Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCD-036
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :- des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la mort d’un homme de 34 ans (le plaignant).
L’enquête
Notification de l’UES
Le 2 février 2021, à 10 h 50, l’UES a été avisée de l’incident par le Service de police de London (SPL), qui lui a transmis les renseignements suivants.Le 1er février 2021, vers 15 h 30, des agents du SPL ont arrêté le plaignant pour manquement aux conditions d’un engagement. Il a été renvoyé au quartier général du SPL où il a été écroué. À 16 h 5, le plaignant a été mis dans une cellule en attendant une audience sur la libération sous caution.
Le 2 février 2021, vers 9 h 7, le plaignant a informé les agents qu’il ne se sentait pas bien. Les services médicaux d’urgence (SMU) ont été appelés, se sont occupés de l’homme dans sa cellule et l’ont transporté au London Health Sciences Centre, à l’hôpital de Victoria.
À 9 h 52, le SPL a été informé que la mort du plaignant avait été constatée.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 2 février 2021 à 12 h 26Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 2 février 2021 à 13 h 43
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1
Personne concernée (le « plaignant ») :
Homme de 34 ans, décédéTémoins civils
TC N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)Agents impliqués
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliquéAgents témoins
AT n° 1 A participé à une entrevue AT n° 2 A participé à une entrevue
AT n° 3 A participé à une entrevue
AT n° 4 A participé à une entrevue
AT n° 5 A participé à une entrevue
AT n° 6 A participé à une entrevue
AT n° 7 A participé à une entrevue
Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 6 février et le 21 avril 2021.
Témoins employés du service
TES n° 1 A participé à une entrevue TES n° 2 A participé à une entrevue
TES n° 3 A participé à une entrevue
TES n° 4 A participé à une entrevue
Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 9 février et le 9 mars 2021.
Retard dans la soumission du rapport
Ce rapport a été rédigé chronologiquement, après les rapports générés pour d’autres dossiers, alors que l’enquêteur principal attendait les résultats définitifs de l’autopsie. Ces résultats sont disponibles depuis le 23 septembre 2021.Éléments de preuve
Les lieux
Le 2 février 2021, à 13 h 43, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu sur les lieux, dans une cellule de détention du quartier général du SPL. La cellule se trouvait dans un couloir avec une rangée de cellules, à deux couloirs de la zone de mise en détention. Elle contenait les commodités habituelles d’une cellule de détention de la police. Au moment de l’examen, la couchette était jonchée d’une couverture, d’une chemise, de doublures de bottes, d’un masque et de quelques barres de céréales. Des bottes, un jeans et d’autres barres de céréales se trouvaient sur le sol. La toilette était pleine de gobelets jetables et d’autres débris.Le couloir adjacent à la cellule était jonché de déchets médicaux, dont deux vaporisateurs nasaux Narcan usagés, un défibrillateur externe automatique (DEA), avec des électrodes pour DEA usagées et son étui, et un jeu d’électrodes de rechange, un masque respiratoire, divers emballages de matériel médical déchirés et des gants jetables.
Les lieux ont été photographiés, les déchets médicaux et le DEA ont été recueillis avant de passer le relais au SPL à 14 h 40.
Voici une image numérique du couloir des cellules.
Figure 1 - La rangée de cellules de détention du quartier général du SPL.
L’image suivante montre l’intérieur de la cellule.
Figure 2 - L’intérieur de la cellule du plaignant.
Éléments de preuve matériels
Le DEA du SPL utilisé sur le plaignant a été recueilli pour en analyser les données internes [fn]1[/fn], soit l’enregistrement du rythme cardiaque du plaignant pendant qu’on tentait de lui sauver la vie. Les effets personnels du plaignant ont été confiés à des membres du SPL qui les ont rendus à sa famille. Les déchets médicaux et les ordures ont été laissés sur place.Éléments de preuve médicolégaux
Les éléments suivants ont été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires (CSJ) le 8 février 2021 : • Sérum de l’hôpital
• Sang du cœur
• Sang fémoral (trois échantillons)
• Urine
• Foie.
Obtenus le 30 avril 2021, les résultats montrent la présence de méthamphétamine [fn]2[/fn] et d’amphétamines [fn]3[/fn] dans le sérum reçu de l’hôpital. Le sang fémoral contenait ces mêmes substances chimiques en plus de la naloxone [fn]4[/fn] et de l’amiodarone [fn]5[/fn]. Le sang du cœur contenait du tétrahydrocannabinol (THC) [fn]6[/fn], du tétrahydrocannabinol [fn]7[/fn] et de l’hydroxy tétrahydrocannabinol [fn]8[/fn]. La présence d’éthanol [fn]9[/fn] n’a été détectée dans aucun des échantillons.
La concentration de méthamphétamine détectée pourrait causer la mort; cependant, des concentrations qui se chevauchent ont été signalées lors de l’utilisation récréative de drogues et lors des décès associés. L’amphétamine détectée pourrait provenir d’un métabolite de la méthamphétamine ou avoir été ingérée comme une drogue à part entière.
La concentration de cannabinoïdes détectés correspondait à celle associée à l’utilisation antérieure d’un produit de cannabis si l’on se base sur la dose, la voie et le mode d’administration de ce produit de cannabis. Il a été noté que la concentration d’amiodarone a été associée à une marge thérapeutique et qu’il s’agit d’un médicament antiarythmique qui peut avoir été administré à l’hôpital lors d’une tentative de réanimation.
