Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-350

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 32 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 14 décembre 2020, à 18 h 43, le Service de police de Sault Ste. Marie a communiqué avec l’UES pour signaler la blessure du plaignant et transmettre les renseignements qui suivent.

À 14 h, des agents du Service de police de Sault Ste. Marie ont été dépêchés pour intervenir dans un cas de violence familiale sur la rue Queen. Le plaignant, âgé de 32 ans, a été arrêté pour non-respect des conditions de sa mise en liberté et méfait. À 14 h 5, le plaignant a été menotté et conduit au poste de police. À 14 h 26, il a été placé dans une cellule. À 15 h 30, lorsqu’on a effectué une vérification des cellules, le plaignant était étendu sur le banc. Les ambulanciers ont été appelés à 15 h 50 lorsque le plaignant a semblé avoir un malaise. Ce dernier a été conduit à l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie, où il a été remis en liberté par la police, admis à l’hôpital et envoyé à l’unité des soins intensifs à cause d’une surdose de drogue. La vie du plaignant n’était pas en danger et on estimait qu’il obtiendrait son congé de l’hôpital dans les 24 heures.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 15-12-2020 à 10 h 55

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 15-12-2020 à 12 h 34

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Personne concernée (plaignant)

Homme de 32 ans; n’a pu être retrouvé


Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 6 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 7 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les entrevues avec les agents témoins ont eu lieu le 31 décembre 2020.


Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant était dans une cellule dans les installations du Service de police de Sault Ste. Marie, au 580 Second Line East, quand on s’est rendu compte qu’il avait besoin de soins médicaux.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

L’UES a fait le tour du secteur à la recherche de photographies et d’enregistrements audio et vidéo pertinents et obtenu les résultats suivants.


Enregistrements vidéo de l’aire de garde du poste du Service de police de Sault Ste. Marie

Les installations du Service de police de Sault Ste. Marie étaient dotées de caméras de surveillance. On a reçu en tout sept fichiers vidéo contenant des images des événements entre 14 h 13 min 49 s et 16 h 9 min 44 s le 14 décembre 2020. Tous les fichiers, sauf un, comprenaient le son.


Aire de transfert (14 h 13 min 49 s – 14 h 15 min 25 s)

L’AT no 4 est descendu de sa voiture de police, puis est sorti de l’aire de transfert avec un sac noir qu’il avait retiré du coffre. Il est retourné dans l’aire de transfert, a ouvert la portière arrière du côté passager et a aidé le plaignant qui était sur la banquette arrière. L’AT no 1 est arrivé à pied dans l’aire de transfert.

Le plaignant est sorti du véhicule avec très peu d’aide; il avait les mains menottées derrière le dos. Il marchait lentement et avait la tête baissée. Il n’y avait pas d’animosité apparente entre le plaignant et les agents de police.


Salle d’enregistrement (14 h 16 min 19 s – 14 h 28 min 13 s)

L’AT no 1 et l’AT no 4 ont escorté le plaignant au comptoir d’enregistrement, où l’AI a informé ce dernier qu’un juge de paix tenait des séances de libération sous caution dans une salle adjacente. L’agent lui a aussi dit qu’il ne devait pas paniquer s’il voulait avoir une chance d’être libéré.

Le plaignant se tenait debout calmement et il a parlé, mais il était difficile d’entendre ce qu’il disait. L’AT no 1 et l’AT no 4 ont retiré les menottes du plaignant et celui-ci a dit quelque chose au sujet de médicaments. L’AI a informé le plaignant que la police avait son sac et que si ses médicaments étaient dedans, il serait autorisé à les prendre.

Le plaignant a dit à l’AI qu’un des agents lui avait donné des coups de poing à la tête et l’AI lui a répondu que c’est ce qui arrive quand on s’enfuit de la police et qu’on résiste à son arrestation. Si on reçoit un coup, on reçoit un coup. L’AI a indiqué au plaignant qu’il était assujetti à des conditions lui interdisant de communiquer avec une femme ou de se trouver à moins de 25 mètres d’elle et qu’il devait répondre de deux chefs d’accusation pour non-respect d’une ordonnance de mise en liberté.

