Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TFI-168

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure par balle subie par un homme de 19 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 mai 2021, à 19 h 16, le Service de police de Toronto (SPT) a signalé qu’une arme à feu avait été déchargée sur un véhicule en fuite. Selon le SPT, à 17 h 45, des agents à vélo de l’unité de police communautaire du SPT sont entrés dans le garage souterrain au 58 Grenoble Drive. Ils vérifiaient un véhicule et ses occupants lorsque le véhicule a pris la fuite. Le véhicule a roulé sur des vélos du SPT et l’agent impliqué (AI) a fait feu sur le véhicule, qui a pris la fuite. Le véhicule a été localisé par la suite.


L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 31 mai 2021 à 6 h 50

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 31 mai 2021 à 12 h 17

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2


Personne concernée (le « plaignant ») :

Plaignant Homme de 19 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 1er juin 2021.


Témoins civils

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue les 1er et 2 juin 2021.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue
AT no 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 10 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 11 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 2 et le 17 juin 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux le 30 mai 2021, à 21 h 35. Les autres enquêteurs de l’UES sont arrivés à 21 h 56.

L’incident s’est déroulé dans la sortie du garage souterrain d’un complexe de la Toronto Community Housing Corporation (TCHC) situé au 58 Grenoble Drive. La Mercedes était sortie du garage souterrain par une voie unique donnant sur une rampe ascendante qui tournait à 90 degrés vers la droite. Le schéma des lieux ci-dessous donne un aperçu de la rampe.



Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Le 58 Grenoble Drive est un immeuble à plusieurs étages avec un garage souterrain. La sortie du garage est orientée vers le nord et donne sur une rampe ascendante incurvée vers la droite (vers l’est) qui débouche sur Grenoble Drive. Le réceptacle à ordures de l’immeuble est au sommet de la rampe, au coin sud-est. Une benne à ordures semble avoir été déplacée vers la rampe de sortie.

L’éclairage du garage souterrain est suffisant pour assurer une bonne visibilité.

Dans le garage souterrain, il y a plusieurs places angulaires de stationnement à l’est de la sortie, et un mur doté sur lequel se trouve un tuyau de drainage du côté ouest. Il y avait une marque de pneu sur la voie de sortie (côté ouest), près du tuyau de drainage (à côté de la place de stationnement n° 28). Des rainures étaient visibles dans la rampe de sortie, depuis la place de stationnement n° 24. Plusieurs vélos du SPT étaient sur les lieux, certains intacts et d’autres endommagés. Quatre douilles de calibre .40 ont été trouvées dans une aire couverte de gazon et d’arbustes. On pense qu’elles provenaient de l’arme à feu de service de l’AI. Il y avait un sac de 17 cartouches Luger de 0,9 mm et trois cartouches Luger de 0,9 mm par terre près des douilles de cartouche de calibre .40. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont remis ces cartouches au SPT.


Examen de la Mercedes Benz

À 1 h 30 du matin, le 31 mai 2021, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a examiné le véhicule en question. Les dommages au rétroviseur gauche (côté conducteur) concordent avec la déclaration de l’AT no 5 selon lequel la Mercedes l’a heurté en reculant.

Le 2 juin 2021, à 12 h 45, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires est allé examiner minutieusement la Mercedes au CSJ. Au total, l’AI a tiré quatre balles; les quatre ont frappé la Mercedes, et une a traversé le pare-brise et a pénétré l’avant-bras droit du plaignant.


Calcul du temps et de la distance

[1]

La Mercedes a parcouru environ 13 mètres entre la sortie du garage de stationnement et l’endroit où elle est sortie du champ de vision de la caméra de sécurité. La sortie du garage de stationnement a une largeur d’environ 3,5 mètres. La Mercedes roulait à environ 13 mètres par seconde. En supposant une vitesse constante, la Mercedes est sortie du stationnement à environ 46 km/h.


Examen de la casquette du TC

Un projectile a traversé la casquette que portait le TC. Il ne l’a pas frappé, mais a traversé sa casquette, manquant sa tête de justesse.


Éléments de preuves médicolégaux


Soumissions au Centre des sciences judiciaires (CSJ)

Le 16 juin 2021, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a soumis au CSJ une demande d’analyse balistique du projectile extrait de l’avant-bras du plaignant, ainsi que des balles et cartouches, à des fins de comparaison avec l’arme à feu de l’AI. Le CSJ a accepté la demande. Au moment de la rédaction de ce rapport, le CSJ n’avait pas encore fourni de résultats.


Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

[2]

L’UES a obtenu des séquences vidéo du 30 mai 2021 recueillies par la TCHC et fournies au SPT en vertu d’un accord entre la TCHC et le SPT. Un enquêteur de l’UES s’est rendu au SPT le 17 juin 2021 à 16 h 20 et a téléchargé la vidéo du 58 Grenoble Drive.

A 17 h 47, la Mercedes entre dans le garage souterrain par la porte sud du garage. Avant l’intervention du SPT, il y avait beaucoup d’enfants et de familles à vélo et à pied dans ce complexe d’habitation très peuplé.

À 17 h 50, des membres de l’unité d’intervention communautaire (UIC) du SPT – dont l’AI – entrent dans le garage. L’AT no 6 se trouve encore sur l’allée, au-dessus de l’aire gazonnée; à 17 h 51, il se dirige vers la voie menant au garage.

À 17 h 51, l’AI sort en courant du garage, se retourne près d’un buisson et marche à reculons. La caméra a un angle mort, car sa lentille extérieure était fissurée. L’AI fait deux pas en avant puis recule sur la pelouse. Dix secondes plus tard, l’avant de la Mercedes sort du garage; l’AI a sorti son arme à feu de service et la pointe sur la Mercedes.

La Mercedes heurte des vélos du SPT en sortant du garage, et il semble qu’un vélo se trouve sous la Mercedes.

L’AI recule un peu plus sur la pelouse et disparaît en partie du champ de vision à cause de la fissure dans le boîtier de la caméra. L’AI avance quand la Mercedes arrive à sa hauteur et un peu voir un éclair lumineux. La Mercedes disparaît du champ de vision de la caméra et l’AI fait une transmission sur sa radio. Six secondes plus tard, l’AT no 4 monte la rampe à vélo.


Enregistrements des communications du SPT

Le 14 juin 2021, à 11 h 14, l’UES a obtenu une copie des communications du SPT.

A 17 h 50 min 41 s, l’AI signale que les unités de l’UIC du SPT sont dans le sous-sol du 58 Grenoble Drive pour une enquête. À 17 h 51 min 20 s, l’AI dit qu’une Mercedes noire est en train de « faire marche arrière pour s’éloigner d’eux ». Huit secondes plus tard, l’AI mentionne une Mercedes noire sans plaque à l’avant; il respire bruyamment. Le répartiteur du SPT lui demande s’il poursuit le véhicule – sans réponse. Peu près, l’AI annonce que le véhicule s’est enfui; il est à bout de souffle. L’AT no 5 annonce que le véhicule s’est enfui et est hors de vue.

L’AT no 4 dit que la Mercedes, avec deux personnes à bord, se dirige vers l’ouest sur Grenoble Drive, puis vers l’est sur Spanbridge Road. La dernière direction connue était vers le sud sur Linkwood Lane; la Mercedes est maintenant hors de vue.

L’AT no 5 dit que des bicyclettes du SPT ont été écrasées et qu’une arme à feu du SPT a été déchargée; il n’y a aucun blessé.

Une ambulance est demandée pour vérifier l’état de l’AI.


Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les dossiers suivants du Service de police de Hamilton (SPH) et du SPT entre le 1er et le 21 juin 2021:
• Autorisations 2021 de la TCHC en vertu de la Loi sur l’entrée sans autorisation;
• Rapport général d’incident;
• Enregistrements des communications du SPT;
SPH – Notes de l’AT no 11;
SPH – Notes de l’AT no 8;
SPH – Notes de l’AT no 9;
SPH – Notes de l’AT no 7;
SPH – Notes de l’AT no 10;
SPH – Déclaration écrite de l’AT no 11;
SPH – Déclaration écrite de l’AT no 10;
• Système Intergraph de répartition assisté par ordinateur - rapport de détails d’événement;
• Refus de soumission des notes de l’AI;
• Notes de l’AT no 5;
• Notes de l’AT no 1;
• Notes de l’AT no 2;
• Notes de l’AT no 4;
• Notes de l’AT no 6;
• Notes de l’AT no 3;
• Note – feuille de présence;
• Politique du SPT – armes à feu de service;
• Politique du SPT – recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources:
• Dossiers médicaux de l’Hôpital général de Hamilton (HGH);
• Dossiers médicaux de l’Hôpital général de Scarborough (SGH);
• Séquence vidéo de l’ensemble d’habitation de la TCHC.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante a été établie d’après les éléments de preuve recueillis par l’UES, dont les entrevues avec le plaignant, avec un témoin civil et avec plusieurs agents témoins qui étaient présents sur les lieux au moment du tir. L’incident a également été capté par une caméra de sécurité. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit.

