Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-PFD-257

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 31 ans survenu durant une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 15 août 2021, à 14 h 46, la Police provinciale de l’Ontario a signalé à l’UES le décès du plaignant.

La Police provinciale de l’Ontario a avisé que, le 15 août 2021, vers 11 h, des agents de la Police provinciale s’étaient rendus à une résidence sur l’avenue Belsyde, à Fergus, à cause d’un individu qui troublait la paix. D’après l’information dont on disposait alors, il semblait que l’incident était causé par une personne souffrant de troubles mentaux. Les agents de la Police provinciale ont négocié avec le plaignant, qui était caché dans une chambre avec des couteaux en sa possession.

Vers 13 h 38, les agents ont vaporisé du gaz poivré, puis ils ont déployé des armes à impulsions et, enfin, des coups de feu ont été tirés.

Les ambulanciers ont déclaré le plaignant mort sur place.

Les lieux ont été bouclés.

L’un des agents en cause aurait reçu un coup de couteau au bras et aurait été conduit à l’hôpital.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 15 août 2021, à 15 h 59

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 15 août 2021, à 16 h 19

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 31 ans, décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 15 août 2021 et le 13 septembre 2021.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 18 août 2021 et le 15 octobre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

Le logement du plaignant était situé dans un immeuble de l’avenue Belsyde Est, à Fergus.

À 18 h 21, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au logement du plaignant. La porte d’entrée était surveillée par un agent de la Police provinciale. Elle n’était pas endommagée, sauf que la chaîne de sûreté était cassée.

La tête du plaignant était visible de l’entrée. Il avait la tête au nord, et les pieds au sud. Il était étendu sur le dos, la poitrine exposée avec des fournitures médicales collées dessus. Il y avait beaucoup de sang autour du corps. On observait aussi une grande quantité de sacs de matériel d’ambulance et de débris autour du plaignant. Des morceaux de vêtements se trouvaient de chaque côté. Le plaignant portait une paire de culottes courtes avec un sous-vêtement long dessous. La jambe droite du sous-vêtement avait été coupée, pour les besoins des soins médicaux, et le plaignant portait des chaussettes.
 

Chambre

La chambre principale était meublée d’un lit, d’une longue commode, d’une table avec un petit téléviseur et d’une table de chevet. Le lit était au centre de la pièce, la tête du côté opposé à la porte d’entrée. Un tiroir de commode d’une certaine largeur était placé le long du mur, du côté droit de l’entrée. La table avec la télé était au pied du lit. Un petit placard se trouvait à gauche de la porte d’entrée, au pied du lit. Les traces de sang commençaient au pied du lit, près de la porte, et elles étaient étalées sur le plancher.

L’examen de la chambre a permis de trouver quatre douilles argentées avec l’inscription WIN Luger 9mm gravée. Deux des douilles étaient sur le lit, près de la tête, et les deux autres, sur le sol, vers la tête du lit. Il y avait des signes qu’une arme à impulsions avait été déployée dans la chambre puisque des débris, soit des identifications anti-criminel[1], des morceaux de plastique internes et des portes de cartouche, étaient dispersés dans la pièce. Une sonde d’arme à impulsions s’était logée dans le mur, près du placard.

Deux couteaux étaient sur la commode. L’un d’eux était sur le coin de la commode le plus rapproché de la porte. Il s’agissait d’un couteau de poche déplié, avec une lame courbée dite « karambit ». Le deuxième était aussi un couteau de poche, en position partiellement ouverte. Il avait un manche bleu et était de marque CRKT.

Les morceaux de vêtements et les débris de fournitures médicales autour du corps ont été ramassés.

Au total, quatre sondes d’arme à impulsions ont été trouvées, dont une enfoncée dans le mur de la chambre.

Cuisine

Trois couteaux se trouvaient sur le comptoir, à proximité du réfrigérateur. L’un était un découpeur de boîte à ressort, le deuxième, un couteau de poche noir et le troisième, un couteau à lame fixe noir avec un manche en ossement.

Les lieux ont filmés et mesurés pour qu’un schéma puisse être établi par la suite.

À 22 h 23, le corps a été sorti des lieux par les préposés de l’entreprise spécialisée. Il a été transporté au bureau du coroner de Toronto pour une autopsie.

Les lieux ont été photographiés après la sortie du corps, juste avant que les lieux soient évacués. La porte a été scellée et la Police provinciale a été avisée que les lieux devaient être bouclés jusqu’après l’autopsie.

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au poste du détachement de la Police provinciale pour examiner et photographier les vêtements des agents en cause et des armes utilisées par eux et télécharger les données des armes à impulsions employées durant l’incident. Un examen des vêtements des agents en cause a été effectué pour vérifier les dommages et récupérer les armes à feu et les munitions utilisées.

