Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFP-105

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales


En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le coup de feu tiré par un agent sur un homme de 37 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES
 

Le 5 avril 2021, à 13 h 18, le Service de police de Brantford (SPB) a avisé l’UES d’un tir sur une personne et donné le rapport suivant :

Le 4 avril 2021, à 13 h 21, une ambulance était garée sur la rue Grey, quand un homme armé d’une machette s’est approché des ambulanciers et les a menacés. Des agents sont arrivés sur les lieux et ont reconnu le plaignant, un homme recherché en vertu d’un mandat. Le plaignant est retourné chez lui et a refusé d’en sortir. À un moment donné, le plaignant s’est avancé vers les agents en tenant un couteau dans la main droite et une épée dans la main gauche.

Le plaignant a été visé par une arme antiémeute Enfield (ARWEN), sans effet. Un pistolet à impulsions a aussi été déchargé sur lui, toujours sans effet, et il est allé se barricader dans sa maison.

Un périmètre de sécurité a été établi et le Service de police régional de Halton (SPRH) et le Service de police régional de Waterloo (SPTW) sont venus en renfort. Un négociateur a tenté de convaincre le plaignant de se rendre et une ambulance attendait pour évaluer le plaignant une fois capturé.



L’équipe
 

Date et heure de l’envoi de l’équipe :     6 avril 2021 à 6 h 58

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux :     6 avril 2021 à 9 h 20

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés :     4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés :     2

Personne concernée (le « plaignant ») :


Homme de 37 ans, a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 28 juin 2021.


Agent impliqué (AI)
 

AI     N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Il a fourni une déclaration écrite.


Agents témoins (AT)
 

AT no 1     Notes examinées, entrevue jugée non necessaire

AT no 2     Notes examinées; entrevue jugée non necessaire

AT no 3     Notes examinées, entrevue jugée non necessaire

AT no 4     A participé à une entrevue

AT no 5     Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

L’agent témoin no 4 a participé à une entrevue le 20 avril 2021.


Éléments de preuve

Les lieux 
 

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur place et ont examiné les lieux le 7 avril 2021, à la fin de l’impasse de quatre jours. La rue Grey est une rue résidentielle à deux voies est-ouest. La résidence du plaignant est une maison individuelle.

Éléments de preuve matériels 
 

Les éléments de preuve recueillis sur les lieux comprenaient plusieurs projectiles et douilles d’ARWEN, une cartouche et des accessoires de pistolet à impulsions, ainsi qu’une cartouche d’oléorésine capsicum.

La nature des projectiles d’ARWEN est telle qu’il n’est pas possible de déterminer de quelle ARWEN ils proviennent.

L’ARWEN de l’AI a été inspecté et photographié.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies 
 

Enregistrements des communications de la police

Les enregistrements des communications, demandés par l’UES le 9 avril 2021 et reçus le 22 avril 2021, commencent le 4 avril 2021, à 13 h 20.

Les enregistrements liés au déploiement de l’ARWEN débutent à 13 h 48 min 39 s. Un agent de police annonce que le plaignant vient de retourner dans l’allée en disant qu’il allait tuer les policiers et en les qualifiant de clones. Il tient un couteau dans la main gauche et une épée dans la main droite. On peut entendre le plaignant crier en arrière-plan.

À 13 h 49 min 38 s, un agent [que l’on pense être l’AI] annonce « ARWEN, ARWEN, ARWEN! »
À 13 h 49 min 47 s, un agent annonce que le plaignant s’est enfui en courant dans la cour. Un autre agent dit qu’un pistolet à impulsions a été déployé, mais qu’il n’a pas été efficace.

Les communications radio se poursuivent jusqu’à 13 h 27 le lendemain, mais le SPB n’a pas d’autre interaction physique avec le plaignant.

Séquences vidéo no 1 d’une résidence

Le 8 avril 2021, un témoin a téléchargé sur le site Web de l’UES une vidéo prise avec un téléphone cellulaire. Cette vidéo a enregistré l’interaction du 7 avril 2021 entre le plaignant et la Police provinciale de l’Ontario. Ce témoin a été contacté et a mis à la disposition de l’UES une deuxième vidéo, enregistrée à partir du système de vidéosurveillance de sa maison.

Cette vidéo commence à 13 h 46, le 4 avril 2021, et dure 45 secondes.

