Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-PFD-373
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 43 ans (plaignant) qui a été tué par balles par un agent ayant fait feu sur lui le 23 décembre 2017.
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 43 ans (plaignant) qui a été tué par balles par un agent ayant fait feu sur lui le 23 décembre 2017.
L’enquête
Notification de l’UES
Le 23 décembre 2017, à 12 h 26, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES d’un décès par balles à la Police provinciale de l’Ontario, détachement de Morrisburg était impliqué. Selon la Police provinciale, les coups de feu ont été tirés vers 12 h. Un homme venait d’entrer au détachement de Morrisburg pour signer le registre lorsqu’il s’est engagé dans une bagarre avec un des agents et il a été tué par des balles tirées par l’agent en question.Ce sont les seuls renseignements qui ont été fournis sur l’incident à ce stade.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5 Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3
Quatre enquêteurs et trois enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont été immédiatement dépêchés sur les lieux. Le 23 décembre 2017, les conditions météorologiques étaient très mauvaises. Il y a eu des chutes de neige importantes le long de la route 401, ce qui a beaucoup retardé les enquêteurs de l’UES qui se rendaient sur les lieux.
L’UES a examiné un grand nombre de documents de la Police provinciale de l’Ontario relatifs à l’incident faisant l’objet de l’enquête. L’UES a attribué la désignation d’agents témoins aux agents de la Police provinciale dont le nom figurait dans les documents pour déterminer si ces agents avaient quelque chose à voir avec l’incident survenu le 23 décembre 2017 et pour obtenir la confirmation des renseignements relatifs à l’incident survenu le 20 décembre 2017 devant la résidence du plaignant. D’après l’examen des notes des agents témoins, seuls les agents témoins susceptibles de pouvoir fournir des renseignements importants sur le décès par balles du plaignant ont été interrogés par l’UES.
Plaignant :
Homme de 43 ans, décédéTémoins civils
TC no 1 A participé à une entrevue TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue
TC no 10 A participé à une entrevue
TC no 11 A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinéesAT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 5 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 6 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 7 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 8 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 9 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 10 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 11 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 12 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 13 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 14 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 15 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 16 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 17 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 18 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 19 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 20 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 21 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 22 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 23 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 24 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 25 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 26 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 27 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 28 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 29 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
Agents impliqués
AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; a consenti à fournir un échantillon d’ADN, à la demande de l’UES Description de l’incident
Avant son décès, le plaignant devait, comme condition d’une ordonnance de sursis du tribunal, se présenter au détachement de la Police provinciale de l’Ontario à Morrisburg pour signer un registre chaque samedi. Le détachement de la Police provinciale de l’Ontario à Morrisburg avait néanmoins reçu une plainte de nature criminelle au sujet du plaignant en rapport avec un incident survenu le 20 décembre 2017, à la suite duquel il a mis au point différentes stratégies d’arrestation, mais sans succès. Il a fini par décider d’arrêter le plaignant lorsqu’il se présenterait au détachement pour signer le samedi suivant.
Le samedi 23 décembre 2017, le plaignant s’est rendu au détachement pour signer le registre, comme il en avait l’obligation. Lorsqu’il est entré dans l’immeuble du détachement, l’AI ainsi que l’AT no 6 l’ont avisé qu’il était en état d’arrestation à cause de plusieurs nouvelles accusations criminelles parce qu’il avait enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution. Le plaignant a alors commencé à s’éloigner des agents pour sortir de l’immeuble, avec les deux agents à ses trousses qui voulaient l’empêcher de partir.
Lorsque le plaignant s’est approché de la porte de sortie, l’AI lui a attrapé le bras pour le retenir et l’empêcher de sortir de l’immeuble. Comme le plaignant résistait, il s’est produit une bagarre entre les deux agents et le plaignant, et les trois sont tombés en dehors de la porte de sortie, sur la surface revêtue devant l’immeuble du détachement, où la bagarre s’est poursuivie.
Durant l’altercation, l’AI a subi une lacération à la tête, lorsqu’il s’est fait cogner la tête avec sa radio portative, et il a donné plusieurs coups au plaignant pour tenter de le maîtriser. Comme il était incapable de venir à bout de la résistance du plaignant, l’AI a déployé son arme à impulsions contre le plaignant, ce qui a toutefois semblé être sans effet sur lui, après quoi le plaignant a réussi à attraper l’arme à impulsions, ce qui a provoqué une seconde décharge.
Craignant que le plaignant n’arrive à le dominer, l’AI a dégainé son arme à feu. Voyant que le plaignant continuait de s’avancer vers lui, l’AI a tiré cinq coups de feu vers le plaignant et il a atteint sa cible chaque fois. Le plaignant est décédé des blessures subies.
La bagarre entre les deux agents et le plaignant a été enregistrée par les caméras de surveillance du détachement, et un témoin civil présent a aussi observé la bagarre et les coups de feu qui ont suivi.
Cause du décès
Le plaignant a subi cinq blessures par balle [1] :
Le plaignant avait aussi de multiples éraflures à la tête.
Le rapport d’autopsie du 26 avril 2017 conclut que le décès a résulté de trois des blessures par balle. Voici ce que dit le rapport à ce sujet.
Le rapport constate que les deux autres blessures par balle « n’avaient pas causé de blessures vasculaires importantes et n’avaient pas contribué au décès ». De même, le médecin légiste a jugé que les ecchymoses, les lacérations et les éraflures sur le corps du plaignant n’étaient pas « suffisamment graves pour avoir contribué au décès ».
Le médecin légiste a conclu que le décès était « attribuable aux blessures par balle à l’épaule droite et au côté droit du dos ».
Le samedi 23 décembre 2017, le plaignant s’est rendu au détachement pour signer le registre, comme il en avait l’obligation. Lorsqu’il est entré dans l’immeuble du détachement, l’AI ainsi que l’AT no 6 l’ont avisé qu’il était en état d’arrestation à cause de plusieurs nouvelles accusations criminelles parce qu’il avait enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution. Le plaignant a alors commencé à s’éloigner des agents pour sortir de l’immeuble, avec les deux agents à ses trousses qui voulaient l’empêcher de partir.
Lorsque le plaignant s’est approché de la porte de sortie, l’AI lui a attrapé le bras pour le retenir et l’empêcher de sortir de l’immeuble. Comme le plaignant résistait, il s’est produit une bagarre entre les deux agents et le plaignant, et les trois sont tombés en dehors de la porte de sortie, sur la surface revêtue devant l’immeuble du détachement, où la bagarre s’est poursuivie.
Durant l’altercation, l’AI a subi une lacération à la tête, lorsqu’il s’est fait cogner la tête avec sa radio portative, et il a donné plusieurs coups au plaignant pour tenter de le maîtriser. Comme il était incapable de venir à bout de la résistance du plaignant, l’AI a déployé son arme à impulsions contre le plaignant, ce qui a toutefois semblé être sans effet sur lui, après quoi le plaignant a réussi à attraper l’arme à impulsions, ce qui a provoqué une seconde décharge.
Craignant que le plaignant n’arrive à le dominer, l’AI a dégainé son arme à feu. Voyant que le plaignant continuait de s’avancer vers lui, l’AI a tiré cinq coups de feu vers le plaignant et il a atteint sa cible chaque fois. Le plaignant est décédé des blessures subies.
La bagarre entre les deux agents et le plaignant a été enregistrée par les caméras de surveillance du détachement, et un témoin civil présent a aussi observé la bagarre et les coups de feu qui ont suivi.
Cause du décès
Le plaignant a subi cinq blessures par balle [1] :- la première était sur l’avant de l’épaule droite;
- la deuxième était dans le haut du dos, du côté droit, à 2 cm du centre;
- la troisième était dans le haut du dos, du côté droit, à 5,5 cm du centre;
- la quatrième était derrière l’épaule droite;
- la cinquième était une blessure superficielle à la cuisse gauche.
Le plaignant avait aussi de multiples éraflures à la tête.
Le rapport d’autopsie du 26 avril 2017 conclut que le décès a résulté de trois des blessures par balle. Voici ce que dit le rapport à ce sujet.
Les blessures récentes identifiées comprennent cinq (5) blessures par balle. Deux balles ont pénétré le corps du défunt dans le haut du dos, du côté droit et ont perforé les deux cavités pleurales causant ainsi des blessures aux deux poumons, à l’aorte, à l’œsophage et à la trachée. L’une des balles est ressortie par le côté gauche de la poitrine, tandis que l’autre s’est enfoncée dans du tissu mou du côté gauche de la poitrine. Une autre balle a pénétré dans le corps par l’arrière de l’épaule droite et a traversé la cavité pleurale droite, causant ainsi une blessure au poumon droit, à l’artère pulmonaire, au côté droit du cœur, au diaphragme et au lobe gauche du foie. La balle s’est logée à l’intérieur de l’estomac. Ces trois blessures par balle sont ce qui a causé la mort du défunt.
Le rapport constate que les deux autres blessures par balle « n’avaient pas causé de blessures vasculaires importantes et n’avaient pas contribué au décès ». De même, le médecin légiste a jugé que les ecchymoses, les lacérations et les éraflures sur le corps du plaignant n’étaient pas « suffisamment graves pour avoir contribué au décès ».
Le médecin légiste a conclu que le décès était « attribuable aux blessures par balle à l’épaule droite et au côté droit du dos ».
Éléments de preuve
Les lieux
Le détachement de la Police provinciale de l’Ontario de Morrisburg est situé au sud de la route 401, sur le coin sud-ouest de l’intersection de County Road 2 et de County Road 31, dans le village de Morrisburg. En face de l’immeuble du détachement de la Police provinciale de l’Ontario, sur le coin nord-ouest de l’intersection, se trouve un poste d’essence MacEwen et, à l’ouest de ce poste d’essence, il y a un magasin Canadian Tire.Le détachement de Morrisburg de la Police provinciale de l’Ontario se trouve dans un immeuble municipal où il cohabite avec le poste de pompiers de Morrisburg et le tribunal régional de Morrisburg. L’entrée principale de l’immeuble donne sur la 5e Rue Ouest, du côté sud de l’immeuble, mais le stationnement étant du côté nord, l’entrée nord est celle la plus utilisée par les personnes qui arrivent à bord d’un véhicule.
Lorsqu’on traverse les portes du côté nord, l’entrée du bureau de la Police provinciale de l’Ontario est du côté droit du hall. Une fois dans le bureau de la Police provinciale, il y a un court couloir qui mène à la réception, du côté droit. Plus loin dans le bureau se trouve l’aire de travail des agents.
L’incident est survenu aux portes d’entrée du côté nord de l’immeuble municipal. À l’extérieur de ces portes, il y a une petite alcôve. Un téléphone avec une ligne directe au centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario est fixé au mur ouest de l’alcôve et une caméra de surveillance se trouve sur le mur est de l’alcôve.
Schéma des lieux
Éléments de preuve matériels
Dans l’alcôve des portes d’accès nord, les enquêteurs de l’UES ont identifié les objets ci-dessous :- cinq douilles vides;
- deux projectiles;
- une arme à impulsions TASER International® et avec son étui;
- trois cartouches ouvertes d’arme à impulsions TASER International® X2;
- étiquettes identificatrices de deux armes à impulsions TASER International® différentes;
- une radio de police portative;
- une lampe de poche;
- un défibrillateur externe automatisé.
Une ambulance des services paramédicaux de Cornwall SDG était garée devant l’alcôve; le corps du plaignant se trouvait à l’intérieur de cette ambulance à l’arrivée des enquêteurs de l’UES.
Un couteau utilisé par l’AT no 10 pour couper et enlever les vêtements du plaignant a été retrouvé sur le téléphone à l’extérieur de l’immeuble; cet objet a été remis à la Police provinciale de l’Ontario, parce que l’UES savait à quoi il avait servi.
Il était tombé beaucoup de neige entre l’incident et l’arrivée des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES, ce qui a compliqué la tâche de ces derniers. Cependant, tous les objets importants accessibles ont pu être recueillis par l’UES. Par la suite, la Police provinciale a effectué un deuxième examen des lieux et a recueilli les étiquettes identificatrices laissées sur place. Elle a également recueilli l’équipement des policiers (le défibrillateur, la radio portative de l’AI [2] et le couteau de l’AT no 10) après que les enquêteurs de l’UES ont déterminé que ces objets pouvaient être remis à la Police provinciale.
L’AT no 9 avait repris le pistolet semi-automatique Sig Sauer P229 de calibre .40 de l’AI, qui a été remis à l’UES. En outre, l’UES a recueilli les uniformes et le matériel de recours à la force portés par l’AI et l’AT no 6 et, par la suite, a téléchargé les données de décharge des armes à impulsions portées par ces deux agents de police.
Données de décharge des armes à impulsions
Les données de l’arme à impulsions de l’AI indiquaient que ce dernier avait effectué un test de fonctionnement de son arme à 6 h 29 ce matin-là, que la première cartouche avait été déchargée à 11 h 11 min 42 s avec un cycle de cinq secondes, que la deuxième cartouche avait été déchargée à 11 h 11 min 52 s avec un cycle de cinq secondes et que le dispositif était ensuite demeuré armé pendant encore 1 147 secondes de plus (19 minutes et 7 secondes).
Éléments de preuves médicolégaux
De nombreuses demandes ont été présentées aux divers services du Centre des sciences judiciaires.Des prélèvements ont été effectués sur le pistolet, l’arme à impulsions, la radio et le gilet pare-balles de l’AI ainsi que sur un couteau qui se trouvait dans une poche du gilet et ont été soumis au Centre en vue d’analyses de l’ADN.
L’UES a ensuite examiné l’arme à feu de l’AI pour trouver des empreintes digitales, mais il n’y en avait pas.
L’UES a soumis l’arme à feu de l’AI, un pistolet semi-automatique Sig Sauer P229 de calibre .40 et ses munitions supplémentaires au Centre. Elle a également soumis des projectiles récupérés sur les lieux et pendant l’autopsie ainsi que des douilles trouvées sur les lieux pour faire confirmer que ces objets provenaient de l’arme à feu de l’AI. Les vêtements extérieurs du plaignant ont aussi été remis au Centre pour qu’il effectue un examen visant à trouver des résidus de tir, qui pourraient servir à déterminer la distance entre le plaignant et l’AI au moment où ce dernier a tiré les coups de feu.
Un échantillon de sang prélevé sur le plaignant au moment de l’autopsie a également été remis au Centre en vue d’une analyse toxicologique.
Le 6 mars 2018, le Centre des sciences judiciaires a indiqué que du sang avait été trouvé dans les échantillons prélevés à l’aide d’écouvillons sur la radio de police de l’AI; les échantillons provenant de la bouche de son arme de poing ne contenaient toutefois pas de sang. Seul l’ADN du plaignant a été identifié dans le sang trouvé sur le cordon du microphone de la radio de police de l’AI, et un mélange d’ADN provenant de plus d’une personne a été identifié sur d’autres surfaces de la radio. Même s’il n’y avait pas de sang, les échantillons prélevés sur la bouche du pistolet de l’AI ont révélé la présence de trois profils d’ADN.
Le 19 mars 2018, le Centre des sciences judiciaires a fait savoir que l’analyse des échantillons prélevés sur la bouche de l’arme à feu de l’AI avait révélé la présence d’un mélange d’ADN provenant de trois personnes, dont au moins deux étaient des hommes. Selon le Centre, il s’agissait probablement de l’ADN du plaignant et de celui de deux autres personnes, selon un degré de certitude de 61 millions contre un [3].
Le 4 mai 2018, le Centre a communiqué les résultats de l’analyse de l’ADN des échantillons prélevés sur le gilet pare-balles de l’AI. Selon le rapport, des prélèvements ont été effectués sur trois taches du gilet pare-balles de l’AI, et la présence de sang a été détectée pour les trois. On a déterminé que deux de ces taches étaient composées du sang de deux hommes, dont du sang du plaignant trouvé dans au moins l’une d’elles, tandis que l’autre contenait du sang provenant d’un seul homme.
Le 21 juin 2018, le Centre a fait part des résultats de la comparaison entre l’échantillon d’ADN obtenu avec le consentement de l’AI et les profils d’ADN créés antérieurement par le Centre. Ce dernier a déterminé qu’il ne pouvait exclure la possibilité que de l’ADN de l’AI faisait partie du mélange identifié provenant de la bouche de son arme de poing; le mélange était un sextillion de fois plus susceptible d’être composé de l’ADN du plaignant, de l’AI et d’une autre personne que de celui de trois autres personnes.
Par ailleurs, le Centre a déterminé que l’AI ne pouvait être exclu comme source pour la tache de sang provenant d’une seule personne qui a été identifiée sur son gilet, ni comme l’une des sources pour les profils d’ADN identifiés sur son gilet.
