Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TFP-422
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la décharge d’une arme à feu policière contre un homme de 21 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 2 octobre 2024, à 18 h 27, le Service de police de Toronto (SPT) a signalé ce qui suit à l’UES.
Le 2 octobre 2024, à 16 h 52, des agents en civil de l’unité des crimes majeurs (UCM) de la division 53 ont localisé un véhicule — une Honda Civic — lié à un vol. Le véhicule se trouvait dans un stationnement souterrain, près de la rue Yonge et de l’avenue Eglinton Est, à Toronto. Après une enquête sommaire, des dispositions ont été prises pour remorquer le véhicule en vue d’une enquête plus approfondie. Vers 17 h 30, deux hommes se sont approchés du véhicule et se sont retrouvés face à des agents en civil. L’un des hommes a sorti une arme à feu et a tiré l’AT no 1 dans l’abdomen avant de prendre la fuite. Pendant ce temps, l’agent impliqué (AI) luttait avec l’autre homme. L’AI a tiré un coup de feu, mais a raté la cible. Le deuxième homme a été arrêté et amené au poste de la division 13. L’AT no 1 a été transporté au Centre Sunnybrook des sciences de la santé (CSSS).
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2 octobre 2024 à 18 h 40
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2 octobre 2024 à 19 h 19
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 21 ans; a participé à une entrevue
Le plaignant a participé à une entrevue le 3 octobre 2024.
Témoins civils (TC)
TC no 1 A participé à une entrevue
TC no2 A participé à une entrevue
Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 7 octobre 2024 et le 9 décembre 2024.
Agent impliqué (AI)
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
Agents témoins (AT)
AT no1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés dans un garage souterrain, près de la rue Yonge et de l’avenue Eglinton Est, à Toronto.
La zone d’intérêt s’étendait du sud au nord, sur une pente légèrement descendante.
Un véhicule de police banalisé, une Dodge Caravan grise, était garé à l’extrémité sud de la voie d’accès, en haut de la pente, face au nord. Plusieurs autres véhicules étaient garés à divers endroits de part et d’autre de la voie. Une Ford F150 se trouvait à l’extrémité nord de la voie d’accès, au bas de la pente, face au sud.
Plusieurs éléments de preuve ont été retrouvés sur la voie d’accès, notamment : une douille de calibre 40, un morceau de gaine en cuivre, un fragment de plomb, deux sandales blanches, un pistolet Taurus muni d’une lampe torche, une paire de gants et un briquet. Devant la Ford F150, à l’extrémité nord, il y avait un téléphone cellulaire et une deuxième douille argentée. À l’est de la F150, en tournant le coin, il y avait une paire de menottes au sol.
Le mur de béton situé au-dessus du F150, à l’extrémité nord du garage de stationnement, présentait un défaut s’apparentant à un impact de balle. Le défaut se situait à 2,283 mètres du sol. La marque a été examinée, mais aucun projectile n’a été trouvé.
Schéma des lieux
Éléments de preuve matériels[2]
L’UES a recueilli les preuves matérielles suivantes sur les lieux :
- Douille de calibre 40
- Fragment de gaine en cuivre
- Fragment de plomb
- Pistolet Glock 22 et chargeur
- 13 balles de calibre 40
- Étui Black Hawk
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[3]
Enregistrements des communications du SPT
Vers 16 h 41 min 54 s, l’AI appelle le répartiteur et demande qu’une dépanneuse soit envoyée dans un garage souterrain situé près de la rue Yonge et de l’avenue Eglinton Est. Lui et l’AT no 1 avaient localisé une Honda Civic qui avait été impliquée dans plusieurs vols qualifiés.
Vers 17 h 29 min 13 s, l’AI demande que des unités supplémentaires se rendent rapidement sur les lieux. L’AI dit : [Traduction] « Nous avons les deux accusés ». Le reste de la transmission est inaudible.
Vers 17 h 29 min 34 s, un microphone ouvert capte le son d’un seul coup de feu.
Vers 17 h 29 min 50 s, l’AI crie : « Coups de feu, coups de feu ». Des cris peuvent être entendus en arrière-plan. Plusieurs unités demandent à être affectées à l’appel.
Vers 17 h 30 min 20 s, un agent annonce sur la radio la direction prise par le véhicule qui devait être remorqué.
