Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PFP-071

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge, par la police, d’une arme à feu sur un homme de 34 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 8 mars 2022, à 15 h 11, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES que la police avait fait feu sur le plaignant à plusieurs reprises.

Selon la Police provinciale, à 12 h 41, le Détachement de Thunder Bay de la Police provinciale de l’Ontario a reçu un avis BOLO (avis de recherche) pour un véhicule qui avait été impliqué dans un homicide potentiel à Thunder Bay. La Police provinciale a repéré le véhicule qui roulait en direction est sur la route 11/17 et des agents de la Police provinciale ont installé un tapis clouté. Le plaignant s’est arrêté juste avant le tapis clouté et une femme s’est enfuie du véhicule. Le véhicule a ensuite fait demi-tour et s’est dirigé vers la région rurale de Hurkett. La Police provinciale a retrouvé le véhicule aux alentours de la route 582. Le plaignant a ouvert le feu sur les agents et ces derniers ont riposté. La poursuite s’est poursuivie et il y a eu un deuxième échange de coups de feu entre le plaignant et les agents. Le plaignant s’est enfui à pied dans le boisé et la Police provinciale a établi des postes de contrôle. Peu de temps après, le plaignant est tombé sur un barrage routier et a été arrêté.

En raison des prévisions météorologiques défavorables, les lieux de l’incident ont été inspectés par la Police provinciale.

La Police provinciale a signalé que les coups de feu tirés par les agents avaient touché le véhicule impliqué. Le véhicule allait être sécurisé et inspecté par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de la Police provinciale et de l’UES.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 8 mars 2022 à 16 h 20

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 8 mars 2022 à 16 h 53

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 34 ans; n’a pas accepté de participer à une entrevue

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 [1] N’a pas participé à une entrevue (a décliné)

Le témoin civil a participé à une entrevue le 9 mars 2022.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 17 mars 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Avec l’aide de la Police provinciale, l’UES a inspecté trois lieux où la Police provinciale a eu une interaction avec le plaignant : 1) Nuttall Road, au nord de la route 582 Sud, à Hurkett; 2) la route 582 Sud, au sud de la route 11/17; et 3) le lieu de l’arrestation sur la route 11/17.

Nuttall Road s’étend vers le nord à partir de la route 582 Sud. Il s’agit d’une route sans issue qui fait plus de 200 mètres de long. La chaussée était recouverte de neige et il y avait des bancs de neige de chaque côté de la chaussée.

Il y a deux sorties/entrées menant à la route 582 Sud depuis la route 11/17. Le deuxième lieu était la sortie/entrée située la plus à l’est de la route 11/17. La chaussée était recouverte de neige et il y avait des bancs de neige de chaque côté de la chaussée. Les bancs de neige sur le côté est de la chaussée faisaient environ 1,5 mètre de haut. Sur le côté est de la chaussée, il y avait un boisé.

Un véhicule Kia orienté en direction nord se trouvait à cet endroit. Le côté gauche (conducteur) était sur le dessus du banc de neige et le côté droit (passager) était sur la pente descendante du banc de neige.

Il y avait des traces de pas dans la neige. Les traces se dirigeaient vers l’est, dans le boisé, depuis le côté passager du véhicule.

L’arrestation avait eu lieu sur la voie de circulation en direction est de la route 11/17. Il y avait des traces de pas bien visibles qui sortaient du boisé, à environ 400 mètres à l’est de la route 582.
 

Analyses des lieux

Nuttall Road

  • Il semblait y avoir une empreinte de véhicule perpendiculaire à la chaussée dans le banc de neige.
  • Deux marqueurs de preuve de la Police provinciale dénotaient les endroits où des douilles de calibre .223 avaient été retrouvées. L’un des marqueurs se trouvait sur la chaussée, au nord du véhicule qui était en travers de la chaussée afin de barrer le chemin. L’autre était dans le banc de neige situé sur le côté est, au nord du barrage.
  • Les deux éléments de preuve avaient été recueillis par des agents spécialistes des sciences judiciaires de la Police provinciale.
  • Le banc de neige sur le côté ouest semblait avoir été récemment frappé autour du barrage routier. Un véhicule semblait avoir récemment roulé dans le banc de neige sur le côté ouest pour contourner le barrage routier.
  • Des photos des lieux et des marqueurs ont été prises.

