Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-PFD-268

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne. Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 48 ans (plaignant).

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 57 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 25 juin 2024, à 14 h 2 [heure normale de l’Est – HNE], la Police provinciale de l’Ontario a communiqué à l’UES les renseignements ci-dessous.

Le 25 juin 2024, à 12 h 41 [heure normale du Centre – HNC],[2] des agents de la Police provinciale se trouvaient à l’Anicinabe Park, à Kenora, lorsqu’un homme [maintenant identifié comme le plaignant] s’est aspergé d’essence. Il a ensuite attrapé deux grands couteaux et mis le feu à un comptoir de vente d’aliments. Comme l’homme se tenait à proximité du feu, les agents lui ont demandé de s’éloigner pour pouvoir l’éteindre. L’agent impliqué (AI) no 1 a demandé aux pompiers sur place de garder un boyau prêt pour arroser l’homme si le feu se propageait à lui. Lorsque l’homme s’est avancé vers les pompiers, en brandissant les couteaux, l’AI no 2 a tiré sur lui avec un fusil C8 et l’a atteint. L’homme a été conduit à l’Hôpital du district du lac des Bois, où il a subi une chirurgie pour des blessures par balle à la poitrine et à l’abdomen. L’arme à feu a été mise en lieu sûr dans une voiture de la Police provinciale et a été gardée sur les lieux. Les pompiers étaient toujours en train d’éteindre l’incendie et des éléments de preuve étaient, semble-t-il, demeurés sur les lieux.

À 15 h 54 [HNE], la Police provinciale a avisé l’UES que l’homme était décédé.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 25 juin 2024, à 14 h 42 [HNE]

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 26 juin 2024, à 10 h 40

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 7

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 57 ans, décédé.

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue.

TC no 2 A participé à une entrevue.

TC no 3 A participé à une entrevue.

TC no 4 A participé à une entrevue.

TC no 5 A participé à une entrevue.

TC no 6 A participé à une entrevue.

TC no 7 A participé à une entrevue.

TC no 8 A participé à une entrevue.

TC no 9 A participé à une entrevue.

TC no 10 A participé à une entrevue.

TC no 11 A participé à une entrevue.

TC no 12 A participé à une entrevue.

TC no 13 A participé à une entrevue.

TC no 14 A participé à une entrevue.

TC no 15 A participé à une entrevue.

TC no 16 A participé à une entrevue.

TC no 17 A participé à une entrevue.

TC no 18 A participé à une entrevue.

TC no 19 A participé à une entrevue.

TC no 20 A participé à une entrevue.

TC no 21 A participé à une entrevue.

TC no 22 A participé à une entrevue.

TC no 23 A participé à une entrevue.

TC no 24 A participé à une entrevue.

TC no 25 A participé à une entrevue.

TC no 26 N’a pas participé à une entrevue (a refusé).[3]

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 26 juin 2024 et le 15 juillet 2024.

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 5 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 6 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 7 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 27 juin 2024 et le 14 août 2024.

Retard de l’enquête

L’enquête a été retardée à cause d’une erreur administrative interne : le rapport des analyses chimiques avait bien été reçu par le Centre des sciences judiciaires le 26 novembre 2024, mais n’a pas été envoyé à la bonne personne à l’UES en temps opportun.

Une partie du retard est aussi attribuable à la charge de travail de l’équipe d’enquête et du Bureau du directeur.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus à l’intérieur et aux alentours du bâtiment abritant les locaux administratifs de l’Anicinabe Park, situé sur le coin sud-est de l’intersection entre Golf Course Road et Miikana Way, à Kenora.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

À 10 h 40 le 26 juin 2024, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés à l’Anicinabe Park situé juste au sud de l’intersection entre Miikana Way et Golf Course Road. Ils y ont rencontré des agents de la Police provinciale, qui leur ont communiqué les renseignements concernant l’incident.

L’Anicinabe Park est un terrain de camping récréatif au bord de l’eau. L’entrée pour les véhicules part de Golf Course Road au sud et mène à une grande zone asphaltée au bâtiment de la réception. Ce bâtiment était rattaché à une aire de pique-nique couverte et à une terrasse de bois des côtés sud et ouest.

