dirigeait vers l’arrière du véhicule de l’AI n° 2.

La plaignante a contourné l’arrière du VUS et a longé le côté passager du véhicule en direction du côté conducteur de la camionnette. Les agents l’ont affrontée à cet endroit sous la menace d’une arme. Se trouvant du côté passager de son VUS, l’AI n° 2 était le plus proche de la plaignante, à environ sept mètres. L’AI n° 1 se trouvait à trois ou quatre mètres à droite de l’AI n° 2. À environ un ou deux mètres à la droite de la plaignante, alors qu’elle faisait face aux agents, se trouvait le TC n° 3. Les agents ont crié à la plaignante de lâcher le couteau, mais elle a continué à le brandir dans leur direction. La plaignante s’est avancée vers les agents, le couteau à la main, et a été atteinte d’un projectile alors qu’elle s’approchait à moins de cinq mètres de l’endroit où se trouvait l’AI n° 2.

L’AI n° 2 a tiré quatre fois sur la plaignante avec son pistolet semi-automatique Glock, de calibre 9 mm. Au même moment, l’AI n° 1 a déchargé son arme, également un pistolet semi-automatique Glock de calibre 9 mm, à trois reprises.

La plaignante a été atteinte par les tirs. Elle avait été touchée à quatre reprises.

L’AI n° 2 et l’AI n° 1 ont prodigué des soins d’urgence, y compris des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire (RCP) et une pression sur le site de la plaie, en attendant l’arrivée des ambulanciers paramédicaux.

Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux vers 20 h 40 et ont prodigué des soins à la plaignante. Elle n’a pas pu être réanimée et sa mort a été constatée sur place.


Cause de la mort

Le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie a déterminé que le décès de la plaignante était attribuable à des « blessures par balle ». On ignore encore lequel des coups de feu tirés a causé quelle blessure, et si ce sont les deux agents ou un seul d’entre eux qui ont tiré les coups de feu ayant entraîné la mort de la plaignante.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 5 août 2021, la plaignante a subi des blessures par balle qui ont entraîné sa mort. Étant donné qu’elle avait été visée par une arme à feu déchargée par deux agents de la Police provinciale de l’Ontario, l’UES a été informée de la situation et a ouvert une enquête. Les agents qui ont déchargé leurs armes à feu, soit l’AI n° 2 et l’AI n° 1, ont été identifiés comme étant les agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que les AI ont commis une infraction criminelle en rapport avec la mort de la plaignante.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’usage de la force, qui autrement constituerait une infraction, est légitimé s’il visait à se défendre contre une attaque raisonnablement appréhendée, qu’elle soit réelle ou une menace, et était lui-même raisonnable dans les circonstances. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué dans les circonstances, c’est-à-dire en fonction de facteurs tels que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’usage de la force était imminent et s’il y avait d’autres moyens disponibles pour répondre à l’usage potentiel de la force; si une partie impliquée dans l’incident a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et, la nature et la proportionnalité de la réponse de la personne à l’usage ou à la menace de la force. À mon avis, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que les agents impliqués ont agi sans la justification légale énoncée à l’article 34 lorsqu’ils ont déchargé leurs armes.

D’entrée de jeu, il convient de noter que l’AI n° 1 et l’AI n° 2 se sont comportés légalement tout au long de leur interaction avec la plaignante. Les agents avaient été appelés à se rendre sur les lieux d’une dispute impliquant un certain degré de violence. Ils avaient le devoir de se rendre à l’adresse pour faire le nécessaire afin d’aider à résoudre la situation en toute sécurité.

Je reconnais que les deux agents impliqués ont agi pour déjouer une attaque au couteau raisonnablement appréhendée par la plaignante lorsqu’ils ont déchargé leurs armes. L’AI n° 2 a fourni une déclaration à l’UES dans laquelle il a dit avoir fait usage de force, car il craignait pour sa vie et celle de l’AI n° 1. Aucun élément de preuve ne permet de réfuter son affirmation. Au contraire, les circonstances appuient l’affirmation de l’agent et le caractère raisonnable de sa croyance. Quelques instants auparavant, l’AI n° 2 avait repoussé une agression de la plaignante qui l’avait attaqué avec un couteau par la fenêtre ouverte de la portière du conducteur de son véhicule de police. Confronté de nouveau à la plaignante qui brandissait un couteau dans sa direction et avançait vers lui, l’AI n° 2 était exposé à un risque imminent de lésions corporelles graves ou de mort. Il en était de même pour l’AI n° 1.

Bien que l’AI n° 1 n’ait pas fournit une déclaration à l’UES, je ne peux pas raisonnablement conclure qu’il n’était pas dans le même état d’esprit compte tenu du fait que la plaignante était en possession du couteau et qu’elle s’était approchée à quelques mètres de l’endroit où se trouvaient les agents armés.

La situation dans laquelle se trouvaient les agents me porte également à croire que leur recours aux coups de feu n’était pas déraisonnable. La plaignante avait en sa possession un couteau dont la lame mesurait environ 10 cm et qui pouvait clairement causer la mort alors que la femme s’approchait à moins de cinq mètres des agents. De plus, la plaignante avait également démontré une aptitude à l’utiliser lorsque, quelques secondes auparavant, elle avait attaqué l’AI n° 2 avec le couteau. Dans ces circonstances, il n’était pas réaliste d’envisager de se replier ou de se mettre à l’abri. En particulier, l’AI n° 3, qui avait appelé la police pour signaler la présence de la plaignante, se tenait à proximité de la plaignante tout au long de l’affrontement final avant les coups de feu et était clairement en danger si la plaignante avait décidé de se retourner contre lui. Enfin, bien qu’ils méritent un examen attentif, le nombre de coups de feu tirés, soit sept au total et l’emplacement d’une blessure dans le dos de la plaignante ne suffisent pas à établir raisonnablement que l’un ou l’autre des agents a agi en excédant ses compétences. En particulier, la rapidité des coups de feu, la simultanéité des tirs, l’angle des agents par rapport à la plaignante et le dynamisme inhérent au moment ne suggèrent pas que le risque raisonnablement appréhendé par les agents ait changé de manière importante à un moment quelconque entre les premiers et les septièmes coups de feu. Compte tenu de ce fait, je suis convaincu que les agents ont agi raisonnablement lorsqu’ils ont cherché à se protéger d’une attaque potentiellement mortelle en recourant eux-mêmes à une force mortelle.

Certains témoins ont donné une version des faits qui, si elle était vraie, pourrait fonder la responsabilité pénale, mais il serait imprudent et dangereux de fonder des accusations sur la force de leurs témoignages. En particulier, certains éléments de preuve indiquent que la plaignante se tenait simplement immobile lorsqu’elle a été atteinte d’un projectile. Cependant, ces éléments de preuve sont fondamentalement remis en cause en raison de l’emplacement du corps de la plaignante après la fusillade, à savoir à l’arrière du côté conducteur de la camionnette. Le récit, selon lequel la plaignante se trouvait du côté avant du conducteur de la camionnette au moment de la fusillade, ne correspond tout simplement pas à l’endroit où elle s’est retrouvée. Inversement, et conformément au récit de l’AI n° 2, les éléments de preuve suggèrent que la plaignante s’était avancée vers les agents lorsqu’elle a été atteinte d’un projectile.
 
Pour les raisons qui précèdent, je suis raisonnablement convaincu que l’AI n° 2 et l’AI n° 1 se sont comportés de manière légale tout au long de leur interaction tragique avec la plaignante. Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 23 août 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes des éléments sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.