Route 582 Sud, au sud de la route 11/17

  • Sur le côté ouest de la chaussée, il y avait une zone avec des affiches dénotant les endroits où des éléments de preuve avaient été retrouvés. Chaque affiche indiquait un endroit où la Police provinciale avait trouvé et recueilli une douille de cartouche .223.
  • Sur le banc de neige situé sur le côté est, il y avait un véhicule recouvert d’une bâche. Il s’agissait d’une Kia Magentis SX noire.
  • Le véhicule était orienté vers le nord. Le côté gauche (conducteur) était sur le dessus du banc de neige et le côté droit (passager) était sur la pente descendante du banc de neige.
  • Les traces de pneus situées au sud du véhicule indiquaient que celui-ci roulait en direction nord sur la route 582 lorsqu’il est monté sur le banc de neige sur le côté est et a continué jusqu’au sommet du banc de neige avant de s’immobiliser.
  • Il y avait des traces de pas dans la neige. Elles se dirigeaient vers l’est, dans le boisé, depuis le côté passager du véhicule.
  • Sur le côté est de la chaussée, juste au sud de l’endroit où le véhicule avait quitté la chaussée, il y avait un conteneur de tapis clouté ouvert. Le tapis clouté en avait été retiré, mais n’avait pas été mis en place. Tous les clous étaient encore protégés par des embouts de caoutchouc.
  • Dans cette zone, il y avait également un pylône sur la chaussée et de nombreux embouts de caoutchouc sur la chaussée.
  • Un agent de la Police provinciale aurait repéré une douille de calibre .40 dans la neige entre le côté passager du véhicule Kia et les traces de pas se dirigeant vers le boisé, à l’est.
  • Des photos des lieux ont été prises.

Lieu de l’arrestation sur la route 11/17

  • L’arrestation a eu lieu sur la voie de circulation en direction est de la route 11/17. Il y avait des traces de pas sortant du boisé en direction du nord, à environ 400 mètres à l’est de la route 582. Il y avait un marqueur sur la route (emplacement d’un téléphone cellulaire) et un marqueur sur l’accotement du côté sud (emplacement d’un pistolet). Des photos des lieux ont été prises.

Figure 1 – Kia in the east side snowbank of Highway 582 South
Photo no 1 — Kia enlisée dans le banc de neige sur le côté est de la route 582 Sud