Le 11 septembre 2018, le Centre a communiqué les résultats de l’analyse de l’échantillon d’ADN de l’AT no 9 obtenu avec le consentement de celle-ci. Il a indiqué qu’il était peu probable que l’ADN de l’AT no 9 fasse partie du mélange de profils élaboré à partir des échantillons prélevés sur l’arme à feu de l’AI, même si les résultats n’étaient pas suffisamment concluants pour l’exclure complètement. Cependant, le Centre a déterminé qu’il y avait 19 fois plus de chances que le mélange contienne l’ADN de trois personnes qui n’incluaient pas l’AT no 9 que l’ADN de l’AT no 9 et de deux autres personnes. L’analyste a indiqué verbalement à l’UES que, selon lui, l’AT no 9 était pratiquement exclue, même si son opinion ne pouvait être considérée comme une preuve scientifique absolue.
La troisième personne dont l’ADN faisait partie du mélange de profils associés à la bouche du pistolet de l’AI n’a pu être identifiée.
Le 4 octobre 2018, le Centre a indiqué que l’AI avait été identifié comme la source du sang et de l’ADN identifiés sur le couteau de poche Gerber qu’il avait dans son gilet de protection.
Le 22 juin 2018, le Centre des sciences judiciaires a fait connaître les résultats de l’analyse des armes à feu. Il a établi que les cinq douilles vides recueillies par l’UES provenaient toutes de l’arme de poing de l’AI. Quatre balles et un noyau de balle ont également été examinés; on a établi que trois des balles avaient été tirées à l’aide de l’arme de poing de l’AI et que la quatrième, ainsi que le noyau de balle, ne présentaient pas des caractéristiques individuelles suffisantes pour permettre de déterminer si les balles avaient été tirées ou non à l’aide de l’arme de poing de l’AI.
Le Centre a trouvé trois défauts (trous) dans le haut du bras droit de la veste du plaignant :
- le premier était situé dans la région supérieure de l’avant de l’épaule droite; aucun agent propulsif ni aucune suie n’ont été observés;
- le deuxième était situé dans la région supérieure de l’avant de l’épaule droite; aucun agent propulsif ni aucune suie n’ont été observés;
- le troisième était situé derrière le milieu du bras droit; aucun agent propulsif ni aucune suie n’ont été observés.
Le Centre a signalé que le premier et le deuxième trou pouvaient être attribuables à une seule balle ayant transpercé la veste formait des plis et que le troisième pouvait être le trou de sortie correspondant, si les trous avaient effectivement été faits par un projectile.
Les défauts ci-dessous ont également été relevés sur la veste du plaignant :
- Le quatrième défaut se trouvait dans le haut du dos, vers le centre; aucun résidu de plomb ni de cuivre n’a été détecté, mais des particules d’agent propulsif étaient présentes. Le Centre n’a toutefois pas pu déterminer si ces particules provenaient d’un coup de feu ou si elles venaient d’une autre partie de la veste.
- Le cinquième défaut était dans le haut du dos, du côté droit; aucun résidu de plomb ni de cuivre n’a été détecté, mais il y avait beaucoup de particules d’agent propulsif. Le Centre a déterminé que l’arme de poing de l’AI se trouvait à moins de 0,6 mètre de la veste du plaignant, mais qu’elle n’y touchait pas, lorsqu’elle a causé le défaut.
- Le sixième défaut se trouvait également dans le haut du dos, du côté droit; aucun résidu de plomb ni de cuivre n’a été détecté, mais des particules d’agent propulsif étaient présentes. Des particules d’agent propulsif ont été trouvées dans un défaut correspondant dans le chandail que le plaignant portait sous sa veste. Une photographie de la blessure correspondant au sixième défaut montrait des particules ressemblant à de la poudre autour de la blessure. Le Centre a déterminé que l’arme de poing de l’AI était en contact avec la veste du plaignant lorsque le défaut a été causé.
Le Centre des sciences judiciaires a identifié un septième défaut dans la partie inférieure avant gauche du chandail du plaignant, mais aucun défaut correspondant n’a été identifié dans sa veste. Selon le Centre, c’est peut-être que la veste du plaignant était ouverte au moment où les coups de feu ont été tirés.
Témoignage d’expert
Autopsie
Pendant l’autopsie, deux sondes d’une arme à impulsions ont été trouvées; l’une était coincée dans la doublure intérieure de la veste du plaignant, du côté droit de sa poitrine, et l’autre, qui n’était pas fixée, se trouvait près de la partie inférieure de la jambe gauche. Aucune sonde n’était en contact avec la peau du plaignant. On a aussi trouvé des filins d’une arme à impulsions emmêlés sur le corps du plaignant.
Un projectile de calibre .40 est tombé des vêtements du plaignant au début de l’autopsie.
Le plaignant a subi cinq blessures par balle.
La première était sur l’avant de son épaule droite. Aucune suie ni aucune trace de décoloration n’a été observée. La balle a traversé du tissu mou et est sortie à l’arrière de la partie supérieure du bras droit. Elle a suivi une trajectoire vers le bas, de l’avant vers l’arrière.
La deuxième blessure était dans le haut du dos, du côté droit, à 2 cm du centre du corps. Il n’y avait pas de suie ni de trace de décoloration. La balle a traversé le lobe supérieur du poumon gauche et une côte avant de se loger dans le côté gauche. Elle a suivi une trajectoire de l’arrière à l’avant, de droite à gauche, vers le bas.
La troisième était dans le haut du dos, du côté droit, à 5,5 cm du centre du corps. Le contour de la plaie était noirci, mais il n’y avait pas de suie ni de trace de décoloration. La balle a traversé le dos à la hauteur de la 3e côte droite et le lobe supérieur du poumon droit, a perforé l’aorte, l’œsophage et la trachée, a traversé le lobe supérieur du poumon gauche et est ressortie par le côté gauche de la poitrine. Elle a suivi une trajectoire de l’arrière à l’avant, de droite à gauche, vers le bas.
La quatrième blessure était derrière l’épaule droite. Il y avait de fines particules autour de la plaie qui ressemblaient à de la poudre non brûlée. La balle est entrée par l’omoplate droite, a traversé le lobe supérieur du poumon droit, puis a pénétré la paroi postérieure de l’atrium droit, le lobe gauche du foie et l’estomac, où elle s’est logée. Elle a suivi une trajectoire de l’arrière à l’avant, de droite à gauche, vers le bas.
La cinquième était une blessure superficielle à la cuisse gauche. Aucune suie ni aucune trace de décoloration n’a été observée. La balle a suivi une trajectoire de l’avant à l’arrière, vers le bas.
Les analyses toxicologiques ont révélé la présence de tétrahydrocannabinol (THC) et de métabolites de THC dans le sang du plaignant.
Le plaignant avait aussi de multiples éraflures à la tête.
Le rapport d’autopsie du 26 avril 2017 a conclu que le décès du plaignant était « attribuable aux blessures par balle à l’épaule droite et au côté droit du dos ».
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques
Enregistrements des caméras du détachement
Les images captées par la caméra intérieure étaient difficiles à déchiffrer à cause de l’éclairage en contre-jour, vu que l’éclairage extérieur était beaucoup plus clair que l’éclairage intérieur au moment où les coups de feu ont été tirés. Les enregistrements de cette caméra ont été envoyés aux Services techniques du ministère des Finances pour qu’ils tentent d’améliorer la qualité des images. Cependant, après avoir essayé, le ministère des Finances a signalé que les images étaient affectées par l’hyperluminosité, ce qui se produit quand les senseurs d’une caméra reçoivent une lumière d’arrière-plan excessive qui rend impossible l’amélioration des images.
Le 23 décembre 2017, à 10 h 9, les caméras de surveillance extérieures ont enregistré des images de l’AI et de l’AT no 6 qui sortaient d’une porte sécurisée près des portes de garage sécurisées, à l’ouest de l’entrée principale avec une alcôve. L’AI et l’AT no 6 sont montés à bord de voitures de police séparées et sont sortis du stationnement, après quoi on voit les deux emprunter County Road 31, en direction nord.
À 10 h 46, un véhicule CRV de Honda conduit par le TC no 4 s’est approché des portes nord de l’immeuble. Le plaignant est sorti par la porte arrière côté passager du véhicule, il s’est rendu au téléphone avec la ligne directe de la Police provinciale de l’Ontario et il a pris le combiné. À 10 h 47, le plaignant a raccroché le téléphone et est retourné sur le siège arrière côté passager du véhicule CRV de Honda, puis le véhicule est sorti du stationnement.
À 10 h 54, l’AI et l’AT no 6 sont retournés au détachement et ont stationné leur voiture de police. Ils sont ensuite entrés dans l’immeuble, en passant par la porte de garage sécurisée.
À 10 h 56, l’AI a ouvert la porte du bureau de la Police provinciale, dans le hall d’entrée de l’immeuble, et l’AI ainsi que l’AT no 6 sont arrivés dans le hall d’entrée. L’AI et l’AT no 6 avaient leur radio portative accrochée à l’avant de leur gilet pare-balles. L’AT no 6 a ouvert l’une des portes de l’immeuble du côté nord et elle est sortie avec l’AI. L’AT no 6 a inséré un stylo entre la porte et le cadre porte, pour empêcher la porte de se verrouiller derrière eux. Les deux agents ont vérifié si le plaignant se trouvait dans le stationnement. À 10 h 57, l’AI et l’AT no 6 sont rentrés dans l’immeuble municipal, et la porte s’est refermée derrière eux.
À 10 h 57, le véhicule CRV de Honda conduit par le TC no 4 est revenu dans le stationnement. Le TC no 4 a immobilisé le véhicule immédiatement à l’est des portes d’entrée principales de l’immeuble, le côté du conducteur du véhicule parallèle au mur nord. Le véhicule était à environ 20 mètres des portes principales de l’immeuble. L’AT no 6 et l’AI se tenaient dans le hall, et l’AT no 6 a semblé remarquer qu’un véhicule était entré dans le stationnement. À 10 h 58, l’AT no 6 a ouvert l’une des portes principales de l’immeuble et elle s’est tenue debout avec l’AI à la porte.
À 10 h 58, la porte arrière côté passager du CRV s’est ouverte et le plaignant est sorti. Il a contourné le véhicule par l’arrière et il s’est rendu aux portes avant de l’immeuble au pas de jogging. L’AT no 6 a salué de la main en direction du véhicule CRV.
À 10 h 58 min 44 s, le plaignant est entré dans l’immeuble, et la porte s’est refermée derrière lui.
À 10 h 58 min 51 s, le plaignant est entré dans le bureau de la Police provinciale de l’Ontario, suivi de l’AI et de l’AT no 6, et la porte du bureau de la police s’est refermée derrière lui.
À 10 h 59 min 33 s, la porte du bureau de la police s’est ouverte et le plaignant est sorti, avec l’AI et l’AT no 6 à sa suite. Le plaignant a marché en direction des portes de l’immeuble du côté nord, suivi de l’AT no 6 à sa gauche et de l’AI, à sa droite. L’AI a accéléré le pas pour rattraper le plaignant, qui était à une distance d’environ un mètre des portes de l’immeuble du côté nord, et l’AI a attrapé l’épaule gauche du plaignant avec sa main gauche, puis il a attrapé le bras droit du plaignant de sa main droite. L’AT no 6 semble avoir attrapé le biceps gauche du plaignant au même moment. Le plaignant a poussé sur la porte pour l’ouvrir et les trois personnes, qui avaient à ce stade commencé à se bagarrer, sont tombées à l’extérieur.
La main droite de l’AI était sur l’épaule droite du plaignant et retenait sa veste, tandis que sa main gauche était sur l’épaule gauche du plaignant. L’AI était derrière le plaignant et il essayait de le tirer vers l’arrière. L’AI a alors passé son bras gauche autour du haut de la poitrine du plaignant, et la main gauche de l’AI s’est retrouvée près du visage du plaignant. Pendant ce temps, l’AT no 6 attrapait les bras du plaignant. La bagarre s’est poursuivie et les trois protagonistes emmêlés les uns aux autres se déplaçaient en tournant, et l’AI semblait tirer le plaignant vers le sol.
Les événements suivants se sont alors déroulés très rapidement.
• 10 h 59 min 46 s – L’AI a retiré sa main droite et a donné un coup de poing derrière la tête du plaignant.
• 10 h 59 min 47 s – L’AI a donné deux coups de plus sur la tête du plaignant, pendant que l’AT no 6 continuait de lutter avec le plaignant.
• 10 h 59 min 48 s – Les trois sont tombés au sol, le plaignant sur le côté gauche de son corps. L’AI est tombé sur le plaignant, et l’AT no 6 était à genoux, près des épaules du plaignant.
• 10 h 59 min 57 s – L’AI a semblé donner un coup avec son coude droit sur la tête ou les épaules du plaignant.
• 11 h 0 min 1 s – Le plaignant s’est retrouvé sur le dos et a sorti sa main droite du côté droit de son corps. Il semblait tenir un objet rectangulaire (qui semblait être la radio de l’AI) dans sa main droite et il a rapidement recommencé à utiliser cette main pour continuer la bagarre.
• 11 h 0 min 4 s – L’AI a tendu la main droite vers son pistolet sur la hanche droite, mais il a finalement tendu la main vers sa hanche gauche. Il s’est par la suite redressé un peu, comme en position assise.
• 11 h 0 min 7 s – L’AI tenait quelque chose dans sa main gauche, et il a rapidement transféré l’objet à sa main droite. Il a levé la main droite plus haut que l’épaule, ce qui a permis de constater qu’il avait son arme à impulsions dans la main droite. L’AI a alors baissé son arme à impulsions vers le plaignant, tandis que l’AT no 6 continuait à lutter avec le plaignant en le tenant par les épaules.
• 11 h 0 min 10 s – La main gauche du plaignant est rapidement passée au-dessus de l’épaule droite de l’AI, mais elle a disparu du champ de la caméra lorsqu’il l’a ramenée derrière son corps.
• 11 h 0 min 11 s – Un objet, peut être l’arme à impulsions de l’AI, est apparu au-dessus de l’épaule gauche de l’AI, et les mains du plaignant étaient à proximité de l’objet. Le plaignant a fait le mouvement d’attraper l’objet avec sa main droite.
• 11 h 0 min 12 s – Une lumière blanche, provenant présumément de la lampe de poche de l’arme à impulsions de l’AI, était émise à côté des trois protagonistes toujours en lutte (du côté droit du plaignant).
• 11 h 0 min 13 s – L’AT no 6 s’est levée et s’est éloignée des deux hommes. Elle a sorti quelque chose (qui semblait être un filin d’arme à impulsions) de sa manche. Entretemps, le plaignant avait roulé sur le ventre, et l’AI était toujours sur ses hanches, et la lumière de l’arme à impulsions était réfléchie par la neige à côté du plaignant.
• 11 h 0 min 16 s – L’AT no 6 a reculé en direction du plaignant, après quoi elle a attrapé son arme à impulsions. Au même moment, à 11 h 0 min 18 s, le plaignant a sorti sa main droite de la mêlée et il semblait tenir l’arme à impulsions de l’AI dans cette main. Un autre objet (la radio de l’AI avec son étui) est tombé à côté des trois protagonistes.
• 11 h 0 min 19 s – L’AI s’est relevé à côté du plaignant, qui a alors roulé sur sa hanche gauche. L’AI et l’AT no 6 se sont retrouvés près du mur est de l’alcôve, et le plaignant s’est retourné sur le dos et les fesses et il tenait l’arme à impulsions de l’AI dans sa main droite. Il semblait tenir l’arme par le dessus, ce qui n’est pas la bonne manière de tenir ce type d’arme, qui est semblable à un pistolet. L’AI a pris son pistolet lorsque le plaignant a pointé l’arme à impulsions vers lui. L’AI a continué à reculer vers le mur est de l’alcôve, tandis que le plaignant continuait à se lever pour s’asseoir et s’éloigner de l’AI.
• 11 h 0 min 21 s – Le pistolet de l’AI était clairement visible dans sa main droite, et le plaignant, qui était alors assis, a attrapé le pistolet de l’AI de sa main gauche, tout en continuant de tenir l’arme à impulsions dans sa main droite. L’AI a réussi à tirer sur l’arme à feu pour l’enlever de la main du plaignant.
• Les trois personnes se sont alors déplacées pour se retrouver sous la caméra extérieure de l’alcôve, hors du champ de cette caméra.
• 11 h 0 min 22 s – On voit la main droite du plaignant qui tient toujours l’arme à impulsions et qui l’agite dans le coin inférieur de l’image de la caméra extérieure. Au même moment, on aperçoit un petit objet ressemblant à une douille de cartouche vide qui rebondit sur le dessus de la neige, sous le téléphone du mur ouest. D’après l’enregistrement de la caméra intérieure, dont l’image est brouillée à cause de l’éclairage à contre-jour, il semble que la main du plaignant était tout près du pistolet de l’AI à ce stade. L’AI et le plaignant sont tombés au sol et ont lutté près du mur est.
• 11 h 0 min 23 s – Une balle a percuté le passage menant aux portes de l’immeuble et a ricoché, frappant le mur sous le téléphone extérieur. On voit la brique éclater en petits fragments sous le téléphone.
• 11 h 0 min 25 s – L’AT no 6 était au milieu de l’alcôve et tenait son arme à impulsions des deux mains, face au mur est.