Témoignage d’expert
Interprétation des données du DEA
Le 8 février 2021, le service paramédical de Middlesex-London a téléchargé et imprimé les données du DEA utilisé sur le plaignant le 2 février 2021. Les données ont révélé que, lors de son utilisation, le DEA n’a pas délivré de « choc » au plaignant. Il a plutôt indiqué des efforts de réanimation constants pendant qu’il analysait le rythme cardiaque du patient et que l’application d’un choc était contre-indiquée. L’analyse du DEA contre-indique un choc dans les deux cas suivants : le cœur bat normalement ou une « ligne plate ».Conférence sur la cause du décès ou la manière dont il s’est produit dans le cadre de l’incident
Le 30 juin 2021, une vidéoconférence sur l’incident a été organisée par le coroner régional principal, à laquelle ont participé un coroner enquêteur, un pathologiste, un toxicologue du CSJ et l’UES. Une explication et une interprétation de l’analyse toxicologique et l’avis du pathologiste sur la vidéo de mise en détention du SPL ont été fournies en consultation, puis la cause du décès a été établie à l’unanimité et sans contestation possible comme étant la toxicité de la méthamphétamine. La manière dont le décès s’est produit a été décrite comme accidentelle.
L’absence de médicaments d’ordonnance que le plaignant a déclaré prendre tel que prescrit n’a pas contribué à son décès, pas plus que son sevrage d’alcool.
L’analyse toxicologique de l’expert a également révélé que la méthamphétamine dont le plaignant a fait une surdose est entrée dans son système quelques minutes seulement avant qu’il ne fasse une crise. Ce délai a été établi en comparant la quantité de méthamphétamine dans son sang avec les niveaux d’amphétamine. L’amphétamine est un métabolite de la méthamphétamine, qui se métabolise à un rythme connu. La concentration relativement faible d’amphétamine a permis aux scientifiques de conclure que très peu de temps s’était écoulé entre la consommation de méthamphétamine et le décès.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [fn]10[/fn]
L’UES a obtenu des enregistrements audio, vidéo et photographiques pertinents, comme indiqué ci-dessous. Vidéo de la mise en détention et de la garde
Demandées le 2 février 2021, les séquences initialement obtenues de 18 caméras sont arrivées au registre central de l’UES le 8 février 2021. Dans cette vidéo, on voit l’arrestation et la mise en détention du plaignant par segments. Une deuxième demande a été faite, et des séquences supplémentaires ont été reçues au registre central le 18 février et le 1er mars 2021. Dans les images supplémentaires reçues, on voit le plaignant d/tenu pendant plus de 16 heures de détention. Certaines des vidéos comportaient également des éléments audio.Il est important de noter que la caméra a enregistré la mise en détention du plaignant, qui s’est montré bavard. Il se comportait de manière irrégulière, mais il était coopératif. Il a déclaré qu’il n’était pas suicidaire. À 16 h 5 min 10 s, il gardait l’équilibre, ne tremblait pas et avait la pleine fonction de ses mains. Un sergent a demandé au plaignant s’il avait consommé des drogues ou de l’alcool, et il a répondu qu’il avait pris « quelques verres » plus tôt dans la journée. Le plaignant a déclaré avoir reçu un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19 et avoir été récemment mis en quarantaine. Le sergent a demandé au plaignant s’il se sentait mal et quels étaient ses symptômes. Le plaignant a répondu : « Regardez moi, je suis un estie de.... nik », mais n’a pas donné d’autres renseignements. Le plaignant a dit au sergent qu’il avait bu un verre de vodka à 9 h 30 et qu’il avait bu trois verres au total avant son arrestation. Le sergent a demandé si le plaignant avait consommé des drogues au cours des 24 dernières heures, et il lui a répondu que non. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait des problèmes de santé, le plaignant a répondu qu’il était alcoolique et qu’il allait être en sevrage. Il a précisé que le lendemain matin, il aurait besoin de grandes doses de sucre. Le plaignant a dit au sergent qu’on lui avait prescrit de la naltrexone, de la trazadone et de l’olanzapine et que, même si ses médicaments se trouvaient chez sa petite amie, elle ne les lui donnerait probablement pas. Le plaignant a été placé dans une cellule et ne tremblait pas.
Le lendemain, à 4 h 40 min 27 s, la caméra 13 a enregistré le plaignant debout devant un évier en train de trembler de façon notable.
À 5 h 41 min 47 s, la caméra 3 a capté le retour du TES n° 3 après un contrôle de cellule. Il a dit au TES n° 4, « Wow... il n’est vraiment pas bien. »
À 5 h 50 min 9 s, la caméra 3 a enregistré le TES n° 3 disant au TES n° 2 qu’une personne sous garde était en état de manque et tremblait.
À 5 h 56 min 56 s, la caméra 3 a enregistré l’AI en train d’informer l’AT n° 5 de la situation. Une grande partie de ce breffage est inaudible, car la conversation des cadets a submergé le microphone. On entend l’AT n° 5 disant que le plaignant tremblait.
Vers 6 h 13, le TES n° 1 a procédé à un contrôle de cellule. Les tremblements du plaignant n’étaient pas aussi visibles.
