Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 19-OFD-024
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Le présent rapport porte sur l’enquête de l’UES sur le décès d’un homme de 30 ans (le plaignant).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Le présent rapport porte sur l’enquête de l’UES sur le décès d’un homme de 30 ans (le plaignant).
L’enquête
Notification de l’UES
Le 31 janvier 2019, à 9 h 25, le Service de police d’Ottawa (SPO) a avisé l’UES du décès par balle du plaignant.
Le SPO a donné le rapport suivant : le 31 janvier 2019, vers 8 h du matin, le SPO a reçu un appel signalant la présence d’un homme [maintenant déterminé comme étant le plaignant] tenant un couteau dissimulé sous son manteau au centre commercial Elmvale situé au 1922, boulevard Saint-Laurent, à Ottawa. Les agents impliqués (AI) AI no 1 et AI no 2 se sont rendus sur place. Le plaignant a été abattu et emmené au campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6 Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3
Plaignant :
Homme de 30 ans, décédéTémoins civils
TC no 1 A participé à une entrevue TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue
TC no 10 A participé à une entrevue
TC no 11 A participé à une entrevue
TC no 12 A participé à une entrevue
TC no 13 A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
En outre, l’UES a reçu et examiné les notes de deux autres agents.
Agents impliqués
AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
Éléments de preuve
Les lieux
L’incident s’est déroulé au 1922, boulevard Saint-Laurent, à Ottawa, à l’extrémité sud du stationnement du centre commercial, près de la Banque Royale et de Loblaws. Il y a une entrée dans le centre commercial près de cet endroit, face au nord. Sur la gauche de cette entrée, quand on fait face à celle-ci, les enquêteurs ont repéré ce qui semblait du sang dans une flaque. À proximité de cette flaque, il y avait plusieurs déchets médicaux et effets personnels, dont une carte d’identité, une carte bancaire, des clés et des vêtements, ainsi que du matériel des Services médicaux d’urgence. Les enquêteurs ont également trouvé des indices du déploiement d’armes à impulsions, dont une sonde, des étiquettes AFID (identification anti-félons) et des fils.
Figure 1 – Le devant du centre commercial, à Ottawa, où la fusillade a eu lieu.
Sur le trottoir, à l’ouest des débris et près de la chaussée, il y avait deux douilles de cartouche. Il y avait d’autres douilles sur le trottoir et la chaussée, à l’est des débris. Plus à l’est, le long du trottoir et près du coin de l’édifice de la Banque Royale, il y avait une arme à impulsions, du fil et des sondes d’arme à impulsions. Les deux cartouches de l’arme à impulsions avaient été déployées et le fil des cartouches suggérait une trajectoire en direction sud-est vers la porte d’entrée, près de la flaque. Il y avait également des étiquettes AFID et des portes de cartouches de l’arme à impulsions. Une casquette de baseball noire a été trouvée sur le trottoir à proximité.
À gauche de la porte d’entrée du centre commercial, il y a un muret qui s’étend perpendiculairement vers le nord. Sur la face est de ce muret, les enquêteurs ont constaté trois sites d’impact correspondant vraisemblablement à des marques de balles. Au-dessous, sur la neige, il y avait des fragments de douille, ainsi qu’un projectile à proximité. Près de ce muret, il y avait également un sac d’épicerie comportant d’autres sites possibles d’impact.
Sur la neige, au pied du muret, il y avait un objet fabriqué à la main, constitué d’un manche en bois sur lequel sont attachées des plumes. Une grosse pierre, de forme triangulaire et ayant un bord tranchant, est attachée à une des extrémités de ce bâton.
Figure 2 – L’objet qui se trouvait sur les lieux.
Schéma des lieux
Éléments de preuve matériels
Armes à feu saisies par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires
L’arme à feu de l’AI no 1 a été saisie. Il s’agissait d’un pistolet Glock semi-automatique, modèle 22 4e gén., de calibre .40. Ce pistolet a une capacité de 16 coups (15 balles dans le chargeur + 1 dans la culasse). Au total, on a récupéré 13 projectiles de cette arme (3 ont été tirés).
Figure 3 - Pistolet Glock de l’AI no 1 avec magasins et munitions.
Arme à feu de l’AI no 2
L’arme à feu de l’AI 21 a été saisie. Il s’agissait d’un pistolet Glock semi-automatique, modèle 22 de calibre .40. Ce pistolet a une capacité de 16 coups (15 balles dans le chargeur + 1 dans la culasse). Au total, on a récupéré 8 projectiles de cette arme (3 ont été tirés).
Figure 4 – Pistolet Glock de l’AI no 2 avec magasins et munitions.