• 11 h 0 min 26 s – La caméra intérieure montre l’AI au sol en contact avec le plaignant. L’AI a le bras droit levé et plié en direction du plaignant. Sur les images de la caméra à l’extérieur de l’alcôve, on voit un petit objet qui rebondit sur le sol (visible par-dessus l’épaule de l’AT no 6 sur l’image).
• 11 h 0 min 27 s – Comme l’AI commençait à se relever, un autre petit objet a rebondi sur le sol (encore une fois visible par-dessus l’épaule de l’AT no 6).
• 11 h 0 min 28 s – L’AI s’est mis debout et a reculé vers le stationnement.
• 11 h 0 min 29 s – L’enregistrement de la caméra intérieure montre l’AI en train de glisser et de tomber. Au même moment, la caméra extérieure a capté l’image d’un objet projeté dans les airs jusqu’aux portes avant de l’immeuble et tombant à environ 1 mètre devant les portes principales (remarque : une douille a par la suite été retrouvée à cet endroit). L’AI et l’AT no 6 se sont ensuite dirigés vers le stationnement.
Le véhicule CRV de Honda conduit par le TC no 4 n’a pas bougé pendant toute la durée de l’incident. À 11 h 0 min 54 s, le TC no 4 a ouvert la porte du conducteur et est sorti. Il s’est tenu immobile près du véhicule un bref instant, puis il a commencé à s’approcher des portes avant de l’immeuble. Il a semblé demander l’autorisation d’avancer, puis il a levé la main comme pour indiquer qu’il avait compris qu’il devait demeurer à distance. Le TC no 4 a ensuite marché en suivant le tracé d’un arc en direction sud-est pour se diriger vers le devant de l’immeuble.
À 11 h 1 min 41 s, l’AT no 6 et l’AI se sont approchés du plaignant et l’AT no 6 s’est mise à genoux à ses côtés. Au même moment, le TC no 4 est retourné au véhicule CRV de Honda et y est monté.
À 11 h 2 min 29 s, l’AT no 6 a commencé à pratiquer des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire sur le plaignant.
À 11 h 3 min 22 s, le TC no 4 a roulé en direction ouest dans le stationnement et a quitté le secteur.
À 11 h 5 min 0 s, une voiture Elantra de Hyundai conduite par le TC no 9 roulait en direction ouest dans le stationnement.
À 11 h 7 min, les AT nos 5 et 10 sont arrivés et ont pris en charge les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire. L’AT no 6 a sorti un défibrillateur externe automatisé de la voiture de police de l’AT no 5 et l’a installé sur le plaignant. À au moins trois reprises avant l’arrivée des ambulanciers, les agents ayant participé aux manœuvres de réanimation se sont éloignés un instant du plaignant, probablement pendant que le défibrillateur analysait le rythme cardiaque.
L’AT no 9 est arrivé sur les lieux à 11 h 12 min et les ambulanciers étaient là à 11 h 18. Le plaignant a été placé sur un brancard à 11 h 19 et il a été transporté en ambulance.
Enregistrements de communications
Enregistrement du 23 décembre 2017
L’AT no 4 a dit par radio à l’AI : « Fais attention avec lui. Il peut perdre la tête assez vite. » L’AI lui a répondu : « 10-4 ».
Un peu de temps s’est écoulé et d’autres agents de la Police provinciale de l’Ontario ont demandé où en étaient l’AI et l’AT no 6. L’AI a répondu qu’il était au détachement, mais que le plaignant n’y était pas. L’AT no 6 a demandé au centre de communication de vérifier une plaque d’immatriculation, qui était en fait celle d’un véhicule de la Police provinciale. L’AT no 6 a accusé réception de l’information et a signalé que le plaignant venait d’arriver au détachement.
La transmission suivante relative à la situation a été un signal sonore d’urgence transmis par l’AT no 6 (qui signifiait que l’agent avait appuyé sur le bouton d’urgence de sa radio), et le répartiteur a indiqué qu’il y avait eu un 10-78 (une alarme de demande d’assistance). Une deuxième tonalité d’urgence a ensuite été entendue. Plusieurs agents de la Police provinciale de l’Ontario ont mentionné qu’ils étaient en route vers le détachement de Morrisburg.
L’AT no 6 a ensuite demandé une ambulance, en indiquant que des coups de feu avaient été tirés et qu’un homme avait était atteint. L’AT no 6 a bientôt signalé qu’il y avait un homme sans signes vitaux et qu’ils entreprenaient des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire.
Le centre de communication a demandé par la suite si les agents avaient le défibrillateur du détachement et un agent a répondu qu’ils étaient en train de le brancher. L’AT no 10 a signalé que le défibrillateur était débranché, mais que les « chocs électriques » devaient être évités et que les manœuvres de réanimation se poursuivaient. L’AT no 10 a répété deux fois de plus que les « chocs électriques » étaient déconseillés.
Éléments obtenus auprès du Service de police
L’UES a demandé à la Police provinciale de l’Ontario les documents suivants,qu’elle a obtenus et examinés :- le carnet de notes des AT nos 1 à 29;
- les registres de signature pour la sortie d’une arme à impulsions;
- l’ordonnance de sursis du plaignant;
- le paquet pour la signature du plaignant;
- une copie du registre de signature de la Police provinciale;
- le registre de contrôle des lieux du crime;
- le courriel d’avis de la Police provinciale destiné à ses agents (21 décembre 2017);
- les rapports de chronologie des événements pour les 20 et 23 décembre 2017;
- les enregistrements des communications de la police;
- l’appel au 911 de la victime de l’incident qui s’est produit le 20 décembre 2017;
- les communications de la Police provinciale transmises aux tribunaux par télécopieur au sujet des accusations (pour l’incident du 20 décembre 2017) portées contre le plaignant;
- le dossier de la Couronne établi par la Police provinciale – R. c. le plaignant;
- le rapport d’incident général;
- les renseignements de la Police provinciale sur le plaignant;
- la demande d’information de la Police provinciale au ministère des Transports concernant un conducteur;
- la déclaration faite à la Police provinciale par la représentante commerciale qui aurait été agressée par le plaignant le 20 décembre 2017;
- la déclaration du TC no 3 consignée par la Police provinciale;
- les rapports de profil (dossiers de divers services de police) concernant le plaignant;
- les profils individuels et les rapports d’incident du système de gestion des dossiers de la Police provinciale concernant le plaignant;
- une copie des images captées par les caméras de surveillance de l’immeuble municipal qui abrite le détachement de la Police provinciale;
- des photographies de la scène de crime;
- des photographies des blessures de l’AI;
- des photographies aériennes;
- une copie des images captées par les caméras de surveillance de la Police provinciale à un poste d’essence situé à proximité;
- les registres de formation sur le recours à la force pour l’AI et l’AT no 6;
- les enregistrements des communications de la police.
L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :
- le rapport d’autopsie du 26 avril 2018;
- les résultats préliminaires de l’autopsie du 27 décembre 2017;
- le rapport d’analyse d’ADN du Centre des sciences judiciaires du 6 mars 2018;
- le rapport d’analyse d’ADN du Centre des sciences judiciaires du 19 mars 2018;
- le rapport d’analyse d’ADN du Centre des sciences judiciaires du 4 mai 2018;
- le rapport d’analyse d’ADN du Centre des sciences judiciaires du 21 juin 2018;
- le rapport d’analyse d’ADN du Centre des sciences judiciaires du 11 septembre 2018;
- le rapport d’analyse d’ADN du Centre des sciences judiciaires du 4 octobre 2018;
- le rapport du ministère des Finances sur l’amélioration des images de l’enregistement vidéo;
- les rapports d’appel d’une ambulance;
- les rapports d’incident des services paramédicaux de Cornwall SDG (Stormont, Dundas et Glengarry).
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulierest, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.
Article 27 du Code criminel -- Recours à la force pour empêcher la perpétration d’une infraction
27 Toute personne est fondée à employer la force raisonnablement nécessaire :a) pour empêcher la perpétration d’une infraction :(i) d’une part, pour laquelle, si elle était commise, la personne qui la commet pourrait être arrêtée sans mandat,b) pour empêcher l’accomplissement de tout acte qui, à son avis, basé sur des motifs raisonnables, constituerait une infraction mentionnée à l’alinéa a).
(ii) d’autre part, qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne;
Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force
34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en causeg) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
L’article 222 du Code criminel : Homicide
222 (1) Commet un homicide quiconque, directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d’un être humain.
(2) L’homicide est coupable ou non coupable.
(3) L’homicide non coupable ne constitue pas une infraction.
(4) L’homicide coupable est le meurtre, l’homicide involontaire coupable ou l’infanticide.
(5) Une personne commet un homicide coupable lorsqu’elle cause la mort d’un être humain :
a) soit au moyen d’un acte illégal;b) soit par négligence criminelle;c) soit en portant cet être humain, par des menaces ou la crainte de quelque violence, ou par la supercherie, à faire quelque chose qui cause sa mort;d) soit en effrayant volontairement cet être humain, dans le cas d’un enfant ou d’une personne malade.
(6) Nonobstant les autres dispositions du présent article, une personne ne commet pas un homicide au sens de la présente loi, du seul fait qu’elle cause la mort d’un être humain en amenant, par de faux témoignages, la condamnation et la mort de cet être humain par sentence de la loi.
L’article 229 du Code criminel : Meurtre
229 L’homicide coupable est un meurtre dans l’un ou l’autre des cas suivants :
a) la personne qui cause la mort d’un être humain :
(i) ou bien a l’intention de causer sa mort,(ii) ou bien a l’intention de lui causer des lésions corporelles qu’elle sait être de nature à causer sa mort, et qu’il lui est indifférent que la mort s’ensuive ou non;
b) une personne, ayant l’intention de causer la mort d’un être humain ou ayant l’intention de lui causer des lésions corporelles qu’elle sait de nature à causer sa mort, et ne se souciant pas que la mort en résulte ou non, par accident ou erreur cause la mort d’un autre être humain, même si elle n’a pas l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles à cet être humain;
c) une personne, pour une fin illégale, fait quelque chose qu’elle sait, ou devrait savoir, de nature à causer la mort et, conséquemment, cause la mort d’un être humain, même si elle désire atteindre son but sans causer la mort ou une lésion corporelle à qui que ce soit.
Article 267 du Code criminel -- Agression armée ou infliction de lésions corporelles
267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :a) porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme
b) inflige des lésions corporelles au plaignant
Paragraphe 270(1) du Code criminel -- Voies de fait contre un agent de la paix
270 (1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :a) soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte;
b) soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher;
c) soit contre une personne, selon le cas :i. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
ii. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire
Analyse et décision du directeur
Le 23 décembre 2017, à 10 h 58 min 44 s [4], le plaignant est entré dans l’immeuble de la Police provinciale de l’Ontario, détachement de Morrisburg, au 6, 5e Rue Ouest, dans le village de Morrisburg, afin d’aller signer le registre comme il était convenu qu’il devait le faire chaque samedi, conformément aux conditions d’une ordonnance de sursis du tribunal. Deux agents de la Police provinciale de l’Ontario, soit l’AI et l’AT no 6, sont venus à sa rencontre. Peu après, une tonalité d’urgence a été transmise par l’AT no 6 à l’aide de sa radio portative, pour indiquer que les agents avaient besoin d’assistance. La tonalité d’urgence a été transmise une deuxième fois, à quelques secondes d’intervalle. Entre 11 h 0 min 23 s et 11 h 0 min 29 s, le plaignant a reçu des coups de feu, puis l’AT no 6 a envoyé un message radio pour demander une ambulance, dire que des coups de feu avaient été tirés, qu’un homme était atteint et n’avait plus de signes vitaux et que les agents avaient entrepris des manœuvres de réanimation.
À 11 h 28 min, le plaignant, un homme de 43 ans, a été déclaré mort sur les lieux. L’autopsie subséquente a révélé que le plaignant avait subi cinq blessures résultant de coups de feu tirés par l’AI et que trois de ces blessures, ayant causé des dommages vasculaires considérables, avaient entraîné sa mort.
Une enquête a immédiatement été entreprise par les enquêteurs de l’UES. Le but était de déterminer ce qui s’était passé durant les 105 secondes écoulées entre le moment où le plaignant avait pénétré dans le bureau du détachement et où des coups de feu avaient été tirés sur le plaignant et de réunir des éléments de preuve visant à établir si l’utilisation d’une force de nature à causer la mort du plaignant était justifiée d’après la loi ou si des accusations criminelles devaient être déposées contre l’agent ayant causé la mort.
Pendant l’enquête, 9 témoins civils ont été interrogés, de même que 11 agents témoins, en plus de 18 agents témoins potentiels, qui ont fourni leur carnet de notes aux enquêteurs de l’UES pour qu’ils l’examinent. L’AI a aussi accepté de participer à une entrevue et a fourni volontairement un échantillon d’ADN à l’UES pour qu’il puisse être analysé et comparé à l’ADN trouvé sur divers objets, notamment son arme à impulsions et sa radio de police, qui se trouvaient sur les lieux où les coups de feu ont été tirés sur le plaignant et qui ont été saisis par les enquêteurs. Sur les 39 témoins potentiels, y compris l’AI, il n’y en avait néanmoins que 4 qui étaient réellement présents durant les événements ayant abouti à la mort du plaignant, soit l’AT no 6, l’AI, le TC no 4, un ami de la famille du plaignant’ ainsi que le TC no 11, le père du plaignant. [5]
Heureusement, l’enquête a été grandement facilitée par l’accès aux enregistrements des caméras de surveillance ayant capté les images de l’incident à partir du moment où le plaignant est arrivé au détachement de Morrisburg jusqu’à ce qu’il soit la cible de coups de feu devant le même immeuble, moins de deux minutes après y être entré. Les enquêteurs de l’UES ont aussi utilisé les enregistrements des communications de la police, les divers rapports des analyses effectuées à partir des objets soumis au Centre des sciences judiciaires, le rapport d’autopsie et les données téléchargées des armes à impulsions qui étaient en possession de l’AI et de l’AT no 6 ce jour-là. S’il est vrai que, même si la caméra à l’extérieur de l’immeuble a permis de capter des images claires, mais que l’enregistrement ne permet de voir qu’une partie de l’interaction entre les deux agents et le plaignant, tandis que la caméra à l’intérieur de l’immeuble pointant vers l’extérieur a montré des images difficiles à déchiffrer à cause du fort éclairage du soleil, il n’en reste pas moins que, combinés aux déclarations des témoins qui ne sont pas contestées, les enregistrements des caméras ont permis de se faire une idée claire du déroulement des événements et d’arriver au résumé qui suit.
Malheureusement par contre, même s’il y avait trois personnes présentes capables de fournir des renseignements relativement détaillés sur les événements avant et pendant les coups de feu tirés sur le plaignant, ni les déclarations des deux agents, qui ont manifestement vécu des événements rapides et dynamiques de nature à créer une poussée d’adrénaline, ni celle faite par le seul témoin civil, soit le TC no 4, ne concordaient parfaitement avec ce qu’on a observé sur les enregistrements des caméras. Pour cette raison, sauf dans les cas où il n’y avait pas de contradiction, je me suis fié principalement aux éléments de preuve matériels pour me faire une opinion, puisque les déclarations des témoins ont semblé, pour une raison quelconque, quelque peu confuses et inexactes.
Au moment de son décès, le plaignant avait reçu une ordonnance de sursis qui l’obligeait à rester chez lui en tout temps, sauf certaines exceptions établies par le tribunal. Il était aussi mis en liberté sur cautionnement, ce qui l’obligeait à se présenter au détachement de Morrisburg chaque samedi entre 7 h et 19 h.
Lorsque le plaignant se rendait au détachement de Morrisburg le samedi comme il y était obligé, il devait souvent se servir du téléphone avec ligne directe à l’avant de l’immeuble pour prévenir le centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario qu’il était là [6]. Un agent était alors dépêché sur les lieux pour permettre au plaignant d’entrer et de signer le registre pour prouver qu’il s’était conformé à la condition de sa mise en liberté. Le plaignant pouvait par la suite retourner chez lui.
Le 20 décembre 2017, la Police provinciale de l’Ontario a reçu une plainte d’une civile alléguant que le plaignant était chez lui ce jour-là lorsqu’il avait observé quelqu’un sur son terrain. Une représentante d’une entreprise de vente d’aliments pour animaux de ferme qui distribuait des feuillets publicitaires dans le quartier aurait, semble-t il, aperçu du bétail sur le terrain du plaignant et aurait par conséquent déposé de la publicité dans la boîte aux lettres du plaignant. Lorsque le plaignant a vu au bout de son entrée la voiture de la représentante qu’il ne connaissait pas, il serait sorti de sa maison en courant armé d’un petit couteau pour confronter la vendeuse, qui aurait rapidement regagné sa voiture pour s’enfuir et ensuite téléphoner à la police. Elle a par la suite déclaré à la police que le plaignant l’avait menacée en lui mettant un couteau sur la gorge.