Éléments de preuve matériels

Éléments de preuve prélevés dans le logement du plaignan

  1. Quatre douilles portaient l’inscription « WIN Luger 9mm » gravée.
  2. Des débris d’armes à impulsions, des identifications anti-criminel, des composantes de plastique, des filins et des portes de cartouche. Les identifications anti-criminel portaient les numéros de série des armes attribuées à l’AT no 1 et à l’AT no 3. Les identifications anti-criminel étaient dispersées dans la chambre.
  3. Quatre sondes d’arme à impulsions ont été trouvées. L’une s’était logée dans le mur près du coin sud-ouest de la chambre, une autre était par terre, sous le pied droit du plaignant, une autre encore avait pénétré ses vêtements et la dernière était dans un bout de tissu entortillé qui avait été découpé sur le corps.
  4. Un trousseau de clés de la police.
  5. Un couteau de poche « TAC-FORCE » en position ouverte a été trouvé sur la commode de la chambre, près de la porte. La lame recourbée avait environ 7 cm de long et la poignée faisait 12 cm. Un examen visuel du couteau a été fait, mais il n’y avait aucune trace de sang ni de fibres
  6. Un couteau de poche « CRKT » en position ouverte a été trouvé sur la commode. La lame mesurait à peu près 7 cm et il avait une poignée de 10 cm. Un examen visuel du couteau a été fait, mais il n’y avait aucune trace de sang ni de fibres.
  7. Un flacon de gaz poivré[2] a été trouvé sur le lit.
  8. Trois couteaux étaient sur le comptoir de la cuisine. L’un d’eux était un découpeur de boîte à ressort, dont il fallait comprimer la poignée pour faire sortir la lame. Le deuxième était un couteau fixe avec un manche en ossement et le troisième, un couteau de poche utilitaire noir.
  9. Un morceau de vêtement découpé sur le corps du plaignant a été examiné. Il était imbibé de sang. Il avait été découpé par les ambulanciers. Il était endommagé à trois endroits à l’avant et à l’un de ces endroits, une chemise en cuivre était collée.
  10. Il y avait un autre vêtement, ressemblant à un chandail à capuchon, qui ne couvrait que les épaules et les bras. Il était lui aussi imbibé de sang. Il avait été découpé par les ambulanciers. On a observé plusieurs dommages à la manche droite.
Photograph of knife on table over 15 centimeter ruler with an identification SIU identification card.
Figure 1 – Couteau trouvé sur la commode de la chambre

Photograph of knife on table over 15 centimeter ruler with an identification SIU identification card.
Figure 2 – Couteau trouvé sur la commode de la chambre

Éléments de preuve obtenus de la Police provinciale

AI
  1. Une arme à feu Glock 17 M appartenant à l’AI, qui contenait une cartouche « WIN 9 mm Luger » dans la chambre et 13 autres cartouches dans le chargeur.
  2. Deux chargeurs de rechange appartenant à l’AI et contenant chacun 17 cartouches.
  3. Le ceinturon de service de l’AI, avec une matraque, un outil polyvalent et des menottes dans les poches correspondantes. Le ceinturon de service comportait une gaine d’arme à impulsions, une gaine pour arme Glock et une pochette vide pour le pulvérisateur de gaz poivré. Un examen de l’arme à impulsions effectué par l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires a révélé qu’elle n’avait pas été déployée. Elle a donc été remise à la Police provinciale.
Armes à impulsions
  1. Il y avait deux cartouches déchargées.
Photograph of handgun on brown paper.
Figure 3 – L’arme à feu de l’AI

Éléments de preuve recueillis durant l’autopsie du plaignant

  1. Quatre projectiles et deux ensembles de fragments étaient logés dans le corps
  2. Un prélèvement par écouvillonnage sur les mains et le visage
  3. Des morceaux d’ongle découpés
  4. Une paire de chaussettes
  5. Un morceau de sous-vêtement imbibé de sang
  6. Un morceau de sous-vêtement imbibé de sang
  7. Un sous-vêtement long, avec la jambe droite découpée par les ambulanciers
  8. Une culotte courte et une ceinture noire avec une gaine pour couteau à lame fixe

Éléments de preuves médicolégaux

Rapport des analyses chimiques du Centre des sciences judiciaires

Un rapport des analyses a été produit le 4 octobre 2021. Il avait pour but d’analyser le contenu d’un flacon de gaz poivré afin de déterminer s’il était fonctionnel et si une part de son contenu, soit un agent lacrymogène, avait été trouvé sur le visage et les mains du plaignant. Le rapport indiquait qu’aucun agent lacrymogène n’était présent dans les échantillons prélevés sur les mains et le visage du plaignant à l’autopsie.
 

Rapport de biologie du Centre des sciences judiciaires

Le rapport de biologie portait la date du 20 octobre 2021. Le but de l’examen était de déterminer si du sang était présent sur les deux couteaux dont le plaignant s’était servi et, le cas échéant, de faire un profil d’ADN.

De l’ADN d’au moins deux personnes, dont un homme, a été trouvé sur le couteau de poche TAC Force, et il y avait de l’ADN d’homme en quantité suffisante pour un test d’ADN de lignée mâle Y-STR sur le couteau de poche CRKT.

Rapport d’autopsie et rapport de toxicologie

Les rapports d’autopsie et de toxicologie n’ont pas encore été reçus par l’UES.

Données téléchargées de l’arme à impulsions de l’AT no 3

Le 15 août 2021, à 13 h 27 min 50 s [3], l’AT no 3 a armé son arme à impulsions. Elle contenait deux cartouches. À 13 h 29 min 10 s, l’AT no 3 a déployé son arme à impulsions en utilisant la première cartouche pendant une durée totale de cinq secondes. À 13 h 29 min 29 s, l’AT no 3 a désamorcé son arme à impulsions. À 13 h 29 min 30 s, l’AT no 3 a armé son arme à impulsions puis, à 13 h 29 min 52 s, il l’a désamorcée de nouveau. À 13 h 29 min 57 s, l’AT no 3 a armé son arme à impulsions et, à 13 h 31 min 31 s, il l’a désamorcée.