Les vêtements extérieurs du plaignant ont été retirés et fouillés. Le plaignant avait en sa possession de la marijuana. La plupart de ses conversations étaient difficiles à entendre, mais il a dit qu’il allait arrêter d’un coup de prendre un médicament. L’AI a demandé aux agents de fouiller le sac du plaignant pour voir s’il y avait des médicaments. Le plaignant a alors expliqué qu’il était censé aller chercher son ordonnance ce matin-là et qu’il était en route pour la pharmacie.

Le plaignant a posé brièvement la tête sur le comptoir d’enregistrement. Quand on lui a demandé s’il avait des maladies ou des blessures, il a répondu qu’il en avait plusieurs, notamment une pneumonie, une blessure à la jambe gauche parce qu’il avait couru pour se sauver de la police, une blessure à la rotule droite infligée par la femme avec qui il lui était interdit de communiquer et une blessure au visage à cause des coups de poing et du placage de la police. Le plaignant était calme et coopératif durant l’enregistrement ainsi que pendant qu’on lui retirait plusieurs vêtements. On lui a donné à boire.

On a fouillé le sac du plaignant pour voir s’il contenait des médicaments sur ordonnance, mais on n’en a trouvé aucun. L’AI a informé le plaignant que des agents se renseigneraient au sujet de ses médicaments auprès de la femme, et un homme en a fait la demande à la radio. Le plaignant a refusé de parler à un avocat.

L’AI a demandé aux agents de remettre deux couvertures au plaignant à cause de ses poumons endommagés et de ses blessures aux jambes. Par la suite, le plaignant s’est mis à marcher lentement dans le couloir, sans aide, suivi par l’AT no 1 et l’AT no 4, et il est sorti du champ de la caméra.

Bloc cellulaire des hommes (14 h 25 min 5 s – 14 h 47 min 23 s)

Le plaignant s’est rendu au bloc cellulaire en boitant avec à sa suite l’AT no 1 et l’AT no 4. Un agent portait les couvertures. La conversation était inaudible et la situation était calme. Le plaignant a été dirigé vers une cellule au bout du couloir, juste en dehors du champ de la caméra. À 14 h 28 min 33 s, la porte de la cellule s’est refermée, et l’AT no 1 et l’AT no 4 sont sortis du bloc cellulaire.

À 14 h 44 min 42 s, un homme a crié [Traduction] « Gardien » à quelques reprises et, à 14 h 45 min 1 s, un agent spécial est entré et a vérifié la cellule du plaignant. Ce dernier a demandé à parler à un avocat et l’agent spécial lui a dit qu’il reviendrait avec une liste d’avocats. L’agent spécial a quitté le bloc cellulaire et est revenu peu après. À 14 h 47 min 5 s, le plaignant a été sorti de sa cellule et l’agent spécial l’a suivi dans le couloir tandis qu’il sortait du bloc cellulaire en boitant.


Cellule no 5 (14 h 28 min 14 s – 14 h 47 min 8 s)

L’enregistrement vidéo n’avait pas de son et montrait la cellule no 5.

À 14 h 28 min 22 s, le plaignant est entré dans la cellule no 5, s’est immédiatement assis sur le banc, a mis un verre par terre, puis s’est penché vers l’avant, la tête baissée et les mains jointes. L’AT no 1 et l’AT no 4 avaient escorté le plaignant. Un des agents a lancé les couvertures sur le banc depuis la porte de la cellule et l’autre a verrouillé la porte. Le plaignant est resté assis tandis qu’un agent spécial lui parlait, puis celui-ci est parti.

À 14 h 46 min 59 s, un agent spécial est revenu et a ouvert la porte de la cellule. Le plaignant est sorti de la cellule et a marché dans le couloir derrière l’agent spécial.