La réception ainsi que l’aire de pique-nique et la terrasse en bois ont été détruites par l’incendie. Les agents de la Police provinciale avaient bouclé toute la zone asphaltée. Une clôture temporaire avait été installée autour de la zone asphaltée, pour empêcher la circulation des véhicules et des piétons.

Une mare formée des restes d’un liquide huileux se trouvait sur la route, à environ 125 mètres au nord de l’entrée du parc. Des gouttes de cette substance allaient jusqu’à la réception. Les dommages causés par l’incendie ont été inspectés et il semblait qu’un liquide inflammable avait été versé sur la terrasse et que le feu y avait été mis.

Du côté ouest de l’immeuble se trouvait une rampe en bois pour fauteuil roulant. Cette rampe allait du coin nord-ouest du bâtiment jusqu’à la porte d’entrée de la réception. Elle avait été endommagée par l’incendie, mais pas complètement détruite. Trois cônes, à environ dix mètres du coin nord-ouest du bâtiment, recouvraient trois douilles de fusil. Une trace vraisemblablement laissée par un projectile se trouvait du côté ouest du bâtiment, près du coin nord. Deux couperets à viande étaient dans les débris de l’incendie, près du coin nord-ouest du bâtiment de la réception.

Figure 1 – Bâtiment de la réception de l’Anicinabe Park endommagé par l’incendie

Figure 1 – Bâtiment de la réception de l’Anicinabe Park endommagé par l’incendie

Une voiture de la Police provinciale se trouvait à l’intérieur du périmètre. Elle était pleinement identifiée comme voiture de la Police provinciale. Elle était stationnée à environ 21 mètres au nord-ouest de la réception et contenait le fusil Colt C8.

Les lieux ont été filmés et ont fait l’objet d’une numérisation 3D.

Les pièces ont été recueillies, placées dans des contenants scellés et transportées jusqu’au poste de détachement de la Police provinciale, où elles ont été rangées en lieu sûr pour la nuit.

Les articles suivants ont été recueillis dans le parc :

  • 3 douilles Remington de calibre .223
  • un fusil Colt C8 (pièce no 8)
  • une cartouche d’arme Remington de calibre .223 retirée de la culasse du fusil Colt C8 (pièce no 9)
  • un chargeur contenant 24 cartouches Remington de calibre .223;
  • un ;
  • un couperet à viande Masterchef à manche noir

Figure 2 – Fusil Colt C8

Figure 2 – Fusil Colt C8

Figure 3 – Chargeur contenant 24 cartouches Remington de calibre .223

Figure 3 –Chargeur contenant 24 cartouches Remington de calibre .223

Figure 4 – Couperet à viande Farberware à manche noir

Figure 4 –Couperet à viande Farberware à manche noir

Figure 5 – Couperet à viande Masterchef à manche noir

Figure 5 – Couperet à viande Masterchef à manche noir

À 17 h 5, les lieux ont été libérés et remis à la Police provinciale.

Le 27 juin 2024, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus au bureau des sciences judiciaires de la Police provinciale de l’Ontario pour récupérer des articles qui y avaient déjà été laissés en lieu sûr et pour examiner les pièces que la Police provinciale avait récupérées. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont pris les articles suivants :

  • une carte mémoire SD contenant des fichiers vidéo enregistrés par une caméra à détection de mouvement installée à l’entrée du parc;
  • cinq composantes électroniques pouvant potentiellement contenir des enregistrements vidéo montrant les locaux de réception endommagés par l’incendie;
  • des notes manuscrites appartenant, semble-t-il, au plaignant

À 11 h 30, les armes ainsi que la veste pare-éclats de l’AI no 2 ont été remises aux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES.

Éléments de preuves médicolégaux

Rapport des analyses chimiques du Centre des sciences judiciaires

Le 14 août 2024, l’UES a remis les vêtements du plaignant au Centre des sciences judiciaires pour déterminer la substance que le plaignant avait versée sur lui.

