Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TCI-309

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet des blessures graves subies par un homme de 58 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 19 juillet 2024, à 1 h 40, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.

D’après les renseignements fournis par le SPT, le 19 juillet 2024, à 0 h 8, la témoin no 1 se trouvait dans un appartement situé dans le secteur de la rue Shuter et de la rue Sherbourne pour rendre visite au plaignant. Un peu plus tard, la témoin no 1 s’est rendue en courant au bureau de sécurité de l’immeuble et a parlé à un agent de sécurité. Elle a déclaré que le plaignant l’avait poussée contre un mur, l’avait agressée et étranglée. L’agent de sécurité a appelé le 911. À 0 h 12, des agents de police sont arrivés à l’immeuble et sont entrés en communication avec le plaignant par la porte de son appartement. À 0 h 33, les agents ont demandé qu’un superviseur se rende sur les lieux. À 0 h 47, les agents ont signalé qu’un témoin venait de leur dire que le plaignant avait sauté de son balcon. Les services médicaux d’urgence (SMU) ont été appelés et le plaignant a été transporté à l’Hôpital St. Michael. Le SPT croyait que le plaignant s’était cassé un poignet et une cheville.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 19 juillet 2024 à 2 h

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 19 juillet 2024 à 3 h 38

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« le plaignant ») :

Homme de 58 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 5 septembre 2024.

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

La témoin civile a participé à une entrevue le 19 juillet 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agent témoin (AT)

AT A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

L’agent témoin a participé à une entrevue le 19 juillet 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et autour d’un appartement situé dans le secteur de la rue Shuter Street et de la rue Sherbourne, à Toronto.

Éléments de preuve matériels

Le 19 juillet 2024, à 4 h, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est arrivé à l’immeuble d’habitation du plaignant. La scène était bouclée au moyen de véhicules de police et d’un ruban jaune de scène de crime autour de l’entrée principale de l’immeuble d’habitation. Les lieux étaient supervisés par un sergent du SPT. Depuis le rez-de-chaussée extérieur, une lumière était visible dans un appartement [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’appartement du plaignant]. Cet appartement n’avait pas de balcon. Sur le trottoir en béton situé juste en dessous de l’appartement, il y avait deux petites taches d’une substance rouge s’apparentant à du sang. Des photos générales des lieux ont été prises.

À 4 h 45, un agent spécial de la Toronto Community Housing (TCH) a permis à l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES d’accéder à l’appartement du plaignant. Il y avait une fenêtre dans l’appartement, mais le moustiquaire était manquant. Des photos de la fenêtre ouverte ont été prises.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Vidéos enregistrées par les caméras d’intervention de l’AI, de l’agente no 1 et de l’AT

Le 19 juillet 2024, à 0 h 15, sur l’enregistrement capté par la caméra d’intervention de l’AT, on voit l’intérieur d’un ascenseur [on sait aujourd’hui que cet ascenseur se trouvait dans l’immeuble d’habitation du plaignant]. Une autre agente de police [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’agente no 1] et deux agents spéciaux de la TCH se trouvent également dans l’ascenseur. La porte de l’ascenseur est ouverte et une femme [on sait maintenant qu’il s’agissait de la témoin no 1] se dirige vers les agents de police et crie. La témoin no 1 pleure et laisse tomber trois gros livres. L’agente no 1 et l’AT demandent à la témoin no 1 de leur raconter ce qui s’est passé. La témoin no 1 crie [Traduction[3]] « Rien! », puis elle continue de pleurer. Elle crie : « Pas besoin d’agir comme une brute! » L’agente no 1 demande à la témoin no 1 pourquoi elle disait qu’il [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] avait agi comme une brute et si le plaignant lui avait frappé la tête contre le mur. La témoin no 1 répond : « Non, il m’a mis dehors. » L’agente no 1 demande à la témoin no 1 si le plaignant se trouve dans l’appartement et la témoin no 1 répond : « Oui ». L’agente no 1 lui demande si elle a pris des substances illégales et la témoin no 1 répond que le plaignant ne prend pas de substances illégales. L’agente no 1 confirme auprès de la témoin no 1 que le nom du plaignant figure sur le bail et qu’il s’agit de son appartement. L’agente no 1 informe la témoin no 1 qu’elle ne peut pas partir tant qu’ils n’ont pas confirmé si elle est assujettie à des conditions. L’agente no 1 informe la témoin no 1 qu’elle n’est pas censée se trouver à proximité du plaignant et la témoin no 1 répond « Non ». La témoin no 1 demande aux agents spéciaux de ne pas faire de mal au plaignant, car il n’avait rien fait de mal.

