Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TCD-344

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 48 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 14 octobre 2021, à 8 h 59, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES du décès sous garde du plaignant.

Le SPT a donné le rapport suivant : le plaignant a été arrêté le 13 octobre 2021, à 15 h 16, et détenu à la division 43 du SPT en attendant une enquête sur le cautionnement. Le 14 octobre 2021, à 8 h 17, le plaignant a été trouvé sans connaissance; les services paramédicaux de Toronto ont été appelés. Le décès du plaignant a été prononcé sur les lieux.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 14 octobre 2021 à 9 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 14 octobre 2021 à 11 h 11

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Quatre enquêteurs de l’UES, dont un spécialiste des sciences judiciaires, ont été assignés au dossier.

L’UES a demandé et obtenu des vidéos de la salle d’enregistrement et de la cellule, ainsi qu’une copie de la vidéo enregistrée par la caméra à bord d’un véhicule de police du SPT.

Une copie du rapport d’appel d’ambulance a aussi été obtenue.

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires a assisté à l’autopsie le 15 octobre 2021.

Six agents spéciaux, deux agents, un sergent d’état-major par intérim et un sergent d’état-major ont été désignés comme agents témoins.

Un agent impliqué a été désigné; il n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES.

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 48 ans, décédé

Témoins civils

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue les 16 et 17 octobre 2021.

Témoins employés du service (TES)

TES no 1 A participé à une entrevue
TES no 2 A participé à une entrevue
TES no 3 A participé à une entrevue
TES no 4 A participé à une entrevue
TES no 5 A participé à une entrevue
TES no 6 A participé à une entrevue

Les témoins employés du service de police ont participé à une entrevue entre le 17 octobre et le 2 novembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

La scène était l’aire de détention de la division 43 du SPT, au 4331 avenue Lawrence Est.

Le 14 octobre 2021, à 12 h 15, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires est entré dans le bloc cellulaire, qui avait été correctement sécurisé. Un agent des sciences judiciaires du SPT a précisé que le coroner avait déplacé le défunt pendant son examen.
La dépouille du plaignant se trouvait à l’extrémité nord du corridor de la zone sécurisée, devant une cellule. Le plaignant était allongé sur le dos et du matériel médical était attaché à sa poitrine nue. La jambe droite de son pantalon de sport était relevée jusqu’au genou. Les deux bras du plaignant étaient repliés au niveau des coudes et ses mains étaient près de son cou.

La porte de la cellule était déverrouillée et ouverte.

Les enquêteurs ont photographié le bloc cellulaire et pris mesures suffisantes pour tracer un schéma des lieux. Ils ont aussi pris des photographies des effets personnels du plaignant qui avaient été recueillis lors de son placement en cellule.

À 16 h 37, le service chargé du retrait des corps est arrivé et a transporté le défunt au complexe des sciences judiciaires et du coroner.

Schéma des lieux

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Vidéo de la caméra à bord d’un véhicule

Le 13 octobre 2021, à 13 h 23, le véhicule de police était garé dans le stationnement d’un motel de Kingston Road. En arrière-plan, on peut entendre l’AT no 1 et l’AT no 2 interagir avec le plaignant et une femme.

À 13 h 28, l’AT no 1 déclare que le plaignant est en état d’arrestation pour avoir enfreint les conditions de sa libération. Les agents menottent et fouillent le plaignant qui dit qu’il a du mal à garder son équilibre parce qu’il a été vacciné contre la COVID. Le plaignant est calme et poli.

À 13 h 48, la caméra de la banquette arrière se met en marche.

À 14 h 09, l’AT no 1 pose des questions concernant la consommation de drogues et d’alcool. Le plaignant répond qu’il ne consomme pas de drogue et qu’il a bu de l’alcool la veille.

À 14 h 36, le véhicule de police quitte les lieux et se rend à la division 43 du SPT. L’AT no 1 pose les questions de dépistage de la COVID et le plaignant déclare qu’il est couvert d’ecchymoses causées par la deuxième dose de vaccin contre la COVID.