Par conséquent, la Police provinciale de l’Ontario avait d’abord l’intention d’aller arrêter le plaignant à sa réunion des alcooliques anonymes le soir même, mais une vérification du stationnement où se tenait la réunion a révélé que son véhicule n’était pas là. Après avoir évalué la situation, la police a décidé de procéder à l’arrestation lorsque le plaignant se rendrait à son détachement de Morrisburg le samedi suivant pour aller signer le registre conformément à l’ordonnance du tribunal.
Le samedi 23 décembre 2017, le TC no 4, un ami de la famille, avait accepté de conduire le plaignant avec son père au détachement de la Police provinciale de l’Ontario pour permettre au plaignant de signer. À cette date, le TC no 4 a conduit le plaignant avec son père au détachement de Morrisburg où, à 10 h 47, d’après l’horloge de la caméra de surveillance extérieure du côté nord de l’immeuble du détachement, le plaignant s’est servi du téléphone extérieur avec la ligne directe pour signaler qu’il était venu signer le registre. On lui a répondu que des agents viendraient le chercher. Le plaignant, son père et le TC no 4, sont alors partis du bureau du détachement pour faire quelques achats de Noël de dernière minute.
Il avait été convenu que, pour arrêter le plaignant par suite des nouvelles accusations et de la violation des conditions de sa mise en liberté sous caution, l’AI et l’AT no 6 demeureraient dans le secteur de Morrisburg afin d’être disponibles pour arrêter le plaignant lorsqu’il se présenterait au détachement pour signer.
À la suite de l’appel du plaignant au téléphone du détachement, l’AI et l’AT no 6 sont retournés au détachement et ont cherché le plaignant pour le mettre en état d’arrestation. Peu après, le TC no 4 a ramené le plaignant avec son père au stationnement du détachement et le plaignant est sorti du véhicule. Le plaignant a été accueilli aux portes principales de l’immeuble et a été escorté dans le bureau de la police par l’AI et l’AT no 6.
Une fois dans le bureau de la police, l’AI a avisé le plaignant qu’il allait être arrêté. Celui-ci a immédiatement rétorqué qu’il était au courant des motifs de son arrestation, mais il a nié avoir été en tort. Il a ajouté qu’il devait aller dire à son père qu’il était arrêté. Il s’est alors retourné pour sortir de l’immeuble.
Comme le plaignant parvenait à la porte extérieure de l’immeuble, croyant apparemment que le plaignant avait l’intention de s’enfuir, l’AI lui a attrapé le bras et l’épaule pour l’en empêcher. Une bagarre s’est immédiatement ensuivie entre le plaignant et les deux agents, et les trois se sont retrouvés dehors tout en continuant de lutter.
Pendant que la bagarre se poursuivait, l’AI a placé son bras gauche autour du haut du torse du plaignant, qui a mordu le bras de l’AI, ce qui a amené celui-ci à donner trois ou quatre coups de poing au plaignant pour qu’il le lâche, après quoi le plaignant est tombé au sol avec l’AI par-dessus lui. Pendant que l’AT no 6 et l’AI tentaient d’attraper les bras du plaignant, à un certain stade, l’AI a été frappé à la tête avec un objet, qui était selon lui sa propre radio de police, qui était fixée à sa veste, et le coup a causé une lacération du front. L’AI a alors pris son arme à impulsions et a déchargé une cartouche dans la poitrine du plaignant. Cela n’a toutefois pas eu l’effet souhaité, et pendant que la bagarre se poursuivait, le plaignant a réussi à s’emparer de l’arme à impulsions de l’AI.
L’AI a ensuite reculé pendant qu’il était repoussé et il a pris son arme à feu, tandis que le plaignant s’asseyait avec l’arme à impulsions dans la main droite. Le plaignant s’est ensuite penché en direction de l’AI, en tenant toujours l’arme à impulsions, et avec sa main gauche, il a attrapé l’arme à feu de l’AI. Celui-ci a réussi à lui enlever, après quoi il a déchargé son arme à feu à plusieurs reprises, ce qui a occasionné cinq blessures par balle au plaignant.
Une fois le plaignant neutralisé, l’AT no 6 et l’AI ont pratiqué des manœuvres de réanimation, jusqu’à ce que d’autres agents arrivent et prennent la relève. Un défibrillateur externe automatisé a aussi été installé sur le plaignant et, quand les ambulanciers sont arrivés, le contact a été établi avec la base hospitalière. Malgré les manœuvres de sauvetage, le plaignant a été déclaré mort peu après.
L’enregistrement des caméras de surveillance du détachement confirme le déroulement des faits, même si le rayonnement du soleil a fait en sorte que les images de la caméra intérieure sont plus floues que la normale. Des renseignements sur quelques uns des détails moins évidents viennent de la déclaration du témoin civil, soit le TC no 4, qui a été interrogé par les enquêteurs de l’UES le lendemain de l’incident, quand les événements étaient encore frais à sa mémoire et qu’il n’avait pas encore pu être influencé par d’autres personnes. [7]
Comme on l’a déjà précisé, quatre personnes étaient présentes lorsque les coups de feu ont été tirés sur le plaignant, en plus du plaignant lui-même. Le TC no 4, un ami de la famille du plaignant, était assis dans le véhicule qui avait transporté le plaignant jusqu’au détachement et il a observé jusqu’à la fin l’altercation entre les deux agents et le plaignant à partir du moment où ils se sont retrouvés en dehors du bâtiment. Le TC no 4 a d’abord été interrogé le 24 décembre 2017, le lendemain de l’incident avec le plaignant. Durant cette première entrevue, le TC no 4 a donné une version des faits qui concordait plutôt bien avec ce qui était observé sur les enregistrements des caméras, les éléments de preuve matériels et le déroulement des événements déjà exposé.
À l’entrevue du 24 décembre 2017, le TC no 4 a indiqué que l’AI et le plaignant étaient sortis du détachement une minute ou deux après que le plaignant était entré dans l’immeuble pour signer le registre, ce que confirment les enregistrements des caméras. Il a signalé que le plaignant marchait rapidement, et que les deux agents le suivaient. Il a eu l’impression que le plaignant n’aurait pas dû sortir de l’immeuble. Le TC no 4 a vu l’AI mettre sa main sur l’épaule du plaignant, vraisemblablement pour le ralentir.
Le TC no 4 a ensuite dit, pour décrire la scène qu’il a observée lorsque le plaignant et les deux agents sont sortis précipitamment par les portes du côté nord de l’immeuble du détachement, qu’« ils étaient emmêlés les uns aux autres », après quoi ils sont tombés au sol. Il a indiqué que l’interaction physique entre les deux agents et le plaignant était très intense et ressemblait à un combat de lutte.
Le TC no 4 a expliqué que le plaignant s’était retrouvé sur le sol, couché sur le ventre, avec l’AI sur lui qui tentait de l’immobiliser, tandis que l’AT no 6 était à genoux près de l’épaule du plaignant pour tenter de le maîtriser. Le TC no 4 a vu le plaignant repousser l’AT no 6 de son bras droit en l’atteignant au visage, à la poitrine ou au haut du tronc à plusieurs reprises, ce qui a fait en sorte que celle-ci a glissé vers l’arrière sur le sol couvert de neige. Chaque fois, l’AT no 6 est rapidement revenue à la charge pour, selon l’impression du TC no 4, essayer d’attraper les bras du plaignant ou lui passer les menottes.
Le TC no 4 a déclaré que le plaignant avait ensuite tenté de se mettre debout pour échapper aux agents, après quoi l’AI lui avait donné deux ou trois coups entre les omoplates avec le dessous du poing.
Le plaignant a alors roulé sur le côté gauche et a alors échappé à l’AI. Le TC no 4 a ensuite dit avoir entrevu une sorte de lumière ou un objet brillant à proximité de la poitrine du plaignant. À mon avis, il faisait référence au premier déploiement de l’arme à impulsions, après lequel le plaignant s’est tourné sur le côté gauche, tandis que l’AI demeurait sur la taille ou les hanches du plaignant. Encore une fois, tout ce qu’a dit le TC no 4 correspond bien à ce qu’ont montré les enregistrements des caméras de surveillance.
De plus, les données de l’arme à impulsions confirment que l’AI a déployé la première cartouche à 11 h 11 min 42 s pour un cycle de cinq secondes et que la deuxième cartouche a été déployée à 11 h 11 min 52 s, pour un deuxième cycle de cinq secondes. Malheureusement, l’horloge des données de l’arme à impulsions n’étant pas synchronisée avec celle des caméras de surveillance et des enregistrements des communications, ces deux dernières semblant toutefois concorder entre elles, nous savons néanmoins quel est le délai écoulé entre les deux décharges, c’est à-dire dix secondes. Même si l’heure ne concorde pas, on voit que dix secondes après le moment où il semble que l’AI décharge son arme à impulsions, celle-ci n’est plus en sa possession, mais entre les mains du plaignant lorsque la deuxième décharge se produit.
C’est ce qu’a confirmé l’autopsie, durant laquelle on a trouvé deux sondes sur le corps du plaignant, la première coincée dans la doublure intérieure de sa veste, du côté droit de la poitrine, et l’autre vers le bas de sa jambe, qui n’était pas fixée. Aucune des deux sondes n’était en contact avec la peau du plaignant, ce qui expliquerait présumément que le déploiement ait semblé sans effet sur le plaignant. De plus, le filin était emmêlé sur le corps du plaignant.
L’inspection des lieux a permis de trouver l’arme elle-même tombée dans la neige, avec des filins y étant toujours accrochés, et elle a été récupérée et mise en lieu sûr par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES [8].
Les enregistrements des caméras révèlent aussi que, quelques secondes plus tard, l’AT no 6 s’était relevée rapidement et avait arraché une sonde et un filin d’arme à impulsions qui se trouvaient dans sa manche, ce qui, dans les circonstances, semble plausible puisqu’il semblerait que c’est le plaignant qui a déployé la deuxième cartouche de l’arme à impulsions, après s’en être emparé.
Le TC no 4 a indiqué que l’AI avait ensuite semblé commencer à maîtriser le plaignant et qu’il avait tendu la main droite vers l’arrière, vraisemblablement pour prendre des menottes, lorsqu’un coup de feu s’était fait entendre. Il a ajouté que le plaignant était étendu sur le sol, sur son coude gauche, et était en train de se lever lorsque le coup de feu avait été tiré, tandis que l’AI était toujours au sol, le dos tourné au TC no 4, et l’AT no 6 à droite du plaignant. Le TC no 4 a dit très clairement au début de sa déclaration qu’il n’avait pu distinguer sur le moment qui avait fait feu, car il ne voyait pas d’arme et que les trois personnes étaient emmêlées sur le sol. [L’enregistrement de la caméra extérieure établit qu’il est impossible qu’il ait entendu un coup de feu à ce stade et j’en conclus qu’il s’est trompé, puisque les images montrent qu’aucun coup n’a été tiré pendant le début de la bagarre quand les trois personnes étaient au sol.]
Au bout d’une ou deux secondes après avoir entendu [ce qui lui a semblé être] le premier coup de feu, le TC no 4 a vu le plaignant sortir péniblement de dessous l’AI pour commencer à se lever, ce qui a fait perdre l’équilibre à l’AI, qui était alors toujours par terre, sur un genou. Alors que le plaignant et l’AI étaient à moitié debout, le TC no 4 a entendu un deuxième coup de feu.
L’AI et le plaignant ont continué à lutter, et le TC no 4 a vu l’AI qui tentait de maîtriser le plaignant, tandis que l’AT no 6 était à une distance d’environ 1,75 m, mais se rapprochait du plaignant.
Quatre secondes après le deuxième coup de feu, le TC no 4 a dit avoir entendu un son qui lui a semblé être un troisième coup de feu, mais il n’en était pas certain. Il a dit que le plaignant et l’AI étaient encore près l’un de l’autre, sans espace entre eux, au moment où le présumé troisième coup de feu a retenti. Durant l’entrevue avec les enquêteurs de l’UES, le TC no 4 a réitéré qu’il n’avait pas vu d’arme et que les mouvements des trois parties ne donnaient pas l’impression que l’une d’elle avait fait feu.
Le TC no 4 a poursuivi en disant que le plaignant et l’AI, qui continuaient de se bagarrer, avaient traversé l’alcôve pour se retrouver sur le mur du côté est, en dehors du poste de police, et que c’était là que l’AT no 6 s’était mêlé à l’alteraction avec son arme à impulsions à la main. Le TC no 4 aurait aussi vu le microphone de la radio de l’AI qui pendait à ses genoux.
Avec son bras droit, le plaignant aurait alors poussé l’AI contre le mur de brique du côté est, et celui-ci aurait perdu l’équilibre et serait tombé au moins sur les genoux, le dos contre le mur. On voit clairement la scène sur l’enregistrement de la caméra de surveillance, ce qui confirme l’exactitude de la version des faits donnée au départ par le TC no 4. Celui-ci a ensuite indiqué qu’il avait eu l’impression d’entendre un quatrième coup de feu et que le plaignant et l’AI étaient encore très près l’un de l’autre au point de se toucher. Encore une fois, le TC no 4 n’a pas vu d’arme.
Le TC no 4 a ensuite vu l’AT no 6 se diriger vers les portes de l’immeuble et tourner vers la gauche en visant le plaignant avec son arme à impulsions, et elle serait demeurée dans la même position pendant la majeure partie du reste de l’altercation avec le plaignant. Cela ressort aussi clairement de la vidéo et confirme la version initiale des faits donnée par le TC no 4.
Par la suite, le TC no 4 a vu le plaignant s’éloigner des portes de l’immeuble de 3 à 3,5 mètres, où il est tombé sur les genoux, devant l’AI. Le TC no 4 a précisé qu’il n’avait pas l’impression que le plaignant se rendait. À ce stade, le TC no 4 a entendu un cinquième coup de feu, après quoi le plaignant s’est étalé de tout son long sur le sol. Le TC no 4 a indiqué qu’au moment du dernier coup de feu, l’AI se trouvait à la droite de l’épaule droite du plaignant, entre le mur de brique et le plaignant, et à une distance d’au plus un demi-mètre à un mètre ou directement en contact avec le plaignant. Le TC no 4 ne se rappelait pas si l’AI était debout ou par terre avec le plaignant vraisemblablement contre les jambes de l’AI, et le cinquième coup de feu a été tiré au même moment ou juste après.
Le TC no 4 a mentionné que l’AI avait alors tendu le bras droit avec son pistolet à la main et avait tiré trois autres coups de feu. Il a précisé que l’arme à feu de l’AI était assez près du plaignant, mais sans lui toucher à ce stade, et il a répété que l’AI n’était peut être pas debout puisque, comme l’a signalé le TC no 4, le pistolet n’était pas pointé droit devant vers le bas, mais en position diagonale par rapport au plaignant et vers le bas. Le TC no 4 a ajouté qu’il croyait que le plaignant et l’AI étaient toujours en contact physiquement, mais qu’ils n’étaient plus emmêlés l’un à l’autre et qu’ils n’étaient pas en train de lutter.
Le TC no 4 a indiqué que le plaignant avait été touché par les trois derniers coups de feu, car il a vu la veste du plaignant s’agiter à chaque coup de feu, car il a été atteint vers le milieu du dos. Il a précisé que les coups de feu avaient été tirés vis-à-vis de l’épaule droite du plaignant, en diagonale vers sa hanche gauche, atteignant celui-ci à gauche de sa colonne vertébrale, près de la hanche gauche [9]; il a souligné que les trois coups de feu avaient été très rapprochés et qu’il s’était écoulé entre chacun une seconde à une seconde et demie, avec une pause légèrement plus longue entre le premier coup de feu et les deux suivants.
Le TC no 4 a dit avoir entendu six à huit coups de feu au total, mais n’avoir vraiment vu que les trois derniers, qui ont été tirés par l’AI. Lors de l’entrevue initiale du TC no 4 avec les enquêteurs de l’UES, il a observé que, durant toute l’altercation, y compris les moments où il a entendu les six à huit coups de feu, le plaignant et l’AI se bagarraient continuellement et ils étaient toujours en contact physiquement ou presque. Il a ajouté que le plaignant n’avait pas eu l’air de vouloir obtempérer à aucun moment.
La version initiale des événements relatée par le TC no 4 un jour après les coups de feu concorde avec les images captées par les caméras, avec l’emplacement des blessures décrites dans le rapport d’autopsie et avec les preuves matérielles trouvées sur les lieux, sauf qu’il n’y a eu en fait que cinq coups de feu de tirés au total et non pas six à huit, comme le croyait le TC no 4. On ne sait trop si le TC no 4 a pu confondre les deux décharges de l’arme à impulsions avec des coups de feu ou s’il s’est simplement trompé dans le nombre de coups de feu, compte tenu qu’il s’agissait manifestement d’un événement très traumatisant et tragique qui s’était déroulé très rapidement. [10]
Le TC no 4 a indiqué qu’après l’incident, il avait dit à l’AI qu’il avait vu l’AT no 6 avec une arme à impulsions à la main, ce à quoi l’AI a répondu : « J’ai tiré un coup vers sa poitrine », et le TC no 4 a cru comprendre que l’AI voulait dire qu’il avait déchargé son arme à impulsions sur la poitrine du plaignant.