À 6 h 3 min 37 s, l’AI a dit au TES n° 2 : « Veillez à son confort », avant que l’équipe n’ait une conversation au sujet de deux sergents du SPL qui étaient en congé administratif en raison d’une enquête sur un décès d’une personne en détention.
Les contrôles des cellules se sont poursuivis, y compris ceux que l’AI a effectués.
À 7 h 1 min 43 s, la caméra 19 a filmé le retour de l’AI dans la cellule du plaignant. Le plaignant était assis, semblait attentif et répondait aux questions en bougeant la tête. Ses jambes tremblaient visiblement.
À 7 h 3 min 11 s, la caméra 3 a filmé l’AI disant aux cadets : « Nous pourrions avoir besoin d’un fauteuil roulant pour amener ce type au tribunal, je ne pense pas qu’il puisse marcher. » Le TES n° 1 a demandé à l’AI quelle quantité d’alcool il fallait boire et à quelle fréquence pour provoquer les symptômes du plaignant. L’AI a répondu : « Plus que vous n’en avez jamais bu dans votre vie. »
À 7 h 4 min 23 s, l’AI a quitté le bureau en disant : « Si je te fais signe, viens. » Il s’est dirigé vers la caméra 19 et a parlé au plaignant, qui avait placé une couverture autour de sa taille et était assis sur les toilettes. Le plaignant s’est nettoyé et est retourné sur le banc.
À 7 h 40, la caméra 13 a filmé les tremblements du plaignant qui avaient augmenté.
À 7 h 58 min 49 s, la caméra 3 a enregistré une conversation téléphonique, hors champ. L’AI a dit : « Bonjour sergent d’état-major, comment allez-vous... très bien, merci... nous tenons un... pas mal du tout... c’est un alcoolique... et il est fatigué, mais c’est tout... Ah, il dit que c’est plutôt mal... on croirait qu’il y a un tremblement de terre dans sa cellule en ce moment... (inaudible)... j’y ai pensé, il dit qu’il va bien, on le gave de fluides, il est conscient, il est conscient, mais, j’y ai pensé... (inaudible)... Il n’est pas assez âgé (inaudible)... ce genre d’état, mais il en a certainement consommé une énorme quantité... Oui, sergent d’état-major, merci, non monsieur, merci encore... (Inaudible)... Je pense que je vous ai déjà envoyé un message à ce numéro, merci sergent. »
Vers 8 h 9 min 8 s, la caméra 3 a filmé l’AI en train de dire : « Oui, il est en mauvais état. »
À 8 h 9 min 3 s, l’AI et les cadets ont discuté du décès d’une personne sous garde qui avait du fentanyl dissimulé dans le rectum. L’AI a déclaré que cette personne était en quelque sorte responsable de sa propre mort parce qu’elle n’avait pas révélé qu’elle avait des drogues dans son corps. Il a poursuivi en disant que c’était son travail, quoi qu’il arrive, de veiller sur une personne sous sa garde et qu’il ferait tout ce qui est nécessaire pour assurer sa sécurité.
À 8 h 20 min 40 s, la caméra 13 a filmé le plaignant en train de trembler; il était en sueur et mal à l’aise. Il perdait un peu l’équilibre et est tombé sur la couchette.
À 8 h 24 min 14 s, la caméra 19 a filmé le TES n° 1 qui revenait dans la cellule du plaignant. Il a placé un verre sur le sol au pied de la porte de la cellule. Les tremblements du plaignant avaient encore augmenté. Le plaignant a tenté de boire dans un gobelet, en se servant de ses deux mains, mais a renversé le liquide parce qu’il tremblait. Le TES n° 1 est retourné au bureau de mise en détention et a dit au TES n° 2 qu’il avait donné au plaignant d’autres barres de céréales et que le plaignant avait demandé quelque chose avec du sucre. Il lui a dit que le plaignant ne pouvait pas boire parce qu’il tremblait tellement. Ils ne savaient pas quoi faire et ont accepté de parler à l’AI à son retour. Le TES n° 1 a mentionné que si le plaignant avait besoin de sucre, il pensait qu’il essaierait au moins de boire le jus et de manger les barres de céréales qu’ils lui avaient données.
À 8 h 25 min 51 s, la caméra 13 a enregistré le plaignant qui essayait de remplir un gobelet en papier avec de l’eau provenant de l’évier. Il n’avait pas la pleine capacité de ses mains –et devait utiliser ses deux mains pour porter le gobelet à sa bouche. Il a écrasé le gobelet en essayant de boire, renversant ainsi l’eau sur lui-même et par terre.
À 8 h 27 min 32 s, la caméra 19 a filmé l’AI qui retournait dans la cellule du plaignant. Le TES n° 1 lui a dit que le plaignant voulait du sucre, comme une barre de chocolat, mais qu’il avait toujours du jus. Il a également dit à l’AI que le plaignant avait du mal à boire, car il tremblait beaucoup. Le TES n° 1 a demandé s’il y avait autre chose qu’ils pouvaient lui donner et l’AI a répondu : « ll n’y a rien d’autre que nous puissions lui donner, la seule chose que je puisse faire est de l’envoyer à l’hôpital et ils lui donneront un sédatif... (inaudible)... et c’est un peu là où j’en suis. » L’AI s’est ensuite dirigé vers le côté du bureau de mise en détention et a dit : « Si son état continue d’empirer, non, mais il n’est pas. »
À 8 h 30 min 38 s, l’AI a passé un appel téléphonique pour demander que des agents de police transportent le plaignant à l’hôpital. Il a dit aux cadets qu’il n’enverrait pas le plaignant à l’hôpital par ambulance parce qu’il pensait que ce n’était pas nécessaire, mais que l’état du plaignant avait empiré au point qu’ils ne pouvaient plus le soigner ici. Le TES n° 1 était d’accord avec lui et l’AI a dit : « Oui, ce n’est pas une urgence, mais... ».