Un véhicule de police du SPB est garé du côté sud de la rue Grey, face à l’ouest. On entend un homme [vraisemblablement l’AT no 4] dire [1]: « Laisse tomber [… inaudible…] on va te tirer dessus si tu franchis cette ligne. » Le plaignant répond : « Cette ligne? » Il parle lentement et d’une voix pâteuse. Une conversation s’ensuit entre l’AT no 4 et le plaignant : « Tu comprends? » « Cette ligne, juste là? » « Lâche ça, oui. » « Cette ligne? » « Lâche ça ou [inaudible parce que le plaignant parle en même temps] « Celle-là? Celle de l’herbe? » On peut entendre le plaignant dire quelque chose concernant l’apprentissage, une confrontation, le gouvernement et la dernière fois, mais ses propos sont incompréhensibles parce que d’autres voix sont plus proches du microphone. Le plaignant dit ensuite : « Vous me visez un laser dans l’œil. » [Inaudible à nouveau.] Le plaignant, maintenant en colère, dit : « Enlevez ça de mes yeux, vous avez des armes à feu et vous tenez un Taser, vous êtes débiles ou quoi? » L’AT no 4 répond : « Il faut lâcher cette arme, si tu la poses par terre, on pourra tous partir. » « Après ça, vous partez... Allez vous faire foutre. »

Séquences vidéo no 2 d’une résidence

Un autre témoin a contacté l’UES et a fourni des copies de quatre segments de séquences audio/vidéo enregistrées depuis sa résidence durant l’interaction prolongée entre le plaignant, le SPB et les autres services de police. Les dates et heures associées aux séquences du système de sécurité ont été fournies par le témoin; elles n’étaient pas intégrées à la vidéo. Aux fins du résumé qui suit, toutes les références de temps correspondent au compteur de temps de lecture de la vidéo et non à l’heure réelle.

La première séquence vidéo commence à 13 h 13, le 4 avril 2021, et dure 21 min et 10 s. Elle inclut une fonction audio. À 5 min 11 s du début de la séquence, le plaignant est dans l’allée de sa résidence et tient une grande épée dans la main droite. La qualité de l’audio est médiocre, car le moteur d’un véhicule tourne au ralenti à proximité.

À 06 min 4 s, le plaignant lève une épée à hauteur d’épaule et la pointe en direction nord-ouest, avant de disparaître du champ de vision, le long du côté de sa maison.

À 8 min 21 s, on apporte au plaignant un petit-déjeuner sur le perron de sa maison.

À 09 min 4 s, un agent du SPB passe devant la maison du plaignant et jette un coup d’œil sur le côté de la maison avant de revenir à son point de départ. À 10 min 12 s, ce même agent revient et s’arrête au coin de la propriété du plaignant. À 10 min 45 s, cet agent repart le long du trottoir sud. Un véhicule de police arrive sur la rue Grey, passe devant la résidence, puis fait demi-tour. Ce véhicule de police [maintenant connu pour être celui conduit par l’AT no 4] et un deuxième véhicule de police s’arrêtent devant la maison du plaignant et bloquent le champ de vision de la caméra.

À 11 min 25 s, un homme [maintenant connu pour être le plaignant] déclare : « C’est ma putain de propriété, vous n’avez pas besoin d’être ici. » Une conversation s’ensuit, mais elle n’est pas compréhensible en raison du bruit ambiant.

L’activité policière se poursuit dans le secteur et, à 13 min 50 s, un homme s’approche d’un agent et lui parle en pointant du doigt la résidence du plaignant. Quelqu’un [maintenant connue pour être le témoin qui a fourni la vidéo] dit que le plaignant a une arme.

À 17 min 40 s, le plaignant dit : « … après ça, vous allez simplement vous en aller? ».

À 21 min 14 s, quelqu’un [vraisemblablement l’AT no 4] dit : « Posez ça, lâchez-le… lâchez-le », puis le plaignant dit : « Fichez le camp, vous n’avez pas besoin d’être ici! »

La vidéo de sécurité prend fin, mais le même témoin a également fourni une vidéo, prise avec son téléphone cellulaire, de l’interaction entre le plaignant et les agents du SPB le 4 avril 2021. Cette vidéo commence à 16 h 09 et dure une minute et sept secondes.