Uniformes de policiers
Le 1er février 2019, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires se sont rendus au quartier général du SPO où on leur a remis des boîtes scellées contenant des uniformes et équipements de police. Les uniformes fournis étaient ceux de l’AI no 1, l’AI no 2, l’AT no 2 et l’AT no 3.
Éléments de preuves médicolégaux
Téléchargement d’une arme à impulsions par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires
Enregistrements des communications
Appels au 9-1-1
Le 31 janvier 2019, à 7 h 52 min 12 s, un répartiteur d’OC Transpo téléphone au centre des communications du SPO pour signaler que des agents spéciaux d’OC Transpo ont vu un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] tenant un couteau sous sa veste. Le plaignant entrait dans le centre commercial Elmvale (CCE). Il était décrit comme étant un homme de race blanche vêtu de noir, avec une casquette noire. Les agents spéciaux ont ensuite perdu de vue le plaignant.
Deuxième appel
Le 31 janvier 2019, à 7 h 59 min 57 s, une femme désemparée (la TC no 10) appelle pour signaler avoir vu plusieurs adolescents tirer sur quelqu’un avec une arme à feu. Elle ne peut pas dire si la personne abattue était un homme ou une femme. De plus, elle a vu un policier sur les lieux. La TC no 10 ne peut pas décrire la personne qui tenait l’arme parce qu’elle était trop loin.
Enregistrements des communications du SPO
À 7 h 59 min 36 s, un policier [vraisemblablement l’AI no 1 ou l’AI no 2] annonce par radio que des coups de feu ont été tirés, demande qu’on envoie immédiatement une ambulance et indique que le sujet est à terre.
Éléments obtenus auprès du service de police
L’UES a demandé les documents éléments suivants au SPO, qu’elle a obtenus et examinés :- Rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
- Rapport final du système de répartition assistée par ordinateur;
- Rapport initial du système de répartition assistée par ordinateur;
- Enregistrements des communications;
- Interrogation du système du CIPC concernant le plaignant,
- Mémo de divulgation;
- Données GPS;
- Captures d’écran GPS avec des données GPS tracées sur le système de cartographie du système de répartition assistée par ordinateur ;
- Liste des agents concernés;
- Description de l’incident par l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 4, l’AT no 5, l’AT no 6 et de deux agents non désignés;
- Notes de tous les agents témoins et de deux agents non désignés;
- Acquisition d’armes à feu par la police – Programme canadien des armes à feu;
- Politique – Arrestation;
- Politique – Incidents liés à la santé mentale;
- Politique – Recours à la force;
- Dossiers de formation de l’AI no 1 et de l’AI no 2;
Éléments obtenus auprès d’autres sources
Informations provenant de sources autres que policières :- Télévision en circuit fermé;
- Rapport de biologie du Centre des sciences judiciaires;
- Images prises avec un téléphone cellulaire;
- Plan de rues Google avec inscriptions – TC no 3;
- Plan de rues Google - TC no 8;
- Plan de rues Google - TC no 5;
- Résultats préliminaires de l’autopsie; et
- Rapport de l’examen post mortem.
Description de l’incident
Les faits importants sont relativement clairs selon la prépondérance des éléments de preuve recueillis par l’UES, malgré le fait que l’AI no 1 et l’AI no 2 n’ont pas fourni de déclarations à l’UES, comme ils en ont le droit. Le 31 janvier 2019, peu avant 8 h du matin, le SPO a été avisé qu’un homme – le plaignant – portant un couteau dans son manteau était dans le centre commercial Elmvale sur le boulevard Saint-Laurent. Des agents ont été envoyés sur les lieux pour enquêter.
L’AI no 1 est arrivé sur place en premier. Il a repéré le plaignant au nord de la banque RBC et a tenté d’engager une conversation avec lui. Le plaignant s’est énervé et a commencé à menacer à l’AI no 1 avec un objet qu’il tenait en main et brandissait en direction de l’agent. L’objet était composé d’une pierre au bord émincée attachée avec du tissu à une extrémité d’un bâton de 40 cm de long (ci-après, « l’objet »). Le plaignant avait façonné lui-même et vendu des objets de ce genre inspirés de son héritage culturel autochtone.
Arrivé peu après l’AI no 1, l’AI no 2 s’est approché du plaignant depuis l’est, alors que le plaignant et l’AI no 1 marchaient vers l’ouest devant la RBC, en direction de l’entrée nord du centre commercial. Le plaignant s’est avancé vers l’AI no 2, l’objet toujours en main; l’AI no 2 a réagi en déployant son arme à impulsions. Il est possible que la décharge ait immobilisé le plaignant, mais seulement momentanément. Le plaignant a rapidement continué d’avancer vers l’AI no 2. Environ 20 secondes plus tard, l’AI no 2 a déployé son arme à impulsions une deuxième fois, avec des résultats similaires.