À 8 h 29 min 34 s, la caméra 13 montre que le plaignant tremblait de façon incontrôlable, qu’il avait les jambes raides et qu’il ne tenait pas sur ses pieds; ses mains étaient repliées sur elles-mêmes alors que son état se détériorait.
À 8 h 37 min 32 s, les AT n° 3 et n° 4 sont arrivés au bloc cellulaire. L’AI a dit qu’ils devaient transporter le plaignant à l’hôpital, mais qu’ils les informeraient une fois qu’ils auraient utilisé les toilettes.
À 8 h 38 min 44 s, la caméra 13 a filmé le plaignant allongé en travers du lit, contre les barreaux de la cellule. Il s’est ensuite tourné sur le dos, les bras tendus sur les côtés, regardant le plafond avec la partie inférieure de son corps suspendue du lit. Il semblait incapable de s’asseoir et a fini par rouler sur le ventre et s’agenouiller sur le sol, face au lit.
À 8 h 39, l’AI est entré dans le bloc cellulaire et est allé directement dans la cellule du plaignant. Il est resté debout à regarder dans la cellule. Le TES n° 2 est entré dans le couloir de la cellule et l’a observé à environ trois mètres de distance. L’AI a utilisé sa radio de police et a ensuite parlé au TES n° 2 qui a quitté le bloc cellulaire à l’arrivée du TES n° 1. À 8 h 39, le plaignant était sur le sol de la cellule, les pieds contre un mur, le corps courbé et les coudes sur le lit. Il semblait essayer de parler avec l’AI qui était à la porte de la cellule et qui lui parlait. Les mains du plaignant étaient recroquevillées et tremblaient violemment. Il a penché sa tête en arrière et a semblé souffrir d’un malaise atroce.
À 8 h 39 min 50 s, l’AI, penché en train de regarder le plaignant, a de nouveau utilisé sa radio de police. Le TES n° 1 le regardait.
À 8 h 40 min 5 s, le TES n° 2 est revenu avec une paire de courroies de retenue des jambes. Les mouvements du corps du plaignant avaient presque complètement cessé, coincé entre le mur et le lit, le corps et la tête penchés vers l’arrière dans une position non naturelle.
À 8 h 40 min 21 s, les TES n° 1 et n° 2 ont coupé les alarmes de contrôle des cellules.
À 8 h 40 min 43 s, les mains du plaignant se sont lentement repliées vers sa poitrine, son poignet et ses mains se sont recroquevillés. Le TES n° 1 a quitté le bloc cellulaire pour effectuer les vérifications de la cellule.
À 8 h 40 min 53 s, la caméra 19 a enregistré l’AI ouvrant la porte de la cellule du plaignant et traînant le plaignant de la cellule, dans le couloir, par son bras gauche. L’AI a tourné le plaignant sur le dos et l’a placé entre lui et le TES n° 2 qui se trouvait à droite du plaignant. Le bras droit du plaignant était plié à 90 degrés et ses doigts étaient recroquevillés. Le TES n° 1 est revenu et le plaignant a été roulé sur le côté droit. L’AI a dit quelque chose au TES n° 2, qui s’est levé et a laissé l’AI s’agenouiller derrière le haut du corps du plaignant et le TES n° 1 devant ses jambes.
À 8 h 41 min 7 s, la caméra 3 a enregistré l’AT n° 3 disant à l’AT n° 5 que l’AI avait appelé une ambulance.
À 8 h 41 min 49 s, la caméra 3 a filmé le TES n° 2 entrant dans la zone du bureau de mise en détention. L’AT n° 3 a demandé ce qui se passait. Le TES n° 2 a répondu : « Il devient bleu. » L’AT n° 3 s’est rendu au bloc cellulaire et l’AT n° 5 est parti pour déplacer son véhicule de police du port de sortie.
À 8 h 41 min 53 s, la caméra 19 a enregistré l’AT n° 3 entrant dans la zone du bloc cellulaire. L’AI a fait rouler le plaignant sur le dos et a commencé à faire des compressions thoraciques. Le TES n° 1 était aux pieds du plaignant. L’AT n° 3 a utilisé sa radio de police avant de quitter la zone des cellules pour aller chercher le DEA. L’AI a continué les compressions thoraciques. Le bras droit du plaignant était toujours maintenu à un angle de 90 degrés par rapport au sol.
