Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TFP-390

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme « à létalité atténuée » sur un homme de 47 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 15 novembre 2021, à 11 h 42, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de la décharge d’une arme à feu sur une personne [identifiée plus tard comme étant le plaignant].

Le SPT a indiqué que des agents avaient eu affaire au plaignant à une adresse de The West Mall. L’agent témoin (AT) n° 5 a déchargé son arme à impulsions et l’agent impliqué a tiré deux coups d’un fusil à létalité atténuée dont les projectiles ont frappé le plaignant. Le plaignant a été conduit à l’Hôpital de Mississauga de Trillium Health Partners où il a été soigné. Les agents en cause sont retournés à la division 22 du SPT et la scène a été sécurisée.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 15 novembre 2021 à 12 h 05

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 15 novembre 2021 à 12 h 55

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 47 ans; n’a pas participé à une entrevue [fn]1[fn]; ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 15 novembre 2021.

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’UES a été avisée le 6 décembre 2021 de la décision de l’AI de ne pas participer à une entrevue avec l’UES.

Agents témoins

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 17 novembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

Le 15 novembre 2021, à 14 h 05, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires (SSJ) de l’UES s’est rendu à une banque située sur The West Mall. À l’entrée de la banque, un petit vestibule permet d’accéder aux guichets automatiques et à l’intérieur de la banque. Des cloisons coulissantes en verre permettent de séparer les guichets automatiques de l’intérieur de la banque. Ces cloisons n’étaient pas fermées au moment de l’incident. La banque comporte un comptoir d’accueil, plusieurs guichets, deux coins de rencontre avec meubles-bureaux et sièges, et plusieurs bureaux. Des caméras vidéo surveillent les espaces ouverts au public.

Dans l’espace ouvert au public, les enquêteurs ont trouvé par terre deux douilles usagées de fusil, deux cartouches d’arme à impulsions et des débris d’arme à impulsions, dont des pièces internes, des étiquettes AFID (identification anti-félons) et des sondes. Il y avait aussi deux petits projectiles en sachet (appelés aussi « sacs de fèves ») – les projectiles du fusil à létalité atténuée. Il y avait en outre un sac d’éléments de preuve du SPT avec des vêtements, près des projectiles, et une valise bleue dans une aire d’attente près des portes d’entrée. Une cartouche de fusil se trouvait près du bureau d’accueil, tandis que les autres objets étaient plus loin dans l’aire ouverte au public.


Figure 1 – Une cartouche déployée


Figure 2 - Débris d’arme à impulsions et projectile en sachet du fusil à létalité atténuée

Les enquêteurs ont pris des photographies de l’extérieur et de l’intérieur de la banque, montrant la disposition générale et l’emplacement des éléments de preuve.

Éléments de preuve matériels

Les enquêteurs ont recueilli deux cartouches de fusil déployées opaques, deux projectiles en sachet ainsi que quatre sondes, des fils, des AFIDS et deux cartouches déployées d’arme à impulsions. Le sac d’éléments de preuve contenait une casquette de baseball rouge, un pantalon de survêtement bleu, deux pipes à drogue en verre et d’autres effets personnels.

À 16 h, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu à la division 22 du SPT où on lui a remis le fusil à létalité atténuée et une arme à impulsions dans un sac d’éléments de preuve. Le fusil était identifié par le nombre « 338 », estampillé sur le canon et sur un autocollant. Il s’agissait d’un Remington 870 calibre 12. La crosse avant coulissante et la poignée étaient orange vif, avec l’inscription « Less Lethal » bien visible. Un support de munitions sur le côté contenait 6 cartouches. Certaines des cartouches portaient la mention « 2581 socks », mais les inscriptions avaient disparu des autres cartouches. Il y avait deux cartouches similaires supplémentaires dans le chargeur du fusil. Le fusil a été photographié.