Éléments de preuve matériels

Véhicules impliqués

Véhicule de la Police provinciale no 1
  • Dodge Charger quatre portes bleu foncé.
  • Il s’agissait d’un véhicule de police banalisé arborant des graphiques et des feux conçus par la Police provinciale. Le véhicule était doté de sièges baquets à l’avant.
  • Une bosse a été repérée dans le métal extérieur de la porte passager avant, au dessus de la poignée de porte. De plus, la fenêtre avant du côté passager était fissurée, mais il n’y avait pas de dommages pénétrants.
  • Il y avait des dommages visibles à l’intérieur de la porte avant droite, à 13 centimètres en haut de l’accoudoir et à 8,5 centimètres en avant du pied milieu.
  • Le panneau intérieur de la porte a été retiré et on a constaté que le cadre métallique de la porte affichait des dommages.
  • Il y avait trois fragments de balle dans le bas de la porte.
Véhicule de la Police provinciale no 2
  • Ford Taurus quatre portes noire et blanche.
  • Il s’agissait d’un véhicule de police identifié arborant des graphiques conçus par la Police provinciale.
  • Ce véhicule affichait des dommages de collision récents au coin arrière droit du véhicule.
Kia Magentis SX noire quatre portes
  • Les vitres du véhicule étaient fortement teintées.
  • La roue arrière droite du véhicule avait été endommagée lorsque le véhicule avait été retiré du banc de neige.
  • La lunette arrière sur le côté gauche était brisée et il y avait des marques correspondant à des coups portés par une matraque ASP.
  • La vitre de la porte passager arrière et celle de la glace de custode étaient brisées; les marques sur le cadre concordaient avec des coups portés avec une matraque ASP.
  • En tout, 17 marques de dommage ont été recensées sur l’aile avant et la porte du conducteur.
  • L’aile affichait trois marques de dommage.
  • La porte du conducteur comportait 14 marques de dommage, y compris une à la base du rétroviseur extérieur.
  • Quatre marques de dommage ont été constatées au niveau du montant de toit avant et du cadre supérieur de la porte du conducteur.
  • Une marque de dommage a été constatée sur le pare-brise avant, sur le côté inférieur droit.
  • De nombreuses marques de dommage ont été constatées sur le toit ouvrant et la garniture de toit du véhicule.
  • La vitre de la portière du conducteur était baissée.
  • La vitre de la portière du passager avant était baissée.
  • L’avant du véhicule affichait des dommages récents.
  • Il y avait des marques d’éraflures et des dommages récents sur l’aile avant droite.
  • Il y avait des éraflures et des dommages récents sur le côté droit du véhicule.
  • Le levier de vitesse du véhicule était sur « D ».
  • Un projectile a été retrouvé sur le plancher, entre le siège avant et la porte.
Un examen détaillé de la trajectoire du véhicule a été réalisé. Il semble que toutes les marques de dommage recensées sur le côté conducteur du véhicule et dans la garniture de toit du côté conducteur correspondaient avec l’emplacement final du véhicule, soit sur le dessus du banc de neige, dans une position où le côté conducteur était plus haut que le côté passager.


Figure 2 – Bullet holes in the driver’s side door of the Kia
Photo no 2 — Trous de balles dans la portière latérale avant de la Kia

Armes à feu

Pistolet Glock 22 Gen de calibre .40
  • Le pistolet était recouvert de saletés provenant de la chaussée.
  • Le chargeur pouvait contenir 15 cartouches et semblait avoir été modifié (unpinned).
  • Le chargeur contenait trois cartouches Federal 40 S&W à pointe creuse.
  • La boîte de pièces à conviction contenait une cartouche à pointe creuse Federal 40 S&W qui avait été retrouvée dans la culasse.
  • L’amorce de la cartouche retrouvée dans la culasse semblait comporter une indentation.
  • Les numéros de série du Glock semblaient avoir été effacés.

Figure 3 - The Glock 22
Photo no 3 — Le Glock 22


Les trois fusils utilisés par les agents de la Police provinciale lors de cet incident ont été examinés. Voici ce qui en est ressorti.

Carabine C-8 — AI no 2
  • Colt 5.56 et bretelle attachée.
  • Deux chargeurs et une cartouche .223 dans la culasse — marque de culot « FC60 ».
  • Chargeur 1 — deux cartouches.
  • Chargeur 2 — 28 cartouches [2].

Figure 4 – SO #2’s C8 Rifle
Photo no 4 — Carabine C8 de l’AI no 2



Carabine C-8 — AI no 1
  • Colt 5.56 et bretelle attachée.
  • Deux chargeurs, aucune cartouche dans la culasse.
  • Chargeur 1 — 25 cartouches — marque de culot « FC60 ».
  • Chargeur 2 — 28 cartouches.

Figure 5 – SO #1’s C8 Rifle
Photo no 5 — Carabine C8 de l’AI no 1

Carabine C-8 — TC no 2 (agent des Premières Nations)
  • Colt 5.56 et bretelle attachée.
  • Deux chargeurs avec une cartouche dans la culasse — marque de culot « FC223 REM ».
  • Chargeur 1 — vide.
  • Chargeur 2 — 28 cartouches.

Figure 6 – CW #2’s C8 Rifle
Photo no 6 — Carabine C8 du TC no 2

Éléments de preuves médico-légaux

Le 13 avril 2022, l’UES a soumis les douilles trouvées sur Nuttall Road et sur la route 582 au Centre des sciences judiciaires (CSJ) à des fins d’analyse. Les trois carabines C-8 ont également été soumises à des fins d’analyse.