Données téléchargées de l’arme à impulsions de l’AT no 1

Le 15 août 2021, à 13 h 14 min 7 s, l’AT no 1 a amorcé son arme à impulsions. La fente de la première cartouche indiquait qu’elle était vide, et celle de la deuxième cartouche, que cette dernière était pleine. À 13 h 15 min 40 s, l’AT no 1 a désamorcé son arme à impulsions. À 13 h 26 min 5 s, l’AT no 1 a amorcé son arme à impulsions, et les deux fentes contenaient alors une cartouche. À 13 h 30 min 8 s, l’AT no 1 a déployé son arme à impulsions en appuyant sur la détente pendant deux secondes. La première cartouche a enregistré une défaillance de senseur. À 13 h 30 min 10 s, l’AT no 1 a désamorcé son arme à impulsions. À 13 h 30 min 11 s, l’AI no 1 a armé son arme à impulsions. À 13 h 30 min 12 s, l’AT no 1 a déployé son arme à impulsions pendant cinq secondes et la première cartouche a alors enregistré une défaillance de senseur. À 13 h 30 min 28 s, l’AT no 1 a déployé son arme à impulsions pendant cinq secondes et la première cartouche a enregistré une défaillance de senseur. À 13 h 30 min 51 s, l’AT no 1 a déployé son arme à impulsions encore une fois pendant cinq secondes, avec le même résultat. À 13 h 15 min 40 s, l’AT no 1 a désamorcé son arme à impulsions.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[4]

Enregistrements des communications de la Police provinciale

Les enregistrements ont été faits le 15 août 2021. Les seules indications de l’heure étaient au début et à la fin. Pour le reste, les heures indiquées provenaient du rapport des détails de l’événement.

Appels au 911

À 11 h 12, le TC no 1, qui remplaçait le gestionnaire de l’immeuble d’habitation de l’avenue Belsyde, a communiqué avec la Police provinciale. Il avait été appelé par un locataire au sujet d’un incident de violence familiale parce qu’il avait entendu des cris dans un logement. Le TC no 1 s’était rendu à l’immeuble d’habitation, il s’était approché de la porte et il avait entendu des menaces, des cris et du langage grossier à l’intérieur. Le TC no 1 a dit au centre de répartition qu’il attendrait la Police provinciale devant l’immeuble.

À 11 h 18, une femme a appelé la police. Elle a signalé que quelqu’un dans l’immeuble d’habitation d’en face criait et hurlait depuis la veille. Elle s’inquiétait pour les résidents de l’immeuble où elle habitait.

À 11 h 20, un homme a appelé pour dire qu’une personne qui semblait avoir des troubles mentaux proférait des jurons et blasphémait depuis un moment sur l’avenue Belsyde.

Enregistrements des transmissions par radio

À 11 h 13, l’AT no 2 et l’AT no 1 sont partis pour un immeuble d’habitation de l’avenue Belsyde où quelqu’un troublait la paix. Selon l’information obtenue, les gens avaient entendu beaucoup crier. C’était la première fois que des policiers devaient se rendre à cette adresse. Le plaignant avait des antécédents de violence d’après les renseignements des systèmes de la police. La personne ayant téléphoné, soit le TC no 1, attendait devant l’immeuble.

Avant leur arrivée, l’AT no 2 et l’AT no 1 avaient appris que, le 29 novembre 2020, il y avait eu plusieurs appels liés aux troubles mentaux du plaignant.

Vers 11 h 23, l’AT no 2 est arrivé sur les lieux, suivi de près par l’AT no 1. L’AT no 2 a indiqué qu’ils attendaient de communiquer avec le plaignant. Tout était alors tranquille.

À 11 h 36, l’AT no 1 a dit qu’il avait aperçu le plaignant pendant dix secondes et que celui-ci avait ensuite claqué la porte et l’avait verrouillée. Le plaignant a refusé d’ouvrir la porte de nouveau. Les agents sur les lieux croyaient que le plaignant était seul.

L’aide de l’AT no 4 a été demandée, puis l’AT no 3 s’est mis en route vers Fergus.

À 12 h 06, l’AT no 2 a signalé qu’il allait pénétrer dans le logement avec l’AT no 1. Ce dernier a précisé qu’ils se serviraient d’un coupe-boulons pour forcer la porte.

À 12 h 16, l’AT no 1 a rapporté qu’ils étaient à l’intérieur. Les agents étaient au bord de la porte d’entrée et il y avait un meuble volumineux qui bloquait l’accès au salon, et les agents ne pouvaient donc pas voir le plaignant.

À 12 h 20, l’AT no 2 a dit qu’il avait vu le plaignant avec deux couteaux. Le plaignant s’était barricadé dans la chambre. L’AT no 3 a ordonné qu’un agent aille surveiller par l’extérieur. L’AT no 4 est alors allée se mettre en position. L’AT no 2, l’AT no 1 et l’AI ont reçu pour instruction de vérifier le reste du logement et de rester en position.

L’AT no 3 a demandé au superviseur des communications de contacter le centre provincial des opérations pour demander des négociateurs. Il a aussi demandé que l’équipe d’intervention d’urgence soit appelée pour qu’elle aide à établir un périmètre de sécurité. Lorsqu’on lui a demandé de confirmer la demande, l’AT no 3 s’est exécuté et a parlé d’une personne qui s’était barricadée. On a demandé de faire venir les services ambulanciers pour qu’ils se tiennent prêts à intervenir à l’immeuble en question.

À 12 h 35, l’AT no 4 a rapporté que le plaignant avait vu l’ambulance et les voitures de police qui venaient d’arriver.

À 12 h 47, l’AT no 3 a avisé que la police avait pénétré dans la chambre. À ce stade, le plaignant était caché dans le placard. L’AT no 3 a indiqué qu’ils étaient entrés en contact avec le plaignant, mais que celui-ci refusait de sortir du placard.