Dans l’après-midi du 30 mai 2021, le plaignant était le passager avant d’une berline Mercedes Benz conduite par un autre homme – le TC. La Mercedes Benz montait en accélérant la rampe de sortie d’un garage souterrain pour s’éloigner de plusieurs agents de police lorsque l’un de ces agents – l’AI – a tiré plusieurs coups en direction du TC. Une des balles a touché le plaignant à l’avant-bras droit. Une autre a effleuré l’avant-bras droit du TC. Une troisième a traversé, d’avant en arrière, le côté droit de la casquette de baseball du TC. Le TC et le plaignant ont réussi à échapper aux agents. Tous deux ont cependant été arrêtés par la suite.

Le plaignant et le TC étaient entrés dans le garage de stationnement du 58 Grenoble Drive, vers 17 h 47. Leur véhicule, dont le moteur continuait de tourner, était à l’arrêt dans une place de stationnement en angle à quelques mètres de l’entrée/sortie du garage lorsque plusieurs agents à vélo du SPT se sont approchés d’eux. L’un des agents – l’AT no 4 – s’est approché du côté conducteur de la Mercedes tandis que d’autres ont pris position devant le véhicule et le long du côté passager. Les agents, qui étaient en patrouille dans le secteur, avaient remarqué que la Mercedes Benz n’avait pas de plaque d’immatriculation à l’avant et avaient décidé d’enquêter pour une possible infraction au Code de la route par le TC.

Le TC est devenu nerveux quand l’AT no 4 l’a interrogé et lui a demandé d’éteindre son moteur. Il a mis la Mercedes Benz en marche arrière et a heurté un mur, après quoi il est passé en marche avant et a accéléré aussi vite qu’il le pouvait. Son objectif était de fuir les agents par la porte ouverte du garage qui était immédiatement à sa droite et à quelques mètres seulement. Quand la Mercedes a d’abord fait marche arrière, son rétroviseur gauche a heurté le bras gauche de l’AT no 3 qui était à gauche de la Mercedes à ce moment-là. Une fois en marche avant, la Mercedes a également cogné ou écrasé plusieurs vélos que les agents avaient placés par terre devant la voiture pour la bloquer.

Au moment où la Mercedes Benz sortait du garage en accélérant, l’AI se trouvait juste à l’extérieur du garage, sur un petit talus gazonné du côté ouest de la rampe de sortie qui s’incurvait vers la droite vers l’est et débouchait sur Grenoble Drive. Quand la Mercedes Benz s’est approchée et est passée à sa hauteur, l’agent a fait feu quatre fois sur le véhicule avec son arme de poing. Il était alors environ 17 h 51.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Le 30 mai 2021, le plaignant a subi une blessure par balle à l’avant-bras droit. Comme le coup de feu avait été tiré par un agent du SPT (l’AI), l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’agent qui a fait feu a été identifié comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, je suis convaincu qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec la blessure de l’agent.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, la force utilisée pour se défendre ou défendre autrui contre une attaque ou menace d’attaque raisonnablement appréhendée, ne constitue pas une infraction à condition que la force en question soit raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et d’autres moyens étaient disponibles pour faire face à l’emploi possible de la force, le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. À mon avis, il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement que la force utilisée par l’AI était contraire aux restrictions énoncées à l’article 34.

Il convient tout d’abord de noter que la présence de l’AI et des autres agents était légale tout au long de leur intervention. Même si la Toronto Community Housing Corporation – la propriétaire des locaux du 58 Grenoble Drive – avait révoqué l’autorisation donnée au SPT de faire respecter la Loi sur l’entrée sans autorisation, rien n’indique qu’il était interdit aux agents du SPT d’entrer sur les lieux. Au contraire, les éléments de preuve indiquent que le SPT devait continuer de patrouiller dans le secteur pour faire appliquer d’autres lois provinciales et fédérales. C’est, semble-t-il, ce qu’ils faisaient quand ils ont essayé de parler au TC au sujet de l’absence de plaque d’immatriculation à l’avant de son véhicule.