À 14 h 57, le véhicule de police entre dans l’entrée sécurisée du poste de police.

À 15 h 02, l’enregistrement prend fin.
 

Vidéo de la salle d’enregistrement

À 15 h 16, l’AT no 1 et l’AT no 2 escortent le plaignant dans la salle d’enregistrement du poste et le conduisent devant l’AT no 3. En réponse à des questions de l’AT no 3, le plaignant dit qu’il a des problèmes avec son pied droit, son œil droit et sa main droite. Il a aussi des problèmes d’engourdissements et d’équilibre et qu’il était antérieurement couvert d’ecchymoses. Il attribue ses maux à une deuxième dose du vaccin contre la COVID-19, qu’il a reçu deux à quatre semaines auparavant. Le plaignant a une grande ecchymose au coude droit, qu’il attribue aussi à la vaccination. Le plaignant dit qu’il a consulté un pharmacien qui lui a dit que ces maux étaient normaux et il est satisfait de ce que le pharmacien lui a dit.

L’AT no 3 passe un certain temps à discuter des maux du plaignant et demande à l’AT no 1 de remplir un rapport de blessure. Le plaignant décrit à l’AT no 3 les médicaments qu’on lui a prescrits, mais précise qu’il ne les a pas pris depuis un mois et qu’il a bu de l’alcool la veille. Le plaignant dit qu’il ne consomme pas des drogues. Ils discutent d’un incident de santé mentale antérieur du plaignant dans la région de Durham.

L’AT no 3 autorise une fouille rapide et le plaignant gémit de douleur quand l’AT no 1 le palpe à la hauteur de la cheville droite. Le plaignant ne demande pas de soins médicaux et ne semble pas avoir besoin de soins médicaux immédiats. L’AT no 3 ne demande pas spécifiquement au plaignant s’il veut qu’on le conduise à l’hôpital.

Vidéo de la cellule

Le SPT a fourni à l’UES des séquences vidéo de deux cellules, sans fonction audio. L’UES a aussi reçu une vidéo du corridor du bloc des cellules, qui couvrait l’espace entre l’aire d’enregistrement, près de la cellule 1, et l’arrière du bloc des cellules.

Les 13 et 14 octobre 2021, le plaignant a interagi avec le TES no 6, qui était préposé à l’enregistrement, et le TES no 4, chargé de la prise des empreintes digitales, pendant le quart de jour des deux jours. Pendant le quart de nuit, du 13 octobre 2021 à 16 h 30 au 14 octobre 2021 à 4 h 30, le TES no 5 était préposé à l’enregistrement, et le TES no 3 chargé de la prise d’empreintes digitales.

Le corridor du bloc des cellules comporte deux portes métalliques pleines : la première sépare l’aire d’enregistrement du bloc des cellules et la deuxième est à peu près au milieu du corridor et sépare les cellules 1 à 6 des cellules 7 à 10. Les deux portes étaient ouvertes pendant presque toute la durée des vidéos, mais étaient parfois fermées. Chaque cellule a une porte métallique pleine, avec une petite fenêtre au centre. Les portes des cellules sont coulissantes.

À 15 h 45, le plaignant est escorté dans le corridor depuis l’aire d’enregistrement, jusqu’à une cellule. Il marche lentement et est instable.

À 16 h 44, un agent spécial fait sortir le plaignant de la cellule, puis le ramène dans la cellule 16 h 55.

De 17 h 05 à 17 h 09, l’AT no 1 ouvre la porte de la cellule, accompagné d’un agent en civil qui tient des papiers; les deux agents parlent au plaignant.

À 17 h 31, le TES no 5 ouvre la porte, entre dans la cellule et réveille le plaignant pour s’assurer qu’il va bien.

De 17 h 32 à 20 h 40, le plaignant est allongé sur la banquette de la cellule, sur le dos et occasionnellement sur le côté droit ou gauche. Ses pieds sont près de la porte.

De 20 h 41 à 20 h 49, le plaignant est assis sur le côté de la banquette, les pieds posés par terre. Il semble agité.