À 8 h 42 min 42 s, l’AT n° 3 est retourné au bureau de contrôle et a demandé un DEA, en disant que le plaignant n’avait pas de pouls. L’AT n° 3 est retourné auprès du plaignant avec le DEA. L’AI a déchiré le t-shirt du plaignant avec un couteau. Le TES n° 1 a sorti du Narcan de sa veste et l’a remis à l’AT n° 3, qui l’a administré au plaignant. On a continué les manœuvres de réanimation et, à 8 h 44 min 29 s, une caméra a enregistré l’AT n° 3 en train d’appliquer les électrodes du DEA sur le plaignant et d’activer l’appareil. Tous les efforts de sauvetage ont été interrompus pendant que le DEA analysait les signes vitaux du plaignant. La voix automatisée du DEA a annoncé « Stand clear », tandis que le bip rythmique du DEA retentissait.
À 8 h 45 min 10 s, l’AT n° 3 a pratiqué des compressions thoraciques. Les deux bras du plaignant étaient pliés à 90 degrés par rapport à son corps, et ses mains et avant-bras en l’air à 45 degrés par rapport au sol, les doigts étant recroquevillés.
À 8 h 45 min 23 s, l’AT n° 5 est arrivé dans la zone de la cellule.
À 8 h 47 min 47 s, la caméra 4 a filmé le personnel des SMU entrant dans le poste de police. À 8 h 48 min 21 s, ils ont atteint la zone des cellules. À partir de ce moment-là, des ambulanciers paramédicaux ont prodigué les soins au plaignant et ils l’ont sorti du poste de police.
Vidéo de la mise sous garde évaluée par un pathologiste
Des séquences de vidéosurveillance ont été fournies au pathologiste pour l’aider à déterminer la cause du décès. Au cours de l’examen, le pathologiste a observé le plaignant lécher un morceau de matériel avant de le jeter dans les toilettes de la cellule. Le pathologiste a estimé que la façon dont le plaignant avait léché le matériau correspondait à l’ingestion de méthamphétamine et expliquerait les niveaux élevés de cette drogue trouvés dans le système du plaignant lors de l’analyse toxicologique. Le pathologiste a fait part de ses réflexions aux enquêteurs lors de la conférence sur l’incident du 30 juin 2021. Les enquêteurs de l’UES ont procédé à un nouvel examen de la séquence et ont déterminé que dans le segment en question on voyait le plaignant alors qu’il arrachait le fond d’un des gobelets en papier contenant du jus et de la soupe qui lui avaient été offerts. Il a ensuite déchiré le gobelet en deux et l’a porté à sa bouche. Le plaignant a regardé à sa droite, a porté le gobelet à son visage, l’a léché et l’a frotté sur ses gencives avant de le jeter dans les toilettes.
Les tests médico-légaux sur les gobelets jetés dans la cellule n’ont pas pu être effectués car ils n’ont pas été recueillis.
Un autre examen complet de toutes les séquences vidéo n’a toutefois pas permis de trouver de preuve montrant le plaignant en train de retirer un quelconque objet caché pendant sa mise en détention.
Documents obtenus du service de police
L’UES a obtenu et examiné les éléments suivants provenant du SPL :• Courriel du SPL - Dossiers de formation et divulgation
• Dossiers du DEA du SPL
• Résumé des appels avec le répartiteur assisté par ordinateur
• Rapport de vérification des cellules du SPL
• Dossier d’information sur papier du SPL, le plaignant
• Rapport d’incident du SPL, arrestation
• Politique du SPL sur les personnes en garde à vue - Soins et détention
• Description du poste de sergent du centre de détention principal
• SPL, date de transfert de l’AI
• Récit des AT n° 1, 2, 3, 5 et des TES
• Notes des AT n° 1, 2, 3, 5 et des TES n° 1 et n° 2.
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu et examiné les éléments suivants provenant de sources autres que la police : • Rapport de toxicologie du CSJ
• Résultats préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario
• Document de conférence relatif à l’incident du coroner
• Rapport de l’autopsie du bureau du coroner.
Description de l’incident
Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, notamment des entrevues avec le personnel de la police qui a traité avec le plaignant pendant qu’il était en détention, et un examen des preuves médicales relatives à la cause du décès du plaignant. Comme il en avait le droit, l’AI a refusé de s’entretenir avec l’UES ou d’autoriser la publication de ses notes.
Dans l’après-midi du 1er février 2021, le plaignant a été arrêté par l’AT n° 1 et l’AT n° 2. Appelés sur les lieux d’une querelle de ménage, les agents ont placé le plaignant sous garde pour avoir enfreint une ordonnance judiciaire lui interdisant de fréquenter une femme. L’AT n° 2 l’a transporté au centre de détention du SPL.
Le plaignant a été placé dans une cellule de police peu après sa mise sous garde, vers 16 h 8. Interrogé sur son état de santé, le plaignant a répondu au sergent responsable des cellules qu’il avait consommé trois verres d’alcool et qu’il souffrirait de symptômes de sevrage à un moment donné. Il a nié avoir consommé des drogues avant son arrestation.
Le premier signe que quelque chose n’allait pas s’est déclaré vers 1 h 40. L’AT n° 5, alors sergent responsable du centre de détention, s’était arrêté dans la cellule du plaignant pour vérifier son état. Tremblant, le plaignant a dit à l’agent qu’il avait froid et qu’il souffrait d’un manque d’alcool. Interrogé sur ce que le sergent pouvait faire pour l’aider, le plaignant a répondu qu’il avait besoin de boissons sucrées. L’AT n° 5 est revenu peu après avec du jus de fruit et des barres de céréales, et l’a assuré qu’il ferait tout son possible pour qu’il passe une bonne nuit.