À 13 h 0, l’AT no 3 a mentionné que le plaignant était toujours dans le placard, avec un couteau à la main droite. Sa main gauche n’était pas visible.

À 13 h 1, l’AT no 3 a annoncé qu’on lui avait indiqué qu’il n’y avait pas de négociateurs de libres et que l’équipe d’intervention d’urgence avait été contactée. L’AT no 3 a ajouté qu’ils allaient faire d’autres tentatives pour convaincre le plaignant de sortir.

À 13 h 14, l’AT no 3 s’est fait dire que quatre membres de l’équipe d’intervention d’urgence viendraient sur l’avenue Belsyde. Le plaignant ne s’était toujours pas départi de son couteau.

À 13 h 15, l’AT no 3 a avisé que du gaz poivré avait été utilisé et, à 13 h 19, une deuxième dose a été pulvérisée en direction du plaignant. L’un des couteaux a été décrit comme un couteau à lame recourbée. Le plaignant était toujours dans le placard.

À 13 h 29, l’AT no 3 a annoncé des coups de feu. Il y a ensuite eu une autre transmission concernant des coups de feu, puis d’autres coups de feu ont été annoncés encore deux fois. L’ambulance a été demandée et on a entendu dire : [Traduction] « Montrez vos mains. »

D’autres messages transmis partiellement par radio ont indiqué que les couteaux étaient introuvables, puis à 13 h 49, le plaignant a été déclaré mort.

À 14 h 4, l’AT no 3 a annoncé que l’AI avait subi une blessure perforante au couteau et qu’il était conduit à l’hôpital par l’AT no 5.
 

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI

L’enregistrement a été fait le 15 août 2021. La durée indiquée était d’une heure, 21 minutes et 46 secondes.

À 12 h 17, la caméra a été allumée. L’AI se tenait sur le bord de la porte du balcon et était tourné en direction du salon et de la porte d’entrée. L’AT no 2 était debout dans le salon, près du couloir menant à la chambre. L’AI avait sorti son arme à impulsions. L’AT no 1 était debout entre l’entrée de la cuisine et le salon, près du balcon. L’AT no 2 est sorti du champ de la caméra pour se diriger vers la chambre. L’AT no 1 s’est placé sur le mur le plus éloigné pour avoir une meilleure vue sur la chambre.

À 12 h 18, le son de la caméra d’intervention a été allumé. L’AT no 2 a essayé de discuter avec le plaignant. Il lui a demandé de déposer son couteau, ce à quoi le plaignant a répondu à plusieurs reprises : [Traduction] « Je ne peux pas. »

À 12 h 19, la porte de la chambre a été fermée et les agents à l’intérieur du logement se sont placés du côté du salon le plus éloigné. L’AT no 2 a annoncé à la radio que le plaignant avait deux couteaux et qu’il était barricadé dans sa chambre.

À 12 h 21, l’AT no 3 a ordonné à un agent de se poster dehors. L’AT no 4 est alors sorti du logement.

À 12 h 23, l’AI a, conformément aux ordres, vérifié la deuxième chambre, qui servait de rangement.

De 12 h 24 à 12 h 25, le son de la caméra était éteint.

À 12 h 26, l’AI s’est rendu au bout du couloir, près de l’entrée, et a déplacé un meuble de manière à voir la chambre où se trouvait le plaignant. L’AI et l’AT no 1 étaient hors champ.

À 12 h 30, pendant une période de 8 secondes, le son a encore une fois été éteint.

À 12 h 31, l’AT no 3 a ordonné aux agents sur les lieux de demeurer en position dans le logement.

À 12 h 35, l’AT no 4 a rapporté que le plaignant était conscient de la présence des ambulanciers.

À 12 h 37, l’AI s’est mis à appeler le plaignant. Il a demandé à celui-ci s’il l’entendait. Il a ajouté que les agents voulaient seulement discuter avec lui, et il lui a demandé s’il voulait bien parler avec lui.

À 12 h 40, l’AT no 3 est arrivé au logement. Les paroles adressées au plaignant sont restées sans réponse. L’AI a signalé que le plaignant avait deux couteaux de chasse. On a entendu l’AT no 3 faire un compte rendu de la situation à l’AT no 6 à son téléphone cellulaire. L’AT no 3 a demandé s’il y avait des signes d’automutilation, et l’AI a répondu que non. L’image du plaignant ne montrait aucune blessure. L’AT no 3 est sorti du champ de la caméra en allant à l’autre bout du salon.

À 12 h 43, l’AT no 3 s’est renseigné sur une situation similaire survenue l’année d’avant. À 12 h 44, le centre de répartition a transmis l’information à l’AT no 3. Ce dernier s’est ensuite approché de la porte de la chambre et a tenté d’engager la conversation avec le plaignant. Il a pris position dans le couloir, hors du champ de la caméra, et a dit au plaignant que la police voulait lui parler et vérifier s’il allait bien. Il lui a demandé de cogner sur la porte s’il l’entendait. D’autres tentatives de dialogue ont été infructueuses.

À 12 h 46, l’AT no 3 a tenté de tourner la poignée de porte de la chambre et la porte s’est ouverte vers l’intérieur de la pièce. Avec son arme à impulsions dégainée, l’AT no 3 a demandé au plaignant de sortir de sa cachette.