On peut entendre la conversation suivante entre des agents du SPB et le plaignant, qui est hors du champ de vision de la caméra. Le plaignant dit : « Ce n’est qu’une question d’esprit », puis d’une voix plus forte et plus intense : « Putain de confrontation ». Les membres du SPB brandissent leurs armes et les pointent vers l’allée. L’AT no 4 parle au plaignant, mais on ne peut pas saisir ce qu’il dit parce qu’il ne parle pas fort et sa voix est couverte par le bruit ambiant. La conversation se poursuit et le plaignant parle d’un ton fort et agressif. L’AT no 4 parle calmement et lui répète à plusieurs reprises de s’arrêter, de lâcher l’arme et de cesser d’avancer vers eux.

On entend les sons de la décharge d’une ARWEN et d’un pistolet à impulsions.

À 0 min 58 s (sur le compteur), les fils de la sonde du pistolet à impulsions de l’AI sont déployés. Un autre agent avance rapidement vers le plaignant, suivi lentement par d’autres agents, mais ils s’arrêtent au bout d’environ trois mètres et battent en retraite pour se mettre à couvert.



Éléments obtenus auprès du service de police 
 

Sur demande, le SPB a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 9 avril et le 6 mai 2021 :


• Mandats Feeney (x2);
• Mandat d’arrêt;
• Détails de répartition assistée par ordinateur;
• Enregistrements des communications;
• Politique relative à l’arrestation, la sécurité, les soins et le contrôle des détenus;
• Norme de cours de formation - ARWEN;
• Registre de formation de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU);
• Registre supplémentaire;
• Formation sur les armes à feu de l’EIU;
• Notes de l’AT no 4;
• Politique d’intervention de la police auprès de personnes atteintes de maladie mentale ou de troubles émotifs;
• Politique - Prise de notes par les agents;
• Résumé du dossier de la Couronne (système PRIDE de saisie des donnés) – AT no 5;
• Rapport général (PRIDE) – AT no 5;
• Rapport supplémentaire (PRIDE) – AT no 1;
• Rapport supplémentaire (PRIDE) – AT no 2;
• Rapport supplémentaire (PRIDE) – AT no 3;
• Rapport supplémentaire (PRIDE) – AT no 4;
• Rapport d’incident supplémentaire - l’AI;
• Requalification du recours à la force – l’AI;
• Politique relative au recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources
 

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :


• Séquence vidéo no 1 d’une résidence pour le 4 avril 2021;
• Séquence vidéo no 2 d’une résidence pour le 4 avril 2021.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit. Il a toutefois fourni à l’UES une déclaration écrite au sujet de l’incident.

Le 4 avril 2021, vers 13 h, le plaignant s’est approché d’une équipe d’ambulanciers, rue Grey, en brandissant une épée dans leur direction. La police a été appelée.

Des agents ont confronté le plaignant, qui a alors battu en retraite dans l’allée de sa maison, rue Grey. Le plaignant était agité, parlait de manière incohérente et menaçait de tuer les agents, tout en tenant une épée dans la main droite.

L’AI faisait partie des agents qui ont pris position devant la maison du plaignant. Parmi les autres agents, il y avait l’AT no 4, qui dirigeait les pourparlers avec le plaignant, ainsi que l’AT no 1 et l’AT no 3, leurs armes à feu en main. L’AI était chargé de déployer une ARWEN au besoin. L’AT no 4 a demandé à plusieurs reprises au plaignant de lâcher son épée. Le plaignant a refusé. En fait, à un moment donné, il est retourné dans sa maison, puis est réapparu en tenant un couteau dans la main gauche, en plus de l’épée dans la main droite.

Tout en continuant de tenter de le convaincre de lâcher ses armes, l’AT no 4 a dit clairement au plaignant – qui faisait les cent pas – qu’il ne devait pas avancer dans l’allée au-delà d’une certaine ligne délimitée par une fissure dans la chaussée. L’AT no 4 a expliqué au plaignant que les agents seraient forcés d’agir s’il franchissait cette ligne. Le plaignant a nargué les agents en avançant vers la ligne avant de reculer.