Le rapport des analyses chimiques du Centre des sciences judiciaires a indiqué que des traces de solvants mi-oxygénés avaient été retrouvées sur le pantalon, le caleçon boxeur, le t-shirt et les chaussettes du plaignant. Le rapport a aussi précisé que les solvants mi-oxygénés sont des liquides inflammables qui se retrouvent dans des produits commerciaux comme des solvants spéciaux et des solvants de dégraissage.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[5]

Dans le cadre de l’enquête, plusieurs enregistrements vidéo viennent de civils ou de caméras de sécurité dans le camping Anicinabe Park. Tous les enregistrements ont été examinés par les enquêteurs de l’UES. Des images du plaignant entrant dans le parc en poussant un panier de magasinage ont été captées. Il a ensuite aspergé d’un liquide une caisse de bois en dehors de la réception et il a mis le feu au panier de magasinage.

L’enregistrement vidéo montrant le mieux ce qui s’est passé est celui du TC no 21.

Enregistrement vidéo sur le téléphone cellulaire du TC no 21

Le 25 juin 2024, avec la caméra pointant vers le sud, par rapport au bâtiment de la réception de l’Anicinabe Park, un très grand nombre de voitures de police et d’agents de la Police provinciale étaient visibles dans le stationnement, avec un camion d’incendie.

À l’arrière du VUS de la Police provinciale se trouvaient l’AT no 1 et l’AT no 4. La portière du côté passager était ouverte, et l’AI no 1 ainsi que l’AT no 7, avec son chien, étaient debout sur le bord. Deux ou trois extincteurs se trouvaient sur le sol du côté conducteur du VUS de la Police provinciale.

À 0 min 28 s à partir du début de l’enregistrement, l’AI no 2 s’est approché à partir de l’extrémité ouest du stationnement, avec son fusil C8 prêt à tirer, en position abaissée.

À 0 min 46 s, le camion d’incendie a avancé et s’est stationné près du côté passager du VUS de la Police provinciale. L’AI no 2 était debout directement à l’arrière du VUS de la Police provinciale dont il se servait comme couverture, avec son fusil C8 en position de tir pointé en direction du plaignant. Il se trouvait à environ six mètres de la terrasse. L’AT no 4 se tenait derrière lui, avec son arme à feu abaissée, prête à tirer. L’AT no 1 se tenait derrière le VUS de la Police provinciale, du côté gauche, avec son arme à feu sortie et prête à tirer, aussi abaissée. Le plaignant demeurait sur la terrasse du bâtiment de la réception. Il tenait un couperet à viande dans chaque main, avec la lame pointée en direction des agents de la Police provinciale.

À 1 min 36 s, l’AT no 6 se tenait derrière l’AT no 1, avec son fusil C8 prêt à tirer, en position abaissée, lorsqu’un pompier est passé entre les deux en tirant sur son boyau vers la réception. Le plaignant continuait à marcher en long et en large sur la terrasse, en brandissant les couperets en direction des pompiers.

À 1 min 40 s, l’AT no 6 se tenait derrière l’AT no 4, et les pompiers ont déroulé un boyau et sont passés dans la ligne de mire des agents de la Police provinciale.

À 1 min 51 s, le plaignant s’est déplacé pour déposer les couperets sur le garde-corps de la terrasse, puis il a repris les couperets dans ses mains tout en retirant son t-shirt.

À 1 min 58 s, l’AI no 1 a eu une brève discussion avec un pompier, pendant qu’ils déroulaient des boyaux d’incendie sur le bord côté nord du stationnement, à proximité du bâtiment de la réception.

À 2 min 40 s, une camionnette grise s’est placée de manière à bloquer la vue sur les agents de la Police provinciale. Le plaignant demeurait cependant partiellement visible sur la terrasse.

À 2 min 52 s, le plaignant s’est placé les deux bras à 90 degrés le long du corps sur la terrasse pendant qu’il était arrosé indirectement par le boyau d’incendie.

À 2 min 59 s, le plaignant a levé les deux couperets au-dessus de sa tête avant de laisser tomber ses deux bras le long du corps, en tenant toujours les couperets avec les lames pointées vers l’avant. Il a avancé vers le nord, descendant de la terrasse en se dirigeant dans le sens contraire de l’eau projetée, en direction des pompiers et des agents de la Police provinciale. Trois coups de feu ont retenti, et le plaignant s’est affaissé sur le stationnement. La vue sur les agents de la Police provinciale était obstruée par la camionnette grise, mais a été rétablie lorsque la camionnette est partie, et les AT nos 6, 2, 7 et 4 se sont avancés vers le plaignant, et l’ont traîné pour l’éloigner.