À 12 h 47, l’AT no 3 s’est glissé la tête dans la chambre pendant qu’il continuait à discuter avec le plaignant. Deux secondes plus tard, l’AT no 3 est entré dans la chambre et l’AI s’est placé sur le bord de la porte de la chambre. L’AT no 3 a rapporté que le plaignant était dans le placard, puis il s’est placé entre le lit et la commode, du côté opposé à la fenêtre de la chambre. Le plaignant s’est fait dire de sortir à plusieurs reprises. L’AT no 3 a changé pour son arme à feu et il a dit à l’AI qu’il voulait éviter que le plaignant sorte du placard en se précipitant sur eux. Ils ont envisagé de placer quelque chose devant la porte du placard. L’AT no 3 a poussé une table de chevet devant la porte, tout en continuant de demander au plaignant de sortir en disant qu’ils voulaient juste discuter.

À 12 h 49, l’AI a ouvert la porte pliante et les agents continuaient pendant ce temps de dire au plaignant de sortir les mains en l’air. L’AI a assuré au plaignant qu’il n’aurait pas de problème et qu’ils voulaient seulement l’aider.

À 12 h 50, l’AT no 3 a indiqué qu’il y avait eu un contact avec le plaignant. L’AT no 3 a dit au plaignant de sortir du placard pour qu’on lui vienne en aide. Celui-ci a répondu calmement : [Traduction] « Je vais me trancher la gorge. » L’AT no 3 a dit au plaignant que les agents s’inquiétaient pour lui, et ce dernier a rétorqué qu’ils n’avaient pas à se préoccuper de sa santé mentale. L’AT no 3 a dit que des voisins avaient entendu des cris dans le logement et qu’ils étaient inquiets, et le plaignant a répliqué que tout irait bien. L’AT no 3 a ajouté qu’il voulait s’assurer que le plaignant allait bien, et ce dernier a alors dit : [Traduction] « Oh! pas de souci. Tout va bien aller, man. »

À 12 h 51, l’AT no 3 a dit qu’il voulait voir le plaignant. Il a précisé à ce dernier que la police devait veiller à ce qu’il ne se fasse aucun mal. À quatre reprises, le plaignant a demandé poliment à la police de sortir de son logement. L’AT no 3 lui a répondu : [Traduction] « Je comprends, mais je veux que vous sortiez. » Le plaignant lui a dit non, puis il a ajouté : [Traduction] « Je veux me tuer. » L’AT no 3 a indiqué que la police ne pouvait pas partir, et le plaignant a répondu : « Je vais seulement rester ici. Je le promets. » La conversation s’est poursuivie en tournant en rond, et le plaignant a dit que, si les agents ne voulaient pas sortir de son logement, ils allaient mourir avec lui. L’AT no 3 a dit que personne n’allait mourir.

Au fil de la conversation, les agents ont dit au plaignant qu’ils s’inquiétaient pour sa santé mentale, et celui-ci a convenu qu’il n’allait pas bien. Le plaignant a expliqué qu’il était perturbé parce qu’il ne croyait pas que les personnes dans son logement étaient réellement des policiers. L’AT no 3 a avisé le plaignant qu’il y avait quatre personnes dans la pièce et que, s’il sortait du placard, il verrait qu’ils étaient bien des policiers.

À 12 h 55, le ton de la conversation a changé. Le plaignant a dit aux agents de retourner chez eux. Il s’est fait répondre que la police ne pouvait pas partir. Lorsqu’on lui a posé la question, le plaignant a indiqué qu’il avait des couteaux en sa possession.

À 12 h 57, le téléphone cellulaire de l’AT no 3 a sonné, et il est sorti de la chambre. Le plaignant a dit à l’AI qu’il fallait qu’ils partent. L’AI a répondu qu’ils étaient là juste pour lui parler et qu’ils voulaient éviter qu’il se fasse du mal. Le plaignant a dit qu’il voulait aller au diable. Les policiers ont encore tenté de faire sortir le plaignant du placard, mais ce dernier disait aux agents de partir.

À 13 h 12, le plaignant a indiqué qu’il voulait se tuer, mais qu’il en était incapable. Il a ajouté que l’AI allait devoir le faire. L’AI a répondu qu’il ne voulait pas le tuer, et le plaignant a dit qu’ils jouaient au chat et à la souris et a répété qu’il voulait mourir.

À 13 h 13, le plaignant a arrêté de parler à l’AI et, à 13 h 15, l’AT no 3 a demandé à la radio un « 10 3[5] ». Le plaignant s’est tenu debout brièvement, mais son image n’a pas été captée par la caméra d’intervention. Il a refusé de jeter son couteau. Environ 28 secondes plus tard, l’AT no 3 s’est approché de l’AI et, en se penchant vers l’avant près du placard, il a pulvérisé du gaz poivré vers le bas du placard. L’AT no 3 a alors annoncé que du gaz poivré avait été utilisé. Le plaignant a toussé un peu et il a ensuite dit : [Traduction] « Vous avez vraiment envie de mourir? » Quand on lui a répété de sortir du placard, le plaignant a alors répondu : [Traduction] « Pas question. »

À 13 h 16, l’AI s’est placé entre la fenêtre de la chambre et le lit. La fenêtre était alors ouverte. La caméra a enregistré des images de l’autre côté de la chambre, avec l’AT no 2, qui se trouvait le plus loin dans la chambre, avec l’AT no 3 ensuite, puis l’AT no 1, près de la porte. L’AT no 2 et l’AT no 1 avaient leur arme à feu sortie, et l’AT no 3 avait son arme à impulsions à la main. La caméra a ensuite montré le placard ouvert, mais le plaignant n’était pas visible. Le plaignant a ensuite ignoré l’ordre de sortir du placard, qui a été répété encore une fois.

À 13 h 25, le plaignant s’est mis debout. Le haut de son corps et son visage étaient visibles à la caméra. Sa main gauche était vide. Il s’est rassis. À 13 h 27, le plaignant s’est relevé.