À 0 h 19, l’agente no 1 et l’AT se trouvent devant l’appartement du plaignant. L’agente no 1 passe un coup de fil. L’AT retourne vers les ascenseurs et demande à la témoin no 1 si elle était allée voir l’agent de sécurité pour signaler que le plaignant l’avait frappée contre le mur et étranglée. La témoin no 1 répond qu’elle est tombée.

À 0 h 20, l’agente no 1 frappe à la porte et l’AT dit : « [Prénom du plaignant], police de Toronto ». L’agente no 1 dit au plaignant qu’elle veut seulement connaître sa version des faits. Le plaignant parle à travers la porte et dit : « Je ne veux rien avoir à faire avec ça. » Il est difficile d’entendre ce que le plaignant dit à l’agente no 1, car la témoin no 1 ne cesse de crier. L’AT tente d’engager la conversation avec le plaignant à travers la porte. L’agente no 1 indique à l’AT qu’ils vont prendre la déposition de l’agent de sécurité et parler avec le bureau des enquêtes criminelles pour décider des prochaines étapes.

L’AT avise le plaignant qu’ils ne peuvent pas partir tant qu’ils n’ont pas eu sa version des faits. L’agente no 1 se rend la porte de l’appartement et demande au plaignant s’il veut que des ambulanciers paramédicaux viennent l’examiner. Le plaignant répond « Non ». L’agente no 1 tente d’amener le plaignant à ouvrir la porte pour qu’il donne sa version des faits, mais le plaignant refuse. L’AT annonce qu’il va parler avec les voisins et s’éloigne dans le couloir.

L’AT cogne à la porte d’un autre appartement de l’étage et le témoin no 2 ouvre la porte. Le témoin no 2 dit à l’agent que la témoin no 1 frappe souvent à la porte du plaignant à toute heure de la nuit.

L’AT retourne vers la porte de l’appartement du plaignant, où l’agente no 1 continue d’essayer de convaincre le plaignant d’ouvrir la porte. L’agente no 1 et un agent spécial escortent la témoin no 1 jusqu’à l’ascenseur, et l’AT reste sur l’étage avec quatre agents spéciaux.

À 0 h 40, l’AI arrive et l’AT l’informe que le plaignant n’est pas sorti de son appartement, dont la porte est verrouillée, et refuse d’en sortir.

À 12 h 45, l’AI frappe à la porte et dit : « [Prénom du plaignant]! Ça ne va rien changer, ok? Ils vont obtenir un mandat, ils vont appeler l’UIU comme la dernière fois, et décharger un Taser sur vous si vous êtes violent. Nous vous offrons de sortir, comme un homme, et de nous raconter ce qui s’est passé ce soir. Inutile que qui que soit se fasse blesser, d’accord? »

À 12 h 46, l’AI dit : « Vous m’entendez? [Prénom du plaignant], je sais que vous m’entendez. Comme l’a dit… l’agente, nous n’irons nulle part, nous allons rester ici toute la nuit jusqu’à ce que nous recevions un mandat signé. » Une voix venant de la gauche [on sait maintenant qu’il s’agissait du témoin no 2] dit : « Il a sauté par la fenêtre, il est au sol. » L’AT entre dans un appartement voisin et regarde à l’extérieur. Le plaignant est sur le trottoir à l’avant du bâtiment. Il est allongé sur le dos, avec les bras ouverts. L’AT demande qu’une ambulance soit envoyée d’urgence, puis il sort avec l’AI et les agents spéciaux. L’AI demande : « Y a-t-il quelqu’un à la porte? Il faut préserver les lieux. » L’AT répond : « D’accord, je vais monter », puis il se retourne et rentre dans l’immeuble.