Au moment de la rédaction du présent rapport, l’UES n’avait pas encore reçu les rapports du CSJ.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]

Enregistrements d’appels téléphoniques de la Police provinciale

Entre 12 h 39 et 12 h 45, la Police provinciale de l’Ontario a répondu à un appel du Service de police de Thunder Bay concernant un avis BOLO (avis de recherche) concernant un véhicule et un homme (le plaignant). Selon l’avis de recherche, le plaignant était muni d’une arme à feu et avait été impliqué dans une fusillade. Il avait quitté la région 15 à 20 minutes plus tôt au volant d’une berline noire de marque Kia et se dirigeait vers Toronto. La victime, un homme, avait reçu une balle dans le bras, mais était conscient. La police essayait d’obtenir de plus amples renseignements.

Enregistrements du système de répartition de la Police provinciale

La Police provinciale a diffusé l’avis de recherche aux unités de Thunder Bay et de Nipigon.

Enregistrements de communications radio de la Police provinciale

Les unités de la Police provinciale essayaient de déterminer quel serait le meilleur endroit pour établir un barrage routier. Le sergent chargé de la surveillance, l’AT no 1, allait s’installer juste à l’ouest de Davis Road, car l’inclinaison de la route allait empêcher le véhicule et le conducteur de repérer la police jusqu’à la dernière minute, et un tapis clouté allait être déployé.

Un message a été diffusé indiquant qu’il ne devait pas y avoir de poursuite policière si le suspect repérait la police et tentait de s’enfuir.

On a ensuite diffusé sur les ondes radio que le véhicule du suspect était toujours sur la route 11/17 et s’était arrêté devant le tapis clouté. Un agent a indiqué que le suspect avait fait demi-tour et se dirigeait en direction de Thunder Bay.

Un sergent a confirmé que personne ne poursuivait le véhicule, que le suspect avait quitté le secteur et se dirigeait vers l’ouest, en direction de Thunder Bay, et que la police le suivait à une distance sécuritaire, à 85 km/h. Une femme était sortie de la voiture et se trouvait maintenant avec l’AT no 2.

Un agent a diffusé sur les ondes radio que le suspect s’était engagé sur une route sans issue, soit Nuttall Road, près de la route 582. Un agent était en train de mettre en place un tapis clouté à l’entrée de Nuttall Road.

L’AT no 1 a signalé que des coups de feu avaient été tirés — le suspect avait tiré sur l’agent à une reprise et se dirigeait maintenant vers l’AI no 1.
Un agent a signalé que l’entrée était complètement bloquée au niveau des routes 582 et 11/17. Un agent a indiqué que d’autres coups de feu avaient été tirés. Le véhicule avait fait une sortie de route, l’agent ne savait pas si le suspect avait subi des blessures et a demandé qu’une ambulance soit dépêchée.

Dans un message radio, un agent a indiqué que le véhicule était complètement enlisé et ne pouvait plus sortir et qu’avant de s’enliser, il se dirigeait directement vers les agents.

Un agent a signalé que le suspect se déplaçait à pied dans le boisé, sur le côté est de la route 582.

L’AT no 3 a ensuite indiqué sur les ondes radio qu’il avait son arme pointée sur le suspect et que ce dernier était au sol à l’intersection de Sawmill Bay Road et de Hurkett Loop Road. Le suspect a été arrêté et une arme a été saisie.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants auprès de la Police provinciale entre le 11 mars 2022 et le 6 avril 2022 :
  • Rapport sur les détails de l’incident
  • Registres internes relatifs à la formation — AI no 2
  • Notes — AT no 6
  • Résumé de la Couronne
  • Détails et rapports sur l’incident
  • Registres internes relatifs à la formation — AI no 1
  • Données du système de localisation GPS (deux véhicules)
  • Registres internes relatifs à la formation — TC no 2
  • Notes — AT no 2
  • Notes — AT no 4
  • Notes — AT no 1
  • Notes — AT no 3
  • Liste de divulgation à l’UES
  • Photos
  • Notes — AT no 5
  • Enregistrements de communications

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec un témoin civil et trois agents de la Police provinciale qui ont participé aux événements liés aux échanges de coups de feu, dresse le portrait suivant de l’incident. L’examen judiciaire des lieux et des éléments de preuve a également éclairé l’enquête. Comme la loi les y autorise, ni l’un ni l’autre des agents impliqués n’a choisi de participer à une entrevue avec l’UES ni d’autoriser la transmission de leurs notes.