Vers 2 h, alors qu’il était transféré dans une autre cellule, le plaignant a dit à l’AT n° 5 qu’il craignait que son état ne se détériore et qu’il fasse une crise. Le plaignant a poursuivi en expliquant qu’il n’était pas prédisposé aux crises, mais qu’il pensait être à risque en raison de la quantité d’alcool qu’il avait consommé au cours des derniers mois. L’AT n° 5 a rappelé au plaignant qu’il devait prévenir le personnel s’il pensait avoir besoin d’aide à un moment donné, et qu’il obtiendrait cette aide. Il a ensuite parlé aux deux cadets qui l’aidaient à vérifier les cellules, soit les TES n° 3 et TES n° 4, en leur conseillant de surveiller de près le plaignant et de l’informer de tout changement de son état.
L’AI a pris son service peu avant 6 h et a pris la relève de l’AT n° 5. Les TES n° 1 et n° 2 sont venus remplacer les TES n° 3 et n° 4 avec lui. L’AI et l’AT n° 5 ont parlé du plaignant et de ses symptômes de sevrage d’alcool. Vers 8 h, l’AI a eu une conversation téléphonique avec l’AT n° 7 sur l’état des prisonniers. À ce moment-là, tout le corps du plaignant avait commencé à trembler. L’AI a noté que le plaignant était la seule personne en cellule et qu’il était en manque d’alcool. L’AI a dit à l’AT n° 7 que le plaignant tremblait beaucoup; cependant, il était jeune et en bonne santé. L’AT n° 7 a conseillé à l’AI de continuer à surveiller le plaignant et à l’emmener à l’hôpital si son état se détériorait.
Vers 8 h, l’état du plaignant s’était détérioré au point qu’il perdait l’équilibre et qu’il pouvait à peine boire dans un gobelet tant il tremblait. Peu après le contrôle de sa cellule à 8 h 20, le TES n° 1, de plus en plus inquiet de l’état de santé du plaignant, a fait part de ses inquiétudes à l’AI, qui a appelé deux agents à 8 h 30 et a pris des dispositions pour qu’ils transportent le plaignant à l’hôpital. Ces plans ont déraillé lorsque, après avoir rendu visite au plaignant dans sa cellule vers 8 h 40, l’AI s’est aperçu que le plaignant avait immédiatement besoin de soins médicaux.
L’AI est entré dans la cellule, a saisi le bras gauche du plaignant et l’a traîné dans le couloir. Durant les minutes qui ont suivi, l’AI, le TES n° 1 et les AT n° 3 et n° 4 (les agents qui avaient été appelés à emmener le plaignant à l’hôpital) ont pris des mesures pour sauver sa vie, notamment des compressions thoraciques, l’administration de naloxone et l’utilisation d’un DEA.
Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux vers 8 h 50 et ont pris en charge les soins du plaignant. Il a été transporté à l’hôpital en ambulance et sa mort a été constatée à 9 h 42.
Cause de la mort
Lors de l’autopsie, le pathologiste a attribué la mort du plaignant à une toxicité liée à la méthamphétamine et aux amphétamines.
Dans l’après-midi du 1er février 2021, le plaignant a été arrêté par l’AT n° 1 et l’AT n° 2. Appelés sur les lieux d’une querelle de ménage, les agents ont placé le plaignant sous garde pour avoir enfreint une ordonnance judiciaire lui interdisant de fréquenter une femme. L’AT n° 2 l’a transporté au centre de détention du SPL.
Le plaignant a été placé dans une cellule de police peu après sa mise sous garde, vers 16 h 8. Interrogé sur son état de santé, le plaignant a répondu au sergent responsable des cellules qu’il avait consommé trois verres d’alcool et qu’il souffrirait de symptômes de sevrage à un moment donné. Il a nié avoir consommé des drogues avant son arrestation.
Le premier signe que quelque chose n’allait pas s’est déclaré vers 1 h 40. L’AT n° 5, alors sergent responsable du centre de détention, s’était arrêté dans la cellule du plaignant pour vérifier son état. Tremblant, le plaignant a dit à l’agent qu’il avait froid et qu’il souffrait d’un manque d’alcool. Interrogé sur ce que le sergent pouvait faire pour l’aider, le plaignant a répondu qu’il avait besoin de boissons sucrées. L’AT n° 5 est revenu peu après avec du jus de fruit et des barres de céréales, et l’a assuré qu’il ferait tout son possible pour qu’il passe une bonne nuit.
Vers 2 h, alors qu’il était transféré dans une autre cellule, le plaignant a dit à l’AT n° 5 qu’il craignait que son état ne se détériore et qu’il fasse une crise. Le plaignant a poursuivi en expliquant qu’il n’était pas prédisposé aux crises, mais qu’il pensait être à risque en raison de la quantité d’alcool qu’il avait consommé au cours des derniers mois. L’AT n° 5 a rappelé au plaignant qu’il devait prévenir le personnel s’il pensait avoir besoin d’aide à un moment donné, et qu’il obtiendrait cette aide. Il a ensuite parlé aux deux cadets qui l’aidaient à vérifier les cellules, soit les TES n° 3 et TES n° 4, en leur conseillant de surveiller de près le plaignant et de l’informer de tout changement de son état.