À 1 h 17, l’agent no 2 enregistre la déposition vidéo du témoin no 2, dans laquelle ce dernier dit à l’agent no 2 que le plaignant a sauté par la fenêtre. Le témoin no 2 observait ce qui se passait à l’extérieur et a vu le plaignant sauter. Le plaignant était seul et a dit « conneries » avant de sauter.

Vidéo captée dans le foyer d’accès aux ascenseurs de l’immeuble d’habitation

Le 18 juillet 2024, à 23 h 53, la témoin no 1 sort d’un ascenseur pour se rendre dans le hall d’entrée. Un homme vêtu d’une veste arborant l’inscription « Sécurité » s’approche et semble s’entretenir avec la témoin no 1. Elle se frotte l’arrière de la tête en faisant le tour du hall. La témoin no 1 s’appuie contre les murs, s’assoit sur le sol à un moment donné et marche d’un pas chancelant.

À 23 h 55, la témoin no 1 agrippe son cou de sa main droite et fait un geste d’étranglement.

À 23 h 57, la témoin no 1 entre dans un ascenseur et l’agent de sécurité sort du champ de la caméra.

Le 19 juillet 2024, vers 0 h 8, la témoin no 1 sort à nouveau d’un ascenseur et l’agent de sécurité l’aborde. Ils passent devant les ascenseurs et restent essentiellement hors du champ de la caméra.

À 0 h 10, ils retournent vers les ascenseurs.

À 0 h 11, la témoin no 1 lève le bras droit et l’agent de sécurité pointe son bras.

À 0 h 12, la témoin no 1 retourne dans un ascenseur et l’agent de sécurité se tient devant la porte de l’ascenseur, l’empêchant de se fermer.

À 0 h 13, la témoin no 1 sort de ce même ascenseur et franchit une autre porte dans le hall. L’agent de sécurité reste dans le hall.

À 0 h 14, une agente de police [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’agente no 1], un deuxième agent de police [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT] et quatre agents spéciaux pénètrent dans le hall d’entrée des ascenseurs. L’agente no 1 et l’AT entrent dans un ascenseur en compagnie d’un agent spécial.

À 0 h 38, un agent de police [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI] entre dans le hall d’entrée des ascenseurs et monte dans un ascenseur.

Vidéo captée dans le parc de stationnement de l’immeuble d’habitation

À 0 h 46, on voit un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] tomber dans les airs et atterrir sur le trottoir. On ne peut voir dans quelle position il se trouve au moment où il frappe le sol. Le plaignant est sur le dos et une partie du bas de son corps se trouve en dehors du champ de la caméra. Il reste immobile sur le sol.

À 0 h 47, l’agent no 3 et l’agent no 4, ainsi qu’un agent spécial, s’approchent du plaignant. L’AI et un autre agent spécial s’approchent également et se tiennent à proximité sur le trottoir. L’agent no 3 s’agenouille sur le sol, près du côté supérieur droit du plaignant. L’agent no 4 se trouve sur le côté gauche du plaignant.

À 0 h 51, une ambulance s’immobilise sur la chaussée à côté du plaignant. Un ambulancier paramédical s’approche du plaignant et semble l’examiner. Un deuxième ambulancier paramédical sort une civière de l’arrière de l’ambulance.