De 20 h 50 à 20 h 56, le plaignant est penché au-dessus de la toilette, puis frappe à la fenêtre et fait signe à la caméra.

De 20 h 58 à 21 h 02, le TES no 5 ouvre la porte de la cellule et fait sortir le plaignant pour le transférer dans une autre cellule, qui est juste de l’autre côté du corridor. Le TES no 5 parle au plaignant pendant environ deux minutes, puis ferme la porte.

De 21 h 03 à 21 h 12, le plaignant est assis puis allongé sur la banquette.
De 21 h 12 à 21 h 17, le plaignant est assis sur la banquette et penché au-dessus de la toilette.

De 21 h 17 à 23 h 12, le plaignant est assis sur la banquette. Il retire la chaussure et la chaussette de son pied droit, enfile puis enlève sa veste rouge, puis remet sa chaussette et sa chaussure.

De 23 h 13 à 23 h 21, le TES no 3 ouvre la porte et fait sortir le plaignant de la cellule, puis le ramène.

À 2 h 03, le plaignant s’assied sur la banquette, chaussures enlevées, chaussette droite enlevée et jambe droite du pantalon relevée jusqu’au genou.

De 2 h 10 à 2 h 34, le plaignant est assis sur la banquette; il est agité et à un moment donné, enlève puis renfile son t-shirt.

De 2 h 35 à 3 h 23, le plaignant est allongé sur le dos sur la banquette. L’enregistrement s’arrête à trois reprises pendant sept à dix minutes du fait de l’absence de mouvement. Les deux portes du corridor sont restées ouvertes.

À 3 h 06, le TES no 5 quitte le bloc des cellules avec son sac repas; le TES no 3 est alors le seul agent spécial dans le bloc des cellules.

De 3 h 24 à 3 h 31, le plaignant se tourne sur le côté gauche et fait face au mur, les mains près du visage. La jambe droite de son pantalon est toujours remontée jusqu’au genou et sa chaussette droite et ses deux chaussures sont enlevées. Il reste immobile pendant environ cinq minutes.

À 3 h 32, le plaignant tressaillit soudainement, puis bouge comme pour se retourner sur le ventre, mais reste sur le côté gauche.

À 3 h 33, le plaignant est immobile et l’enregistrement de la caméra de la cellule s’arrête.

À 4 h 16, le TES no 6 entre dans le bloc des cellules; il est en tenue civile, ce qui est cohérent avec le fait qu’il arrive au travail pour son quart de jour.

À 4 h 18, le TES no 3 et le TES no 6 quittent le bloc des cellules; le TES no 3 porte son sac à repas ce qui est cohérent avec le fait qu’il termine son quart de nuit.

À 4 h 21, le TES no 4 entre dans le bloc des cellules en uniforme. Il n’y a aucun agent spécial dans le bloc des cellules pendant environ trois minutes.

À 4 h 32, le TES no 6 entre dans le bloc des cellules en uniforme.

À 4 h 42 et 6 h 51, le TES no 4 regarde par la fenêtre de la cellule du plaignant.

De 7 h 15 à 7 h 30, une personne fait le ménage dans le bloc des cellules.

A 7 h 37, le TES no 4 regarde par la fenêtre de la cellule.
À 8 h 13, le TES no 1 et le TES no 2 sont devant la porte de la cellule et l’enregistrement vidéo de la cellule reprend. Le TES no 1 frappe à la porte de la cellule puis l’ouvre. Le TES no 2 franchit le seuil de la porte. Le plaignant est dans la même position qu’au moment où l’enregistrement s’est arrêté.

À 8 h 14, le TES no 2 entre partiellement dans la cellule et tente de réveiller le plaignant. Le TES no 1 est à la porte de la cellule. Le TES no 4 et le TES no 6 marchent le long du corridor jusqu’à la cellule. Le TES no 2 et le TES no 6 entrent dans la cellule.

À 8 h 15, le TES no 4 retourne dans l’aire d’enregistrement, puis revient à la cellule.