À 3 min 28 s, l’AT no 3 a reçu le fusil de l’’AI no 2. Elle a escorté l’AI no 2 hors du champ de la caméra en l’amenant derrière le camion d’incendie avec le TC no 26.

À 3 min 30 s, l’enregistrement a pris fin.

Enregistrement de la caméra interne de la voiture de l’AI no 2[6]

Le 25 juin 2024, autour de 13 h 8 min 16 s, l’AI no 2 est arrivé à l’Anicinabe Park.L’AT no 1 était présent.Le plaignant se tenait près de l’entrée du côté nord de la terrasse adjacente au bâtiment de la réception et tenait un couperet à viande dans chaque main. Un panier de magasinage non loin de là était en flammes, et la fumée recouvrait le côté nord du bâtiment.

Vers 13 h 8 min 48 s, l’AI no 2 se tenait du côté conducteur de la voiture de la Police provinciale avec son fusil C8 prêt à tirer, en position abaissée, en face du plaignant. L’AT no 1 a dit au plaignant : [Traduction] « Restez où vous êtes! » tandis que l’AI no 2 faisait la transition à une position relevée en direction du plaignant avec son fusil C8. Un agent de la Police provinciale non identifié a demandé à la radio à obtenir une arme Anti-Riot Weapon Enfield (ARWEN).

Aux environs de 13 h 9 min 23 s, l’AT no 1 a ordonné au plaignant de jeter ses couteaux, tandis que l’AI no 2 demeurait prêt à tirer, son arme en position relevée, près de l’avant de la voiture de police.

Vers 13 h 10 min 11 s, l’AI no 2 a inséré une cartouche dans la chambre de son fusil C8 et a constaté un blocage. Il s’est placé avec son arme prête à tirer, en position abaissée, et a avisé l’AT no 6, qui était hors champ. L’AI no 2 est sorti du champ de la caméra momentanément, puis a repris la position de tir, avec son arme relevée, en direction du plaignant, qui demeurait sur la terrasse. Celui-ci gesticulait avec ses couteaux et criait à l’intention des agents de la Police provinciale, mais ses paroles étaient inaudibles.

Autour de 13 h 13 min 46 s, l’AI no 1 s’est approché de la terrasse, tandis que l’AI no 2 restait près de sa voiture de police et alternait entre les positions de tir avec arme abaissée et arme relevée, avec son fusil C8.

Vers 13 h 14 min 42 s., l’AI no 1 est passé près de l’entrée de la terrasse donnant du côté ouest et a parlé au plaignant à une distance d’à peu près trois mètres. L’AI no 2 gardait son fusil C8 prêt à tirer et le tenait la majeure partie du temps abaissé.

Autour de 13 h 19 min 24 s, l’AI no 1 a ordonné aux pompiers d’approcher.

Vers 13 h 20 min 3 s, l’AI no 2 s’est avancé vers ce qui a été identifié comme la voiture Suburban de l’AT no 7, hors du champ de la caméra.

Aux environs de 13 h 22 min 34 s, de l’eau giclant du boyau d’incendie a atteint le plaignant, même s’il n’était pas directement pointé sur lui, puis il s’est mis à marcher vers l’extrémité nord de la terrasse, là où de l’eau pouvait probablement, semble-t-il, être projetée directement sur lui. Pendant que le plaignant continuait de marcher vers le nord, après être descendu de la terrasse, trois coups de feu ont retenti, et le plaignant est tombé au sol, hors du champ de la caméra.

À approximativement 13 h 23 min 30 s, l’AI no 2 est retourné sur le siège du conducteur de sa voiture de la Police provinciale et s’est mis à prendre de profondes respirations. L’AT no 3 a ouvert la portière du côté passager, et l’AI no 2 a dit : [Traduction] « Je ne sais pas si c’était la bonne chose à faire. »

À 13 h 23 min 51 s, l’enregistrement vidéo a pris fin.