Figure 3 - Le fusil à létalité atténuée

Éléments de preuves médicolégaux

L’arme à impulsions a été apportée aux bureaux de l’UES parce qu’il n’était pas possible de télécharger ses données tant qu’elle était dans le sac d’éléments de preuve.

Le 17 novembre 2021, les éléments de preuve prélevés sur les lieux de l’incident ont été examinés et photographiés aux bureaux de l’UES. Les numéros de série sur les étiquettes AFID correspondaient à ceux des cartouches d’armes à impulsions déployées. Le registre de l’arme à impulsions a été téléchargé et examiné, et il semble y avoir eu deux déploiements au moment des événements en question.
  • La cartouche 1 a été déployée pendant 1 seconde à 10 h 25 min 36 s;
  • La cartouche 2 a été déployée pendant 3 secondes à 10 h 25 min 38 s.
Le registre d’activité indiquait que l’horodatage des déploiements à la banque était en avance de 4 minutes et 32 secondes. Les heures indiquées ci-dessus pour les déploiements sont les heures corrigées.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [fn]2[fn]

Vidéos de caméras corporelles

Les vidéos enregistrées par les caméras corporelles de cinq des agents du SPT ont été examinées. Ces vidéos étaient identifiées par les numéros d’insigne des agents en question : AI, AT no 1, AT no 2, AT no 3 et AT no 5.

Vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 5
La caméra de l’AT no 5 a été activée de 10 h 00 à 10 h 38. L’AT no 5 était le premier agent arrivé sur les lieux. Quand il approche de l’entrée de la banque, on peut voir plaignant par la baie vitrée, à l’intérieur de la banque. Le plaignant porte une casquette de baseball rouge, un chandail à capuchon gris, une veste d’hiver verte, un masque de type chirurgical et un jean bleu. Sa main gauche est dans la poche gauche de son pantalon, et il pointe les doigts vers l’AT no 5.

L’AT no 5 demande au plaignant de sortir pour parler; le plaignant tend la main droite vers le côté gauche de sa veste, à hauteur de la taille, comme s’il voulait saisir quelque chose. Le plaignant dit à l’AT no 5 qu’il est un faux policier et lui demande de lui tirer dessus. Le plaignant est agité et inquiet – il va et vient. L’AT no 5 demande au plaignant ce qu’il a dans sa poche, et le plaignant répond [traduction] : « Quelque chose qui va vous faire mal ». Le plaignant demande à l’AT no 5 s’il a un vrai pistolet. L’AT no 5 a les mains vides.

Le plaignant s’identifie et tient des propos irrationnels. Il dit à l’AT no 5 qu’il va se tirer une balle dans la tête ou tirer sur quelqu’un. L’AT no 5 lui demande comme il va le faire. Le plaignant ne dit pas qu’il a une arme à feu, mais dit qu’il a une seule balle. Il déclare qu’il ne va pas sortir la main de sa veste, car c’est ce qui le maintient en vie parce ce qu’il va se blesser s’il retire sa main de sa veste.

À 10 h 09, l’AT no 1 et l’AT no 2 arrivent sur les lieux – ni l’un ni l’autre n’a dégainé son arme. L’AT no 2 commence à prendre le relais de la conversation avec le plaignant.

À 10 h 20, l’AT no 3 arrive devant la banque et regarde le plaignant, après quoi l’AT no 2 le met au courant de la situation. L’AT no 3 appelle pour demander que l’AI apporte le fusil à létalité atténuée et deux armes à impulsions.

À 10 h 21 min 2 s, l’AT no 5 entre en courant dans la banque, son arme à impulsions dans la main droite, et suit le plaignant, qui a fait demi-tour et avance dans la banque, la main droite toujours dans sa veste. L’AT no 5 crie au plaignant de se mettre à terre. Arrivé au comptoir, le plaignant s’arrête et se retourne vers l’AT no 5. Il sort un objet noir de sa veste, qui s’est avéré plus tard être un pantalon de survêtement noir enroulé. À 10 h 21 min 7 s, l’AT no 5 décharge son arme à impulsions sur le plaignant en lui criant de se mettre à terre. Le plaignant se tourne vers sa droite et tressaillit quand une sonde d’arme à impulsions le frappe par derrière, à l’épaule droite. La décharge n’est pas efficace. Le plaignant se retourne de nouveau vers l’AT no 5, qui déploie son arme à impulsions une deuxième fois avec. L’AI tire aussi une fois avec son fusil à létalité atténuée.