À 8 h 16, le TES no 4 et le TES no 6 sortent de la cellule et marchent le long du corridor jusqu’à l’aire d’enregistrement. Le TES no 2 entre dans le corridor et le TES no 1 commence à fermer la porte de la cellule.

A 8 h 17, le TES no 6 revient à la cellule.

À 8 h 18, le TES no 1 et le TES no 2 entrent dans la cellule et tentent de retourner le plaignant.

À 8 h 19, l’AT no 4 arrive dans la cellule.

À 8 h 20, les TES nos 1, 2 et 6 parviennent à tourner le plaignant sur le côté gauche; la rigidité cadavérique est alors évidente.

À 8 h 22, les agents spéciaux portent le plaignant et le traînent de la cellule dans le corridor puis commencent les compressions thoraciques et la réanimation.

A 8 h 27, les pompiers arrivent sur les lieux.

A 8 h 32, les ambulanciers paramédicaux arrivent sur les lieux.

A 8 h 34, la vidéo de la cellule prend fin.

Communications

Le 13 octobre 2021, à 12 h 57, le répartiteur du SPT reçoit un appel d’un homme, qui signale qu’un homme de 48 ans [maintenant connu comme étant le plaignant] pousse violemment une femme de 35 ans dans une chambre d’un motel de Kingston Road. Selon l’appelant, le plaignant a bu et hurle.

À 13 h 39, l’AT no 1 déclare qu’il a le plaignant sous garde.

À 14 h 37, l’AT no 1 dit qu’il conduit le plaignant à la division 43. L’AT no 2 les suit. Ils arrivent à la division 43 du SPT à 14 h 54.

Le 14 octobre 2021, à 8 h 20, le TES no 4 téléphone au 9-1-1 de la police et demande une ambulance. On le transfère au centre de communication des ambulances. Le TES no 4 confirme l’adresse de la Division 43 et dit qu’ils ont une urgence. Il dit qu’ils ont un homme dans leurs cellules sans signes vitaux.

À 8 h 21, le centre de communication du SPT appelle le centre de communication des ambulances et confirme avoir reçu l’appel de service à la division 43 du SPT. Le centre de communication de la police et le centre de communication des ambulances passent plusieurs appels téléphoniques pour s’assurer que l’ambulance et la police interviennent.

À 8 h 29, l’ambulance arrive.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis le SPT :
  • Renseignements sur l’enregistrement au poste et la vérification des cellules;
  • Enregistrements des communications;
  • Formulaire d’empreintes digitales ;
  • Renseignements détaillés sur la vérification des cellules;
  • Recherche dans le registre du système Intergraph de répartition assistée par ordinateur;
  • Rapport sur les détails de l’événement dans le système Intergraph;
  • Vidéo de la caméra à bord d’un véhicule de police;
  • Notes des ATs et des TES;
  • Rapports d’incident et rapports supplémentaires;
  • Politique du SPT relative aux personnes sous garde;
  • Ordonnance de libération du plaignant ;
  • Vidéos de l’enregistrement et des cellules du SPT;
  • Rapport de blessure;
  • Sommaires de déclarations du TES no 3 et du TES no 4.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossiers des services médicaux d’urgence;
  • Résultats préliminaires d’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario.

Description de l’incident

Le scénario suivant découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec les agents qui ont arrêté le plaignant et ceux qui se sont occupés de lui pendant sa détention au poste. L’enquête a également bénéficié de vidéos de caméras de surveillance qui ont capturé certains moments de la détention du plaignant au poste de police. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit.

Le matin du 14 octobre 2021, vers 8 h 10, le plaignant a été trouvé sans vie dans une cellule de la division 43 du SPT. Des agents spéciaux l’ont sorti de la cellule et ont tenté en vain de le réanimer. Des ambulanciers paramédicaux ont été appelés et ont conclu qu’il n’était pas possible de le réanimer. Il était évident que le plaignant était mort depuis un certain temps.