Vers 17 h 30 min 38 s, l’AI annonce que l’AT no 1 a reçu une balle dans le côté et demande qu’une ambulance se rende au premier étage du garage souterrain.
Vers 17 h 31 min 8 s, l’AI indique que l’AT no 1 a reçu une balle dans l’abdomen.
Vers 17 h 31 min 44 s, un agent confirme que l’AT no 1 a reçu une balle dans l’abdomen et demande une ambulance.
Vers 17 h 32 min 9 s, un agent confirme que l’AT no 1 est conscient et qu’il respire, et que le coup de feu semble l’avoir traversé de part en part.
Vers 17 h 32 min 19 s, un agent indique que l’AI a arrêté l’un des hommes impliqués [on sait maintenant qu’il s’agissait du TC no 1] et que l’autre homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] a fui les lieux à bord d’un véhicule.
Vers 17 h 32, le répartiteur demande à toutes les unités disponibles de se rendre près de la rue Yonge et de l’avenue Eglinton Est pour une fusillade avec agent de police touché.
Vers 17 h 33 min 23 s, un agent indique que l’arme à feu impliquée dans la fusillade est sur le sol, dans une place de stationnement.
Vers 17 h 34 min 51 s, un agent diffuse un message indiquant que le véhicule suspect a été vu pour la dernière fois sur l’avenue Soudan et qu’aucune poursuite n’est en cours.
Vers 17 h 35 min 5 s, un agent non identifié signale que le responsable de la fusillade a fui les lieux à bord d’un véhicule volé et qu’il [l’agent] se trouve dans le garage souterrain avec un homme qui est en état d’arrestation [on sait maintenant qu’il s’agissait du TC no 1]. Une arme à feu a été retrouvée.
Vers 17 h 36 min 38 s, on indique que les SMU sont arrivés.
Enregistrement vidéo — garage souterrain — caméra no 1
Cette caméra se trouvait à l’angle sud-est du garage souterrain.
Vers 17 h 33 min 5 s, le plaignant et le TC no 1 marchent ensemble en direction nord.
Vers 17 h 33 min 10 s, le plaignant se retourne et voit l’AT no 1 courir dans leur direction. L’AT no 1 poursuit le plaignant dans le stationnement et sort du champ de la caméra. L’AI entre dans le champ de la caméra en courant vers le TC no 1 et en tenant un gilet de police dans sa main gauche. Le TC no 1 lève ses mains et s’agenouille sur le sol. L’AI lui donne deux coups de pied et monte sur le dos du TC no 1.
Vers 17 h 33 min 25 s, un véhicule [on sait maintenant qu’il s’agissait de la Toyota du TC no 2] traverse le stationnement en direction sud et dépasse l’AI et le TC no 1. L’AI se relève, enfile son gilet de police et aide le TC no 1 à se relever. Le TC no 1 est menotté derrière le dos. Tout en tenant le TC no 1, l’AI recule vers un véhicule de police banalisé [on sait maintenant qu’il s’agissait d’une Dodge Caravan] et montre du doigt l’endroit où il veut que le TC no 1 se place. L’AI sort du champ de la caméra.
Vers 17 h 34 min 33 s, l’AI réapparaît dans le champ de la caméra. Il porte une veste de police. Il est accroupi juste au-dessus du TC no 1, face vers lui. Il dit quelque chose dans sa radio bidirectionnelle qu’il tient dans sa main droite, se tourne vers la gauche, regarde en arrière vers le nord et range sa radio. L’AI tend sa main droite vers son arme à feu. On peut voir une lumière au nord de sa position [on sait maintenant qu’il s’agissait de la lampe de poche montée sur l’arme à feu du plaignant].
Vers 17 h 34 min 57 s, le plaignant court vers le sud, en direction de l’AI. La lampe montée sur son arme à feu est allumée et visible. Le plaignant court vers sa droite et sort du champ de la caméra. L’AI tient son arme à feu tendue devant lui, de ses deux bras. La lampe montée sur l’arme à feu du plaignant est visible sur le sol. L’AI tire un coup de feu.
Vers 17 h 35 min 15 s, un véhicule recule pour sortir d’une place de stationnement [on sait maintenant qu’il s’agissait d’une Honda conduite par le plaignant], puis sort du champ de la caméra en direction sud.
