Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OFP-378

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la décharge d’une arme à feu policière contre un homme de 33 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 12 septembre 2024, à 3 h 41, le Service de police de Brantford (SPB) a avisé l’UES qu’un agent de police avait déchargé une arme Anti-riot Weapon Enfield (ARWEN).

Selon le SPB, à 1 h 51, des agents du SPB ont répondu à un appel pour une agression en cours dans une résidence située près de l’avenue Salisbury et de l’avenue Erie, à Brantford. Il avait été signalé à la police qu’une personne armée d’un couteau avait agressé quelqu’un. Les agents se sont rendus sur les lieux et ont localisé le plaignant à l’intérieur d’un logement. Un affrontement s’est ensuivi et le plaignant a porté le couteau à sa gorge et a menacé de se faire du mal. Après avoir négocié avec lui pendant près d’une heure, l’agent impliqué (AI), lequel faisait partie de l’équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU), a déployé un ARWEN et a réussi à désarmer le plaignant. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital général de Brantford (HGB) en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM). La décharge d’ARWEN n’avait causé aucune blessure grave.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 12 septembre 2024 à 4 h 26

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 12 septembre 2024 à 4 h 44

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 33 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 12 septembre 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

L’agent témoin a participé à une entrevue le 18 septembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et aux alentours d’une résidence située près de l’avenue Salisbury et de l’avenue Erie, à Brantford.

Éléments de preuve matériels

Sur les lieux, les enquêteurs de l’UES ont trouvé trois couteaux de grande taille.

Figure 1 — Deux des couteaux trouvés sur les lieux

Figure 1 — Deux des couteaux trouvés sur les lieux

L’UES a procédé à un examen des lieux et a recueilli une douille d’ARWEN et un bâton projectile d’ARWEN.

L’UES s’est rendu au poste du SPB et a photographié l’ARWEN déchargé par l’AI.

Figure 2 — L’ARWEN de l’AI

Figure 2 — L’ARWEN de l’AI

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Vidéos captées par des caméras d’intervention

Le 12 septembre 2024, à 2 h 16 min 9 s, des agents du SPB se trouvent dans le corridor, devant la porte du logement.

Les agents du SPB négocient avec le plaignant, lequel se trouve à l’intérieur. Un agent demande au plaignant de poser ses couteaux.

À 2 h 45 min 48 s, les agents continuent de parler avec le plaignant. On entend le plaignant répondre aux agents.

À 2 h 49 min 7 s, une décharge se fait entendre, puis les agents s’engouffrent dans l’appartement en criant : [Traduction] « Lâchez le couteau. Lâchez-le. » Un agent du SPB sort de l’appartement et informe un ambulancier paramédical en attente qu’un ARWEN a été déployé.

À 2 h 50 min 43 s, le plaignant est escorté hors de l’appartement par un agent vêtu d’un uniforme tactique.

Images captées par les systèmes de caméra intégrée aux véhicules (SCIV) du SPB

L’enregistrement du SCIV, à l’intérieur du véhicule, débute le 12 septembre 2024, à 5 h 55. Un agent fait monter le plaignant sur la banquette arrière afin de le transporter depuis le HGB jusqu’au poste du SPB. Le plaignant se plaint de ne pas avoir été remis en liberté sur promesse de comparaître. Un agent répond au plaignant qu’il va être placé en détention jusqu’à son audience de mise en liberté sous caution. À 6 h 5, ils arrivent au poste du SPB et les agents escortent le plaignant hors du véhicule de police, sans incident.

Enregistrements des communications du SPB

Quelqu’un téléphone au 911 pour signaler que le plaignant a agressé une personne avec un couteau. L’appelant signale qu’il a entendu, un peu plus tôt, des cris au sujet de biens volés provenant de ce logement. Il demande que la police fasse sortir le plaignant.

À 1 h 57 min 46 s, l’AT no 1 se rend au logement et signale qu’il entend des voix à l’intérieur. Il frappe à la porte.

À 2 h 3 min 48 s, les agents négocient avec le plaignant, lequel a deux couteaux en sa possession.

À 2 h 7, l’AT no 4 indique qu’ils envisagent différentes options de recours à la force létale et non létale. Le plaignant continue de menacer de se suicider. Les agents continuent de négocier et de fournir des mises à jour.