À 13 h 28, l’AT no 3 a fait des gestes pour indiquer à un agent de pulvériser du gaz poivré en direction du plaignant. L’AI s’est rapproché du placard et on a entendu une pulvérisation. Le plaignant s’est baissé vivement. À 13 h 29 min 37 s, la caméra s’est tournée rapidement en direction du côté opposé de la pièce. L’AT no 3 était au pied du lit avec son arme à impulsions. L’AT no 2, avait sorti son arme à feu, et l’AT no 1, avec son arme à impulsions, était toujours du côté opposé du lit. À 13 h 29 min 39 s, l’AI a reculé et il s’est retrouvé sur le lit. L’AT no 2 et l’AT no 1 ainsi que l’AT no 3 étaient alignés jusqu’à la porte de la chambre. L’AT no 3 était le plus près de la porte. L’AI a alors traversé le lit pour aller du côté opposé.

À 13 h 29 min 41 s, le plaignant est sorti du placard et était penché vers l’avant et il a touché le coin du lit. Il a longé le bout du lit tout en restant penché vers l’avant.

À 13 h 29 min 41 s, l’AT no 3 était visible de l’extérieur de la chambre, et l’AT no 1 était à la porte. L’AI avait son arme à feu pointée sur le plaignant, qui se tenait debout. Ce dernier s’est dirigé vers l’AI, qui se trouvait entre le lit et la commode, près du mur arrière. Le plaignant avait un couteau dans chaque main.

À 13 h 29 min 42 s, quatre coups de feu ont retenti dans l’enregistrement vidéo. Le plaignant est tombé à la renverse au sol et s’est retrouvé sur le côté gauche. L’AI a dit : [Traduction] : « Mon Dieu! » On a ensuite entendu : [Traduction] « Coups de feu, immobilisez-vous et jetez votre couteau. » Le plaignant s’est retrouvé à genoux pendant qu’on continuait de lui ordonner de lâcher son couteau. Il a essayé de se relever et il est tombé à la renverse, vers le bord du lit. Le plaignant gémissait. Une voix a crié à plusieurs reprises au plaignant : [Traduction] « Montrez vos mains, restez par terre et pas un geste. » Le plaignant est alors sorti de la chambre en rampant.

À 13 h 31 min 35 s, comme l’AT no 3 ordonnait au plaignant d’arrêter, la porte de la chambre a été fermée à demi. Les agents se sont mis à chercher les couteaux et quand ils ont rouvert la porte, le plaignant était assis dans le salon. À 13 h 32, l’AI a dit à l’AT no 2 qu’il ne pensait pas que le plaignant l’avait atteint avec son couteau.

À 13 h 33, l’AT no 3 a annoncé que les ambulanciers étaient entrés dans le logement. L’AT no 3 a indiqué que le plaignant avait d’abord été la cible du déploiement d’une arme à impulsions, puis que des coups de feu avaient été tirés lorsqu’il s’était précipité en direction de la police avec un couteau. L’AT no 3 ne savait pas combien de coups de feu avaient été tirés en direction du plaignant et combien l’avaient atteint. L’AI a annoncé qu’il avait trouvé un couteau, qui était, semble-t il, sur la commode, puis le deuxième couteau a aussi été trouvé.

À 13 h 36, l’AI est sorti de la chambre, puis l’AT no 3 a examiné l’AI dans la cuisine pour vérifier s’il était blessé. Les ambulanciers ont continué à prodiguer des soins au plaignant. L’AT no 3 a alors confirmé que seulement l’AI avait fait feu. À 13 h 39, l’AI et l’AT no 3 ont quitté le logement.

Le micro a été éteint, puis la caméra a été complètement éteinte.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et les documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario entre le 17 août 2021 au 8 octobre 2021 :
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les appels au 911;
  • les enregistrements des communications;
  • un courriel de la Police provinciale concernant le refus de l’AI de participer à une entrevue avec l’UES et de fournir ses notes;
  • le rapport d’incident général;
  • les notes de l’AT no 3;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 6;
  • les notes de l’AT no 5;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 4;
  • la liste des témoins;
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI;
  • les registres de formation de l’AI;
  • le rapport sur le recours à la force par l’AT no 1.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • les rapports d’appel d’ambulance et d’incident des services ambulanciers de Guelph Wellington;
  • le rapport préliminaire d’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario indiquant la cause du décès;
  • le rapport de biologie du CSJ;
  • les rapports des analyses chimiques du CSJ (x2).

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve réunis par l’UES, notamment des entrevues avec les trois agents qui se trouvaient dans la chambre où les coups de feu ont été tirés ou à proximité, les enregistrements des communications liées à l’incident et les images des événements captées par la caméra d’intervention de l’AI. L’agent impliqué a refusé de participer à une entrevue avec l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Le plaignant avait des troubles mentaux depuis plusieurs années. Dans la matinée du 15 août 2021, des résidents de l’immeuble où vivait le plaignant ont appelé la police pour signaler que quelqu’un troublait la paix dans son logement. Le plaignant n’avait pas toute sa tête à ce moment. Il avait poussé des cris à certains moments pendant qu’il était dans son logement et il n’avait pas répondu au gestionnaire de l’immeuble, qui avait tenté de communiquer avec lui. Des agents ont donc été dépêchés sur les lieux pour vérifier ce qui se passait.