Vers 17 h 35 min 32 s, l’AI et le TC no 1 apparaissent dans le champ de la caméra. Le TC no 1 est menotté derrière le dos. L’AI le tient. Il met le TC no 1 à plat ventre sur le sol, puis rengaine son arme à feu.
Vers 17 h 36 min 28 s, l’AT no 1 marche en direction sud. Un agent se dirige vers lui et l’escorte vers la sortie.
Vers 17 h 38 min 13 s, l’agent se rend jusqu’à l’arme à feu, laquelle se trouve sur le sol avec sa lampe allumée. L’agent ne touche pas à l’arme à feu.
Vers 17 h 41 min 43 s, l’AI aide le TC no 1 à se relever et l’amène jusqu’au véhicule de police banalisé.
Vidéo — garage souterrain — caméra no 2
Cette caméra se trouvait à l’angle nord-ouest du garage souterrain.
Vers 17 h 32 min 59 s, deux hommes — le plaignant et le TC no 1 — tournent le coin le plus à gauche. Deux autres hommes [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 1 et de l’AI] sortent d’une Dodge. L’AI court vers le TC no 1 en tenant un gilet de police dans sa main gauche. L’AI monte sur le dos du TC no 1 et lui passe les menottes derrière le dos. L’AT no 1 poursuit le plaignant à pied à travers le stationnement, en direction nord. Pendant qu’il court, le plaignant perd ses chaussures.
Vers 17 h 34 min 1 s, l’AT no 1 se trouve dans le coin gauche du champ de la caméra. Il a le plaignant dans une prise de tête et le tire vers lui.
Vers 17 h 34 min 16 s, l’AI enfile son gilet de police. Il fait rouler le TC no 1 sur le côté, puis l’aide à se mettre debout. Le TC no 1 est menotté derrière le dos. En tenant le TC no 1, l’AI recule vers un véhicule de police banalisé [on sait maintenant qu’il s’agissait d’une Dodge Caravan].
Vers 17 h 34 min 56 s, le plaignant court en direction sud dans le garage souterrain.
Vers 17 h 35 min 3 s, le plaignant laisse tomber une lampe clignotante [on sait maintenant qu’il s’agissait d’une arme de poing munie d’une lampe stroboscopique] et sort du champ de la caméra en s’enfuyant.
Vers 17 h 35 min 15 s, un véhicule [on sait maintenant qu’il s’agissait de la Honda conduite par le plaignant] recule pour sortir d’une place de stationnement.
Vers 17 h 36 min 3 s, l’AT no 1 marche en direction sud en se tenant l’abdomen au moyen de sa main gauche et semble remettre son arme à feu dans son étui au moyen de sa main droite. L’AT no 1 se dirige vers l’AI et le véhicule de police banalisé.
Vers 17 h 36 min 34 s, un agent de police entre dans le champ de la caméra et s’approche de l’AT no 1. Ils se marchent vers la sortie.
Vers 17 h 38 min 13 s, un agent de police court en direction sud, puis s’approche d’un objet [on sait maintenant qu’il s’agissait d’une arme à feu] qui clignote. Il n’y touche pas.
Vidéo — garage souterrain — caméra no 3
Cette caméra se trouvait dans l’angle nord-ouest du garage souterrain.
Vers 17 h 32 min 26 s, on voit une Toyota Corolla qui est garée face à un mur. Une personne — le TC no 2 — monte dans la Toyota et fait marche arrière pour sortir de la place de stationnement. Il dirige la Toyota vers une place de stationnement où était stationnée une Ford F150 blanche.
Vers 17 h 33 min 18 s, le plaignant passe devant la Corolla en courant et la Corolla le heurte. Le plaignant tombe vers l’avant, se frappant contre la Ford F150 et tombant sur le sol. L’AT no 1 était à sa poursuite.
Vers 17 h 33 min 23 s, on voit le plaignant qui est immobile sur le sol. L’AT no 1 l’agrippe, monte sur lui et ramène son bras droit derrière son dos. Le plaignant laisse tomber son téléphone cellulaire sur le sol à côté de sa tête. L’AT no 1 fait rouler le plaignant pour le placer sur le ventre et prend ses menottes au moyen de sa main droite. Le plaignant commence à résister et à se rouler. Une lutte s’ensuit entre le plaignant et l’AT no 1.