À 2 h 49 min 29 s, l’AT no 4 indique qu’un ARWEN a été déployé et que le plaignant a été arrêté.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPB entre le 12 septembre 2024 et le 18 septembre 2024 :

  • Enregistrements provenant des SCIV du SPB
  • Enregistrements captés par des caméras d’intervention
  • Enregistrements des communications du SPB
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Rapport d’incident général du SPB
  • Notes — AI et AT no 5, et AT no 1, AT no 4, AT no 3 et AT no 2
  • Dossiers de formation de l’AI concernant le recours à la force
  • Politiques du SPB — personnes en situation de crise, arrestations, recours à la force

Éléments obtenus auprès d’autres sources

Le 19 septembre 2024, l’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant de la part du HGB.

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et des témoins de la police, ainsi que des enregistrements vidéo montrant différentes parties de l’incident, brosse le portrait suivant de ce qui s’est passé. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES. Il a cependant convenu de lui transmettre ses notes.

Au petit matin du 12 septembre 2024, des agents du SPB ont été dépêchés dans un domicile situé près de l’avenue Salisbury et de l’avenue Erie, à Brantford. Une personne avait téléphoné à la police pour signaler une perturbation dans l’appartement. Il semblait qu’un homme — le plaignant — était armé d’un couteau et avait agressé un autre homme.

L’AT no 1 et l’AT no 2 ont été les premiers agents sur les lieux. Ils sont arrivés peu avant 2 h et l’AI de l’EIU du SPB est arrivé peu après. Un homme est sorti de l’appartement et a remis la clé aux agents. Il a confirmé que le plaignant se trouvait à l’intérieur et qu’il avait menacé quelqu’un avec un couteau.

Les agents ont ouvert la porte et ont aperçu le plaignant dans le fond de l’appartement. Il avait un couteau dans sa poche arrière et un autre autour de sa taille, dans une gaine. L’AT no 1 et l’AT no 2 étaient armés de fusils C8. L’AI était muni d’un ARWEN et se tenait prêt à l’utiliser. Le plaignant a reçu l’ordre de poser les couteaux sur le plancher, ce qu’il a fait. Depuis le seuil de la porte, et sous la direction de l’AT no 1, les agents ont communiqué avec le plaignant. Ils lui ont expliqué qu’il allait être arrêté pour voies de fait et lui ont ordonné de se mettre à terre. Le plaignant a répondu qu’il allait se tuer si les agents entraient dans l’appartement. À un certain moment, il leur a dit de lui tirer une balle dans la tête. Vers 2 h 30, alors qu’il devenait de plus en plus agité, il a récupéré deux autres couteaux situés à proximité et les a portés à sa tête et à son abdomen. Il a ensuite lâché l’un des couteaux, mais pas l’autre.

Vers 2 h 49, l’AI a déchargé son ARWEN à une reprise. Le projectile a atteint le plaignant dans l’aine. Sommé de laisser tomber le couteau, le plaignant s’est exécuté, puis s’est affalé sur un lit près de là. Les agents sont entrés dans l’appartement, se sont approchés du plaignant et l’ont menotté sans autre incident.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital après son arrestation, où l’on a confirmé qu’il n’avait subi aucune blessure grave.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 12 septembre 2024, le SPB a informé l’UES que l’un de ses agents avait déchargé un ARWEN au cours d’un affrontement avec un homme — le plaignant — plus tôt ce jour-là. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI était l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’utilisation de l’ARWEN.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Les agents avaient de bonnes raisons de chercher à arrêter le plaignant. Compte tenu des renseignements qu’on leur avait fournis à la suite de l’appel à la police et lors de leur conversation avec un témoin, les agents avaient des raisons de croire que le plaignant avait agressé un autre homme avec une arme et étaient fondés à l’arrêter sur cette base.

La force utilisée par l’AI pour procéder à l’arrestation du plaignant était justifiée. Dès leur arrivée, les agents ont adopté une approche modérée. Puisqu’ils avaient négocié avec le plaignant pendant environ une heure pour l’inciter à se rendre de façon sécuritaire, que le plaignant devenait de plus en plus agité, et qu’il y avait toujours un risque que le plaignant tente de se faire du mal avec le couteau ou le retourne contre les agents, il était logique que les agents envisagent d’autres options. Il n’était pas réaliste pour eux de s’engager dans un affrontement physique avec le plaignant, puisque ce dernier avait un couteau en sa possession. Le recours à l’ARWEN était une tactique raisonnable dans les circonstances. Si la décharge avait les effets escomptés, les agents pouvaient espérer qu’elle allait suffisamment distraire ou dissuader le plaignant, sans lui infliger des blessures graves, et leur permettre de l’approcher et de l’appréhender de façon sécuritaire. Et c’est essentiellement ce qui s’est produit.

Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : 7 janvier 2025

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.