Salle d’enregistrement (14 h 47 min 17 s – 14 h 55 min 26 s)

Un agent spécial est arrivé dans le couloir, suivi du plaignant, qui a été dirigé vers la liste d’avocats sur le mur.

À 14 h 48 min, le plaignant a été placé dans la cabine téléphonique du bloc cellulaire pour qu’il puisse parler à son avocat en privé. L’agent spécial est resté dans le couloir et a composé le numéro de l’avocat choisi par le plaignant, mais il n’a pas pu le joindre. Le plaignant a demandé qu’on appelle un autre avocat, à qui il a parlé à 14 h 52 min 8 s.

Un deuxième agent spécial est arrivé dans le couloir. Les deux agents spéciaux ont attendu sur place jusqu’à 14 h 55 min 7 s, heure à laquelle le plaignant est sorti de la cabine téléphonique du bloc cellulaire et s’est rendu à la porte du bloc cellulaire en boitant, suivi des agents spéciaux.


Bloc cellulaire des hommes (14 h 55 min 11 s – 16 h 8 min 20 s)

Le plaignant est entré dans le bloc cellulaire et a marché dans le couloir en boitant, suivi d’un agent spécial, jusqu’à ce qu’ils sortent du champ de la caméra. Ils n’ont pas eu de conversation.

À 14 h 55 min 47 s, la porte de la cellule du plaignant s’est refermée et l’agent spécial est sorti du bloc cellulaire.

Les agents spéciaux sont entrés dans le bloc cellulaire et en sont sortis à plusieurs reprises et se sont occupés d’autres prisonniers. Ils ont placé des prisonniers dans des cellules et en ont fait sortir d’autres.

À 15 h 21 min 33 s, un agent spécial est entré dans le bloc cellulaire et a vérifié chacune des trois cellules occupées. Il est resté à l’extérieur de la cellule du plaignant pendant environ quatre secondes avant de sortir du bloc cellulaire à 15 h 22 min 1 s.

À 15 h 52 min 56 s, l’AI est entré dans le bloc cellulaire et s’est dirigé vers la cellule du plaignant. À 15 h 53 min 4 s, l’AI, qui n’était pas dans le champ de la caméra, a dit au plaignant : [Traduction] « Qu’est-ce qui ne va pas? » La réponse du plaignant était inaudible. L’AI a ajouté : [Traduction] « Vous ne pouvez pas passer deux jours à l’hôpital et maintenant vous n’arrivez pas à respirer. Je ne vous entends pas. » La réponse du plaignant était inaudible. L’AI a dit : [Traduction] « D’accord. Je vais faire venir une ambulance pour vous faire examiner. » À 15 h 53 min 32 s, l’AI est sorti du bloc cellulaire.

À 15 h 54 min 7 s, un agent spécial est entré dans le bloc cellulaire, est allé directement à la cellule du plaignant et lui a demandé : [Traduction] « Qu’est-ce qui se passe? Hé, pouvez-vous respirer? Qu’est-ce qu’il y a? Vous ne pouvez pas respirer? OK. » Les réponses du plaignant étaient inaudibles. À 15 h 54 min 29 s, l’agent spécial est sorti du bloc cellulaire.

À 15 h 54 min 46 s, l’agent spécial est revenu et est allé directement à la cellule du plaignant. On a entendu la porte de la cellule s’ouvrir. L’agent spécial a dit : [Traduction] « Attention à votre tête, j’ouvre la porte. Qu’est-ce qu’il y a? Vous ne pouvez pas respirer? »

À 15 h 55 min 16 s, l’AI est entré dans le bloc cellulaire avec un autre prisonnier pour le placer dans une cellule. Il s’est ensuite rendu à la cellule du plaignant, l’a informé qu’une ambulance allait venir et lui a dit de se détendre. À 15 h 55 min 47 s, l’AI est sorti du bloc cellulaire.