Lorsque le TC a décidé d’accélérer pour s’éloigner des agents, il a mis leur vie en danger ainsi que la sienne et celle de son compagnon – le plaignant. Le dossier de preuve indique que le rétroviseur gauche a frappé le bras de l’AT no 3 quand le véhicule a reculé et que le véhicule était à moins d’un mètre ou deux d’autres agents, dont l’AT no 5, qui était du côté passager du véhicule. Les événements se sont déroulés rapidement dans un espace étroit et confiné, avec des murs de chaque côté de la place de stationnement en question contre lesquels des agents ont été coincés quand la Mercedes Benz a pris la fuite. Au lieu d’être dissuadé, il a accéléré à plus de 40 km/h pour franchir la porte ouverte du garage et gravir la rampe de sortie, heurtant et écrasant plusieurs vélos de police au passage. C’est dans ce contexte que l’AI a fait feu.

Bien que l’AI n’ait pas fourni de déclaration à l’UES, on peut raisonnablement déduire des circonstances susmentionnées que l’agent a eu recours à des coups de feu en légitime défense contre une menace de force raisonnablement appréhendée.

Je suis également convaincu que l’utilisation de l’arme à feu constituait un niveau de force raisonnable face à la menace en question. Au moment où l’AI a tiré le premier coup de feu, la Mercedes Benz accélérait dans sa direction. Même si l’agent se trouvait sur un petit talus gazonné et non pas sur la rampe proprement dite, il était à seulement à quelques mètres de la Mercedes Benz et n’aurait pas pu lui échapper si elle avait franchi le trottoir et s’était engagée sur le talus. Cette possibilité n’était pas invraisemblable. À ce moment-là, l’AI avait une idée de l’imprudence avec laquelle le TC conduisait son véhicule – frappant des vélos et accélérant le long d’une rampe étroite présentant une courbe brusque vers la droite – dans le but d’échapper à la police. À mon avis, il n’aurait pas fallu grand-chose pour que ce risque se matérialise. Dans les circonstances, je suis persuadé que le recours à la force meurtrière par l’AI était proportionnel à la menace mortelle que présentait le véhicule. Bien que les troisième et quatrième coups de feu semblent avoir été tirés au moment où la Mercedes Benz passait devant l’agent, je ne peux pas considérer qu’il y avait une différence notable dans la gravité de la menace que l’agent pouvait raisonnablement appréhendée entre le premier et le dernier des coups de feu étant donné la rapidité à laquelle ces coups de feu se sont succédés, la lourdeur des circonstances et le retard inhérent à la rapidité du temps de réaction. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai tenu compte du principe de common law selon lequel les policiers qui se trouvent dans des situations dangereuses et imprévisibles ne sont pas tenus de mesurer avec précision la force avec laquelle ils réagissent; ce qui est requis de leur part est une réaction raisonnable, par une réaction mesurée de façon rigoureuse : R. v. Baxter (1975), 27 CCC (2 d) 96 (Ont. C.A.); R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S 206.

Ce même principe de common law comble le fossé entre certaines politiques internes actuelles de la police, qui limitent le tir de coups de feu sur les occupants d’un véhicule en mouvement, et l’article 34 du Code criminel. Par exemple, le SPT interdit actuellement à ses agents de tirer sur le conducteur ou les passagers d’un véhicule à moins d’une menace immédiate de mort ou de lésions corporelles graves pour les agents ou pour d’autres personnes par un moyen autre que le véhicule. Apparemment, il se pourrait bien que l’AI ait enfreint les règlements de son service à cet égard. Il se peut aussi que les politiques de cette nature constituent une pratique exemplaire dans ce domaine du maintien de l’ordre. Toutefois, le droit criminel vise l’identification et l’application de normes minimales de comportement. Pour les raisons qui précèdent, je suis convaincu que l’AI n’a pas enfreint cette norme minimale lorsqu’il a cherché à se protéger de la Mercedes Benz –qui était effectivement devenue une arme dangereuse et mortelle aux mains du TC – en tentant de neutraliser le comportement de son conducteur.

En dernière analyse, comme je suis convaincu qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit conduit autrement que légalement quand il a fait feu en direction du TC, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles en l’espèce. Le dossier est donc clos.


Date : 27 septembre 2021



Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Calcul fait par un enquêteur spécialiste des sciences judiciaire l’UES. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.