Communications par radio de la Police provinciale

Le 25 juin 2024, l’enregistrement audio a débuté par un appel de [Traduction] « priorité 1 » avec quelqu’un de l’Anicinabe Park. Une personne appelant au 911 a signalé que le plaignant s’était aspergé d’essence ou de pétrole et qu’il poussait un panier de magasinage rempli de bois en direction du bâtiment de la réception.

À 0 min 59 s, l’AT no 1 a répondu à partir de la rue Main.

À 1 min 9 s, la personne appelant au 911 a perdu le plaignant de vue et les services ambulanciers ont été avisés.

À 1 min 11 s, l’AT no 3 est parti pour se rendre sur les lieux à partir du bureau du poste de détachement à Kenora.

À 1 min 19 s, le plaignant a, d’après ce qui a été signalé, allumé un incendie au bâtiment de la réception de l’Anicinabe Park.

À 1 min 36 s, l’AT no 4 était en route vers les lieux.

Selon ce qui a été communiqué, le plaignant tenait deux couperets de viande et se montrait [Traduction] « très menaçant ». Il avait de l’essence dans les cheveux et son panier de bois était en feu.

À 2 min 11 s, l’AT no 1 a demandé des renforts dès que possible.

À 2 min 49 s, l’AT no 1 a signalé que le plaignant voulait parler avec un chargé de cas. Il s’était aspergé d’essence et il fallait faire venir les pompiers puisqu’il y avait le feu au bâtiment de la réception.

À 3 min 20 s, l’AT no 7 est arrivé sur place.

À 3 min 32 s, l’Équipe d’intervention d’urgence de la Police provinciale et une arme ARWEN ont été demandées.

À 3 min 49 s, l’AT no 7 a indiqué que le plaignant n’obéissait pas à l’ordre de jeter ses couteaux. Une arme ARWEN a été demandée de nouveau. L’agent a confirmé qu’une escouade canine, une arme à impulsions et trois agents de la Police provinciale étaient sur les lieux. L’agent no 1, qui avait une arme ARWEN en sa possession, a été dépêché sur les lieux, mais son heure d’arrivée restait à déterminer.

À 4 min 41 s, l’AI no 1 a appris qu’un négociateur en situation de crise, soit l’agent no 2, allait se rendre sur place.

À 5 min 10 s, les pompiers et une ambulance étaient en route.

À 5 min 21 s, l’AT no 7 a réitéré que l’incendie était limité au bâtiment de la réception et que le plaignant refusait d’obéir à l’ordre de jeter les couperets de viande.

À 5 min 50 s, le TC no 23 a été identifié comme le chargé de cas du plaignant.

À 6 min 10 s, l’AT no 5 a signalé que les pompiers et une ambulance étaient en attente à proximité.

À 6 min 48 s, l’AI a dit : [Traduction] « Coups de feu tirés, coups de feu tirés. Faites venir une ambulance. »

À 7 min 20 s, il a été confirmé que le TC no 1, employé à la réception du parc, était sorti du bâtiment.

À 8 min 1 s, de l’aide a été demandée pour le contrôle de la circulation dans le secteur.

À 9 min 7 s, l’AI no 1 a signalé que l’ambulance était en route vers l’hôpital et que l’AI no 2 avait été envoyé au poste de détachement de la Police provinciale avec l’AT no 1.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale entre le 25 juin 2024 et le 23 juillet 2024 :

  • la liste des agents concernés ainsi que leur rôle;
  • la liste de tous les témoins civils, des pompiers et des ambulanciers ainsi que des déclarations obtenues;
  • les coordonnées des plus proches parents
  • le rapport d’incident général et les rapports supplémentaires;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les enregistrements des communications de la police
  • l’enregistrement de la caméra interne de véhicule et les autres enregistrements;
  • les photographies;
  • les interactions antérieures avec la police et les documents sur l’historique du plaignant
  • le registre de la scène de crime;
  • le formulaire de prise d’empreintes digitales du plaignant
  • les vêtements du plaignant
  • les écouvillons d’une substance prélevée sur la route
  • les registres de formation sur le recours à la force et l’utilisation d’armes à feu pour l’AI no 2;
  • les notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources entre le 27 août 2024 et le 26 novembre 2024 :