Vers 13 h 50, le plaignant a franchi la ligne et a continué de s’approcher des agents qui étaient sur le trottoir et la chaussée devant la maison. L’AI a tiré une fois avec son ARWEN. Le plaignant a été touché en haut et à droite du torse. Juste après la décharge de l’ARWEN, l’AT no 4 a déchargé son pistolet à impulsions. Les sondes n’ont pas établi de connexion efficace. Aucune de ces deux décharges n’a immobilisé le plaignant ni fait tomber les armes qu’il tenait; le plaignant a toutefois cessé d’avancer et est retourné à l’intérieur de sa maison.

Les agents qui étaient sur les lieux n’ont pas poursuivi le plaignant jusqu’à la maison. La confrontation avec la police, y compris avec des agents du Service de police de Guelph et de la Police provinciale de l’Ontario appelés en renfort, s’est poursuivie pendant plusieurs jours. Au cours de cette période, le plaignant a été la cible d’autres décharges d’ARWEN qui font l’objet d’autres enquêtes de l’UES (21-PFP-112 et 21-OFP-113). Le plaignant a finalement été placé sous garde sans avoir subi de blessures graves.

Dispositions législatives pertinentes

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves   
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne   
f) elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Article 34, Code criminel – Défense de la personne — emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.  

Analyse et décision du directeur

Le 4 avril 2021, durant les premières étapes de ce qui allait devenir une confrontation de quatre jours avec la police à son domicile de la rue Grey, le plaignant a été touché par un projectile d’ARWEN – une arme à létalité atténuée – tiré par un agent du SPB. L’AI, l’agent qui a tiré avec son ARWEN, a été identifié comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec ce tir.

L’article 34 du Code criminel fixe les limites de l’usage justifié de la force pour se défendre ou défendre autrui. Une force de cette nature est légalement autorisée si elle est destinée à protéger contre une attaque réelle ou raisonnablement appréhendée, ou une menace d’attaque, à condition que cette force soit raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment : la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et la disponibilité d’autres moyens pour faire face à l’emploi possible de la force; le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. En l’espèce, il faut déterminer s’il existe des motifs raisonnables de croire, en se fondant sur le dossier de preuve, que l’AI a transgressé les limites de l’article 34 en déchargeant son ARWEN sur le plaignant. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L’AI et les autres agents présents sur les lieux ont agi légalement tout au long de leur interaction avec le plaignant. Le plaignant souffrait apparemment de troubles mentaux au moment de l’incident, mais il avait menacé d’une épée des ambulanciers paramédicaux venus sur les lieux pour une intervention sans lien avec l’incident en question. Dans les circonstances, les agents avaient des motifs légitimes de vouloir arrêter le plaignant, que ce soit en vertu du Code criminel ou de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

Je suis également convaincu qu’en déchargeant son ARWEN, l’AI recourrait raisonnablement à la force pour se défendre d’une attaque raisonnablement soupçonnée de la part du plaignant. Le plaignant était très agité et d’humeur agressive. Sans provocation, il venait d’approcher des ambulanciers paramédicaux en tenant une épée, puis menaçait de mort les agents qui convergeaient vers sa résidence. Il avait ignoré les demandes de laisser tomber son épée et s’était aussi armé d’une arme blanche supplémentaire. Les agents ont attendu avant d’agir, tout en avertissant clairement le plaignant qu’ils interviendraient s’il franchissait une certaine limite et s’approchait de trop près. Au lieu d’obtempérer, le plaignant a continué d’avancer jusqu’à quelques mètres de l’endroit où se trouvaient les agents. Comme il avait alors l’épée et le couteau en main, le plaignant présentait un danger clair et réel de lésions corporelles et même de mort pour les agents. Ces derniers avaient le droit de se défendre et de le faire à distance sans mettre leur propre sécurité encore plus en danger en engageant physiquement le plaignant. Je suis donc convaincu que le recours de l’AI à une force moins meurtrière – une décharge d’ARWEN – constituait une réaction mesurée et proportionnée aux risques encourus. [2]

Pour les raisons qui précèdent, puisqu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI ait agi illégalement en utilisant son ARWEN, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 3 août 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Note : toutes les citations entre guillemets dans cette version française du rapport sont des traductions de l’anglais. [Retour au texte]
  • 2) Bien que l'utilisation du pistolet à impulsions par l'AT no 4 ne faisait pas l'objet de l'enquête, je pense également que ce recours à la force était légalement justifié en vertu de l'article 34 du Code criminel pour essentiellement les mêmes raisons, même si ni le pistolet à impulsions, ni l'ARWEN n'ont désarmé le plaignant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.