L’AI a pris son service peu avant 6 h et a pris la relève de l’AT n° 5. Les TES n° 1 et n° 2 sont venus remplacer les TES n° 3 et n° 4 avec lui. L’AI et l’AT n° 5 ont parlé du plaignant et de ses symptômes de sevrage d’alcool. Vers 8 h, l’AI a eu une conversation téléphonique avec l’AT n° 7 sur l’état des prisonniers. À ce moment-là, tout le corps du plaignant avait commencé à trembler. L’AI a noté que le plaignant était la seule personne en cellule et qu’il était en manque d’alcool. L’AI a dit à l’AT n° 7 que le plaignant tremblait beaucoup; cependant, il était jeune et en bonne santé. L’AT n° 7 a conseillé à l’AI de continuer à surveiller le plaignant et à l’emmener à l’hôpital si son état se détériorait.
Vers 8 h, l’état du plaignant s’était détérioré au point qu’il perdait l’équilibre et qu’il pouvait à peine boire dans un gobelet tant il tremblait. Peu après le contrôle de sa cellule à 8 h 20, le TES n° 1, de plus en plus inquiet de l’état de santé du plaignant, a fait part de ses inquiétudes à l’AI, qui a appelé deux agents à 8 h 30 et a pris des dispositions pour qu’ils transportent le plaignant à l’hôpital. Ces plans ont déraillé lorsque, après avoir rendu visite au plaignant dans sa cellule vers 8 h 40, l’AI s’est aperçu que le plaignant avait immédiatement besoin de soins médicaux.
L’AI est entré dans la cellule, a saisi le bras gauche du plaignant et l’a traîné dans le couloir. Durant les minutes qui ont suivi, l’AI, le TES n° 1 et les AT n° 3 et n° 4 (les agents qui avaient été appelés à emmener le plaignant à l’hôpital) ont pris des mesures pour sauver sa vie, notamment des compressions thoraciques, l’administration de naloxone et l’utilisation d’un DEA.
Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux vers 8 h 50 et ont pris en charge les soins du plaignant. Il a été transporté à l’hôpital en ambulance et sa mort a été constatée à 9 h 42.
Cause de la mort
Lors de l’autopsie, le pathologiste a attribué la mort du plaignant à une toxicité liée à la méthamphétamine et aux amphétamines.Dispositions législatives pertinentes
Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle
219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.
Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle
220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.
L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence
215 (1) Toute personne est légalement tenue :
c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.
(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.
Analyse et décision du directeur
Le 2 février 2021, le plaignant a perdu connaissance dans une cellule du SPL et est décédé le matin même, malgré les efforts de réanimation à l’hôpital. Informé de l’incident par le SPL, l’UES a ouvert une enquête, identifiant l’AI comme l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la mort du plaignant.
Les infractions à examiner sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne et la négligence criminelle qui cause la mort, en violation des paragraphes 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Le premier article est fondé, en partie, sur un comportement qui constitue un écart marqué par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Le deuxième est réservé aux comportements négligents plus graves qui démontrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Il n’est pas établi, entre autres, à moins que la négligence ne constitue un écart marqué et substantiel par rapport à une norme de diligence raisonnable. Dans le cas présent, la question est de savoir s’il y a eu un manque de soin dans la manière dont l’AI a exercé ses responsabilités de garde à l’égard du plaignant qui a causé sa mort ou y a contribué ou qui était suffisamment grave pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, il n’y en a pas eu.
On aurait certes pu emmener le plaignant à l’hôpital plus tôt, mais je ne peux pas raisonnablement conclure que l’AI a transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit pénal en agissant comme il l’a fait. Pendant la majeure partie de la période d’environ deux heures et demie pendant laquelle le plaignant était sous la garde de l’agent, son état était à peu près le même que pendant la majeure partie de son séjour en cellule. Le plaignant présentait les signes d’un prétendu sevrage d’alcool : il avait des nausées, transpirait, avait froid et tremblait, tout en étant conscient, lucide et en respirant facilement. Ayant dit à ses gardiens qu’il aurait besoin de boissons sucrées pour l’aider dans son sevrage, le plaignant s’est vu régulièrement proposer des jus de fruits et des barres de céréales. Le plaignant n’a par ailleurs pas demandé à être emmené à l’hôpital, bien qu’on lui ait proposé toute l’aide dont il avait besoin. En effet, certaines données nous indiquent qu’il a expressément refusé d’aller à l’hôpital lorsque les membres du personnel de la cellule le lui ont été proposé. De plus, l’AI aurait détecté une confirmation dans la manière dont il a procédé après sa conversation téléphonique avec l’AT n° 7. Bien qu’il ait reconnu que le sevrage d’alcool et, plus particulièrement, l’apparition de tremblements de délire visibles chez le plaignant, pouvaient nécessiter une hospitalisation, l’AT n° 7, qui avait une formation d’ambulancier, n’a pas vu de besoin particulier d’ordonner que le plaignant soit emmené à l’hôpital à la suite de la description que l’AI n° 1 a donné de la situation [fn]11[/fn]. Enfin, il convient de noter que la cellule du plaignant a régulièrement été contrôlée et que l’AI a agi avec une rapidité raisonnable dès qu’il a été informé que l’état du plaignant avait empiré.