Vers 17 h 34 min 27 s, alors qu’il lutte au sol avec l’AT no 1, le plaignant porte la main à la ceinture de son pantalon, sur le côté droit. L’AT no 1 est sur le plaignant et essaie de le maîtriser. On voit plusieurs éclairs de lumière [on sait maintenant qu’ils provenaient de lampe montée sur l’arme à feu du plaignant] sous leurs corps.
Vers 17 h 34 min 50 s, l’AT no 1 roule sur son dos en se tenant l’abdomen sur le côté gauche. Le plaignant se relève et s’enfuit. Il tient une arme à feu dans sa main droite. L’AT no 1 est au sol, sur le dos et regarde vers la partie inférieure gauche de son abdomen.
Vers 17 h 34 min 58 s, l’AT no 1 sort son arme à feu de sa main droite, alors qu’il est couché sur le dos, et pointe son arme vers la droite. Il se lève et sort du champ de la caméra en marchant.
Éléments obtenus auprès du service de police
Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPT entre le 3 octobre 2024 et le 1er novembre 2024 :
- Liste des agents concernés
- Enregistrements des communications
- Notes de l’AT no 3, de l’AT no 2 et de l’AT no 1
- Rapport d’incident général
- Rapports sur les détails de l’incident
- Historique avec le SPT — le plaignant
- Photos des lieux prises par le SPT
Éléments obtenus auprès d’autres sources
Le 10 octobre 2024, l’UES a obtenu des enregistrements vidéo captés dans le garage souterrain.
Description de l’incident
Le scénario suivant ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, lesquels comprennent des entrevues avec les témoins civils, ainsi que des enregistrements vidéo des événements. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni à lui communiquer ses notes.
Dans l’après-midi du 2 octobre 2024, l’AI et son partenaire, l’AT no 1, enquêtaient sur une série de vols et recherchaient une Honda Civic volée qui était liée aux crimes. Ils ont localisé le véhicule dans le garage souterrain d’un immeuble situé près de la rue Yonge et de l’avenue Eglinton Est, à Toronto. À l’immeuble, ils se sont entretenus avec des personnes et ont confirmé que les individus liés à la Civic étaient impliqués dans les vols faisant l’objet de l’enquête. Les agents ont scellé les portes du véhicule et ont pris des dispositions pour qu’un service de remorquage vienne le chercher pour le mettre en lieu sûr. Alors qu’ils attendaient l’arrivée de la dépanneuse dans une fourgonnette banalisée stationnée au sud de l’endroit où était garée la Civic, les agents ont aperçu deux hommes se dirigeant vers la Civic. Il s’agissait du plaignant et du TC no 1, soit les deux hommes soupçonnés d’avoir commis les vols.
Alors qu’ils marchaient vers la Civic, ils se sont retrouvés face à l’AI et à l’AT no 1. Les agents étaient sortis de la fourgonnette vêtus en civil. L’AI tenait une veste de police dans sa main gauche lorsqu’il s’est approché du TC no 1. Le TC no 1 a obtempéré aux ordres et s’est mis à genoux, puis l’agent lui a passé les menottes. Le plaignant s’est enfui de l’AT no 1. À ce moment-là, l’agent ne savait pas que le plaignant avait une arme de poing dans la ceinture de son pantalon, sur le côté droit.
L’AT no 1 a poursuivi le plaignant vers le nord et l’a vu se faire heurter par un véhicule qui se dirigeait vers la sortie du stationnement. Sous l’effet de l’impact, le plaignant est tombé vers l’avant et s’est frappé contre une camionnette qui était stationnée face au sud. L’AT no 1 a agrippé le plaignant au sol et a ramené ses bras derrière son dos. Le plaignant a réussi à libérer ses bras et a tenté de se relever. Il s’est ensuivi une lutte de plus d’une minute entre l’agent et le plaignant, au cours de laquelle le plaignant essayait de se libérer de l’emprise de l’AT no 1 et l’AT no 1 essayait de le maintenir au sol. Pendant qu’ils luttaient l’un contre l’autre, le plaignant a réussi à s’emparer de son arme à feu au moyen de sa main droite. Quelques instants plus tard, alors que l’agent se trouvait sur le dos du plaignant, face vers lui, l’arme du plaignant a été déchargée. L’AT no 1 est descendu du dos du plaignant en roulant. Il tenait le côté inférieur gauche de son abdomen de sa main gauche, à l’endroit où il avait été touché.