On peut entendre le cycle de l’arme à impulsions; l’AI tire une deuxième fois. La deuxième décharge de l’arme à impulsions est efficace et déclenche l’incapacité neuromusculaire. Le plaignant se raidit et s’écroule par terre. Il est touché par un projectile en sachet du fusil.

L’AT no 5 appuie sur le côté gauche du torse du plaignant pour le maintenir en place. L’AT no 2 est sur la gauche du plaignant, près de sa taille, tandis que l’AT no 3 est sur sa droite et lui maintient les jambes pour l’empêcher de bouger. L’AT no 4 est à droite du plaignant et lui maintient les épaules. Les agents menottent le plaignant dans le dos et lui placent des attaches aux chevilles. Ils le font ensuite rouler sur le côté et trouvent une pipe en verre et un pantalon de survêtement noir sous son torse.

Les ambulanciers paramédicaux examinent le plaignant dans la banque avant de le transporter à l’hôpital. L’AT no 5 retire la cartouche déchargée de son arme à impulsions et la laisse tomber par terre, à l’endroit où le plaignant est tombé.

Le plaignant dit aux ambulanciers qu’il a fumé de la méthamphétamine en cristaux pendant qu’il se trouvait dans la banque.

Vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 1
L’AT no 1 a activé sa caméra de 10 h 10 à 10 h 21. Il parle brièvement avec l’AT no 5 devant la banque, puis se dirige vers la porte arrière de la banque, avant de revenir plus tard sur le devant et d’éteindre sa caméra.

Vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 2
L’AT no 2 a activé sa caméra de 10 h 10 à 10 h 40. À son arrivée, il prend position à gauche du vestibule des guichets automatique et écoute l’AT no 5 parler avec le plaignant. À 10 h 11, il se déplace derrière l’AT no 5, puis poursuit la conversation avec le plaignant.

À 10 h 20, l’AT no 2 fait le point de la situation à l’AT no 3 qui arrive sur les lieux et lui dit que le personnel de la banque est toujours à l’intérieur et que les agents devront entrer si le plaignant se déplace vers l’intérieur de la banque.

L’AT no 3 décide que l’AI entrerait en premier, avec le fusil à létalité atténuée, suivi de deux agents équipés d’armes à impulsions. L’AT no 5, son arme à impulsions en main, entre dans la banque tandis que les autres agents se mettent en position. L’AT no 2 suit l’AT no 5 puis se dirige vers la droite tandis que l’AT no 5 se dirige vers la gauche. Les images qui suivent sont similaires à celles de la caméra corporelle de l’AT no 5, sous un angle différent.

On peut voir le directeur de la banque, le TC no 3, derrière le bureau devant lequel se trouve le plaignant.

Vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 3
L’AT no 3 arrive sur les lieux à 10 h 20. Il a une brève discussion avec l’AT no 2 à gauche de la porte. Il déclare qu’il faut déployer une arme à impulsions et demande deux agents équipés d’armes à impulsions.

L’AI arrive sur les lieux avec le fusil à létalité atténuée. L’AT no 3 change son instruction et demande à l’AI de diriger deux agents équipés d’armes à impulsions dans la banque.