La responsabilité de l’AI aurait pu basculer dans l’autre sens s’il avait su que le plaignant avait de la méthamphétamine dissimulée sur, et probablement dans, sa personne. Comme l’a conclu l’autopsie, le plaignant est mort d’une intoxication à la méthamphétamine - et non d’un sevrage d’alcool. Le plaignant avait cependant nié avoir consommé de la drogue lors de sa mise sous garde avant d’être placé en cellule. Il n’est pas non plus suggéré que le personnel de garde, y compris l’AI, ait fait preuve de négligence en permettant au plaignant de récupérer et de consommer des drogues pendant qu’il était en cellule. Ce point, ainsi que les preuves médicales indiquant que les méthamphétamines ont très probablement été absorbées par le système du plaignant quelques minutes avant son épisode médical, soulève la possibilité que les drogues aient été dissimulées dans le corps du plaignant pendant qu’il était en détention. Dans ces circonstances, je ne peux pas reprocher à l’AI de ne pas avoir agi avec la plus grande diligence qui aurait été justifiée s’il avait eu connaissance de la consommation de méthamphétamines.
En conséquence, l’AI aurait certes dû envoyer le plaignant à l’hôpital plus tôt, mais il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement, tout bien considéré, que le manquement de l’agent à cette obligation a constitué un écart marqué par rapport à une norme de diligence raisonnable, et encore moins un écart marqué et considérable. Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.
Date : le 8 novembre 2021
Approuvé électroniquement par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Les infractions à examiner sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne et la négligence criminelle qui cause la mort, en violation des paragraphes 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Le premier article est fondé, en partie, sur un comportement qui constitue un écart marqué par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Le deuxième est réservé aux comportements négligents plus graves qui démontrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Il n’est pas établi, entre autres, à moins que la négligence ne constitue un écart marqué et substantiel par rapport à une norme de diligence raisonnable. Dans le cas présent, la question est de savoir s’il y a eu un manque de soin dans la manière dont l’AI a exercé ses responsabilités de garde à l’égard du plaignant qui a causé sa mort ou y a contribué ou qui était suffisamment grave pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, il n’y en a pas eu.
On aurait certes pu emmener le plaignant à l’hôpital plus tôt, mais je ne peux pas raisonnablement conclure que l’AI a transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit pénal en agissant comme il l’a fait. Pendant la majeure partie de la période d’environ deux heures et demie pendant laquelle le plaignant était sous la garde de l’agent, son état était à peu près le même que pendant la majeure partie de son séjour en cellule. Le plaignant présentait les signes d’un prétendu sevrage d’alcool : il avait des nausées, transpirait, avait froid et tremblait, tout en étant conscient, lucide et en respirant facilement. Ayant dit à ses gardiens qu’il aurait besoin de boissons sucrées pour l’aider dans son sevrage, le plaignant s’est vu régulièrement proposer des jus de fruits et des barres de céréales. Le plaignant n’a par ailleurs pas demandé à être emmené à l’hôpital, bien qu’on lui ait proposé toute l’aide dont il avait besoin. En effet, certaines données nous indiquent qu’il a expressément refusé d’aller à l’hôpital lorsque les membres du personnel de la cellule le lui ont été proposé. De plus, l’AI aurait détecté une confirmation dans la manière dont il a procédé après sa conversation téléphonique avec l’AT n° 7. Bien qu’il ait reconnu que le sevrage d’alcool et, plus particulièrement, l’apparition de tremblements de délire visibles chez le plaignant, pouvaient nécessiter une hospitalisation, l’AT n° 7, qui avait une formation d’ambulancier, n’a pas vu de besoin particulier d’ordonner que le plaignant soit emmené à l’hôpital à la suite de la description que l’AI n° 1 a donné de la situation [fn]11[/fn]. Enfin, il convient de noter que la cellule du plaignant a régulièrement été contrôlée et que l’AI a agi avec une rapidité raisonnable dès qu’il a été informé que l’état du plaignant avait empiré.
La responsabilité de l’AI aurait pu basculer dans l’autre sens s’il avait su que le plaignant avait de la méthamphétamine dissimulée sur, et probablement dans, sa personne. Comme l’a conclu l’autopsie, le plaignant est mort d’une intoxication à la méthamphétamine - et non d’un sevrage d’alcool. Le plaignant avait cependant nié avoir consommé de la drogue lors de sa mise sous garde avant d’être placé en cellule. Il n’est pas non plus suggéré que le personnel de garde, y compris l’AI, ait fait preuve de négligence en permettant au plaignant de récupérer et de consommer des drogues pendant qu’il était en cellule. Ce point, ainsi que les preuves médicales indiquant que les méthamphétamines ont très probablement été absorbées par le système du plaignant quelques minutes avant son épisode médical, soulève la possibilité que les drogues aient été dissimulées dans le corps du plaignant pendant qu’il était en détention. Dans ces circonstances, je ne peux pas reprocher à l’AI de ne pas avoir agi avec la plus grande diligence qui aurait été justifiée s’il avait eu connaissance de la consommation de méthamphétamines.
En conséquence, l’AI aurait certes dû envoyer le plaignant à l’hôpital plus tôt, mais il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement, tout bien considéré, que le manquement de l’agent à cette obligation a constitué un écart marqué par rapport à une norme de diligence raisonnable, et encore moins un écart marqué et considérable. Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.
Date : le 8 novembre 2021
Approuvé électroniquement par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.