Le plaignant a alors tourné son attention vers l’AI no 1, alors que les agents suivaient son mouvement vers l’ouest le long du centre commercial. L’AI no 1, qui était à quelques mètres du plaignant, a reculé lorsque le plaignant a levé l’objet en l’air et l’a balancé dans sa direction. L’AI no 1, son pistolet pointé sur le plaignant, a tiré deux, et possiblement trois, coups de feu sur le plaignant. À peu près au même moment, l’AI no 2 a tiré sept coups de feu et possiblement huit.
Trois balles ont atteint le plaignant, qui est tombé sur le trottoir, près des portes d’entrée. L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont approchés de lui, l’ont menotté et, avec l’aide de deux agents spéciaux qui se trouvaient dans le secteur, lui ont administré les premiers soins d’urgence en attendant l’arrivée d’une ambulance. À l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, le plaignant a été emmené à l’hôpital où son décès a été déclaré.
Le 1er février 2019 à 9 h, l’autopsie du plaignant a été effectuée à l’Unité de médecine légale de l’Est de l’Ontario située à l’Hôpital général d’Ottawa.
À 11 h 20, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont reçu un ensemble d’empreintes digitales du plaignant qui figuraient dans les dossiers du SPO. Ils ont également obtenu un ensemble d’empreintes roulées du défunt. Après comparaison, il a été confirmé qu’elles correspondaient aux empreintes des dossiers du SPO.
À 14 h 02, le pathologiste a conclu son examen en indiquant la cause préliminaire du décès comme étant une « blessure par balle à la poitrine ».
Le rapport de l’examen post mortem, daté du 6 novembre 2019, a confirmé que le décès du plaignant résultait d’une blessure par balle à la poitrine. Le rapport notait que le plaignant avait subi une blessure par balle avec perforation à la partie supérieure droite de la poitrine, causée par un projectile qui avait traversé la poitrine d’avant en arrière; une blessure sous-cutanée avec perforation de la poitrine gauche, causée par un projectile entré et ressorti par l’avant de la poitrine (cette blessure n’a pas pénétré dans la cavité thoracique); et une blessure par balle avec perforation du coude droit, causée par un projectile qui est entré dans le coude et est ressorti par la fosse antécubitale droite. Le rapport concluait que la blessure par balle à la poitrine droite aurait, à elle seule, été mortelle.
L’AI no 1 est arrivé sur place en premier. Il a repéré le plaignant au nord de la banque RBC et a tenté d’engager une conversation avec lui. Le plaignant s’est énervé et a commencé à menacer à l’AI no 1 avec un objet qu’il tenait en main et brandissait en direction de l’agent. L’objet était composé d’une pierre au bord émincée attachée avec du tissu à une extrémité d’un bâton de 40 cm de long (ci-après, « l’objet »). Le plaignant avait façonné lui-même et vendu des objets de ce genre inspirés de son héritage culturel autochtone.
Arrivé peu après l’AI no 1, l’AI no 2 s’est approché du plaignant depuis l’est, alors que le plaignant et l’AI no 1 marchaient vers l’ouest devant la RBC, en direction de l’entrée nord du centre commercial. Le plaignant s’est avancé vers l’AI no 2, l’objet toujours en main; l’AI no 2 a réagi en déployant son arme à impulsions. Il est possible que la décharge ait immobilisé le plaignant, mais seulement momentanément. Le plaignant a rapidement continué d’avancer vers l’AI no 2. Environ 20 secondes plus tard, l’AI no 2 a déployé son arme à impulsions une deuxième fois, avec des résultats similaires.
Le plaignant a alors tourné son attention vers l’AI no 1, alors que les agents suivaient son mouvement vers l’ouest le long du centre commercial. L’AI no 1, qui était à quelques mètres du plaignant, a reculé lorsque le plaignant a levé l’objet en l’air et l’a balancé dans sa direction. L’AI no 1, son pistolet pointé sur le plaignant, a tiré deux, et possiblement trois, coups de feu sur le plaignant. À peu près au même moment, l’AI no 2 a tiré sept coups de feu et possiblement huit.
Trois balles ont atteint le plaignant, qui est tombé sur le trottoir, près des portes d’entrée. L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont approchés de lui, l’ont menotté et, avec l’aide de deux agents spéciaux qui se trouvaient dans le secteur, lui ont administré les premiers soins d’urgence en attendant l’arrivée d’une ambulance. À l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, le plaignant a été emmené à l’hôpital où son décès a été déclaré.