Dans l’après-midi du 8 mars 2022, le Service de police de Thunder Bay a diffusé un avis de recherche pour un véhicule Kia qui avait quitté Thunder Bay et se dirigeait vers l’est. Le véhicule et l’un de ses occupants — le plaignant — avaient été impliqués dans une fusillade à Thunder Bay.
Les agents de la Police provinciale de la région ont reçu l’avis de recherche. L’AI no 1, l’AT no 2 et l’AT no 1 étaient en train de dîner à Red Rock lorsqu’ils ont entendu l’avis de recherche et ont décidé d’essayer d’intercepter la Kia. L’AI no 1 s’est dirigé vers l’ouest, en direction de Pearl, sur la route 11/17. Il a repéré la Kia — une Kia Magentis noire — et s’est mis à la suivre, en gardant une certaine distance, vers l’est. Pendant ce temps, l’AT no 2 et l’AT no 1 se sont rendus, dans leurs véhicules de police respectifs, dans le secteur de la route 11/17 et de Davis Road où ils ont arrêté leurs véhicules et déployé leurs tapis cloutés sur la voie de circulation en direction est de la route 11/17.

La Kia, qui était conduite par une femme, soit la TC no 1, s’est arrêtée juste avant le tapis clouté. Obtempérant aux directives de l’AT no 1, la TC no 1 a coupé le moteur, laissé tomber les clés sur la chaussée par la fenêtre ouverte de la portière du conducteur et est sortie du véhicule les mains en l’air. Une fois la TC no 1 sortie du véhicule, le plaignant, qui était assis à l’arrière de la Kia, a grimpé sur le siège du conducteur, s’est penché par la fenêtre ouverte du côté conducteur, s’est emparé des clés et a redémarré la voiture. Il a fait marche arrière, puis a avancé, fait demi-tour et pris la fuite vers l’ouest sur la route 11/17.
L’AI no 1 a suivi la Kia en direction ouest, avec l’AT no 1 derrière lui. L’AI no 1 a suivi la Kia lorsqu’elle a tourné vers le sud sur Stewart Lake Road, en direction de Hurkett, puis s’est dirigée vers l’est sur la route 582, en direction de Nuttall Road. L’AT no 1 avait continué plus à l’ouest sur la route 11/17 et avait emprunté la route 582 depuis la sortie/entrée la plus à l’ouest de la route 11/17. Il s’est dirigé vers l’est en direction de Nuttall Road, où il s’est arrêté pour rencontrer l’AI no 1 au pied de la route. Le plaignant avait tourné en direction nord sur Nuttall Road — une route sans issue.

Il a été décidé que l’AT no 1 allait se diriger vers le nord sur Nuttall Road pour essayer de localiser la Kia tandis que l’AI no 1 allait ériger un barrage routier avec son véhicule de police et un tapis clouté. À peu près à mi-chemin sur Nuttall Road — à environ 100 mètres de l’entrée — l’AI no 1 a remarqué que la Kia se dirigeait vers le sud, dans sa direction. Le plaignant pointait un pistolet par la fenêtre ouverte. Croyant que le plaignant allait lui tirer dessus au moment où leurs véhicules allaient se croiser, l’agent s’est penché vers le milieu de son véhicule. Le plaignant a tiré dans le véhicule de l’AT no 1 par la fenêtre ouverte du côté conducteur. La balle a manqué l’agent et a frappé l’intérieur de la porte passager avant. L’AT no 1 a signalé sur les ondes radio que le plaignant venait de tirer sur lui.

