Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFP-330

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les coups de feu tirés sur un homme de 40 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er octobre 2021, à 10 h 15, le Service de police de Dryden a transmis les renseignements suivants à l’UES.

Le 30 septembre 2021, à 21 h 24, les agents du Service de police de Dryden se sont rendus à une résidence en milieu rural sur la route 17 à Dryden à cause d’un appel relatif à une personne qui troublait la paix. Lorsque les agents sont arrivés, ils ont vu le plaignant qui traversait la cour en courant. Le plaignant est monté à bord d’une camionnette et a foncé dans un VUS du service de police. Les agents du Service de police de Dryden étaient alors hors de leur véhicule. Le plaignant a mis son véhicule en marche arrière pour percuter de nouveau le VUS du Service de police de Dryden. Les agents ont alors tiré sur le véhicule.

Le plaignant a été mis sous garde et n’avait alors aucune blessure grave.

Les deux agents du Service de police de Dryden se sont rendus à l’hôpital pour recevoir des soins à cause de blessures mineures qu’ils avaient subies.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 1er octobre 2021, à 11 h 8

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 1er octobre 2021, à 17 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 40 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a été interrogé le 1er octobre 2021.

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 2 octobre 2021 et le 15 octobre 2021.

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’AI no 1 a été interrogé le 18 octobre 2021.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 10 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 11 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 5 octobre 2021.
 

Éléments de preuve

Les lieux

Le 2 octobre 2021, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont inspecté les lieux, soit l’entrée de cour et le terrain devant la résidence de la route 17, à Dryden.

La route 17 est sur un axe nord-sud. Le chemin d’accès à la propriété était une longue entrée de terre et de gravier partant de la route 17. De gros arbres longeaient l’entrée, près de la clôture délimitant le terrain.

Deux véhicules endommagés étaient immobilisés au bord des arbres, dont une camionnette GMC Sierra rouge, directement entre les arbres. Une voiture Ford Explorer pleinement identifiée du Service de police de Dryden était à côté de la camionnette, en partie dans l’entrée.

La camionnette GMC Sierra était face vers le sud-ouest. Trois branches se trouvaient sur le capot, et le véhicule était lourdement endommagé. Le capot était froissé et le capot ainsi que le pare-chocs étaient enfoncés. Les deux glaces du côté passager étaient cassées et il y avait de nombreux petits trous sur le véhicule.

Le deuxième véhicule, une voiture Ford Explorer pleinement identifiée avec l’emblème du Service de police de Dryden, pointait vers le sud-ouest. Cette voiture était à quelques centimètres à peine du côté passager de la GMC Sierra et elle était aussi très endommagée. L’aile gauche avant et le panneau latéral à l’avant ainsi que le pare-chocs et le capot étaient froissés et renfoncés.

Des traces de pneus le long de l’entrée de cour et sur le grand terrain gazonné de la résidence menaient au coin nord-est de la propriété et se rendaient jusqu’aux véhicules endommagés, puis traçaient un cercle sur le gazon derrière les véhicules endommagés, au sud de ceux-ci.

Au départ, trente douilles ont été retrouvées au sud des véhicules, près des arbres. Puis, deux autres ont été récupérées plus tard dans le même secteur.

Éléments de preuve matériels

Armes à feu et munitions

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné les armes à feu remises à l’AI no 1 et à l’AI no 2. Celle de l’AI no 2 était un pistolet Glock de 17,9 mm muni d’une lampe Streamlight. Le chargeur avait été retiré et il contenait quinze balles, en plus d’une cartouche engagée dans la chambre, pour un total de seize cartouches. Le ceinturon de service a été examiné. Il comportait deux pochettes pour des munitions, et l’une d’elles était vide. Dans l’autre se trouvait un chargeur avec seize balles.

L’arme à feu de l’AI no 1 était un pistolet Glock de 17,9 mm. L’arme était dotée d’une lampe Streamlight. Le chargeur avait été retiré et il était vide, mais il y avait une cartouche engagée dans la chambre. Le ceinturon de service a été examiné. Il comportait deux pochettes pour des munitions. Les deux chargeurs des pochettes contenaient chacun seize cartouches.

Si chaque chargeur contenait seize balles, en comptant la cartouche engagée dans la chambre, cela signifie que chaque agent devait avoir 49 balles dans son ceinturon de service. L’AI no 2 avait 32 balles, tandis que l’AI no 1 en comptait 33.