Cause du décès
À 11 h 20, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont reçu un ensemble d’empreintes digitales du plaignant qui figuraient dans les dossiers du SPO. Ils ont également obtenu un ensemble d’empreintes roulées du défunt. Après comparaison, il a été confirmé qu’elles correspondaient aux empreintes des dossiers du SPO.
À 14 h 02, le pathologiste a conclu son examen en indiquant la cause préliminaire du décès comme étant une « blessure par balle à la poitrine ».
Le rapport de l’examen post mortem, daté du 6 novembre 2019, a confirmé que le décès du plaignant résultait d’une blessure par balle à la poitrine. Le rapport notait que le plaignant avait subi une blessure par balle avec perforation à la partie supérieure droite de la poitrine, causée par un projectile qui avait traversé la poitrine d’avant en arrière; une blessure sous-cutanée avec perforation de la poitrine gauche, causée par un projectile entré et ressorti par l’avant de la poitrine (cette blessure n’a pas pénétré dans la cavité thoracique); et une blessure par balle avec perforation du coude droit, causée par un projectile qui est entré dans le coude et est ressorti par la fosse antécubitale droite. Le rapport concluait que la blessure par balle à la poitrine droite aurait, à elle seule, été mortelle.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulierest, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.
Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force
34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en causeg) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
Analyse et décision du directeur
Le 31 janvier 2019, dans la ville d’Ottawa, le plaignant a été touché plusieurs coups de feu tirés par l’AI no 1 et l’AI no 2 du SPO. Il a ensuite été transporté à l’hôpital où son décès a été prononcé, à la suite d’une blessure par balle. Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents ait commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.
Que ce soit en vertu du paragraphe 25 (3) du Code criminel – qui établit une immunité pour les policiers qui ont recours à la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à condition que le recours à cette force soit raisonnablement nécessaire pour s’opposer à une menace de lésions corporelles graves ou de mort – ou en vertu de l’article 34 – qui établit les limites dans lesquelles la force utilisée pour se défendre ou défendre autrui est légalement justifiée –, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, qu’en faisant feu sur le plaignant, les agents n’ont pas contrevenu au droit criminel. On ne sait pas pourquoi le plaignant a réagi comme il l’a fait lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 l’ont confronté. Quoi qu’il en soit, les policiers agissaient clairement dans l’exercice de leurs fonctions légales lorsqu’ils se sont rendus sur les lieux pour enquêter à la suite d’appels à la police de citoyens qui s’inquiétaient du couteau que le plaignant portait. Par la suite, lorsque le plaignant les a menacés en brandissant l’objet dans leur direction, les agents avaient des motifs de vouloir l’arrêter.
Pour ce qui est de la force meurtrière utilisée par les agents, bien qu’elle soit tragique puisqu’elle a entraîné la mort du plaignant, je suis d’avis qu’elle constituait une force raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Presque immédiatement à leur arrivée, les AI no 1 et AI no 2 ont été confrontés au plaignant qui les menaçaient avec l’objet. On ne sait pas exactement l’idée que les agents avaient de l’objet en possession du plaignant; d’autres personnes l’avaient décrit comme une hache ou un couteau. En tout état de cause, on peut raisonnablement présumer que les agents ont perçu cet objet comme étant capable de causer des blessures graves, voire la mort. En effet, il semble bien que le plaignant ait eu l’intention de l’utiliser comme un objet susceptible de causer des blessures graves lorsqu’il l’a brandi en direction de l’AI no 1 à bout portant.
L’AI no 1 et l’AI no 2 ont fait ce qu’ils pouvaient pour tenter de régler la situation sans recourir à la force létale. Ils ont parlé au plaignant dans ce qui ne pouvait être qu’un effort de le convaincre de lâcher l’objet et de cesser de se comporter de façon menaçante. Les agents ne pouvaient pas s’en aller. Ils avaient vu le plaignant tenant l’objet dans un centre commercial et étaient tenus de faire ce qu’ils pouvaient pour restreindre les mouvements du plaignant dans l’intérêt de la sécurité publique. L’AI no 1 a reculé légèrement à un certain moment, faisant preuve d’une certaine retenue au péril possible de sa vie, alors que le plaignant allait et venait dans sa direction. De plus, les agents n’ont fait feu qu’après avoir tenté en vain de neutraliser le plaignant par deux décharges d’armes à impulsions, et que le plaignant avançait en brandissant son objet et ne se trouvait plus qu’à quelques mètres de l’AI no 1. En ce qui concerne le nombre de coups de feu, la preuve indique que les agents les ont tirés en succession relativement rapide. Dans les circonstances, je ne peux pas véritablement imputer un changement important dans la nature et l’étendue de la menace raisonnablement perçue par les agents au cours de la fusillade, d’autant plus que la preuve indique que le plaignant n’a été abattu qu’après le dernier coup de feu.