Le TC no 4 a signalé que l’AI était silencieux après les coups de feu et il a observé qu’il avait une coupure au-dessus de l’œil gauche et que du sang coulait de son nez. Il avait aussi une blessure à l’avant-bras gauche, qui ressemblait à une morsure, et sa main droite semblait assez enflée. L’AI avait, semble-t il, de la boue ou de la terre sur le genou droit et du sang sur la jambe gauche de son pantalon, jusqu’à sa botte.
Cette déclaration concorde avec les photos des blessures de l’AI et avec les observations faites par les ambulanciers et les agents témoins sur les lieux, qui ont dit que l’AI avait une coupure qui lui traversait le front et du sang sur la tête, en plus d’une marque de morsure sur l’avant-bras gauche, et notamment avec la déclaration de l’AT no 6, qui a dit que l’AI avait l’air en état de choc après les coups de feu.
Tout de suite après les coups de feu tirés sur le plaignant, le TC no 4 aurait dit que le tempérament du plaignant avait fini par lui être fatal et qu’il n’était pas étonné de ce qui s’était passé, vu la façon dont le plaignant était et le fait qu’il avait vu une arme à feu et s’était dit qu’un agent de police avait reçu une balle.
Le 16 janvier 2018, le TC no 4 a fait une autre déclaration aux enquêteurs de l’UES, dans laquelle on lui a demandé de faire la démonstration de certains agissements du plaignant et des deux agents de police qu’il avait observés et décrits dans l’entrevue précédente. À cette occasion, soit moins de trois semaines après les coups de feu, la version des faits donnée par le TC no 4 était essentiellement semblable à sa déclaration précédente.
Le 13 mars 2018, cependant, le TC no 4 a fait parvenir à l’enquêteur principal de l’UES un courriel dans lequel il donnait une version des faits très différente, qui contredisait ses deux précédentes déclarations. Dans cette dernière version, malgré ce qu’il avait dit auparavant, le TC no 4 a déclaré que l’AI avait pratiquement « exécuté » le plaignant. Il a alors indiqué que l’AI était tout à fait debout et sans contact physique avec le plaignant lorsqu’il a tiré dans le dos du plaignant à trois reprises. Non seulement cette version ne concorde pas avec les déclarations précédentes du TC no 4, mais elles contredisent les enregistrements des caméras de surveillance et elles sont en complète contradiction avec les éléments de preuve matériels, en particulier le parcours des balles décrit dans le rapport d’autopsie. Puisque la déclaration du TC no 4 faite peu après l’incident pendant que les faits étaient encore frais à sa mémoire et avant que rien ni personne ne puisse l’influencer est confirmée par les éléments de preuve matériels et concorde avec les images captées par les caméras et que la dernière version des faits est en contradiction avec les enregistrements des caméras, l’emplacement des blessures du plaignant et la trajectoire déterminée à l’autopsie, je conclus que la première version des faits donnée par le TC no 4 était la bonne et je rejette la déclaration faite par courriel le 13 mars, soit deux mois et demi après les événements.
L’AI et l’AT no 6 étaient malheureusement incapables de se souvenir avec exactitude du déroulement des événements ou de la façon dont ils se sont produits. Je ne leur ai nullement prêté l’intention d’obscurcir les faits en raison de leur incapacité de se rappeler les événements avec exactitude. J’estime plutôt que cela est attribuable au fait qu’il s’est écoulé en tout au plus 105 secondes entre le moment où le plaignant est entré dans les locaux du détachement et celui où le dernier coup de feu a été tiré, le temps qu’ont duré les coups de feu ayant été beaucoup plus court, soit au plus quelques secondes [11], et au fait que les deux agents, parce qu’ils ont manifestement vécu des événements très violents, rapides et effrayants de nature à créer une poussée d’adrénaline et qu’ils ont dit avoir eu peur pour leur propre vie et celle l’autre, étaient probablement en état de choc et traumatisés à la suite de l’incident et ne pouvaient malheureusement pas se rappeler avec exactitude tous les détails.
J’estime que c’est exactement ce qui s’est produit parce que des détails que le l’AI a omis dans la déclaration qu’il a faite aux enquêteurs de l’UES étaient des faits qui étayaient sa décision de tirer. Je constate notamment que l’AI n’a aucunement mentionné dans sa déclaration que le plaignant avait essayé de s’emparer de l’arme à feu de l’AI juste avant que ce dernier tire le premier coup de feu sur le plaignant, ce qu’on voit sur l’enregistrement de vidéosurveillance et qui appuie tout à fait la position de l’AI selon laquelle il sentait que sa vie était en danger et qu’il devait immédiatement agir en conséquence.
De plus, même si l’AI n’a pas fourni tous les détails durant son entrevue avec l’UES, je constate que dans les déclarations qu’il a faites à un ambulancier, soit le TC no 5, tout de suite après l’incident alors que les événements étaient encore frais à sa mémoire, l’AI a été en mesure de faire un compte rendu complet de ce qui s’était passé. Dans les déclarations en question, l’AI a indiqué que le plaignant était venu au détachement de la Police provinciale pour signer le registre et que, à ce moment, il devait être arrêté pour une accusation récente. L’AI a expliqué que, lorsque l’AT no 6 et lui avaient informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation, ce dernier s’était retourné et avait commencé à s’éloigner pour sortir du détachement, et c’est à ce moment que l’AI l’a suivi et l’a arrêté à la porte et que le plaignant a commencé à se bagarrer avec les deux agents.
L’AI a ajouté que le plaignant a réussi à saisir la radio de l’AI, qu’il l’a frappé au-dessus de l’œil, causant ainsi une lacération [12], et qu’il a ensuite réussi à attraper l’arme à impulsions de l’AI. Les deux agents de police et le plaignant ont alors reçu un choc lorsque l’arme à impulsions s’est déployée parce qu’ils étaient tous impliqués dans une bagarre à ce moment-là. L’AI a indiqué aux ambulanciers que le plaignant l’avait mordu au bras, après quoi l’AI avait frappé le plaignant pour l’obliger à arrêter et que celui-ci avait saisi un couteau que l’AI avait dans son gilet de protection et avait essayé de s’en emparer. L’AI a ajouté que pendant la bagarre, il avait tiré trois coups de feu.
Un deuxième ambulancier, le TC no 6, s’est rappelé que l’AI avait mentionné que le plaignant avait saisi la radio de l’AI, son arme à impulsions, son arme à feu et un couteau qui se trouvait dans la partie avant de son gilet. Le TC no 6 s’est aussi rappelé que l’AI avait indiqué que, lorsqu’il essayait d’empêcher le plaignant de prendre le couteau, ce dernier s’était emparé de l’arme à impulsions et avait réussi à la déployer, après quoi il avait essayé de nouveau de saisir l’arme à feu de l’AI. Selon celui-ci, en essayant d’empêcher le plaignant de prendre son arme à feu, il a été frappé à la tête avec ce qu’il croyait être sa radio et il a tiré un coup de feu.
Je signale que, même si l’AI a omis des détails très pertinents et importants dans sa déclaration à l’UES, notamment le fait que le plaignant a essayé à deux reprises de s’emparer de son arme à feu, plusieurs témoins ont entendu l’AI décrire ces faits tout de suite après les coups de feu. Je ne peux que présumer que, soit à cause du choc subi ou du temps écoulé, l’AI avait oublié certains de ces détails au cours des sept mois qui se sont écoulés entre l’incident et son entrevue [13]. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de certains éléments de la déclaration de l’AI faite aux enquêteurs qui n’étaient pas fiables et j’ai plutôt choisi de m’en remettre aux détails fournis par l’AI immédiatement après les coups de feu, alors que les souvenirs étaient frais et non influencés par le passage du temps ou autre chose.
Compte tenu de ces preuves très probantes, je conviens que : l’AI a poursuivi le plaignant qui essayait de quitter le détachement de la police après avoir été mis en état d’arrestation par les deux agents de police, que l’AI avait des motifs raisonnables d’appréhender le plaignant pour agression armée et profération de menaces, qu’une fois que l’AI a attrapé le plaignant pour le retenir et l’empêcher de partir, le plaignant a d’abord agressé l’AI avec la radio de police et l’a ensuite mordu à l’avant-bras, que l’AI a d’abord eu recours à sa force physique pour tenter de maîtriser le plaignant en lui donnant plusieurs coups, ce qui a semblé n’avoir aucun effet, et que, lorsque le plaignant a continué de se battre avec l’AI, ce dernier a déployé son arme à impulsions, ce qui s’est avéré inefficace puisque le plaignant a continué d’attaquer l’AI, que le plaignant avait l’arme à impulsions de l’AI dans sa main et voulait saisir l’arme à feu de l’AI tandis que celui-ci, ayant le dos au mur après y avoir été poussé, était incapable de reculer pour s’éloigner du plaignant ou le maîtriser et que, tandis que le plaignant continuait de se battre avec l’AI, en essayant de s’emparer de son arme et en refusant de mettre fin à la bagarre ou de laisser tomber l’arme à impulsions, l’AI a tiré des coups de feu, atteignant le plaignant et causant son décès.
Avant de rendre ma décision, je souhaite parler du rapport d’autopsie dans lequel le médecin légiste a indiqué que les trois balles tirées à l’aide de l’arme à feu de l’AI, qui ont causé des blessures mortelles, sont entrées par le dos du plaignant. Même si, à première vue, cela peut soulever des questions quant à la justification des coups tirés sur le plaignant, il ne fait aucun doute, d’après les preuves vidéo, que le plaignant et l’AI se bagarraient au moment où l’AI a tiré les coups de feu et que les actions et la position du plaignant ont laissé peu de choix à l’AI.
Qui plus est, il est clair que, lorsque le plaignant essayait de s’emparer des armes de l’AI [14] et se trouvait alors très proche de lui et lui touchait presque, l’AI n’avait pas vraiment eu d’autre choix que de tirer des coups de feu en passant son bras par-dessus le dos du plaignant. S’il avait tenté d’insérer son arme à feu entre lui et le plaignant, il y aurait eu de fortes chances qu’il se tire dessus ou que le plaignant lui enlève son arme à feu. D’après ces preuves, qui sont étayées par les enregistrements de vidéosurveillance, il semble qu’il y ait eu peu de temps et d’espace entre l’AI et le plaignant pendant la bagarre et l’attaque subie par l’AI pour que ce dernier soit en mesure de tirer des coups de feu sur le devant du corps du plaignant alors que celui-ci l’attaquait activement [15].
Le droit applicable et l’analyse
La question qu’il reste à trancher est de savoir si, selon les faits qui m’ont été présentés, l’utilisation par l’AI d’une force de nature à avoir causé la mort du plaignant était justifiée, ou si les coups de feu que l’AI a tirés sur le plaignant constituent une utilisation excessive de la force dans les circonstances et fournissent un motif raisonnable de porter des accusations criminelles contre l’AI pour avoir causé la mort du plaignant.
Conformément au paragraphe 25 (1) du Code criminel du Canada, s’il a des motifs raisonnables, un agent a le droit d’employer la force nécessaire dans l’exécution de ses fonctions légitimes. De plus, le paragraphe 3 dit ceci :
C’est donc dire que pour que l’agent soit protégé contre des poursuites intentées en vertu de l’article 25, il doit être établi que celui-ci exécutait ses fonctions légitimes, qu’il avait des motifs raisonnables d’agir comme il l’a fait et qu’il n’a pas employé plus de force qu’il était nécessaire. En outre, conformément au paragraphe (3), comme un décès a été causé, il doit également être établi que l’AI a tiré avec son arme à feu parce qu’il avait des motifs raisonnables de croire que cela était nécessaire pour se protéger lui-même ou pour protéger d’autres personnes contre la mort ou des lésions corporelles graves.
Examinons d’abord la légalité de la tentative d’appréhension du plaignant. Il est évident, d’après l’appel fait au 911 le 20 décembre au sujet de l’incident qui venait de survenir, qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait agressé la partie en question au moyen d’un couteau et qu’il était donc raisonnable de penser que celui-ci avait commis les infractions de profération de menaces et d’agression armée, ce qui va à l’encontre des articles 264.1 et 266 du Code criminel respectivement. Par conséquent, je suis convaincu que la poursuite et la tentative d’arrestation du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.
Conformément aux autres conditions figurant aux paragraphes 25 (1) et 25 (3), je garde à l’esprit l’état du droit tel qu’il est présenté dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :
La Cour décrit comme suit le critère requis en vertu de l’article 25 :
La décision que le juge Power de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendue dans l’affaire Chartier c. Greaves, telle qu’elle a été ratifiée par la Cour suprême du Canada ci-dessus, établit les autres dispositions pertinentes du Code criminel qui doivent être prises en considération, soit les suivantes.
En outre, la Cour établit un certain nombre de principes juridiques glanés dans la jurisprudence citée, dont les suivants : [Traduction]
En me basant sur les principes du droit précités, je dois établir :
Pour ce qui est du premier des critères, la déclaration de l’AI établit qu’il craignait d’être tué ou de subir des blessures graves au moment où il a fait feu. Il se basait sur le fait que les deux coups de poing qu’il avait donnés au plaignant et le déploiement subséquent de l’arme à impulsions avaient été sans effet sur celui-ci et ne l’avaient pas amené à arrêter de lutter et ne l’avaient nullement gêné, que le plaignant l’avait déjà attaqué en le mordant à l’avant-bras et en le frappant à la tête avec sa propre radio, ce qui avait causé une lacération, que le plaignant lui avait arraché son arme à impulsions et l’avait à la main et, enfin, que si le plaignant avait réussi à déployer l’arme à impulsions contre l’AI, il était fort possible que le plaignant neutralise l’AI et ait accès à son arme à feu ou puisse accéder à ses autres armes, ce qui risquait d’entraîner une escalade de la violence et de rendre la situation beaucoup plus dangereuse et fort probablement mortelle. Sachant aussi que le plaignant avait des antécédents de violence et de comportement imprévisible, qu’il avait par le passé menacé un agent avec une machette, qu’il était identifié par le Centre d'information de la police canadienne comme une personne violente, qu’il s’approchait maintenant de l’AI et essayait d’attraper ses armes, qu’il refusait d’arrêter ou de laisser tomber l’arme à impulsions et que le déploiement précédent d’arme à impulsions avait été sans effet, l’AI avait l’impression d’être dans une situation où la seule façon d’empêcher efficacement le plaignant de l’attaquer lui-même était de se servir de son arme à feu.
Compte tenu de tous les renseignements que possédait l’AI lorsqu’il a fait feu sur le plaignant et l’a tué, j’estime qu’il avait subjectivement des motifs raisonnables de craindre que le plaignant mette sa propre vie ou celle de quelqu’un d’autre en péril et que, d’après les agissements du plaignant qu’il avait observés ainsi que l’information qu’il avait sur ses antécédents, il est raisonnable de croire que l’AI ait pu penser que non seulement lui, mais aussi l’AT no 6 couraient des risques imminents d’être grièvement blessés ou même tués par le plaignant. De plus, si le plaignant avait réussi à accéder aux autres armes de l’AI, notamment à son arme à feu, il aurait mis d’autres membres de la collectivité en danger.
Pour évaluer le caractère raisonnable des agissements de l’AI et déterminer s’il a envisagé d’autres utilisations de la force ayant moins de risques de causer la mort avant de se servir de son arme à feu, si on se base sur la déclaration du TC no 4 et de l’AT no 6, sur les enregistrements des caméras de surveillance, sur les éléments de preuve trouvés sur les lieux et sur les données téléchargées de l’arme à impulsions, il ressort clairement que l’AI avait déjà eu recours à la force physique et à la seule autre arme non mortelle à laquelle il avait accès (soit son arme à impulsions), qui ont toutes les deux été sans effet [16], et que l’usage de son arme à feu n’était plus que sa seule option viable. Par conséquent, je juge que, vu qu’il n’a eu que quelques secondes pour réfléchir après avoir déployé son arme à impulsions et que le plaignant avançait rapidement vers lui et continuait de l’attaquer, l’AI semble avoir pris en considération toutes les options possibles avant de faire feu.
Les dispositions législatives portant sur le bien-fondé de l’emploi de la force avec l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves établit que si une personne estime, pour des motifs raisonnables que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne contre la mort ou contre des lésions corporelles graves, l’usage d’une telle force est légitime. Après avoir longuement examiné tous les éléments de preuve dans cette affaire, je juge dans les circonstances que l’AI avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant risquait de le tuer et donc qu’il était légitime de faire feu sur le plaignant. Je considère qu’il aurait été insensé et imprudent de la part de l’AI de risquer d’être tué en attendant que le plaignant décharge l’arme à impulsions en sa possession ou lui subtilise son arme à feu, ce qui aurait engendré pour lui des risques élevés de blessures graves ou de décès. Je juge donc que ce n’est pas un risque que l’AI aurait dû prendre en présence d’un assaillant aussi violent et imprévisible.