À 10 h 21 min 1 s, l’AT no 5 se précipite soudainement dans la banque, suivi de l’AT no 2 et de l’AI, ce dernier avec un fusil orange à létalité atténuée. L’AT no 3 les suit et quand il entre dans la banque, l’AT no 5 est sur sa gauche, l’AI au centre et l’AT no 2 sur droite. Le plaignant est devant les guichets des caissiers. On peut alors entendre le déploiement et le cycle d’une arme à impulsions et l’AT no 3 dire à l’AI de tirer. On entend alors le déploiement d’une arme à impulsions presque au même moment qu’un coup de fusil. L’AT no 3 dit alors [traduction] : « Tire encore », et on entend un deuxième coup de fusil. Les deux déploiements d’arme à impulsions et les coups de fusil ont lieu en quelques secondes. Le dernier coup de fusil se produit quand le plaignant est à plat ventre par terre où il vient de tomber sous l’effet de la décharge de l’arme à impulsions. On menotte alors le plaignant et on lui place des attaches aux chevilles.

Vidéo de la caméra corporelle de l’AI
La caméra de l’AI est activée à 10 h 20. L’AI sort de son véhicule en tenant son fusil orange à létalité atténuée dans la main gauche et se dirige vers la façade de la banque. Le mécanisme de sûreté est engagé et le verrou est bloqué en position avant. L’AI suit l’AT no 2 dans la banque. L’AT no 5, son arme à impulsions dégainée, est devant l’AT no 2 quand l’AI franchit la porte intérieure de la banque. L’AT no 2 contourne le coin vers la gauche pour suivre l’AT no 5 et se retrouve sur la droite. L’AT no 5 décharge son arme à impulsions sur le plaignant. L’AT no 5 tire une deuxième fois et neutralise le système neuromusculaire du plaignant qui commence à tomber. On ne peut pas voir le fusil dans les mains de l’AI en raison de la position de la caméra sur sa veste. Une fois le plaignant par terre et maîtrisé par plusieurs agents, l’AI recule et regarde ses collègues qui menottent le plaignant et lui attachent les chevilles.

La vidéo ne montre pas l’AI en train de faire feu en raison de la position de la caméra, et on ne peut pas entendre le son du coup de feu parce que le microphone est éteint.

Vidéo du système de sécurité de la banque

La banque a fourni à l’UES une vidéo de surveillance, qui n’avait pas de son. La vidéo a capturé l’interaction entre le plaignant et les agents du SPT le 15 novembre 2021. Il y avait quatre caméras dont le champ de vision couvrait respectivement le vestibule des guichets automatiques la porte extérieure de la banque, la zone des guichets et le vestibule entre les deux portes d’entrée.

À 9 h 20, le plaignant entre le vestibule de la banque – il est nerveux et agité. Deux employés de la banque parlent avec lui et il s’en va.

À 9 h 32, le plaignant entre dans la banque; il a sa main gauche dans la poche avant de sa veste. Le TC no 3 parle au plaignant à 9 h 34, puis passe un appel téléphonique.

À 10 h 01, l’AT no 5 approche de la porte extérieure. Le plaignant lui crie après. Le plaignant garde sa main droite à l’intérieur de sa veste.

D’autres agents arrivent et, à 10 h 21, le plaignant se détourne soudainement des agents et s’éloigne de quelques pas dans la banque. L’AT no 5, son arme à impulsions dégainée, suit le plaignant à l’intérieur de la banque. L’AI, son arme à létalité atténuée en main, suit l’AT no 5. Arrivé près des guichets, le plaignant se retourne et fait face aux agents. Le plaignant tombe par terre et disparaît du champ de vision des caméras. Les agents s’approchent de lui.

Communications de la police

Le 15 novembre 2021, à 9 h 35, le SPT reçoit un appel du TC no 3, le directeur d’une banque située sur The West Mall. Le TC no 3 dit qu’un homme flâne dans l’aire d’attente et fume quelque chose, possiblement de la drogue. L’homme [identifié plus tard comme étant le plaignant] semble être sous l’influence de quelque chose et a refusé de partir lorsqu’on le lui a demandé.

À 9 h 51, le TC no 3 appelle le SPT une deuxième fois pour signaler que le plaignant est toujours dans l’aire d’attente et a dit qu’il avait un couteau et un revolver et qu’il voulait mettre fin à ses jours.