Sur la base de ce qui précède et conformément aux cadres juridiques établis par le paragraphe 25 (3) et l’article 34 du Code criminel, je ne peux raisonnablement pas conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a agi illégalement en faisant feu sur le plaignant. À mon avis, ils l’ont fait avec la conviction raisonnable que c’était nécessaire pour protéger l’AI no 1 contre des lésions graves ou la mort lorsque le plaignant s’est avancé dans la direction de ce dernier en brandissant l’objet de façon menaçante. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.
Date : 13 février 2020
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Que ce soit en vertu du paragraphe 25 (3) du Code criminel – qui établit une immunité pour les policiers qui ont recours à la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à condition que le recours à cette force soit raisonnablement nécessaire pour s’opposer à une menace de lésions corporelles graves ou de mort – ou en vertu de l’article 34 – qui établit les limites dans lesquelles la force utilisée pour se défendre ou défendre autrui est légalement justifiée –, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, qu’en faisant feu sur le plaignant, les agents n’ont pas contrevenu au droit criminel. On ne sait pas pourquoi le plaignant a réagi comme il l’a fait lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 l’ont confronté. Quoi qu’il en soit, les policiers agissaient clairement dans l’exercice de leurs fonctions légales lorsqu’ils se sont rendus sur les lieux pour enquêter à la suite d’appels à la police de citoyens qui s’inquiétaient du couteau que le plaignant portait. Par la suite, lorsque le plaignant les a menacés en brandissant l’objet dans leur direction, les agents avaient des motifs de vouloir l’arrêter.
Pour ce qui est de la force meurtrière utilisée par les agents, bien qu’elle soit tragique puisqu’elle a entraîné la mort du plaignant, je suis d’avis qu’elle constituait une force raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Presque immédiatement à leur arrivée, les AI no 1 et AI no 2 ont été confrontés au plaignant qui les menaçaient avec l’objet. On ne sait pas exactement l’idée que les agents avaient de l’objet en possession du plaignant; d’autres personnes l’avaient décrit comme une hache ou un couteau. En tout état de cause, on peut raisonnablement présumer que les agents ont perçu cet objet comme étant capable de causer des blessures graves, voire la mort. En effet, il semble bien que le plaignant ait eu l’intention de l’utiliser comme un objet susceptible de causer des blessures graves lorsqu’il l’a brandi en direction de l’AI no 1 à bout portant.
L’AI no 1 et l’AI no 2 ont fait ce qu’ils pouvaient pour tenter de régler la situation sans recourir à la force létale. Ils ont parlé au plaignant dans ce qui ne pouvait être qu’un effort de le convaincre de lâcher l’objet et de cesser de se comporter de façon menaçante. Les agents ne pouvaient pas s’en aller. Ils avaient vu le plaignant tenant l’objet dans un centre commercial et étaient tenus de faire ce qu’ils pouvaient pour restreindre les mouvements du plaignant dans l’intérêt de la sécurité publique. L’AI no 1 a reculé légèrement à un certain moment, faisant preuve d’une certaine retenue au péril possible de sa vie, alors que le plaignant allait et venait dans sa direction. De plus, les agents n’ont fait feu qu’après avoir tenté en vain de neutraliser le plaignant par deux décharges d’armes à impulsions, et que le plaignant avançait en brandissant son objet et ne se trouvait plus qu’à quelques mètres de l’AI no 1. En ce qui concerne le nombre de coups de feu, la preuve indique que les agents les ont tirés en succession relativement rapide. Dans les circonstances, je ne peux pas véritablement imputer un changement important dans la nature et l’étendue de la menace raisonnablement perçue par les agents au cours de la fusillade, d’autant plus que la preuve indique que le plaignant n’a été abattu qu’après le dernier coup de feu.
Sur la base de ce qui précède et conformément aux cadres juridiques établis par le paragraphe 25 (3) et l’article 34 du Code criminel, je ne peux raisonnablement pas conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a agi illégalement en faisant feu sur le plaignant. À mon avis, ils l’ont fait avec la conviction raisonnable que c’était nécessaire pour protéger l’AI no 1 contre des lésions graves ou la mort lorsque le plaignant s’est avancé dans la direction de ce dernier en brandissant l’objet de façon menaçante. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.
Date : 13 février 2020
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
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