Le plaignant a poursuivi sa route vers le sud, sur Nuttall Road, et a donné un coup de roue à droite, dans un banc de neige, afin de contourner le barrage de l’AI no 1. Plus ou moins à ce moment-là, l’AI no 1, qui était à l’extérieur de son véhicule, a tiré deux ou trois rondes [4] avec sa carabine C-8 en direction du véhicule et du plaignant.

Le plaignant a poursuivi sa fuite vers le sud, vers l’est puis vers le nord, sur la route 582, en direction de la route 11/17. À environ 50 mètres au sud de la route 11/17, il est tombé sur un autre barrage routier se composant d’un tapis clouté et de véhicules de police, et il a de nouveau essayé de contourner le barrage en passant sur le banc de neige situé sur le côté est de la route. Cependant, cette fois-là, la Kia est restée coincée sur le haut du banc de neige. Le plaignant est sorti de la Kia, arme à la main, par le côté passager avant et s’est enfui dans le boisé sur le côté est de la route. La preuve indique qu’il a tiré au moins une fois en direction des agents qui tenaient le barrage routier, c’est-à-dire l’AI no 2 et l’agent des Premières Nations, le TC no 2. Au moment de ces événements, les deux agents ont tiré avec leurs carabines C-8 sur le véhicule et le plaignant. L’AI no 2 a tiré 25 ou 26 coups de feu [5]. L’agent des Premières Nations, le TC no 2, a tiré 27 ou 28 coups de feu [6].

La Police provinciale a érigé un périmètre de sécurité dans le secteur pour contenir le plaignant.
Environ deux heures après qu’il ait pris la fuite dans le boisé, le plaignant a émergé sur la route 11/17 et s’est rendu à un agent de la Police provinciale. Une arme à feu — un pistolet semi-automatique Glock de calibre .40 — a été retrouvée à une certaine distance de lui, sur l’accotement sud de la route. Le chargeur du Glock contenait trois cartouches, mais pouvait en contenir 15.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

25 (3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Analyse et décision du directeur

Le 8 mars 2022, la Police provinciale a contacté l’UES pour signaler que des agents de la Police provinciale avaient déchargé leurs armes à feu sur un homme — le plaignant — qui a ensuite été arrêté. L’UES a ouvert une enquête. Les agents qui ont déchargé leurs armes à feu, l’AI no 1 et l’AI no 2, ont été désignés comme les agents impliqués dans cette affaire [7]. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents ont commis une infraction criminelle en lien avec la décharge de leurs armes à feu.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle s’ils doivent recourir à la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à accomplir en vertu de la loi. En ce qui concerne l’emploi d’une force létale, le paragraphe 25(3) prévoit en outre qu’un agent n’est pas autorisé à employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’il n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger soi même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves. En me fondant sur la preuve recueillie par l’UES, je ne peux raisonnablement conclure que la décharge des carabines C-8 de l’AI no 1 et de l’AI no 2 n’était pas justifiée au regard de l’article 25.
 
Les agents exerçaient leurs fonctions de façon légitime au moment des événements en question. Ayant reçu un avis de recherche lié à la tentative d’homicide récemment perpétrée par le plaignant à Thunder Bay et à sa fuite au volant d’une Kia, les agents de la Police provinciale étaient fondés à tenter d’intercepter la Kia et d’appréhender le plaignant. Ils ont tenté de le faire à trois occasions distinctes — lors de l’arrêt initial de la Kia sur la route 11/17, dans le secteur du chemin Davis; sur Nuttall Drive; et au barrage établi sur la route 582, au sud de la route 11/17. En effet, avant même que l’AI no 1 ne décharge son arme sur Nuttall Road et que l’AI no 2 fasse de même sur la route 582, les agents avaient déjà des motifs suffisants pour arrêter le plaignant en raison du coup de feu qu’il avait tiré sur l’AT no 1.