A 9 h 53, l’AT no 4 et l’AT no 5 sont envoyés sur les lieux.

À 9 h 57, le répartiteur dit que le Groupe d’intervention d’urgence (GIU) surveille l’appel.

À 10 h, l’AT no 5 dit qu’il est sur les lieux et, à 10 h 01, l’AT no 4 dit à son tour qu’il est sur les lieux.

À 10 h 02, l’AT no 4 avise le répartiteur que le plaignant a un comportement erratique et refuse de retirer sa main de sa poche où il semble tenir quelque chose. L’AT no 4 demande qu’on envoie les SMU.

À 10 h 05, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont envoyés sur les lieux, suivis de l’AT no 3 à 10 h 06.

À 10 h 10, l’AT no 5 dit qu’il parle avec le plaignant qui a toujours la main dans sa poche.

À 10 h 13, l’AT no 1 demande au répartiteur de communiquer avec le TC no 3 pour lui demander de faire ouvrir la porte à l’arrière de la banque. À 10 h 16, l’AT no 1 dit qu’il ne peut pas accéder à la porte arrière de la banque et avise le répartiteur qu’ils pourraient avoir besoin des services du GIU puisque le plaignant refuse de quitter la banque.
 
À 10 h 21, l’AT no 3 dit que le plaignant est sous garde et, à 10 h 22, l’AI dit qu’un fusil à létalité atténuée et une arme à impulsions ont été déployés.

À 10 h 40, l’AT no 4 dit qu’il est à bord d’une ambulance et, à 10 h 54, que l’ambulance est arrivée à l’hôpital.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis, sur demande, le SPT :
  • Rapport général d’incident;
  • Rapport sur les détails de l’événement;
  • Enregistrements des communications;
  • Photographies des lieux;
  • Notes des ATs;
  • Procédure – arrestation;
  • Procédure – usage de la force;
  • Procédure – fusils à létalité atténuée;
  • Vidéos de caméras corporelles;
  • Rapport de décharge d’arme à feu du SPT.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Rapports d’appel d’ambulance des Services médicaux d’urgence de Toronto;
  • Séquence vidéo de la banque;
  • Photos prises par le TC no 3 (montrant le plaignant assis dans l’aire d’attente).

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec des témoins civils et de la police ainsi que l’examen de vidéos enregistrées par les caméras corporelles de plusieurs agents de police et par des caméras de sécurité qui ont filmé l’incident dans son intégralité. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit.

Dans la matinée du 15 novembre 2021, des agents du SPT ont été appelés à une banque située sur The West Mall. Le directeur de la banque, le TC no 3, avait appelé le 9-1-1 pour signaler qu’un homme – le plaignant – flânait dans l’aire d’attente de la banque, apparemment en train de consommer de la drogue, et refusait de partir. Le TC no 3 a en outre signalé que le plaignant avait affirmé être en possession d’une arme à feu et d’un couteau et vouloir mettre fin à ses jours.

L’AT no 5 est arrivé sur les lieux vers 10 h et a commencé à parler au plaignant depuis l’extérieur de la banque. Le plaignant, qui se tenait près de la deuxième porte intérieure de la banque, ignorait l’agent. Il refusait de quitter la banque ou de retirer sa main droite de l’intérieur du devant de sa veste. Le plaignant n’a pas dit qu’il avait des armes, mais a affirmé avoir une balle sur lui. D’autres agents ont commencé à arriver à la banque, dont l’AT no 2, qui a pris la relève des pourparlers avec le plaignant pour tenter de désamorcer la situation.

L’AT no 3 est arrivé sur les lieux vers 10 h 20. À ce moment-là, le directeur avait demandé aux employés de la banque et au seul client qui était sur les lieux de prendre refuge au sous-sol. L’AT no 3 a été rapidement mis au courant de la situation et a décidé qu’il fallait immédiatement appréhender le plaignant. Son plan était de faire intervenir deux agents avec des armes à impulsions et un autre agent avec un fusil à létalité atténuée pour placer le plaignant sous garde.