À 15 h 56 min 32 s, un sergent est entré dans le bloc cellulaire et allé à la cellule du plaignant. La conversation était inaudible.

À 15 h 57 min 28 s, l’AI a ouvert la porte du bloc cellulaire et a avisé le sergent et l’agent spécial qu’une ambulance arrivait. Le sergent a indiqué que le plaignant respirait, mais le reste de la conversation était inaudible.

À 15 h 58 min 7 s, l’AI s’est approché de la cellule du plaignant, a vérifié l’état de celui-ci et est sorti du bloc cellulaire. À 15 h 59 min 10 s, l’AI est venu dans l’embrasure de la porte du bloc cellulaire pour vérifier de nouveau l’état du plaignant. Des personnes ont demandé : [Traduction] « M’entendez-vous? ».

À 16 h 0 min 15 s, on a dit au plaignant que des ambulanciers étaient là pour le voir. À 16 h 1 min 28 s, l’AI a escorté les ambulanciers au bloc cellulaire et les a informés de l’état du plaignant.

Les ambulanciers ont posé des questions au plaignant et il y a répondu. Cependant, ses réponses étaient inaudibles. On a apporté une civière dans le bloc cellulaire. L’AI, le sergent et deux agents spéciaux attendaient sur place pendant que les ambulanciers prêtaient assistance au plaignant.

À 16 h 6 min 11 s, les ambulanciers ont soulevé le plaignant et l’ont placé sur la civière. L’AI a demandé comment allait le plaignant, et un ambulancier a dit n’avoir encore décelé aucun problème.

À 16 h 8 min 10 s, les ambulanciers ont sorti le plaignant du bloc cellulaire sur la civière.


Cellule no 5 (14 h 55 min 36 s – 16 h 8 min 2 s) – pas de son

À 14 h 55 min 43 s, le plaignant est entré dans la cellule no 5 et un agent spécial a verrouillé la porte. Le plaignant s’est assis sur le banc, a déplié deux couvertures, s’est allongé en mettant sa tête près des barreaux et s’est couvert d’une des couvertures.

À 15 h 21 min 52 s, un agent spécial a fait une vérification des cellules. Il est resté à l’extérieur de la cellule pendant environ quatre secondes.

À 15 h 39 min 9 s, le plaignant s’est assis, a posé les pieds par terre et s’est penché vers l’avant. Il s’est mis à lever et à baisser la tête de façon répétitive.

À 15 h 43 min 2 s, le plaignant a mis ses mains par terre et a rampé jusqu’au sol. Ses genoux sont restés coincés dans la couverture. Avec le haut de son corps au sol, le plaignant s’est étendu sur le ventre, le derrière de sa tête appuyée contre les barreaux et le mur de la cellule.

À 15 h 45 min 29 s, le plaignant a bougé légèrement. Il a levé le bras gauche le long du mur, puis l’a tendu derrière sa tête et a saisi les barreaux de la porte de la cellule avec sa main gauche.

À 15 h 48 min 20 s, le plaignant a changé de position de sorte que tout son corps s’est retrouvé sur le plancher de la cellule, sa main gauche entre les barreaux. Il a bougé les pieds, les jambes et le haut du corps.

À 15 h 52 min 30 s, le plaignant s’est mis à genoux, s’est assis et a commencé à secouer la porte de la cellule avec sa main gauche.

À 15 h 53 min 3 s, l’AI était debout à côté de la porte de la cellule du plaignant. Il semblait avoir une conversation avec le plaignant. L’AI s’est penché pour évaluer le plaignant. À 15 h 53 min 26 s, l’AI est sorti du champ de la caméra, et le plaignant est resté assis et s’est penché en avant vers la porte de la cellule, la main gauche sur les barreaux de la porte.