Figure 1 – Le pistolet Glock de 17,9 mm d’un des AI

Vêtements

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné les vêtements des agents impliqués. Le pantalon d’uniforme de l’AI no 2 avait une petite déchirure à l’arrière, vers la fesse droite, et à la couture près des fesses.
 

Véhicules

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont inspecté les véhicules en cause dans l’incident faisant l’objet de l’enquête.

Voiture de police Ford Explorer identifiée au nom du Service de police de Dryden

Derrière la roue avant gauche, du côté conducteur, la carrosserie de la voiture de police était marquée de plusieurs lettres, qui semblaient correspondre à des inscriptions sur les pneus Goodyear Eagle de la camionnette GMC Sierra, ce qui indiquait que les deux véhicules avaient été en contact.


Figure 2 – Traces de lettres laissées sur la voiture Ford Explorer du Service de police de Dryden

Les dommages de la voiture de police étaient notamment à l’avant, du côté conducteur. Le pare-chocs complet était renfoncé vers le côté passager et il y avait aussi des dommages importants au coin gauche avant ainsi qu’à la roue et à l’essieu.C’est aussi là que des traces de lettres avaient été laissées. Le bord avant de la porte avant du côté passager était aussi endommagé. Il avait été déformé avec le panneau latéral et le capot. Le pare-brise du côté conducteur avait aussi une trace d’impact sur une surface de 8 cm X 6,5 cm, à 50 cm du montant avant, côté conducteur, et à 27 cm du rebord du toit.


Figure 3 – Les dommages à l’avant de la voiture Ford Explorer du Service de police de Dryden


Figure 4 – Pare-brise de la voiture Ford Explorer du Service de police de Dryden

Camionnette GMC Sierra


Au total, 17 points d’impact ont été observés et photographiés.

  • Pare-brise – Cinq trous d’entrée de balles ont été observés, principalement du côté conducteur et un sur le toit, juste en haut du pare-brise.



Figure 5 – Cinq traces de balle sur le pare-brise du véhicule GMC Sierra

  • Montant avant côté conducteur – Trois trous d’entrée de balle ont été observés juste au-dessus du rétroviseur.
  • Portière du conducteur – Quatre trous d’entrée de balle ont été observés, dont deux devant la poignée et deux juste au-dessus de la poignée.
  • Portière de cabine double du côté passager – Il y avait deux trous d’entrée de balle, dont l’un le long de la bordure avant et l’autre au milieu de la portière.
  • Pare-vent en plastique au-dessus de la glace du côté conducteur – On a trouvé un trou d’entrée de balle dans le centre du pare-vent.
  • Rétroviseur du côté passager – Il y avait un trou d’entrée à la balle à la base du rebord avant.
  • Capot – Il y avait un trou d’entrée de balle du côté passager du capot vers l’avant du véhicule.

En plus des trous d’entrée de balle observés sur la GMC Sierra, on a trouvé un trou dans une seconde camionnette stationnée au coin nord-est de la propriété.

Plusieurs trous de sortie ont aussi été observés sur la GMC Sierra rouge. En voici la liste.

  • Bordure arrière de la portière du conducteur – Deux trous de sortie ont été observés sur la bordure arrière.
  • Portière arrière de la cabine double du côté passager – Il y avait un trou de sortie.
  • Glaces du côté passager – Les deux glaces de ce côté avaient été fracassées. Il y avait deux grands trous, mais il était impossible de déterminer le nombre de balles ayant causé les dommages.

Une analyse de la trajectoire des balles ayant laissé des trous d’entrée a indiqué, à une exception près, que les coups de feu avaient été tirés devant la camionnette GMC Sierra et à partir du côté conducteur. La seule exception était le trou d’entrée laissé dans le capot du véhicule. La balle arrivait dans ce cas du côté passager et elle a suivi une trajectoire à peu près perpendiculaire par rapport au véhicule.

    Documents obtenus du service de police

    L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants qui lui a remis, à sa demande, le détachement de Dryden et le détachement de Thunder Bay de la Police provinciale de l’Ontario et le Service de police de Dryden :
    • la transcription de l’appel au 911;
    • le rapport d’arrestation;
    • des photographies des lieux;
    • les notes des AT;
    • le rapport d’admission du prisonnier.

    Éléments obtenus auprès d’autres sources

    L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants d’autres sources :
    • Le dossier médical du plaignant provenant du Centre régional de santé de Dryden.