Le plaignant avait été placé sous garde la veille, dans l’après-midi. Des agents s’étaient rendus à un motel de Kingston Road en réponse à un appel au 9-1-1 et avaient arrêté le plaignant pour voies de fait et violation des conditions de sa libération. Le plaignant semblait instable sur ses pieds à ce moment-là et avait des ecchymoses sur diverses parties du corps. Il a expliqué aux agents que son état résultait d’une vaccination qu’il avait reçue plusieurs semaines auparavant. L’arrestation s’est autrement déroulée sans incident.

Lors de son enregistrement au poste de la division 43, l’AT no 3 a de nouveau interrogé le plaignant sur son état de santé. Le plaignant a expliqué que son pied droit, son œil droit et sa main droite lui faisaient mal et qu’il avait des ecchymoses, des engourdissements et des problèmes d’équilibre. Il a attribué tout cela à la deuxième dose du vaccin qu’il avait reçu deux à quatre semaines auparavant; il a affirmé que c’est ce que lui avait dit un pharmacien qu’il avait consulté et que selon le pharmacien, il s’agissait d’effets secondaires normaux qui disparaîtraient avec le temps. L’AT no 3 n’a pas estimé nécessaire de consulter un médecin, mais a noté les blessures du plaignant dans un rapport de blessure.

Le plaignant a été placé dans une cellule vers 15 h 45. Vers 23 h, on l’a transféré à une autre cellule. Les agents spéciaux chargés de surveiller les prisonniers ont vérifié le plaignant périodiquement. Certaines de ces vérifications étaient en personne sur place. À ces occasions, l’agent spécial regardait par une petite fenêtre dans la porte coulissante en métal plein de la cellule. La plupart des vérifications documentées du plaignant ont été effectuées à distance sur des écrans qui affichaient la vidéo d’une caméra de l’intérieur de la cellule.

Vers 3 h 30, le plaignant a cessé de bouger alors qu’il était allongé sur le côté gauche sur la banquette de la cellule. Il semblerait qu’il soit resté dans cette position jusqu’à ce que des agents spéciaux viennent dans sa cellule vers 8 h 10 pour l’escorter à une rencontre téléphonique avec l’avocat de service. Comme ils ne parvenaient pas à réveiller le plaignant, les agents spéciaux ont appelé des collègues en renfort. D’autres agents spéciaux sont arrivés dans le bloc des cellules, ainsi que l’officier responsable du poste à ce moment-là – l’AT no 4. Des ambulanciers paramédicaux ont été appelés sur les lieux.

Cause du décès

La cause du décès du plaignant demeure indéterminée pour le moment dans l’attente d’autres études.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé dans une cellule du SPT le 14 octobre 2021. L’officier assumant la responsabilité globale des soins aux détenus dans les cellules a été identifié comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête subséquente de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

Les infractions à prendre en considération en l’espèce sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, en contravention des articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Pour la première, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les mêmes circonstances. La deuxième est une infraction plus grave de conduite négligente, à savoir les cas qui font preuve d’un mépris déréglé ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autres personnes. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que le comportement en question constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à un niveau de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si l’AI a fait preuve d’un manque de diligence qui a mené au décès du plaignant et si ce manque était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Aucun élément de preuve ne suggère que le plaignant était détenu illégalement au moment des événements en question. Étant donné les informations dont disposaient les agents, je suis convaincu que l’arrestation du plaignant le 13 octobre 2021 était légale.