  • le rapport d’autopsie du Bureau du coroner;
  • le rapport de toxicologie du CSJ;
  • le rapport sur l’arme à feu du CSJ;
  • le rapport des analyses chimiques du CSJ;
  • l’enregistrement vidéo de la réception de l’Anicinabe Park venant du ministère des Finances;
  • l’enregistrement sur téléphone cellulaire du TC no 21;
  • l’enregistrement sur téléphone cellulaire du TC no 5;
  • l’enregistrement sur téléphone cellulaire du TC no 13.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec les témoins de la police et les témoins civils ainsi que les enregistrements vidéo ayant capté des images de l’incident. Les deux agents impliqués ont refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir leurs notes relatives à l’incident, comme la loi les y autorise.

Peu après 12 h le 25 juin 2024, des agents de la Police provinciale ont été dépêchés à l’Anicinabe Park. Un employé de la réception du parc, soit le TC no 1, avait appelé la police pour signaler qu’un homme s’aspergeait d’essence ou de pétrole et qu’il se trouvait à l’extérieur de l’immeuble en train de pousser un panier de magasinage rempli de bois.

L’homme en question était le plaignant. Il était dans un état d’agitation extrême lorsqu’il est arrivé à la réception du parc avec son panier et les contenants de liquide inflammable. Le plaignant a aspergé de liquide l’extérieur du bâtiment et son panier plein de bois avant de mettre le feu au panier sur le bord d’un mur extérieur de la réception et d’une caisse en bois contenant du bois de chauffage. Le TC no 1 a fui le bâtiment par la porte arrière lorsque la réception a pris feu.

L’AT no 1 a été le premier agent à arriver sur les lieux, vers 12 h 5. Ce dernier à immobilisé sa voiture dans le stationnement, à environ dix mètres au nord-ouest du coin nord-ouest du bâtiment de la réception. Le plaignant marchait à proximité de ce coin. Il tenait dans chaque main une machette. Il les avait prises dans le panier de magasinage juste après y avoir mis le feu. L’AT no 1 est sorti de sa voiture de police et a tenté de parler au plaignant. Il lui a dit de se calmer et de jeter ses couteaux. Ce dernier était très agité et il brandissait les machettes devant lui. Il a dit que personne ne l’avait aidé.

Les agents qui ont été les premiers à arriver sur les lieux par la suite étaient là vers 12 h 8 et ils étaient venus dans des voitures séparées. Il s’agissait de l’AI no 2 et des AT nos 6 et 7 (maître-chien). L’AT no 7 a immobilisé sa voiture à l’avant de celle de l’AT no 1, à l’est par rapport à cette voiture, plus près du plaignant. L’AI no 2 et l’AT no 6 se sont arrêtés à une certaine distance derrière l’AT no 1. Les agents sont sortis, l’AI no 2 armé d’un fusil C8 et l’AT no 7 avec son chien, et ils se sont mis en position autour du coin nord-ouest du bâtiment. L’AT no 1 a continué à parler au plaignant, en tentant de l’amener à jeter ses couteaux. Celui-ci a refusé et a mis les agents au défi de tirer sur lui. Il faisait les cent pas près du mur nord-ouest du bâtiment, dont le côté nord était embrasé.

L’AI no 1 est arrivé sur les lieux vers 12 h 13 et a pris en charge le commandement de l’intervention policière. À un certain stade, il s’est approché du coin sud-ouest du bâtiment, au bord de la terrasse qui longeait le mur ouest, et il a parlé au plaignant à une distance d’au plus cinq à sept mètres. Le plaignant continuait à menacer les agents avec les machettes, en les cognant de temps en temps sur le garde-corps de la terrasse.

Pendant que la confrontation se poursuivait, l’AI no 1 a mis au point un plan mettant à contribution les pompiers, qui étaient arrivés sur les lieux. Les détails de ce plan demeurent confus, d’après les éléments de preuve, mais il consistait en gros à faire arroser le côté nord du bâtiment par les pompiers dans l’espoir que l’eau puisse, directement ou indirectement, distraire le plaignant ou lui faire perdre l’équilibre, de sorte que les agents saisissent l’occasion pour le mettre sous garde en toute sécurité. Comme les pompiers s’apprêtaient à s’approcher avec leur boyau, l’AI no 2 est allé se placer du côté conducteur de la voiture de l’AT no 7, qui s’était approchée encore plus du coin nord-ouest du bâtiment et du plaignant.