À 15 h 54 min 12 s, un agent spécial s’est approché de la cellule du plaignant, s’est accroupi pour lui parler, puis est reparti. À 15 h 54 min 50 s, l’agent spécial est revenu et a ouvert doucement la porte de la cellule, tandis que le plaignant avait la tête appuyée dessus. Il s’est penché vers le plaignant et, à 15 h 55 min 27 s, l’AI est venu dans la cellule. Il se tenait derrière l’agent spécial lorsque celui-ci a sorti le plaignant de la cellule. L’AI a prêté assistance à l’agent spécial une fois que le tronc du plaignant a été dans le couloir. Le plaignant a bougé les jambes.

À 15 h 55 min 40 s, l’AI est parti. L’agent spécial est resté auprès du plaignant. Seuls les pieds et les jambes du plaignant étaient dans le champ de la caméra. Ses jambes et ses pieds bougeaient légèrement.

À 15 h 56 min 37 s, un sergent est arrivé, mais il n’est resté dans le champ de la caméra qu’un court instant. Les images captées étaient limitées, car le haut du corps du plaignant était hors du champ et l’agent spécial se tenait près du bas du corps du plaignant.

À 15 h 58 min 9 s, l’AI est revenu, puis il est ressorti du champ de la caméra.

À 16 h 1 min 35 s, trois ambulanciers sont arrivés et ont procédé à un examen du plaignant. À 16 h 5 min 57 s, les ambulanciers ont déplacé le plaignant, qui est alors sorti du champ de la caméra.


Salle d’enregistrement (16 h 8 min 3 s – 16 h 8 min 41 s)

Les ambulanciers ont sorti le plaignant du bloc cellulaire sur une civière en passant par le couloir et la salle d’enregistrement. L’AI a ordonné à un agent spécial d’accompagner les ambulanciers jusqu’à l’hôpital.


Aire de transfert (16 h 8 min 27 s – 16 h 9 min 44 s)

Les ambulanciers ont transporté le plaignant sur une civière dans l’aire de transfert et ils étaient suivis par un agent spécial. Le plaignant a été placé dans l’ambulance (qui était hors du champ de la caméra).

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Sault Ste. Marie :
  • le rapport d’enregistrement d’arrestation;
  • le rapport d’arrestation du plaignant;
  • le dossier de garde;
  • la vidéo de la garde à vue;
  • les notes des AT;
  • la liste des membres du service de police concernés.

Description de l’incident

Le scénario suivant ressort des éléments de preuve réunis par l’UES, soit les entrevues faites avec les agents ayant procédé à l’arrestation du plaignant et les enregistrements vidéo du temps passé sous la garde de la police. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ni à remettre ses notes. Malheureusement, le plaignant, sans domicile fixe, n’a pu être retrouvé pour être interrogé.

Dans l’après-midi du jour en question, des agents ont été dépêchés après un appel fait à la police par une femme. Celle-ci était l’ex-conjointe du plaignant. Le plaignant venait d’entrer en contact avec elle, contrairement aux exigences d’une ordonnance de mise en liberté.

L’AT no 1 était parmi les agents qui se sont rendus sur les lieux. Il a retrouvé le plaignant, l’a pourchassé à pied et a fini par le rattraper. Il l’a alors arrêté pour avoir enfreint les conditions de son ordonnance de mise en liberté et l’a menotté. Il était alors 14 h 10.

Le plaignant a été installé dans la voiture de l’AT no 4 et conduit au poste. Pendant qu’on procédait à son enregistrement devant l’AI, le plaignant s’est plaint d’avoir reçu un coup de poing par un agent présent à son arrestation [1]. Lorsqu’on l’a interrogé sur son état de santé, le plaignant a indiqué qu’il n’avait pas ses médicaments sur ordonnance et il a énuméré ses problèmes de santé. L’AI a signalé qu’on allait demander à son ex-conjointe si elle avait ses médicaments, et le nécessaire a été fait pour communiquer avec elle. Le plaignant a été placé dans une cellule vers 14 h 28.