Je conclus par conséquent dans cette affaire que les coups de feu tirés par l’AI, qui ont atteint et tué le plaignant, étaient justifiés conformément aux paragraphes 25 (1) et (3) du Code criminel et que, pour se protéger lui-même ou protéger d’autres personnes contre la mort ou contre des lésions corporelles graves infligées par le plaignant, l’AI n’a pas employé plus que la force nécessaire pour l’exécution de ses fonctions légitimes. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que la force exercée par l’AI entrait dans les limites de ce qui est légalement justifié en droit criminel, malgré le décès tragique qui est survenu, et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.
Date : 11 janvier 2019
Original signé par
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
À 11 h 28 min, le plaignant, un homme de 43 ans, a été déclaré mort sur les lieux. L’autopsie subséquente a révélé que le plaignant avait subi cinq blessures résultant de coups de feu tirés par l’AI et que trois de ces blessures, ayant causé des dommages vasculaires considérables, avaient entraîné sa mort.
Une enquête a immédiatement été entreprise par les enquêteurs de l’UES. Le but était de déterminer ce qui s’était passé durant les 105 secondes écoulées entre le moment où le plaignant avait pénétré dans le bureau du détachement et où des coups de feu avaient été tirés sur le plaignant et de réunir des éléments de preuve visant à établir si l’utilisation d’une force de nature à causer la mort du plaignant était justifiée d’après la loi ou si des accusations criminelles devaient être déposées contre l’agent ayant causé la mort.
Pendant l’enquête, 9 témoins civils ont été interrogés, de même que 11 agents témoins, en plus de 18 agents témoins potentiels, qui ont fourni leur carnet de notes aux enquêteurs de l’UES pour qu’ils l’examinent. L’AI a aussi accepté de participer à une entrevue et a fourni volontairement un échantillon d’ADN à l’UES pour qu’il puisse être analysé et comparé à l’ADN trouvé sur divers objets, notamment son arme à impulsions et sa radio de police, qui se trouvaient sur les lieux où les coups de feu ont été tirés sur le plaignant et qui ont été saisis par les enquêteurs. Sur les 39 témoins potentiels, y compris l’AI, il n’y en avait néanmoins que 4 qui étaient réellement présents durant les événements ayant abouti à la mort du plaignant, soit l’AT no 6, l’AI, le TC no 4, un ami de la famille du plaignant’ ainsi que le TC no 11, le père du plaignant. [5]
Heureusement, l’enquête a été grandement facilitée par l’accès aux enregistrements des caméras de surveillance ayant capté les images de l’incident à partir du moment où le plaignant est arrivé au détachement de Morrisburg jusqu’à ce qu’il soit la cible de coups de feu devant le même immeuble, moins de deux minutes après y être entré. Les enquêteurs de l’UES ont aussi utilisé les enregistrements des communications de la police, les divers rapports des analyses effectuées à partir des objets soumis au Centre des sciences judiciaires, le rapport d’autopsie et les données téléchargées des armes à impulsions qui étaient en possession de l’AI et de l’AT no 6 ce jour-là. S’il est vrai que, même si la caméra à l’extérieur de l’immeuble a permis de capter des images claires, mais que l’enregistrement ne permet de voir qu’une partie de l’interaction entre les deux agents et le plaignant, tandis que la caméra à l’intérieur de l’immeuble pointant vers l’extérieur a montré des images difficiles à déchiffrer à cause du fort éclairage du soleil, il n’en reste pas moins que, combinés aux déclarations des témoins qui ne sont pas contestées, les enregistrements des caméras ont permis de se faire une idée claire du déroulement des événements et d’arriver au résumé qui suit.
Malheureusement par contre, même s’il y avait trois personnes présentes capables de fournir des renseignements relativement détaillés sur les événements avant et pendant les coups de feu tirés sur le plaignant, ni les déclarations des deux agents, qui ont manifestement vécu des événements rapides et dynamiques de nature à créer une poussée d’adrénaline, ni celle faite par le seul témoin civil, soit le TC no 4, ne concordaient parfaitement avec ce qu’on a observé sur les enregistrements des caméras. Pour cette raison, sauf dans les cas où il n’y avait pas de contradiction, je me suis fié principalement aux éléments de preuve matériels pour me faire une opinion, puisque les déclarations des témoins ont semblé, pour une raison quelconque, quelque peu confuses et inexactes.
Au moment de son décès, le plaignant avait reçu une ordonnance de sursis qui l’obligeait à rester chez lui en tout temps, sauf certaines exceptions établies par le tribunal. Il était aussi mis en liberté sur cautionnement, ce qui l’obligeait à se présenter au détachement de Morrisburg chaque samedi entre 7 h et 19 h.
Lorsque le plaignant se rendait au détachement de Morrisburg le samedi comme il y était obligé, il devait souvent se servir du téléphone avec ligne directe à l’avant de l’immeuble pour prévenir le centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario qu’il était là [6]. Un agent était alors dépêché sur les lieux pour permettre au plaignant d’entrer et de signer le registre pour prouver qu’il s’était conformé à la condition de sa mise en liberté. Le plaignant pouvait par la suite retourner chez lui.
Le 20 décembre 2017, la Police provinciale de l’Ontario a reçu une plainte d’une civile alléguant que le plaignant était chez lui ce jour-là lorsqu’il avait observé quelqu’un sur son terrain. Une représentante d’une entreprise de vente d’aliments pour animaux de ferme qui distribuait des feuillets publicitaires dans le quartier aurait, semble-t il, aperçu du bétail sur le terrain du plaignant et aurait par conséquent déposé de la publicité dans la boîte aux lettres du plaignant. Lorsque le plaignant a vu au bout de son entrée la voiture de la représentante qu’il ne connaissait pas, il serait sorti de sa maison en courant armé d’un petit couteau pour confronter la vendeuse, qui aurait rapidement regagné sa voiture pour s’enfuir et ensuite téléphoner à la police. Elle a par la suite déclaré à la police que le plaignant l’avait menacée en lui mettant un couteau sur la gorge.
Par conséquent, la Police provinciale de l’Ontario avait d’abord l’intention d’aller arrêter le plaignant à sa réunion des alcooliques anonymes le soir même, mais une vérification du stationnement où se tenait la réunion a révélé que son véhicule n’était pas là. Après avoir évalué la situation, la police a décidé de procéder à l’arrestation lorsque le plaignant se rendrait à son détachement de Morrisburg le samedi suivant pour aller signer le registre conformément à l’ordonnance du tribunal.
Le samedi 23 décembre 2017, le TC no 4, un ami de la famille, avait accepté de conduire le plaignant avec son père au détachement de la Police provinciale de l’Ontario pour permettre au plaignant de signer. À cette date, le TC no 4 a conduit le plaignant avec son père au détachement de Morrisburg où, à 10 h 47, d’après l’horloge de la caméra de surveillance extérieure du côté nord de l’immeuble du détachement, le plaignant s’est servi du téléphone extérieur avec la ligne directe pour signaler qu’il était venu signer le registre. On lui a répondu que des agents viendraient le chercher. Le plaignant, son père et le TC no 4, sont alors partis du bureau du détachement pour faire quelques achats de Noël de dernière minute.
Il avait été convenu que, pour arrêter le plaignant par suite des nouvelles accusations et de la violation des conditions de sa mise en liberté sous caution, l’AI et l’AT no 6 demeureraient dans le secteur de Morrisburg afin d’être disponibles pour arrêter le plaignant lorsqu’il se présenterait au détachement pour signer.
À la suite de l’appel du plaignant au téléphone du détachement, l’AI et l’AT no 6 sont retournés au détachement et ont cherché le plaignant pour le mettre en état d’arrestation. Peu après, le TC no 4 a ramené le plaignant avec son père au stationnement du détachement et le plaignant est sorti du véhicule. Le plaignant a été accueilli aux portes principales de l’immeuble et a été escorté dans le bureau de la police par l’AI et l’AT no 6.
Une fois dans le bureau de la police, l’AI a avisé le plaignant qu’il allait être arrêté. Celui-ci a immédiatement rétorqué qu’il était au courant des motifs de son arrestation, mais il a nié avoir été en tort. Il a ajouté qu’il devait aller dire à son père qu’il était arrêté. Il s’est alors retourné pour sortir de l’immeuble.
Comme le plaignant parvenait à la porte extérieure de l’immeuble, croyant apparemment que le plaignant avait l’intention de s’enfuir, l’AI lui a attrapé le bras et l’épaule pour l’en empêcher. Une bagarre s’est immédiatement ensuivie entre le plaignant et les deux agents, et les trois se sont retrouvés dehors tout en continuant de lutter.
Pendant que la bagarre se poursuivait, l’AI a placé son bras gauche autour du haut du torse du plaignant, qui a mordu le bras de l’AI, ce qui a amené celui-ci à donner trois ou quatre coups de poing au plaignant pour qu’il le lâche, après quoi le plaignant est tombé au sol avec l’AI par-dessus lui. Pendant que l’AT no 6 et l’AI tentaient d’attraper les bras du plaignant, à un certain stade, l’AI a été frappé à la tête avec un objet, qui était selon lui sa propre radio de police, qui était fixée à sa veste, et le coup a causé une lacération du front. L’AI a alors pris son arme à impulsions et a déchargé une cartouche dans la poitrine du plaignant. Cela n’a toutefois pas eu l’effet souhaité, et pendant que la bagarre se poursuivait, le plaignant a réussi à s’emparer de l’arme à impulsions de l’AI.
L’AI a ensuite reculé pendant qu’il était repoussé et il a pris son arme à feu, tandis que le plaignant s’asseyait avec l’arme à impulsions dans la main droite. Le plaignant s’est ensuite penché en direction de l’AI, en tenant toujours l’arme à impulsions, et avec sa main gauche, il a attrapé l’arme à feu de l’AI. Celui-ci a réussi à lui enlever, après quoi il a déchargé son arme à feu à plusieurs reprises, ce qui a occasionné cinq blessures par balle au plaignant.
Une fois le plaignant neutralisé, l’AT no 6 et l’AI ont pratiqué des manœuvres de réanimation, jusqu’à ce que d’autres agents arrivent et prennent la relève. Un défibrillateur externe automatisé a aussi été installé sur le plaignant et, quand les ambulanciers sont arrivés, le contact a été établi avec la base hospitalière. Malgré les manœuvres de sauvetage, le plaignant a été déclaré mort peu après.
L’enregistrement des caméras de surveillance du détachement confirme le déroulement des faits, même si le rayonnement du soleil a fait en sorte que les images de la caméra intérieure sont plus floues que la normale. Des renseignements sur quelques uns des détails moins évidents viennent de la déclaration du témoin civil, soit le TC no 4, qui a été interrogé par les enquêteurs de l’UES le lendemain de l’incident, quand les événements étaient encore frais à sa mémoire et qu’il n’avait pas encore pu être influencé par d’autres personnes. [7]
Comme on l’a déjà précisé, quatre personnes étaient présentes lorsque les coups de feu ont été tirés sur le plaignant, en plus du plaignant lui-même. Le TC no 4, un ami de la famille du plaignant, était assis dans le véhicule qui avait transporté le plaignant jusqu’au détachement et il a observé jusqu’à la fin l’altercation entre les deux agents et le plaignant à partir du moment où ils se sont retrouvés en dehors du bâtiment. Le TC no 4 a d’abord été interrogé le 24 décembre 2017, le lendemain de l’incident avec le plaignant. Durant cette première entrevue, le TC no 4 a donné une version des faits qui concordait plutôt bien avec ce qui était observé sur les enregistrements des caméras, les éléments de preuve matériels et le déroulement des événements déjà exposé.
À l’entrevue du 24 décembre 2017, le TC no 4 a indiqué que l’AI et le plaignant étaient sortis du détachement une minute ou deux après que le plaignant était entré dans l’immeuble pour signer le registre, ce que confirment les enregistrements des caméras. Il a signalé que le plaignant marchait rapidement, et que les deux agents le suivaient. Il a eu l’impression que le plaignant n’aurait pas dû sortir de l’immeuble. Le TC no 4 a vu l’AI mettre sa main sur l’épaule du plaignant, vraisemblablement pour le ralentir.
Le TC no 4 a ensuite dit, pour décrire la scène qu’il a observée lorsque le plaignant et les deux agents sont sortis précipitamment par les portes du côté nord de l’immeuble du détachement, qu’« ils étaient emmêlés les uns aux autres », après quoi ils sont tombés au sol. Il a indiqué que l’interaction physique entre les deux agents et le plaignant était très intense et ressemblait à un combat de lutte.
Le TC no 4 a expliqué que le plaignant s’était retrouvé sur le sol, couché sur le ventre, avec l’AI sur lui qui tentait de l’immobiliser, tandis que l’AT no 6 était à genoux près de l’épaule du plaignant pour tenter de le maîtriser. Le TC no 4 a vu le plaignant repousser l’AT no 6 de son bras droit en l’atteignant au visage, à la poitrine ou au haut du tronc à plusieurs reprises, ce qui a fait en sorte que celle-ci a glissé vers l’arrière sur le sol couvert de neige. Chaque fois, l’AT no 6 est rapidement revenue à la charge pour, selon l’impression du TC no 4, essayer d’attraper les bras du plaignant ou lui passer les menottes.
Le TC no 4 a déclaré que le plaignant avait ensuite tenté de se mettre debout pour échapper aux agents, après quoi l’AI lui avait donné deux ou trois coups entre les omoplates avec le dessous du poing.
Le plaignant a alors roulé sur le côté gauche et a alors échappé à l’AI. Le TC no 4 a ensuite dit avoir entrevu une sorte de lumière ou un objet brillant à proximité de la poitrine du plaignant. À mon avis, il faisait référence au premier déploiement de l’arme à impulsions, après lequel le plaignant s’est tourné sur le côté gauche, tandis que l’AI demeurait sur la taille ou les hanches du plaignant. Encore une fois, tout ce qu’a dit le TC no 4 correspond bien à ce qu’ont montré les enregistrements des caméras de surveillance.
De plus, les données de l’arme à impulsions confirment que l’AI a déployé la première cartouche à 11 h 11 min 42 s pour un cycle de cinq secondes et que la deuxième cartouche a été déployée à 11 h 11 min 52 s, pour un deuxième cycle de cinq secondes. Malheureusement, l’horloge des données de l’arme à impulsions n’étant pas synchronisée avec celle des caméras de surveillance et des enregistrements des communications, ces deux dernières semblant toutefois concorder entre elles, nous savons néanmoins quel est le délai écoulé entre les deux décharges, c’est à-dire dix secondes. Même si l’heure ne concorde pas, on voit que dix secondes après le moment où il semble que l’AI décharge son arme à impulsions, celle-ci n’est plus en sa possession, mais entre les mains du plaignant lorsque la deuxième décharge se produit.
C’est ce qu’a confirmé l’autopsie, durant laquelle on a trouvé deux sondes sur le corps du plaignant, la première coincée dans la doublure intérieure de sa veste, du côté droit de la poitrine, et l’autre vers le bas de sa jambe, qui n’était pas fixée. Aucune des deux sondes n’était en contact avec la peau du plaignant, ce qui expliquerait présumément que le déploiement ait semblé sans effet sur le plaignant. De plus, le filin était emmêlé sur le corps du plaignant.
L’inspection des lieux a permis de trouver l’arme elle-même tombée dans la neige, avec des filins y étant toujours accrochés, et elle a été récupérée et mise en lieu sûr par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES [8].
Les enregistrements des caméras révèlent aussi que, quelques secondes plus tard, l’AT no 6 s’était relevée rapidement et avait arraché une sonde et un filin d’arme à impulsions qui se trouvaient dans sa manche, ce qui, dans les circonstances, semble plausible puisqu’il semblerait que c’est le plaignant qui a déployé la deuxième cartouche de l’arme à impulsions, après s’en être emparé.
Le TC no 4 a indiqué que l’AI avait ensuite semblé commencer à maîtriser le plaignant et qu’il avait tendu la main droite vers l’arrière, vraisemblablement pour prendre des menottes, lorsqu’un coup de feu s’était fait entendre. Il a ajouté que le plaignant était étendu sur le sol, sur son coude gauche, et était en train de se lever lorsque le coup de feu avait été tiré, tandis que l’AI était toujours au sol, le dos tourné au TC no 4, et l’AT no 6 à droite du plaignant. Le TC no 4 a dit très clairement au début de sa déclaration qu’il n’avait pu distinguer sur le moment qui avait fait feu, car il ne voyait pas d’arme et que les trois personnes étaient emmêlées sur le sol. [L’enregistrement de la caméra extérieure établit qu’il est impossible qu’il ait entendu un coup de feu à ce stade et j’en conclus qu’il s’est trompé, puisque les images montrent qu’aucun coup n’a été tiré pendant le début de la bagarre quand les trois personnes étaient au sol.]
Au bout d’une ou deux secondes après avoir entendu [ce qui lui a semblé être] le premier coup de feu, le TC no 4 a vu le plaignant sortir péniblement de dessous l’AI pour commencer à se lever, ce qui a fait perdre l’équilibre à l’AI, qui était alors toujours par terre, sur un genou. Alors que le plaignant et l’AI étaient à moitié debout, le TC no 4 a entendu un deuxième coup de feu.