Le plaignant se trouvait alors du côté ouest du bâtiment, sur la terrasse, lorsque l’eau projetée par le boyau d’incendie l’a atteint indirectement et a commencé à produire une espèce de brume dans la zone où il se trouvait. Dans les instants qui ont suivi, le plaignant, qui avait retiré son t-shirt, est descendu de la rampe menant au stationnement. Il a avancé de trois pas dans le stationnement en direction des pompiers et d’un groupe d’agents, y dont l’AI no 2, et l’agent a alors tiré trois coups. Le plaignant s’est affaissé au sol. Il était alors 12 h 22.

Des agents se sont approchés du plaignant, l’ont traîné pour l’éloigner du bâtiment, puis lui ont passé les menottes. Des ambulanciers qui attendaient à proximité sont arrivés sur place et ont prodigué les soins médicaux d’urgence.

Le plaignant a été conduit à l’hôpital et déclaré mort dans l’après-midi.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 34 du Code criminel : Défense – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger – ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Les articles 219 et 220 du Code criminel : Négligence criminelle ayant causé la mort

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé à Kenora le 25 juin 2024, par suite de blessures par balle infligées par un agent de la Police provinciale de l’Ontario. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant deux agents de la Police provinciale, soit l’AI no 1 et l’AI no 2, comme agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, des agissements qui constitueraient autrement une infraction sont légalement justifiés pourvu que ce soit pour éviter une attaque véritable ou raisonnablement redoutée et à condition que la force en question ne soit pas démesurée. Pour ce qui est du caractère raisonnable des agissements en question, il doit être évalué en fonction des circonstances pertinentes, notamment en tenant compte de facteurs comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et, enfin, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

La présence de l’AI no 2 et des autres agents ainsi que l’exercice de leurs fonctions étaient justifiés durant la série d’événements qui ont mené aux coups de feu. Avec les renseignements qu’ils avaient concernant l’incendie que le plaignant avait allumé, il était de leur devoir de se rendre sur les lieux et de faire tout en leur pouvoir pour assurer la sécurité du public. Ils avaient aussi des motifs de procéder à l’arrestation du plaignant en relation avec l’incendie criminel et les couteaux en sa possession.

J’ai la conviction que, lorsque l’AI no 2 a tiré trois coups de fusil vers le plaignant, c’était pour se défendre lui-même et pour défendre les autres personnes à proximité contre une attaque raisonnablement redoutée. Même si l’AI no 2 n’a pas fourni directement de preuves à cet égard à l’UES, comme la loi l’y autorise, il est raisonnable de croire que c’est ce qu’il a pensé compte tenu des preuves circonstancielles, notamment les couteaux dont le plaignant était armé, ses mouvements en direction des agents et pompiers, la proximité des agents et pompiers lorsque les coups de feu ont été tirés, ainsi que le comportement instable du plaignant, les paroles prononcées par l’AI no 2 une fois les coups de feu tirés, qui dénotaient des doutes sur ce qui s’était passé, mais qui indiquaient qu’il avait tiré parce que le plaignant s’avançait vers lui et d’autres personnes, ainsi que les déclarations des agents témoins, qui étaient situés dans une position similaire à celle de l’AI no 2, et qui ont signalé qu’ils étaient aussi sur le point de tirer lorsque l’AI no 2 a déchargé son fusil C8.

J’estime également que l’utilisation par l’AI no 2 de son arme à feu représentait une force raisonnable. Le plaignant était armé de deux couteaux, soit un dans chaque main, lorsqu’il s’est avancé avec détermination dans le stationnement, à partir de la rampe de la terrasse, en direction des agents et des pompiers. Tout portait alors à croire que le plaignant était sur le point d’attaquer au couteau les premiers intervenants. Au vu du dossier, il m’est impossible de conclure hors de tout doute raisonnable que l’AI no 2, à une distance d’au plus six à huit mètres, a agi de manière injustifiée lorsqu’il a choisi de réagir à un risque de blessure grave ou de mort en employant une force létale. En effet, rien de moins que des coups de feu n’avait le pouvoir instantané de neutralisation nécessaire à ce moment.