Puisque je n’ai pas l’information nécessaire pour déterminer avec exactitude et certitude ce qui s’est passé au moment des tirs, je ne peux raisonnablement conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a agi de façon injustifiée au sens de la loi lorsqu’ils ont déchargé leurs armes. Chacun des principaux acteurs a refusé de fournir une déclaration à l’UES — le plaignant, ainsi que l’AI no 2 et l’AI no 1. De plus, la preuve dont je dispose — dérivée des examens judiciaires des lieux de l’incident et des éléments de preuve, et des entrevues avec l’AT no 2 et l’AT no 1 — semble indiquer que les agents impliqués ont bel et bien déchargé leurs armes parce qu’ils estimaient raisonnablement que cela était nécessaire pour se protéger contre des lésions corporelles graves ou la mort. Cette preuve comprend : l’avis de recherche indiquant que le plaignant était armé d’un pistolet et qu’il avait tiré sur une personne avec ce pistolet ce jour-là; le coup de feu tiré par le plaignant sur l’AT no 1 et la diffusion de ce fait par l’AT no 1 sur les ondes radio de la police — ces deux éléments de preuve démontrent que le plaignant avait une propension à la violence mortelle aux moments en question et le fait que les agents impliqués en étaient venus à la même conclusion); la façon dont le plaignant avait conduit son véhicule de façon imprudente et dangereuse pour tenter d’échapper à la police, y compris la déclaration de l’AI no 2, que l’on peut entendre dans les enregistrements de communications fournis, selon laquelle le plaignant avait foncé droit sur lui et sur l’agent des Premières Nations, le TC no 2, au moment où ils ont déchargé leurs armes, conjugués aux éléments de preuve médico-légaux qui ont permis de conclure que la plupart, sinon la totalité, des tirs de la police ont touché la Kia à l’avant ou sur le côté conducteur du véhicule (aucun n’a touché l’arrière du véhicule) [8] — ce qui semble indiquer que les tirs étaient dirigés vers le véhicule ou son conducteur (le plaignant) afin de neutraliser la Kia en tant qu’arme; et la douille de calibre .40 trouvée près de la Kia enlisée dans le banc de neige — ce qui semble indiquer que le plaignant a tiré sur l’AI no 2 ou l’agent des Premières Nations, le TC no 2, lorsqu’ils ont tiré des coups de feu. Bien que le nombre de coups de feu tirés par l’AI no 2 — jusqu’à 26 coups de feu — soulève certaines inquiétudes, puisque je n’ai pas de contexte factuel raisonnablement fondé qui me permet de croire que les coups de feu étaient excessifs, je ne peux conclure qu’ils n’étaient pas légalement justifiés.

Pour les raisons qui précèdent, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 ont agi autrement qu’en toute légalité lorsqu’ils ont déchargé leurs armes en direction du plaignant. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 6 juillet 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Agent des Premières Nations [Retour au texte]
  • 2) Selon les normes de la Police provinciale, chaque chargeur doit contenir 28 cartouches pour éviter d’endommager le ressort. [Retour au texte]
  • 3) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 4) La carabine C-8 de l’AI no 1 a été examinée. Le chargeur contenait 25 cartouches. L’agent était muni de deux chargeurs de rechange, contenant chacun 28 cartouches. Il n’y avait pas de cartouche dans la culasse de l’arme. [Retour au texte]
  • 5) La carabine C-8 de l’AI no 2 a été examinée. Le chargeur contenait deux cartouches. Il y avait une cartouche dans la culasse de l’arme. L’agent était muni de deux chargeurs de rechange, contenant chacun 28 cartouches. [Retour au texte]
  • 6) La carabine C-8 de l’agent des Premières Nations, le TC no 2, a été examinée. Le chargeur ne contenait aucune cartouche. Il y avait une cartouche dans la culasse de l’arme. L’agent était muni de deux chargeurs de rechange, contenant chacun 28 cartouches. [Retour au texte]
  • 7) Un agent des Premières Nations, le TC no 2, a également déchargé son arme à plusieurs reprises au cours de l’incident visé par l’enquête. Cependant, puisque les agents des Premières Nations ne relèvent pas du mandat de l’UES, la conduite de l’agent des Premières Nations, le TC no 2, n’a pas été examinée dans le cadre de l’enquête. L’agent a refusé de coopérer avec l’enquête de l’UES, comme la loi l’y autorise. [Retour au texte]
  • 8) L’un des projectiles semble avoir frappé le rétroviseur externe du côté conducteur. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.