    Description de l’incident

    Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, l’AI no 1 et deux civils ayant assisté à une partie l’incident. L’AI no 2 a refusé de participer à une entrevue avec l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

    Dans la soirée du 30 septembre 2021, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont été envoyés à une résidence en région rurale sur la route 17, à Dryden. Une personne à la résidence avait téléphoné au 911 à cause d’un incident violent mettant en cause ses parents, le plaignant et le TC no 2. Durant l’appel, le TC no 2 a pris le téléphone et a dit qu’elle s’était disputée avec son mari et elle a tenté de rassurer le téléphoniste en disant que tout allait bien. Le téléphoniste a indiqué que des agents seraient envoyés sur les lieux de toute façon pour qu’ils puissent vérifier par eux-mêmes si tout allait bien.

    Dans leur VUS de la police identifié conduit par l’AI no 2, les agents sont arrivés à la résidence vers 21 h 35. Ils ont emprunté la longue entrée de cour menant à la maison et ils avaient parcouru de 30 à 40 mètres lorsque l’AI no 1 a remarqué une camionnette stationnée environ 60 à 70 mètres plus loin face à eux dans l’entrée. Les agents ont alors arrêté, ils sont sortis de leur véhicule et ils ont vu le plaignant courir vers la camionnette et s’installer au volant.

    Le plaignant a alors avancé dans la camionnette en direction du VUS. Comme il s’approchait du véhicule comme pour passer à côté, le plaignant a soudainement braqué les roues vers la gauche et a percuté le VUS à l’avant, du côté conducteur. L’impact a fait reculer le VUS, qui a tourné sur lui-même et a ainsi heurté l’AI no 1, et peut être aussi l’AI no 2, ceux-ci s’étant mis à l’abri du côté passager du VUS lorsqu’ils avaient vu la camionnette avancer. Peu après la collision, l’AI no 2 a tiré un coup de feu avec son pistolet semi-automatique vers la camionnette.

    Le plaignant a continué son chemin sur une certaine distance après avoir croisé le VUS, après quoi il a retourné son véhicule d’un coup en décrivant un demi-cercle vers la gauche pour repartir vers le VUS. Les agents, qui avaient d’abord été renversés par le premier impact, s’étaient remis debout pour immédiatement aller se mettre à l’abri derrière les arbres juste au sud du VUS. Une fois la camionnette à 15 mètres de leur position, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont tous les deux tiré plusieurs fois en direction du plaignant et ils ont continué jusqu’à ce que la camionnette s’immobilise au nord de leur position, entre les arbres qui leur avaient servi de protection et leur VUS.

    L’AI no 1 s’est approché de la camionnette, du côté conducteur, et le plaignant a alors ouvert la portière et est sorti, pour ensuite s’étendre au sol. L’agent l’a menotté et l’a accusé d’avoir essayé de les tuer, lui ainsi que son partenaire. Le plaignant a menacé de tuer l’AI no 1, en lui mentionnant qu’il savait où il habitait.

    Les services ambulanciers ont conduit le plaignant à l’hôpital, où des fractures des côtes ont été diagnostiquées. Il n’avait aucune blessure par balle.

    L’AI no 1 s’est aussi rendu à l’hôpital, où il a été traité pour des entorses aux chevilles résultant du choc subi lorsque le VUS l’a heurté sous l’impact de la camionnette conduite par le plaignant.

    Dispositions législatives pertinentes

    L'article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

    34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
    a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
    b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
    c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.
    (2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

    a) la nature de la force ou de la menace
    b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
    c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
    d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
    e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
    f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
    g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
    h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.   

    Analyse et décision du directeur

    Le 30 septembre 2021, le plaignant a été grièvement blessé durant une interaction avec des agents du Service de police de Dryden durant laquelle les agents ont tiré des coups de feu. Même si les blessures du plaignant ne résultaient pas des coups de feu, l’UES a été avisée et a entrepris une enquête puisque des coups de feu avaient été déchargés par la police en direction d’une personne durant l’incident. Les agents qui ont tiré, soit les AI nos 1 et 2, ont été désignés comme agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des AI a commis une infraction criminelle dans cette affaire.