Le plaignant s’est relevé et s’est mis à courir vers le sud en direction de la Civic. Alors qu’il s’approchait de la Civic, le plaignant a lâché son arme et s’est tourné vers la droite en direction du côté conducteur du véhicule. À peu près au même moment, l’AI a tiré un coup de feu dans sa direction. Le plaignant est entré dans la Civic, est sorti de la place de stationnement en faisant marche arrière et a pris la fuite. Il s’est rendu à la police plus tard.
L’AI se trouvait près de l’avant de la fourgonnette de police et s’occupait du TC no 1 lorsqu’il a vu le plaignant courir dans sa direction et a déchargé son arme. Le coup de feu a manqué le plaignant.
Dispositions législatives pertinentes
Article 34 du Code criminel — Défense de la personne — emploi ou menace d’emploi de la force
34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
(a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;
(b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;
(c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace;
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.
Analyse et décision du directeur
Le 2 octobre 2024, le SPT a signalé à l’UES que l’un de ses agents avait déchargé son arme à feu contre un homme. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI était l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la décharge de son arme à feu sur le plaignant.
En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’emploi de la force, qui constituerait une infraction en temps normal, est légalement justifié s’il vise à éviter une attaque raisonnablement appréhendée, qu’il s’agisse d’une menace ou d’une attaque réelle, et si l’emploi de la force est lui-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations telles que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; la question de savoir si l’une des parties en cause a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi de la force ou à la menace d’emploi de la force.
L’AI et l’AT no 1 avaient des preuves que la Civic volée était liée aux vols sur lesquels ils enquêtaient. Ils avaient également des preuves que le plaignant et le TC no 1 étaient associés à la Civic et aux vols. Dans ces circonstances, je suis persuadé que les agents étaient fondés à chercher à arrêter les deux hommes.
Je suis également convaincu que l’AI a déchargé son arme à feu pour se défendre contre une attaque raisonnablement appréhendée de la part du plaignant. Bien que l’AI n’ait pas fourni un témoignage de première main, comme il en avait le droit, les circonstances permettent naturellement d’en venir à cette déduction — il était en présence d’un homme recherché pour des crimes violents, qui tentait désespérément d’échapper à son arrestation, et qui courait dans sa direction en tenant une arme à feu. Il a également été établi que l’AT no 1 avait averti l’AI de la présence d’une arme à feu quelques instants après avoir été atteint par un tir, et que l’AI aurait été au courant de l’avertissement de son partenaire lorsqu’il a vu le plaignant courir dans sa direction. Même si l’AI semble, sur la vidéo, avoir tiré une fraction de seconde après que le plaignant ait laissé tomber son arme sur le sol ne signifie pas, à mon sens, que l’agent n’avait plus besoin de se défendre. Outre le temps de réaction dont il faut tenir compte, si la vie de l’AI n’était plus strictement en danger au moment précis où il a appuyé sur la détente, il avait toujours de bonnes raisons d’appréhender une menace mortelle, étant donné la situation délicate dans laquelle il se trouvait.
Enfin, le coup de feu constituait, à mon avis, une force raisonnable pour se défendre. Si l’agent croyait que sa vie était en danger parce que le plaignant avançait vers lui en tenant une arme à feu, une appréhension qui est corroborrée par les preuves, il n’aurait eu guère d’autre choix que de recourir à la puissance d’arrêt immédiate d’un coup de feu pour se protéger. Compte tenu de la rapidité avec laquelle les événements se sont déroulés, battre en retraite n’était pas une option pour l’agent.
Pour les raisons susmentionnées, je suis convaincu que l’utilisation de l’arme à feu par l’AI relevait de la protection conférée par l’article 34 et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles contre l’agent dans cette affaire. Le dossier est clos.
Date : 30 janvier 2025
Approuvé électroniquement par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
- 2) Il importe de noter qu’aucun projectile n’a été retrouvé. Au-dessus d’une Ford F150, à l’extrémité nord du garage de stationnement, un défaut s’apparentant à un impact de balle a été relevé. [Retour au texte]
- 3) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.