L’AI et le plaignant ont continué à lutter, et le TC no 4 a vu l’AI qui tentait de maîtriser le plaignant, tandis que l’AT no 6 était à une distance d’environ 1,75 m, mais se rapprochait du plaignant.
Quatre secondes après le deuxième coup de feu, le TC no 4 a dit avoir entendu un son qui lui a semblé être un troisième coup de feu, mais il n’en était pas certain. Il a dit que le plaignant et l’AI étaient encore près l’un de l’autre, sans espace entre eux, au moment où le présumé troisième coup de feu a retenti. Durant l’entrevue avec les enquêteurs de l’UES, le TC no 4 a réitéré qu’il n’avait pas vu d’arme et que les mouvements des trois parties ne donnaient pas l’impression que l’une d’elle avait fait feu.
Le TC no 4 a poursuivi en disant que le plaignant et l’AI, qui continuaient de se bagarrer, avaient traversé l’alcôve pour se retrouver sur le mur du côté est, en dehors du poste de police, et que c’était là que l’AT no 6 s’était mêlé à l’alteraction avec son arme à impulsions à la main. Le TC no 4 aurait aussi vu le microphone de la radio de l’AI qui pendait à ses genoux.
Avec son bras droit, le plaignant aurait alors poussé l’AI contre le mur de brique du côté est, et celui-ci aurait perdu l’équilibre et serait tombé au moins sur les genoux, le dos contre le mur. On voit clairement la scène sur l’enregistrement de la caméra de surveillance, ce qui confirme l’exactitude de la version des faits donnée au départ par le TC no 4. Celui-ci a ensuite indiqué qu’il avait eu l’impression d’entendre un quatrième coup de feu et que le plaignant et l’AI étaient encore très près l’un de l’autre au point de se toucher. Encore une fois, le TC no 4 n’a pas vu d’arme.
Le TC no 4 a ensuite vu l’AT no 6 se diriger vers les portes de l’immeuble et tourner vers la gauche en visant le plaignant avec son arme à impulsions, et elle serait demeurée dans la même position pendant la majeure partie du reste de l’altercation avec le plaignant. Cela ressort aussi clairement de la vidéo et confirme la version initiale des faits donnée par le TC no 4.
Par la suite, le TC no 4 a vu le plaignant s’éloigner des portes de l’immeuble de 3 à 3,5 mètres, où il est tombé sur les genoux, devant l’AI. Le TC no 4 a précisé qu’il n’avait pas l’impression que le plaignant se rendait. À ce stade, le TC no 4 a entendu un cinquième coup de feu, après quoi le plaignant s’est étalé de tout son long sur le sol. Le TC no 4 a indiqué qu’au moment du dernier coup de feu, l’AI se trouvait à la droite de l’épaule droite du plaignant, entre le mur de brique et le plaignant, et à une distance d’au plus un demi-mètre à un mètre ou directement en contact avec le plaignant. Le TC no 4 ne se rappelait pas si l’AI était debout ou par terre avec le plaignant vraisemblablement contre les jambes de l’AI, et le cinquième coup de feu a été tiré au même moment ou juste après.
Le TC no 4 a mentionné que l’AI avait alors tendu le bras droit avec son pistolet à la main et avait tiré trois autres coups de feu. Il a précisé que l’arme à feu de l’AI était assez près du plaignant, mais sans lui toucher à ce stade, et il a répété que l’AI n’était peut être pas debout puisque, comme l’a signalé le TC no 4, le pistolet n’était pas pointé droit devant vers le bas, mais en position diagonale par rapport au plaignant et vers le bas. Le TC no 4 a ajouté qu’il croyait que le plaignant et l’AI étaient toujours en contact physiquement, mais qu’ils n’étaient plus emmêlés l’un à l’autre et qu’ils n’étaient pas en train de lutter.
Le TC no 4 a indiqué que le plaignant avait été touché par les trois derniers coups de feu, car il a vu la veste du plaignant s’agiter à chaque coup de feu, car il a été atteint vers le milieu du dos. Il a précisé que les coups de feu avaient été tirés vis-à-vis de l’épaule droite du plaignant, en diagonale vers sa hanche gauche, atteignant celui-ci à gauche de sa colonne vertébrale, près de la hanche gauche [9]; il a souligné que les trois coups de feu avaient été très rapprochés et qu’il s’était écoulé entre chacun une seconde à une seconde et demie, avec une pause légèrement plus longue entre le premier coup de feu et les deux suivants.
Le TC no 4 a dit avoir entendu six à huit coups de feu au total, mais n’avoir vraiment vu que les trois derniers, qui ont été tirés par l’AI. Lors de l’entrevue initiale du TC no 4 avec les enquêteurs de l’UES, il a observé que, durant toute l’altercation, y compris les moments où il a entendu les six à huit coups de feu, le plaignant et l’AI se bagarraient continuellement et ils étaient toujours en contact physiquement ou presque. Il a ajouté que le plaignant n’avait pas eu l’air de vouloir obtempérer à aucun moment.
La version initiale des événements relatée par le TC no 4 un jour après les coups de feu concorde avec les images captées par les caméras, avec l’emplacement des blessures décrites dans le rapport d’autopsie et avec les preuves matérielles trouvées sur les lieux, sauf qu’il n’y a eu en fait que cinq coups de feu de tirés au total et non pas six à huit, comme le croyait le TC no 4. On ne sait trop si le TC no 4 a pu confondre les deux décharges de l’arme à impulsions avec des coups de feu ou s’il s’est simplement trompé dans le nombre de coups de feu, compte tenu qu’il s’agissait manifestement d’un événement très traumatisant et tragique qui s’était déroulé très rapidement. [10]
Le TC no 4 a indiqué qu’après l’incident, il avait dit à l’AI qu’il avait vu l’AT no 6 avec une arme à impulsions à la main, ce à quoi l’AI a répondu : « J’ai tiré un coup vers sa poitrine », et le TC no 4 a cru comprendre que l’AI voulait dire qu’il avait déchargé son arme à impulsions sur la poitrine du plaignant.
Le TC no 4 a signalé que l’AI était silencieux après les coups de feu et il a observé qu’il avait une coupure au-dessus de l’œil gauche et que du sang coulait de son nez. Il avait aussi une blessure à l’avant-bras gauche, qui ressemblait à une morsure, et sa main droite semblait assez enflée. L’AI avait, semble-t il, de la boue ou de la terre sur le genou droit et du sang sur la jambe gauche de son pantalon, jusqu’à sa botte.
Cette déclaration concorde avec les photos des blessures de l’AI et avec les observations faites par les ambulanciers et les agents témoins sur les lieux, qui ont dit que l’AI avait une coupure qui lui traversait le front et du sang sur la tête, en plus d’une marque de morsure sur l’avant-bras gauche, et notamment avec la déclaration de l’AT no 6, qui a dit que l’AI avait l’air en état de choc après les coups de feu.
Tout de suite après les coups de feu tirés sur le plaignant, le TC no 4 aurait dit que le tempérament du plaignant avait fini par lui être fatal et qu’il n’était pas étonné de ce qui s’était passé, vu la façon dont le plaignant était et le fait qu’il avait vu une arme à feu et s’était dit qu’un agent de police avait reçu une balle.
Le 16 janvier 2018, le TC no 4 a fait une autre déclaration aux enquêteurs de l’UES, dans laquelle on lui a demandé de faire la démonstration de certains agissements du plaignant et des deux agents de police qu’il avait observés et décrits dans l’entrevue précédente. À cette occasion, soit moins de trois semaines après les coups de feu, la version des faits donnée par le TC no 4 était essentiellement semblable à sa déclaration précédente.
Le 13 mars 2018, cependant, le TC no 4 a fait parvenir à l’enquêteur principal de l’UES un courriel dans lequel il donnait une version des faits très différente, qui contredisait ses deux précédentes déclarations. Dans cette dernière version, malgré ce qu’il avait dit auparavant, le TC no 4 a déclaré que l’AI avait pratiquement « exécuté » le plaignant. Il a alors indiqué que l’AI était tout à fait debout et sans contact physique avec le plaignant lorsqu’il a tiré dans le dos du plaignant à trois reprises. Non seulement cette version ne concorde pas avec les déclarations précédentes du TC no 4, mais elles contredisent les enregistrements des caméras de surveillance et elles sont en complète contradiction avec les éléments de preuve matériels, en particulier le parcours des balles décrit dans le rapport d’autopsie. Puisque la déclaration du TC no 4 faite peu après l’incident pendant que les faits étaient encore frais à sa mémoire et avant que rien ni personne ne puisse l’influencer est confirmée par les éléments de preuve matériels et concorde avec les images captées par les caméras et que la dernière version des faits est en contradiction avec les enregistrements des caméras, l’emplacement des blessures du plaignant et la trajectoire déterminée à l’autopsie, je conclus que la première version des faits donnée par le TC no 4 était la bonne et je rejette la déclaration faite par courriel le 13 mars, soit deux mois et demi après les événements.
L’AI et l’AT no 6 étaient malheureusement incapables de se souvenir avec exactitude du déroulement des événements ou de la façon dont ils se sont produits. Je ne leur ai nullement prêté l’intention d’obscurcir les faits en raison de leur incapacité de se rappeler les événements avec exactitude. J’estime plutôt que cela est attribuable au fait qu’il s’est écoulé en tout au plus 105 secondes entre le moment où le plaignant est entré dans les locaux du détachement et celui où le dernier coup de feu a été tiré, le temps qu’ont duré les coups de feu ayant été beaucoup plus court, soit au plus quelques secondes [11], et au fait que les deux agents, parce qu’ils ont manifestement vécu des événements très violents, rapides et effrayants de nature à créer une poussée d’adrénaline et qu’ils ont dit avoir eu peur pour leur propre vie et celle l’autre, étaient probablement en état de choc et traumatisés à la suite de l’incident et ne pouvaient malheureusement pas se rappeler avec exactitude tous les détails.
J’estime que c’est exactement ce qui s’est produit parce que des détails que le l’AI a omis dans la déclaration qu’il a faite aux enquêteurs de l’UES étaient des faits qui étayaient sa décision de tirer. Je constate notamment que l’AI n’a aucunement mentionné dans sa déclaration que le plaignant avait essayé de s’emparer de l’arme à feu de l’AI juste avant que ce dernier tire le premier coup de feu sur le plaignant, ce qu’on voit sur l’enregistrement de vidéosurveillance et qui appuie tout à fait la position de l’AI selon laquelle il sentait que sa vie était en danger et qu’il devait immédiatement agir en conséquence.
De plus, même si l’AI n’a pas fourni tous les détails durant son entrevue avec l’UES, je constate que dans les déclarations qu’il a faites à un ambulancier, soit le TC no 5, tout de suite après l’incident alors que les événements étaient encore frais à sa mémoire, l’AI a été en mesure de faire un compte rendu complet de ce qui s’était passé. Dans les déclarations en question, l’AI a indiqué que le plaignant était venu au détachement de la Police provinciale pour signer le registre et que, à ce moment, il devait être arrêté pour une accusation récente. L’AI a expliqué que, lorsque l’AT no 6 et lui avaient informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation, ce dernier s’était retourné et avait commencé à s’éloigner pour sortir du détachement, et c’est à ce moment que l’AI l’a suivi et l’a arrêté à la porte et que le plaignant a commencé à se bagarrer avec les deux agents.
L’AI a ajouté que le plaignant a réussi à saisir la radio de l’AI, qu’il l’a frappé au-dessus de l’œil, causant ainsi une lacération [12], et qu’il a ensuite réussi à attraper l’arme à impulsions de l’AI. Les deux agents de police et le plaignant ont alors reçu un choc lorsque l’arme à impulsions s’est déployée parce qu’ils étaient tous impliqués dans une bagarre à ce moment-là. L’AI a indiqué aux ambulanciers que le plaignant l’avait mordu au bras, après quoi l’AI avait frappé le plaignant pour l’obliger à arrêter et que celui-ci avait saisi un couteau que l’AI avait dans son gilet de protection et avait essayé de s’en emparer. L’AI a ajouté que pendant la bagarre, il avait tiré trois coups de feu.
Un deuxième ambulancier, le TC no 6, s’est rappelé que l’AI avait mentionné que le plaignant avait saisi la radio de l’AI, son arme à impulsions, son arme à feu et un couteau qui se trouvait dans la partie avant de son gilet. Le TC no 6 s’est aussi rappelé que l’AI avait indiqué que, lorsqu’il essayait d’empêcher le plaignant de prendre le couteau, ce dernier s’était emparé de l’arme à impulsions et avait réussi à la déployer, après quoi il avait essayé de nouveau de saisir l’arme à feu de l’AI. Selon celui-ci, en essayant d’empêcher le plaignant de prendre son arme à feu, il a été frappé à la tête avec ce qu’il croyait être sa radio et il a tiré un coup de feu.
Je signale que, même si l’AI a omis des détails très pertinents et importants dans sa déclaration à l’UES, notamment le fait que le plaignant a essayé à deux reprises de s’emparer de son arme à feu, plusieurs témoins ont entendu l’AI décrire ces faits tout de suite après les coups de feu. Je ne peux que présumer que, soit à cause du choc subi ou du temps écoulé, l’AI avait oublié certains de ces détails au cours des sept mois qui se sont écoulés entre l’incident et son entrevue [13]. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de certains éléments de la déclaration de l’AI faite aux enquêteurs qui n’étaient pas fiables et j’ai plutôt choisi de m’en remettre aux détails fournis par l’AI immédiatement après les coups de feu, alors que les souvenirs étaient frais et non influencés par le passage du temps ou autre chose.
Compte tenu de ces preuves très probantes, je conviens que : l’AI a poursuivi le plaignant qui essayait de quitter le détachement de la police après avoir été mis en état d’arrestation par les deux agents de police, que l’AI avait des motifs raisonnables d’appréhender le plaignant pour agression armée et profération de menaces, qu’une fois que l’AI a attrapé le plaignant pour le retenir et l’empêcher de partir, le plaignant a d’abord agressé l’AI avec la radio de police et l’a ensuite mordu à l’avant-bras, que l’AI a d’abord eu recours à sa force physique pour tenter de maîtriser le plaignant en lui donnant plusieurs coups, ce qui a semblé n’avoir aucun effet, et que, lorsque le plaignant a continué de se battre avec l’AI, ce dernier a déployé son arme à impulsions, ce qui s’est avéré inefficace puisque le plaignant a continué d’attaquer l’AI, que le plaignant avait l’arme à impulsions de l’AI dans sa main et voulait saisir l’arme à feu de l’AI tandis que celui-ci, ayant le dos au mur après y avoir été poussé, était incapable de reculer pour s’éloigner du plaignant ou le maîtriser et que, tandis que le plaignant continuait de se battre avec l’AI, en essayant de s’emparer de son arme et en refusant de mettre fin à la bagarre ou de laisser tomber l’arme à impulsions, l’AI a tiré des coups de feu, atteignant le plaignant et causant son décès.
Avant de rendre ma décision, je souhaite parler du rapport d’autopsie dans lequel le médecin légiste a indiqué que les trois balles tirées à l’aide de l’arme à feu de l’AI, qui ont causé des blessures mortelles, sont entrées par le dos du plaignant. Même si, à première vue, cela peut soulever des questions quant à la justification des coups tirés sur le plaignant, il ne fait aucun doute, d’après les preuves vidéo, que le plaignant et l’AI se bagarraient au moment où l’AI a tiré les coups de feu et que les actions et la position du plaignant ont laissé peu de choix à l’AI.
Qui plus est, il est clair que, lorsque le plaignant essayait de s’emparer des armes de l’AI [14] et se trouvait alors très proche de lui et lui touchait presque, l’AI n’avait pas vraiment eu d’autre choix que de tirer des coups de feu en passant son bras par-dessus le dos du plaignant. S’il avait tenté d’insérer son arme à feu entre lui et le plaignant, il y aurait eu de fortes chances qu’il se tire dessus ou que le plaignant lui enlève son arme à feu. D’après ces preuves, qui sont étayées par les enregistrements de vidéosurveillance, il semble qu’il y ait eu peu de temps et d’espace entre l’AI et le plaignant pendant la bagarre et l’attaque subie par l’AI pour que ce dernier soit en mesure de tirer des coups de feu sur le devant du corps du plaignant alors que celui-ci l’attaquait activement [15].
Le droit applicable et l’analyse
Conformément au paragraphe 25 (1) du Code criminel du Canada, s’il a des motifs raisonnables, un agent a le droit d’employer la force nécessaire dans l’exécution de ses fonctions légitimes. De plus, le paragraphe 3 dit ceci :
(3) …une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.
C’est donc dire que pour que l’agent soit protégé contre des poursuites intentées en vertu de l’article 25, il doit être établi que celui-ci exécutait ses fonctions légitimes, qu’il avait des motifs raisonnables d’agir comme il l’a fait et qu’il n’a pas employé plus de force qu’il était nécessaire. En outre, conformément au paragraphe (3), comme un décès a été causé, il doit également être établi que l’AI a tiré avec son arme à feu parce qu’il avait des motifs raisonnables de croire que cela était nécessaire pour se protéger lui-même ou pour protéger d’autres personnes contre la mort ou des lésions corporelles graves.