Les AT nos 1 et 2 ont été les premiers à arriver sur les lieux, sur l’avenue Belsyde Est, à Fergus, entre 11 h 20 et 11 h 30. Ils ont discuté avec le gestionnaire de l’immeuble à l’extérieur, avant de l’accompagner jusqu’à la porte du logement du plaignant. Ils ont frappé plusieurs fois à la porte avant que le plaignant leur ouvre. Les agents lui ont expliqué qu’ils étaient là pour vérifier s’il allait bien, et le plaignant a alors fermé la porte et l’a verrouillée. Les autres tentatives pour tenter de communiquer avec le plaignant ont été infructueuses.

Inquiets pour la sécurité du plaignant et de toute autre personne pouvant se trouver dans le logement, l’AT no 2 a communiqué avec l’AT no 3. Le sergent a suggéré d’essayer de joindre le plaignant par téléphone et, au cas où ça ne fonctionnerait pas, d’obtenir la clé du logement pour y pénétrer. Lorsque les tentatives de communiquer avec le plaignant se sont révélées infructueuses, une clé a été obtenue auprès d’un autre résident de l’immeuble (le responsable de l’entretien de l’immeuble), qui a déverrouillé la porte.

À ce stade, l’AT no 2 et l’AT no 1 ont été rejoints dans l’immeuble par l’AI et l’AT no 4. Cette dernière est sortie de l’immeuble quelques instants pour aller chercher dans son véhicule un coupe-boulon, dont elle s’est ensuite servi pour couper la chaîne de sécurité qui retenait la porte. Les quatre agents sont alors entrés dans le logement. Il était environ 12 h 15.

L’AT no 2 a vu le plaignant dans le couloir qui partait du salon, à gauche de la porte d’entrée. Il est allé dans une chambre et s’est placé debout au bord du mur à l’extrême ouest, près du lit, avec un couteau dans chaque main. Se tenant près du cadre de la porte de la chambre, l’AT no 2 a pointé son arme à impulsions vers le plaignant et a tenté de discuter avec lui. Celui-ci a refusé de lâcher ses couteaux et s’est mis à marcher en direction de l’agent. L’AT no 2 a reculé lorsque le plaignant a fermé la porte de la chambre.

L’AT no 2 a communiqué avec l’AT no 3 pour le tenir au courant de la situation. Le sergent a ordonné qu’un agent surveille le logement à partir de l’extérieur et l’AT no 4 est sortie pour se mettre en position. Les trois autres agents devaient demeurer dans le logement pour empêcher le plaignant de sortir. À ce stade, on s’inquiétait davantage de la sécurité du plaignant et des autres personnes présentes à cause des couteaux en sa possession.

L’AT no 3 est arrivé sur les lieux et a rejoint les agents à l’intérieur du logement vers 12 h 40. Il avait été en contact avec l’AT no 6, qui était le commandant des opérations de garde, pour donner des conseils et encadrer l’intervention. Le sergent avait pris les dispositions nécessaires pour que des ambulanciers se tiennent à proximité de l’immeuble, en cas de besoin, et il avait aussi vérifié la disponibilité de négociateurs et des membres de l’équipe d’intervention d’urgence. Les négociateurs n’étaient pas disponibles rapidement, et les membres de l’équipe d’intervention d’urgence ne pouvaient arriver avant 30 à 60 minutes.

Voyant que les tentatives des AT nos 2 et 3 pour communiquer avec le plaignant étaient infructueuses, le sergent s’est approché de la porte de la chambre pour l’ouvrir. Il était alors à peu près 12 h 46. Le sergent a pénétré dans la pièce et a regardé le placard à sa gauche. Le plaignant, tenant ses couteaux, se trouvait à l’intérieur. Quand on lui a demandé de sortir du placard, le plaignant a refusé. Vers 12 h 49, l’AI, qui avait aussi pénétré dans la pièce, a ouvert la porte fermée. Il a assuré au plaignant qu’il n’aurait pas d’ennuis et que les agents voulaient simplement l’aider et vérifier s’il allait bien.

Pendant les 30 à 40 minutes qui ont suivi, l’AT no 3 et l’AI ont tenté de convaincre le plaignant de sortir du placard et de lâcher ses armes, mais sans succès. Ce dernier ne donnait aucunement l’impression de vouloir sortir du placard et il a demandé à plusieurs reprises aux agents de partir. Il a aussi parlé de son intention de se suicider. Estimant qu’ils étaient dans une impasse, l’AT no 3 a pulvérisé du gaz poivré en direction du plaignant, espérant ainsi le forcer à sortir du placard, mais ça n’a pas fonctionné.

Vers 13 h 30, à partir du côté gauche (sud) du lit, l’AI a pulvérisé du gaz poivré. L’AT no 2 se tenait du côté nord du lit, près du mur ouest, l’AT no 1 était juste à sa gauche (à l’est), tandis que l’AT no 3 était au pied du lit. Le plaignant, qui était alors debout dans le placard, a réagi. Il est sorti précipitamment du placard, ses couteaux dans les mains, et il s’est dirigé vers l’AI. Lorsque le plaignant est sorti, l’AT no 3 a déployé son arme à impulsions dans sa direction, mais sans effet. L’AT no 1 a semblé avoir aussi déchargé son arme à impulsions à peu près au même moment, toujours sans succès. L’AI s’est sauvé en courant sur le lit et s’est retrouvé debout devant l’AT no 2. Le plaignant a longé le pied du lit et s’est précipité vers l’AI, qui a tiré quatre coups de feu à bout portant.

Le plaignant est tombé au pied du lit après avoir été touché. Il a réussi à traverser la porte en rampant et à se rendre jusque dans le salon en passant par le couloir du logement, où il s’est affaissé.