À environ 15 h 52, l’AI a pénétré dans le bloc cellulaire, s’est approché de la cellule du plaignant et lui a demandé : [Traduction] « Qu’est-ce qui ne va pas? » La réponse du plaignant était inaudible sur l’enregistrement vidéo. L’AI a ensuite dit : [Traduction] « D’accord. Je vais faire venir une ambulance pour vous faire examiner. » Dans les minutes qui ont suivi le départ de l’AI, un agent spécial est venu vérifier à deux reprises comment le plaignant se sentait et, à chaque fois, il lui a demandé s’il avait de la difficulté à respirer.

Les ambulanciers sont arrivés à la cellule du plaignant vers 16 h et, à 16 h 6, le plaignant a été installé sur une civière et sorti du bloc cellulaire.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Dévoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Les articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. 
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.


Analyse et décision du directeur

Le 14 décembre 2020, le plaignant a eu un malaise pendant qu’il se trouvait dans une cellule du Service de police de Sault Ste. Marie. Il a alors été conduit à l’hôpital et il a été gardé aux soins intensifs. Il semblerait que le malaise ait résulté d’une surdose de drogue. L’UES a été avisée et a ouvert un dossier. L’agent qui était alors responsable du bien être des prisonniers et des soins devant leur être prodigués, soit l’AI, a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle pendant que le plaignant était sous sa garde.

Les seules infractions à prendre en considération dans cette affaire seraient le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles contraires aux exigences des articles 215 et 221 du Code criminel. La première dépend en partie de l’existence d’une conduite représentant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. La seconde est plus grave puisqu’elle suppose une conduite dénotant une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. On ne peut considérer qu’un crime a été commis à moins que la conduite représente un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Dans l’affaire en cause, il faut déterminer si la manière dont le plaignant a été surveillé pendant qu’il était sous la garde de la police représente un manque de diligence et, le cas échéant, si c’est ce qui est à l’origine de son malaise ou y a contribué et si le manquement est suffisamment grave pour mériter des accusations criminelles. À mon avis, les éléments de preuve sont insuffisants pour conclure que l’AI n’a pas respecté les normes de diligence prescrites par le droit criminel.

La mise sous garde du plaignant était légitime. La police avait reçu un appel d’une femme qui s’était plainte que le plaignant avait contrevenu aux exigences de son ordonnance de mise en liberté. Il existait aussi plusieurs mandats d’arrestation contre lui pour des manquements aux conditions de probation.

Il semblerait qu’une fois le plaignant dans une cellule de la police, les soins qui lui ont été prodigués aient été adéquats. Le plaignant avait mentionné qu’il n’avait pas ses médicaments sur ordonnance et des démarches ont été entreprises pour les trouver. Par la suite, durant l’heure et demie qu’il a passée dans sa cellule, il n’a donné aucun signe qu’il avait un malaise jusqu’à près de 16 h, où il a semblé commencer à avoir du mal à respirer. Pendant ce laps de temps, des agents spéciaux l’ont surveillé et le plaignant s’est déplacé par lui-même lorsqu’on l’a sorti de la cellule pour qu’il communique avec un avocat. Pas plus de dix minutes ne se sont écoulées entre le moment où l’AI, apparemment avisé de la détérioration de l’état du plaignant par un agent spécial, est entré dans le bloc cellulaire pour vérifier comment allait le plaignant et l’arrivée des ambulanciers. Le plaignant a été conduit à l’hôpital, où il aurait été traité pour une surdose de drogue et aurait obtenu son congé l’après-midi suivant.

En définitive, puisqu’il n’existe pas de motifs suffisants pour conclure que l’AI n’a pas agi de manière tout à fait légitime pendant qu’il était responsable du plaignant, il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles et le dossier est clos.


Date : 15 mars 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Puisque rien n’indiquait que le prétendu coup avait causé une blessure grave, ce n’est pas ce sur quoi l’enquête de l’UES a porté. L’allégation a toutefois été signalée au service de police pour qu’il fasse enquête. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.