Examinons maintenant la décision de demander aux pompiers de projeter de l’eau sur le feu dans la zone où se trouvait le plaignant, qui semble avoir été l’élément déclencheur ayant amené celui-ci à descendre de la terrasse. Il faut pour cela procéder à une analyse de l’intervention policière durant la confrontation et du rôle qu’a joué l’AI no 1 dans l’incident en tenant compte de l’infraction de négligence criminelle ayant causé la mort, qui est contraire à l’article 220 du Code criminel. Cette infraction ne s’applique que dans les cas de grave négligence qui dénote une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. On se base en partie sur le fait que la conduite représente ou non un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Ce qu’il faut déterminer dans ce dossier, c’est si l’AI no 1 a fait preuve d’une négligence ayant pu causer le décès du plaignant ou y contribuer qui soit assez grave pour mériter une sanction criminelle. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Les agents sur les lieux, y compris l’AI no 1, se sont montrés soucieux de la sécurité du public, y compris de la santé et du bien-être du plaignant. Ils se sont retrouvés dans une situation d’urgence, avec un incendie déjà allumé dès le moment où les premiers agents sont arrivés sur les lieux. Dès le départ, les agents ont parlé au plaignant pour l’amener à jeter ses couteaux et l’éloigner du bâtiment. Des arrangements ont été pris, à juste titre, pour faire venir des pompiers et des ambulanciers sur les lieux. L’AI no 1 a pris en charge la direction des négociations avec le plaignant, mais il n’est pas arrivé à lui faire jeter les couteaux et à l’amener à se rendre pacifiquement. L’usage d’armes non létales a été envisagé. Cependant, aucun des agents n’avait en sa possession une arme ARWEN et la plus proche se trouvait à une certaine distance, là où des agents de l’Équipe d’intervention d’urgence étaient en entraînement. L’usage d’une arme à impulsions a aussi été écarté puisque le plaignant semblait s’être aspergé d’un liquide inflammable. Un chien policier était sur place, mais le maître-chien, soit l’AT no 7, a décidé de ne pas s’en servir. Avec l’incendie qui continuait à prendre de l’ampleur, le maître-chien craignait que l’usage du chien ne crée de plus grands risques que l’incendie mette la vie du plaignant en péril. C’est dans ce contexte que l’AI no 1 a choisi le plan mettant à contribution les pompiers. Malheureusement, au lieu de mener à l’arrestation du plaignant en toute sécurité, en le distrayant ou en lui faisant perdre l’équilibre, cette intervention a amené le plaignant à descendre avec détermination de la terrasse, les couteaux dans les mains, jusqu’à un point où l’AI no 2 avait des raisons suffisantes de croire qu’il n’avait d’autre choix que de tirer sur lui.

Malgré la conclusion tragique, la décision de l’AI no 1 ne constitue pas un écart à la fois marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable dans les circonstances. L’agent avait une décision difficile à prendre et il devait agir rapidement. L’incendie prenait de l’ampleur, et le plaignant en était dangereusement proche. L’AI no 1 craignait pour la sécurité du plaignant et pour celle des agents à proximité. Puisque toutes les autres tactiques avaient échoué jusque-là et que le plan de l’AI no 1 avait des chances de fonctionner, la décision de l’agent est défendable dans les circonstances.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est donc clos.

Date : Le 26 juin 2025

Approuvé par voie électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les heures indiquées dans le rapport sont basées sur l’heure normale du Centre, à moins d’avis contraire. [Retour au texte]
  • 3) Le TC no 26 était un agent de police visé par le traité no 3. [Retour au texte]
  • 4) La politique de la Police provinciale alors en vigueur exigeait que 28 cartouches soient insérées dans les chargeurs Colt. Le fait que 24 cartouches ont été retrouvées dans le chargeur en plus d’une cartouche dans la culasse donne l’impression que trois coups de feu ont été tirés au total avec le fusil. [Retour au texte]
  • 5) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 6) Les heures indiquées dans cette section sont basées sur l’HNE. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.