Les ambulanciers qui attendaient à proximité ont été appelés dans le logement et, avec l’assistance des agents, ils ont entrepris de prodiguer des soins au plaignant pour tenter de lui sauver la vie. Malgré leurs efforts, le plaignant a été déclaré mort sur place vers 13 h 47.

Cause du décès

À l’autopsie, le médecin légiste a émis comme avis préliminaire que le décès du plaignant était attribuable à une « blessure par balle perforante à la poitrine ».

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 15 août 2021, le plaignant est décédé de blessures par balle infligées par un agent de la Police provinciale. Les coups de feu ont été tirés dans son logement, à Fergus. L’agent qui a tiré, soit l’AI, a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec le décès du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’usage de la force, qui constituerait autrement une infraction, est légalement justifié pourvu que ce soit pour se défendre ou défendre une autre personne contre une attaque à cause d’actes réels ou de menaces, à condition que la force en question soit raisonnable dans les circonstances. Pour ce qui est du caractère raisonnable de la force en question, elle doit être évaluée en fonction des circonstances pertinentes, notamment en tenant compte de facteurs comme « la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et, enfin, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force. À mon avis, la force employée par l’AI entrait dans les limites des justifications définies à l’article 34.

Il importe de signaler dès le départ que les agents étaient dans les lieux en toute légitimité au moment des coups de feu. Ils avaient été appelés sur les lieux parce qu’un individu troublait la paix et ils avaient le droit de faire des vérifications auprès du plaignant dans l’intérêt de sa sécurité et de celle de ses voisins. Leur intervention a pris une tournure plus urgente lorsqu’ils ont appris que le plaignant, qui était en situation de crise mentale, était en possession de couteaux. Dans les circonstances, les agents avaient le devoir de prendre les mesures raisonnables pour assurer la sécurité du public et j’ai la conviction que ces mesures comprenaient l’entrée dans le logement, puis dans la chambre. Même si les agents auraient pu attendre l’arrivée des membres de l’équipe d’intervention d’urgence, soit un délai de 30 à 60 minutes, ils pouvaient juger qu’il était trop risqué d’attendre aussi longtemps à cause des risques que le plaignant se fasse du mal ou fasse du mal à une autre personne se trouvant dans le logement dans l’intervalle. Pour ce qui est du recours à des négociateurs, les éléments de preuve indiquent qu’il leur aurait fallu entre une heure et demie et deux heures pour arriver.

Il ne fait aucun doute que l’AI a agi dans l’intention de se protéger contre une attaque raisonnablement appréhendée lorsqu’il a tiré sur le plaignant. Même si l’enquête n’a pas permis de révéler l’état d’esprit de l’AI à cet instant, puisque l’agent a exercé son droit de garder le silence, les circonstances amènent à tirer cette conclusion. Au moment des événements, l’AI était à la portée d’un homme s’étant précipité vers lui avec un couteau dans chaque main. En fait, il semblerait même que l’agent ait subi une coupure infligée par le plaignant, car les ambulanciers s’étant occupé de l’AI ont dit avoir noté une petite lacération du biceps gauche.

J’estime également que les coups de feu représentaient une force autorisée par la loi ne dépassant pas les limites de l’article 34. Avant que l’AI fasse feu, les agents avaient demandé à de multiples reprises au plaignant de lâcher ses armes et avaient utilisé du gaz poivré pour tenter de mettre fin pacifiquement à la confrontation, mais sans succès. Pour ce qui est de l’usage du gaz poivré, je n’ai pas de motifs suffisants pour conclure que son utilisation par les agents n’était pas raisonnable dans les circonstances. Même si c’est peut être ce qui a précipité la sortie soudaine du placard, son utilisation aurait pu permettre de neutraliser le plaignant de manière pacifique. Quoi qu’il en soit, la pulvérisation n’ayant pas eu l’effet escompté, l’AI avait toujours le droit de se protéger d’une attaque au couteau. Lorsqu’il a fait feu, l’agent était une distance d’au plus un mètre du plaignant avec ses couteaux. Il se peut également qu’il ait subi une blessure par couteau infligée par le plaignant. Au vu du dossier, puisqu’il se trouvait dans un espace restreint, soit une petite chambre, et qu’il n’avait pas d’issue pour fuir l’attaque, je considère que l’AI a réagi de manière raisonnable pour se défendre contre le risque d’une attaque au couteau potentiellement mortelle en recourant lui-même à l’usage d’une force létale [6].

Pour les raisons exposées ci-dessus, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a agi de façon illégale lorsqu’il a fait feu sur le plaignant. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.

Date : 10 décembre 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Identifications anti-criminel [Retour au texte]
  • 2) Pulvérisateur d’oléorésine de Capsicum ou « poivre de Cayenne ». [Retour au texte]
  • 3) Les heures indiquées sont basées sur l’heure à l’horloge interne des armes à impulsions, qui n’étaient pas forcément synchronisées entre elles ni avec l’heure exacte. [Retour au texte]
  • 4) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 5) Code de police demandant d’arrêter les transmissions par radio. [Retour au texte]
  • 6) Compte tenu de mon évaluation de la légitimité de la force employée par l’AI, j’estime également que les décharges d’armes à impulsions par l’AT no 1 et l’AT no 3, qui ont immédiatement précédé les coups de feu, étaient justifiées sur le plan légal. J’estime de même que le déploiement additionnel d’une arme à impulsions par l’AT no 1, après les coups de feu, représentait une utilisation raisonnable de la force. Puisque le plaignant était alors encore en mouvement et qu’il avait toujours les couteaux en sa possession, la sécurité des agents demeurait une préoccupation légitime à ce stade. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.