Vers 10 h 21, l’AT no 5 a vu le plaignant s’éloigner du vestibule d’entrée et avancer à l’intérieur de la banque. L’agent s’est précipité derrière le plaignant, son arme à impulsions en main, et lui a crié d’arrêter. L’AT no 2 et l’AI l’ont suivi dans cet ordre, ce dernier brandissant son fusil à létalité atténuée, prêt à tirer. Après avoir avancé de quelques mètres dans la banque, l’AT no 5 a déchargé son arme à impulsions dans le dos du plaignant. La décharge n’a eu aucun effet. L’agent a déchargé son arme une deuxième fois au bout de quelques secondes. Cette fois, le plaignant s’est figé et est tombé par terre. Au même moment, l’AI a tiré sur lui avec son fusil à létalité atténuée. Lui aussi a tiré une deuxième fois en succession rapide.

Les agents se sont approchés du plaignant qui était maintenant par terre et l’ont menotté dans le dos.

Le plaignant a été conduit de là en ambulance à l’hôpital.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 15 novembre 2021, le SPT a contacté l’UES pour signaler qu’un de ses agents avait déchargé un fusil à létalité atténuée sur un homme – le plaignant – au cours de son arrestation plus tôt dans la journée. L’UES a ouvert une enquête et a identifié l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation de la plaignante.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi.

Les agents, y compris l’AI, exerçaient légitimement leurs fonctions lorsqu’ils ont décidé de placer le plaignant sous garde. Le plaignant avait refusé de quitter des lieux privés quand on lui avait demandé de le faire, avait affirmé qu’il était en possession d’armes et menaçait de se faire du mal. Dans les circonstances, il y avait plusieurs motifs légitimes d’arrêter le plaignant.

En ce qui concerne la force utilisée par les agents contre le plaignant, je suis convaincu qu’elle était légalement justifiée. Le plaignant avait amené les agents à croire qu’il avait sur lieu une arme ou plusieurs armes, y compris, possiblement, une arme à feu, et qu’il avait l’intention de se suicider. Compte tenu de l’état dans lequel se trouvait le plaignant, les agents avaient également des raisons d’être inquiets pour la sécurité des autres personnes dans la banque. Dans les circonstances, après avoir tenté en vain de désamorcer la situation par des négociations dans le vestibule d’entrée, les agents ont agi raisonnablement pour poursuivre le plaignant dans la banque lorsqu’il a commencé à avancer dans cette direction. Par la suite, quand le plaignant a refusé d’obéir à l’ordre de l’AT no 5 de s’arrêter, il semblerait qu’un recours à une force à létalité atténuée depuis une certaine distance était nécessaire pour le neutraliser immédiatement et en toute sécurité et l’empêcher de se faire du mal ou de faire du mal à d’autres personnes. C’est exactement ce que les décharges de l’arme à impulsions et du fusil à létalité atténuée ont accompli. Bien que l’AI ait possiblement tiré les projectiles en sachets au moment où le plaignant était en train de tomber ou était déjà à terre, je suis convaincu que le plaignant constituait une menace raisonnablement appréhendée tant qu’il n’était pas menotté. Il s’avère que le plaignant n’était en fait pas armé d’un couteau ou d’un fusil, mais ni l’AI ni les autres agents ne pouvaient le savoir à ce moment-là.

Par conséquent, comme aucun élément de preuve ne permet raisonnablement de conclure que l’AI ou les autres agents se soient comportement autrement que légalement tout au long de leur intervention auprès du plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 8 mars 2022


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Au départ, l’UES n’a pas pu interroger le plaignant le 15 novembre 2021, car il était sous l’emprise de drogues. Le plaignant a été gardé à l’hôpital en vertu de la Loi sur la santé mentale puis libéré, sans domicile fixe. Il n’a pas été possible de le localiser. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumés ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.