Examinons d’abord la légalité de la tentative d’appréhension du plaignant. Il est évident, d’après l’appel fait au 911 le 20 décembre au sujet de l’incident qui venait de survenir, qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait agressé la partie en question au moyen d’un couteau et qu’il était donc raisonnable de penser que celui-ci avait commis les infractions de profération de menaces et d’agression armée, ce qui va à l’encontre des articles 264.1 et 266 du Code criminel respectivement. Par conséquent, je suis convaincu que la poursuite et la tentative d’arrestation du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.
Conformément aux autres conditions figurant aux paragraphes 25 (1) et 25 (3), je garde à l’esprit l’état du droit tel qu’il est présenté dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :
Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :
[Traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]
La Cour décrit comme suit le critère requis en vertu de l’article 25 :
Le paragraphe 25(1) indique essentiellement qu’un policier est fondé à utiliser la force pour effectuer une arrestation légale, pourvu qu’il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu’il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances. Mais l’examen de la question ne s’arrête pas là. Le paragraphe 25(3) précise qu’il est interdit au policier d’utiliser une trop grande force, c’est-à-dire une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou visant un tel but, à moins qu’il ne croie que cette force est nécessaire afin de le protéger ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre de telles conséquences. La croyance du policier doit rester objectivement raisonnable. Par conséquent, le recours à la force visé au par. 25(3) doit être examiné à la lumière de motifs subjectifs et objectifs (Chartier c. Greaves, [2001] O.J. No. 634 (QL) (C.S.J.), par. 59).
La décision que le juge Power de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendue dans l’affaire Chartier c. Greaves, telle qu’elle a été ratifiée par la Cour suprême du Canada ci-dessus, établit les autres dispositions pertinentes du Code criminel qui doivent être prises en considération, soit les suivantes.
27. Toute personne est fondée à employer la force raisonnablement nécessaire :
a) pour empêcher la perpétration d’une infraction :
(i) d’une part, pour laquelle, si elle était commise, la personne qui la commet pourrait être arrêtée sans mandat,(ii) d’autre part, qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne;
b) pour empêcher l’accomplissement de tout acte qui, à son avis, basé sur des motifs raisonnables, constituerait une infraction mentionnée à l’alinéa a).
[Traduction] Par conséquent, cet article autorise le recours à la force pour empêcher la perpétration de certaines infractions. « Toute personne » inclurait un agent de police. La force ne doit pas dépasser ce qui est raisonnablement nécessaire. Par conséquent, un critère objectif est requis. La Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. Scopelliti (1981), 63 C.C.C. (2d) 481, a statué que le recours à une force létale peut seulement être justifié dans des cas de légitime défense ou pour empêcher la perpétration d’un crime qui causera probablement des lésions à la fois graves et immédiates.34(1) Légitime défense contre une attaque sans provocation – Toute personne illégalement attaquée sans provocation de sa part est fondée à employer la force qui est nécessaire pour repousser l’attaque si, en ce faisant, elle n’a pas l’intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves.(2) Mesure de la justification – Quiconque est illégalement attaqué et cause la mort ou une lésion corporelle grave en repoussant l’attaque est justifié si :
a) d’une part, il la cause parce qu’il a des motifs raisonnables pour appréhender que la mort ou quelque lésion corporelle grave ne résulte de la violence avec laquelle l’attaque a en premier lieu été faite, ou avec laquelle l’assaillant poursuit son dessein;b) d’autre part, il croit, pour des motifs raisonnables, qu’il ne peut pas autrement se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves.
[Traduction] Pour invoquer la défense au titre du paragraphe (2) de l’article 34, un agent de police devrait démontrer qu’il a été attaqué illégalement et qu’il a causé la mort ou des lésions corporelles graves à l’agresseur en repoussant l’attaque. L’agent de police doit démontrer qu’il avait des motifs raisonnables de craindre de risquer de mourir ou d’être grièvement blessé et qu’il croyait, là encore pour des motifs raisonnables, qu’il ne pourrait pas autrement se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves. Là encore, l’utilisation du terme « raisonnable » nécessite l’application d’un critère objectif.
En outre, la Cour établit un certain nombre de principes juridiques glanés dans la jurisprudence citée, dont les suivants : [Traduction]
h) Quel que soit l’article du Code criminel utilisé pour évaluer les actions de la police, la Cour doit mesurer la force qui était nécessaire en tenant compte des circonstances entourant l’événement en cause.i) « Il faut tenir compte dans une certaine mesure du fait qu’un agent, dans les exigences du moment, peut mal mesurer le degré de force nécessaire pour restreindre un prisonnier. » Le même principe s’applique à l’emploi de la force pour procéder à une arrestation ou empêcher une invasion. À l’instar du conducteur d’un véhicule faisant face à une urgence soudaine, le policier « ne saurait être tenu de respecter une norme de conduite dont on aura ultérieurement déterminé, dans la quiétude d’une salle d’audience, qu’elle constituait la meilleure méthode d’intervention. » (Foster c. Pawsey) En d’autres termes, c’est une chose que d’avoir le temps, dans un procès s’étalant sur plusieurs jours, de reconstituer et d’examiner les événements survenus le soir du 14 août, mais ç’en est une autre que d’être un policier se retrouvant au milieu d’une urgence avec le devoir d’agir et très peu d’un temps précieux pour disséquer minutieusement la signification des événements ou réfléchir calmement aux décisions à prendre. » (Berntt c. Vancouver)j) Les agents de police exercent une fonction essentielle dans des circonstances parfois difficiles et souvent dangereuses. La police ne doit pas être indûment entravée dans l’exécution de cette obligation. Les policiers doivent fréquemment agir rapidement et réagir à des situations urgentes qui surviennent soudainement. Leurs actes doivent donc être considérés à la lumière des circonstances.k) « Il est à la fois déraisonnable et irréaliste d’imposer à la police l’obligation d’employer le minimum de force nécessaire susceptible de permettre d’atteindre son objectif. Si une telle obligation était imposée aux policiers, il en résulterait un danger inutile pour eux-mêmes et autrui. En pareilles situations, les policiers sont fondés à agir et exonérés de toute responsabilité s’ils n’emploient pas plus que la force qui est nécessaire en agissant sur le fondement de leur évaluation raisonnable des circonstances et des dangers dans lesquels ils se trouvent. » (Levesque c. Zanibbi et al.).
En me basant sur les principes du droit précités, je dois établir :
(1) si l’AI avait subjectivement des motifs raisonnables d’estimer que sa propre vie ou celle d’autres personnes étaient en danger ou que lui ou d’autres personnes risquaient de subir des blessures graves à cause des agissements du plaignant au moment où il a tiré avec son arme à feu;(2) si sa perception était fondée sur des motifs objectivement raisonnables ou, autrement dit, si un témoin objectif ayant les mêmes renseignements que l’AI au moment où il a tiré aurait aussi jugé sa réaction justifiée.
Pour ce qui est du premier des critères, la déclaration de l’AI établit qu’il craignait d’être tué ou de subir des blessures graves au moment où il a fait feu. Il se basait sur le fait que les deux coups de poing qu’il avait donnés au plaignant et le déploiement subséquent de l’arme à impulsions avaient été sans effet sur celui-ci et ne l’avaient pas amené à arrêter de lutter et ne l’avaient nullement gêné, que le plaignant l’avait déjà attaqué en le mordant à l’avant-bras et en le frappant à la tête avec sa propre radio, ce qui avait causé une lacération, que le plaignant lui avait arraché son arme à impulsions et l’avait à la main et, enfin, que si le plaignant avait réussi à déployer l’arme à impulsions contre l’AI, il était fort possible que le plaignant neutralise l’AI et ait accès à son arme à feu ou puisse accéder à ses autres armes, ce qui risquait d’entraîner une escalade de la violence et de rendre la situation beaucoup plus dangereuse et fort probablement mortelle. Sachant aussi que le plaignant avait des antécédents de violence et de comportement imprévisible, qu’il avait par le passé menacé un agent avec une machette, qu’il était identifié par le Centre d'information de la police canadienne comme une personne violente, qu’il s’approchait maintenant de l’AI et essayait d’attraper ses armes, qu’il refusait d’arrêter ou de laisser tomber l’arme à impulsions et que le déploiement précédent d’arme à impulsions avait été sans effet, l’AI avait l’impression d’être dans une situation où la seule façon d’empêcher efficacement le plaignant de l’attaquer lui-même était de se servir de son arme à feu.
Compte tenu de tous les renseignements que possédait l’AI lorsqu’il a fait feu sur le plaignant et l’a tué, j’estime qu’il avait subjectivement des motifs raisonnables de craindre que le plaignant mette sa propre vie ou celle de quelqu’un d’autre en péril et que, d’après les agissements du plaignant qu’il avait observés ainsi que l’information qu’il avait sur ses antécédents, il est raisonnable de croire que l’AI ait pu penser que non seulement lui, mais aussi l’AT no 6 couraient des risques imminents d’être grièvement blessés ou même tués par le plaignant. De plus, si le plaignant avait réussi à accéder aux autres armes de l’AI, notamment à son arme à feu, il aurait mis d’autres membres de la collectivité en danger.
Pour évaluer le caractère raisonnable des agissements de l’AI et déterminer s’il a envisagé d’autres utilisations de la force ayant moins de risques de causer la mort avant de se servir de son arme à feu, si on se base sur la déclaration du TC no 4 et de l’AT no 6, sur les enregistrements des caméras de surveillance, sur les éléments de preuve trouvés sur les lieux et sur les données téléchargées de l’arme à impulsions, il ressort clairement que l’AI avait déjà eu recours à la force physique et à la seule autre arme non mortelle à laquelle il avait accès (soit son arme à impulsions), qui ont toutes les deux été sans effet [16], et que l’usage de son arme à feu n’était plus que sa seule option viable. Par conséquent, je juge que, vu qu’il n’a eu que quelques secondes pour réfléchir après avoir déployé son arme à impulsions et que le plaignant avançait rapidement vers lui et continuait de l’attaquer, l’AI semble avoir pris en considération toutes les options possibles avant de faire feu.
Les dispositions législatives portant sur le bien-fondé de l’emploi de la force avec l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves établit que si une personne estime, pour des motifs raisonnables que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne contre la mort ou contre des lésions corporelles graves, l’usage d’une telle force est légitime. Après avoir longuement examiné tous les éléments de preuve dans cette affaire, je juge dans les circonstances que l’AI avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant risquait de le tuer et donc qu’il était légitime de faire feu sur le plaignant. Je considère qu’il aurait été insensé et imprudent de la part de l’AI de risquer d’être tué en attendant que le plaignant décharge l’arme à impulsions en sa possession ou lui subtilise son arme à feu, ce qui aurait engendré pour lui des risques élevés de blessures graves ou de décès. Je juge donc que ce n’est pas un risque que l’AI aurait dû prendre en présence d’un assaillant aussi violent et imprévisible.
Je conclus par conséquent dans cette affaire que les coups de feu tirés par l’AI, qui ont atteint et tué le plaignant, étaient justifiés conformément aux paragraphes 25 (1) et (3) du Code criminel et que, pour se protéger lui-même ou protéger d’autres personnes contre la mort ou contre des lésions corporelles graves infligées par le plaignant, l’AI n’a pas employé plus que la force nécessaire pour l’exécution de ses fonctions légitimes. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que la force exercée par l’AI entrait dans les limites de ce qui est légalement justifié en droit criminel, malgré le décès tragique qui est survenu, et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.
Date : 11 janvier 2019
Original signé par
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Les numéros attribués aux blessures n’est pas une indication de l’ordre dans lequel elles sont survenues. [Retour au texte]
- 2) La radio de l’AI avait d’abord été remise à la Police provinciale, mais une fois que l’UES a été informée que cet objet avait peut-être été utilisé pour frapper l’AI, on l’a repris à la Police provinciale (qui l’avait conservé comme il se doit) afin de le remettre au Centre des sciences judiciaires. [Retour au texte]
- 3) L’ADN provenait de cellules épithéliales (peau), puisque le Centre des sciences judiciaires a déterminé qu’il n’y avait pas de sang sur le pistolet de l’AI. [Retour au texte]
- 4) La date et l’heure sont celles indiquées sur les enregistrements des caméras de surveillance au détachement de la Police provinciale dont l’horloge n’est malheureusement pas synchronisée avec celle des données des armes à impulsions ni avec les enregistrements des communications, mais indique correctement le temps écoulé. L’horloge des caméras de surveillance semble avoir environ 11 minutes de retard par rapport à celle des armes à impulsions et des enregistrements des communications. [Retour au texte]
- 5) Cependant, d’après la déclaration qu’il a faite aux enquêteurs de l’UES, le père du plaignant semble ne pas avoir vu grand-chose de l’incident, et ce, même s’il était assis à côté du TC no 4 sur le siège du passager de son propre véhicule devant les locaux du détachement. Il a dit qu’il avait vu un agent donner des coups à son fils tandis qu’ils étaient par terre et que l’AT no 6 lui avait donné des coups de pied alors qu’il était encore sur le sol (ce qui n’a pas été corroboré par la caméra extérieure). En outre, il a affirmé que son fils s’était défendu contre les agents de police, après quoi il a entendu deux coups de feu. [Retour au texte]
- 6) Le détachement de la Police provinciale de Morrisburg est, comme la plupart des détachements, doté d’un téléphone extérieur qui permet à n’importe qui de communiquer immédiatement avec le centre de communication de la Police provinciale le plus près. [Retour au texte]
- 7) Dans l’heure qui a suivi les coups de feu (en attendant l’arrivée de la police au Tim Hortons), le TC no 4 a dit au TC no 11 qu’il ne savait rien de ce qui s’était passé durant l’incident, mais le TC no 4 a fait un compte rendu détaillé de l’incident aux enquêteurs de l’UES le lendemain (le 24 décembre 2017). Cependant, la troisième déclaration que le TC no 4 a faite à l’UES (envoyée par courriel à l’Unité le 13 mars 2018, soit plus de deux mois et demi après sa déclaration initiale) était très différente des deux premières versions, et le TC no 4 s’est rappelé de nouveaux détails peu après avoir soupé avec la famille du plaignant (même s’il a dit que personne n’avait influencé ses souvenirs). Malheureusement, en raison des contradictions importantes entre les versions des faits du TC no 4, je ne peux m’en remettre à ses déclarations, sauf dans les cas où elles sont corroborées par les enregistrements des caméras ou d’autres preuves. [Retour au texte]
- 8) Même si elle a été trouvée dans la neige, l’arme à impulsions est demeurée en position armée jusqu’à ce que le TC no 6 (un des ambulanciers paramédicaux) remarque qu’un filin de l’arme à impulsions était emmêlé dans les vêtements du plaignant et qu’un des agents désactive l’arme juste avant que le plaignant soit installé dans l’ambulance. (Cela concorde avec les données de décharge de l’arme à impulsions, qui ont révélé que l’arme était restée armée pendant 19 minutes et 7 secondes après son dernier déploiement.) [Retour au texte]
- 9) Cette description concorde avec la trajectoire des balles ayant causé les trois blessures mortelles décrites dans le rapport d’autopsie et même l’explique. [Retour au texte]
- 10) Il se peut également qu’il ait entendu l’écho d’un ou de plusieurs coups de feu. [Retour au texte]
- 11) En fait, selon les enregistrements de la caméra de surveillance, les cinq coups de feu ont été tirés dans un délai maximum de six secondes pendant la violente bagarre. [Retour au texte]
- 12) En plus de la lacération, le profil d’ADN sanguin établi d’après les échantillons prélevés sur la radio confirme que l’AI avait en fait été frappé par sa propre radio. [Retour au texte]
- 13) Cela renforce mon opinion selon laquelle il est important d’interroger les témoins, les plaignants et les agents impliqués dès que possible après l’événement afin d’obtenir le plus de renseignements possible tandis que les souvenirs sont encore frais et qu’ils ne sont pas influencés par des facteurs extérieurs. [Retour au texte]
- 14) Par exemple, le fait que le plaignant ait saisi l’arme à feu de l’AI est établi par le fait qu’un échantillon de l’ADN du plaignant sous la forme de cellules épithéliales (peau) ait été prélevé sur la bouche du fusil de l’AI. Par contre, on n’a pas trouvé de sang sur le fusil de l’AI. [Retour au texte]
- 15) Cela dit, l’AI pensait avoir initialement déchargé son arme à feu pendant que le plaignant s’approchait de lui, mais il ne croyait pas l’avoir atteint parce que le plaignant continuait d’avancer. [Retour au texte]
- 16) Les seules personnes sur qui l’arme à impulsions semble avoir eu un effet sont l’AI et l’AT no 6, qui ont ressenti les chocs électriques causés par la décharge de l’arme. En fait, sur les enregistrements d’une caméra de surveillance, on voit l’AT no 6 s’éloigner et sortir les filins de l’arme à impulsions qu’elle avait sur elle. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.