Le plaignant ne semblait pas se sentir bien lorsqu’il a été arrêté puis incarcéré au poste de la division 43, et on peut se demander si ses gardiens auraient dû consulter un médecin. Le plaignant était instable, avait des ecchymoses et des enflures sur diverses parties du corps et parlait d’un engourdissement. L’officier responsable au moment où le plaignant a été amené au poste – l’AT no 3 – était au courant de son état et ne croyait pas que des soins médicaux étaient nécessaires. Le plaignant avait lui-même expliqué que ses symptômes n’avaient rien de nouveau. Au contraire, ils résultaient d’une réaction à la deuxième dose du vaccin qu’il avait reçue des semaines auparavant. Le plaignant a dit qu’il en avait parlé à un pharmacien et qu’il était satisfait des conseils médicaux qu’il avait reçus, à savoir que ses symptômes s’amélioreraient avec le temps. Interrogé plus avant, le plaignant a nié avoir consommé de la drogue et a déclaré que sa dernière consommation d’alcool remontait à la veille. Quant à l’instabilité, l’AT no 3 l’a attribuée à l’enflure de la cheville droite du plaignant. Au vu de ce qui précède, bien qu’il aurait peut-être été préférable de conduire le plaignant à l’hôpital pour qu’on l’examine, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’omission de le faire par l’AT no 3 et, par extension, par les autres officiers responsables par la suite pendant le séjour du plaignant en cellule, y compris l’AI, équivalait à une conduite qui s’écartait nettement d’une norme de diligence raisonnable.

Il est légitime de mettre en question la nature et l’étendue de la surveillance du plaignant pendant sa détention au poste, en particulier à partir de 3 h 30 du matin. Avant cela, le plaignant avait été vu bouger et marcher. À partir de ce moment-là, il était immobile. [2] Un des agents spéciaux chargés de surveiller le plaignant pendant cette période – le TES no 3 – a noté avoir vérifié le plaignant de 3 h 47 et à 4 h 16. Il a dit que le plaignant était assis lors de la vérification à 4 h 16. Cela ne semble pas avoir été le cas. D’autres vérifications du plaignant effectuées plus tard dans la matinée par le TES no 4 – sept au total – par la fenêtre de la porte de la cellule ou sur des écrans vidéo, n’ont pas révélé que quelque chose n’allait pas. Selon le TES no 4, le plaignant semblait dormir confortablement et n’a donné aucune indication qu’il était en détresse. Il semble que le plaignant n’a pas dormi pendant au moins certaines de ces vérifications, sinon toutes – il souffrait d’un épisode médical aigu ou était déjà mort.

L’AI était l’officier responsable du poste d’environ 15 h 45 à 4 h 10, lorsque l’AT no 4 a pris sa relève. Même s’ils portent la responsabilité ultime du bien-être des prisonniers sous leur garde au poste, les officiers responsables ne sont pas directement chargés de vérifier les cellules; ils comptent sur les agents de l’enregistrement et des empreintes digitales – des agents spéciaux dans ce cas – pour le faire et les alerter en cas de problème. Aucun élément de preuve ne suggère que l’AI ou l’AT no 4 aient eu des raisons de croire que les agents spéciaux ne s’acquittaient pas de leurs fonctions d’une manière raisonnable et compétente. Il n’y a pas non plus de raison de croire que les agents spéciaux leur aient mentionné que l’état du plaignant était préoccupant pendant cette période, ce qui est logique puisqu’ils n’avaient apparemment aucune inquiétude quant à l’état du plaignant, persuadés qu’il était endormi ou plus actif qu’il ne l’était en réalité. Dans les circonstances, je ne suis pas en mesure de blâmer les officiers responsables pour les erreurs possibles des agents spéciaux, et certainement pas au point de conclure raisonnablement que l’AI et l’AT no 4 ont manqué de façon marquée à leur devoir de diligence envers le plaignant.

Pour les motifs qui précèdent, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel. Par conséquent, bien que la cause du décès du plaignant demeure indéterminée pour le moment, il n’y a aucune raison de croire qu’il soit attribuable à une conduite illégale de la part de l’agent impliqué.

Étant donné que le mandat officiel de l’UES ne s’étend pas aux agents spéciaux, la question de leur conduite en lien avec la détention du plaignant sera renvoyée au SPT.


Date : 10 février 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l'Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Le système d'enregistrement vidéo de la caméra de la cellule était activé par le mouvement. Le fait que l'enregistrement s'est arrêté vers 3 h 30, et qu'il n'a repris qu'à l'arrivée des agents spéciaux vers 8 h 10, signifie vraisemblablement que le plaignant n'a pas bougé pendant ce temps, ou, du moins, pas suffisamment pour activer la caméra. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.