    En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’usage de la force, qui constituerait autrement une infraction, est légalement justifié pourvu que ce soit pour empêcher une attaque raisonnablement redoutée à cause d’actes réels ou de menaces et que la force en question soit raisonnable. Pour ce qui est du caractère raisonnable de la force en question, il doit être évalué en fonction des circonstances entourant l’incident, notamment en tenant compte de facteurs comme « la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et, enfin, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force. À mon avis, la force employée par chacun des agents impliqués était conforme à ce qui est autorisé par l’article 34.

    Les AI nos 1 et 2 ont agi légalement durant l’incident, dont le point culminant a été les coups de feu tirés par eux. L’appel fait au 911 à la police à partir de la résidence de la route 17 donnait nettement l’impression que quelque chose n’allait pas et, comme ils avaient été envoyés sur les lieux, les agents avaient l’obligation d’entrer dans la propriété pour vérifier si les résidents allaient bien.

    Je conviens que les agents ont tiré des coups de feu pour se protéger d’une attaque qu’ils avaient des motifs raisonnables de redouter. L’AI no 1 estimait que le plaignant tentait de les renverser avec sa camionnette et la prépondérance des éléments de preuve lui donne raison. On ne peut que conclure que c’était également la perception de l’AI no 2. Les agents venaient à peine d’arriver à la résidence lorsque le plaignant est monté à bord de sa camionnette et a avancé dans leur direction, en changeant de direction au dernier moment de manière à percuter leur véhicule. Il a ainsi failli tuer les agents, qui ont par chance réussi à éviter des blessures graves en se plaçant du côté passager de leur véhicule lorsqu’il a été violemment poussé dans leur direction par la camionnette. Dans les circonstances, j’ai la conviction que l’AI no 2 a alors déchargé son arme lorsqu’il a cru que sa vie était en danger immédiat. J’estime que c’est aussi vrai pour les nombreux coups de feu tirés par l’AI no 1 et l’AI no 2 en direction du plaignant lorsque la camionnette a tourné à 360 degrés pour encore une fois se diriger vers les agents, qui avaient alors eu le temps de se mettre à l’abri derrière des arbres près de leur VUS accidenté.

    Pour ce qui est de la force exercée par les agents, seize coups ont été tirés par l’AI no 1 et dix-sept par l’AI no 2 [1] et je juge que c’était légalement justifié par les circonstances extrêmement menaçantes. Les agents avaient toutes les raisons de croire que le plaignant conduisait dans leur direction dans l’intention préméditée de leur faire du mal. Il avait déjà foncé vers eux une fois, ce qui avait amené l’AI no 2 à tirer une première fois et il avait reculé pour se diriger encore une fois vers eux. Les agents avaient alors tiré à plusieurs reprises sur lui. La camionnette était alors à toutes fins pratiques utilisé comme une arme par le plaignant, qui était de toute évidence capable de leur infliger des blessures graves ou de les tuer. Les agents n’avaient accès à aucun abri pour se protéger efficacement pendant les secondes qu’a duré l’incident. Les agents s’étaient mis à l’abri derrière des arbres, mais le plaignant avait déjà montré qu’il avait était prêt à foncer dans des objets avec sa camionnette et il semblait s’apprêter à recommencer lorsqu’il a fait demi-tour pour retourner vers les agents. Au vu du dossier, je ne peux blâmer les agents d’avoir tenté de neutraliser le plaignant, compte tenu de ses intentions, en tirant dans sa direction. Cette décision était à mon avis raisonnable dans les circonstances puisque c’était la seule option qu’ils avaient pour empêcher le plaignant de déployer contre eux une attaque potentiellement mortelle. Il importe de signaler que les deux agents ont cessé leurs coups de feu une fois la camionnette immobilisée, à quelques mètres à peine d’où ils se trouvaient.

    Pour les raisons mentionnées ci-dessus, j’ai la conviction que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont agi tout à fait légalement durant toute l’interaction avec le plaignant. Par conséquent, il n’y a pas lieu de déposer des accusations contre les agents et le dossier est clos.


    Date : 27 janvier 2022


    Signature électronique


    Joseph Martino
    Directeur
    Unité des enquêtes spéciales

    Notes

    • 1) Ces chiffres sont basés sur la quantité de munitions restantes dans les armes à feu et les chargeurs de rechange des agents après l’incident et sur l’hypothèse que l’arme de chaque agent était remplie à sa pleine capacité avant le début de l’incident, ce qui est pratique courante pour les policiers, qui reçoivent habituellement une arme à feu avec un chargeur plein et une cartouche engagée dans la chambre. [Retour au texte]

    Note:

    La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.