À 0 h 54, un ambulancier amène une planche jaune sur le côté droit du plaignant et la glisse sous lui. Trois pompiers arrivent sur les lieux. Lesd ambulanciers soulèvent le plaignant, sur la planche, et l’amènent jusqu’à une civière, puis le placent à l’arrière d’une ambulance.

À 1 h 6, l’ambulance quitte les lieux et sort du champ de la caméra.

Enregistrements des communications du SPT

Le 19 juillet 2024, à 0 h 2, un agent de sécurité de la TCH téléphone au SPT et signale que la témoin no 1 lui a déclaré cinq minutes auparavant que son petit ami, le plaignant, qui habite dans un appartement de l’immeuble, l’avait agressée, lui avait frappé la tête contre un mur et l’avait étranglée. Il indique que la témoin no 1 était hystérique et était remontée dans l’appartement. L’agent de sécurité indique aussi que la témoin no 1 et le plaignant consommaient souvent de l’alcool. Aucune arme n’avait été vue, mais le plaignant avait déjà menacé un autre résident avec une arme à feu.

À 0 h 7, l’AT et l’agente no 1 sont dépêchés sur les lieux.

À 0 h 12, les agents arrivent sur les lieux et, à 0 h 17, ils établissent un contact verbal avec le plaignant.

À 0 h 37, l’AI arrive sur les lieux.

À 0 h 47, l’AT signale que l’homme a sauté et se trouve maintenant sur le sol, sur le dos. L’AT demande qu’une ambulance soit envoyée d’urgence.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPT entre le 19 juillet 2024 et le 25 juillet 2024 :

  • Images captées par les caméras d’intervention
  • Enregistrements de communications
  • Liste des témoins civils
  • Politique relative à la violence entre partenaires intimes
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Rapport d’incident général
  • Notes de l’AT
  • Antécédents policiers du plaignant

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 23 juillet 2024 et le 25 juillet 2024 :

  • Rapport sur la demande d’ambulance, fourni par les SMU de Toronto
  • Vidéos provenant de l’immeuble d’habitation

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant, des témoins de la police et des témoins civils, ainsi que des enregistrements vidéo ayant capté différentes parties de l’incident, brosse le portrait suivant de ce qui s’est passé ce jour-là. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la communication de ses notes à l’UES.

Peu après minuit, le 19 juillet 2024, des agents du SPT se sont rendus dans un immeuble d’habitation situé dans le secteur de la rue Shuter et de la rue Sherbourne. Un agent de sécurité de l’immeuble avait téléphoné à la police pour signaler qu’une femme — la témoin no 1 — était venue lui dire que le plaignant venait de l’agresser dans son appartement.

En compagnie de plusieurs agents spéciaux de la TCH, l’AT et l’agente no 1 se sont présentés à l’immeuble vers 0 h 15 et sont montés en ascenseur jusqu’à l’étage du plaignant. Les agents ont cogné à la porte et ont tenté de faire sortir le plaignant pour lui parler. Le plaignant a refusé de sortir. Il a déclaré aux agents qu’il n’avait rien fait de mal et leur a demandé de partir. Les agents lui ont indiqué sans détours qu’ils n’allaient pas partir.

L’AI est arrivé sur les lieux vers 0 h 40. Il a lui aussi cogné à la porte. À ce moment-là, il avait été décidé que le plaignant allait être arrêté pour voies de fait contre la témoin no 1. L’AI a tenté de convaincre le plaignant de sortir et l’a avisé qu’ils allaient attendre là toute la nuit et obtenir un mandat les autorisant à pénétrer dans l’appartement, si nécessaire. Peu après, un voisin est sorti de son appartement et a informé les agents que le plaignant venait de sauter par la fenêtre.

Les agents se sont précipités à l’extérieur et ont trouvé le plaignant couché sur le dos. Il avait subi de multiples blessures, notamment des fractures à la colonne vertébrale, aux jambes, au bassin et aux côtes.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221 du Code criminel — Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 19 juillet 2024, le plaignant a subi des blessures graves lorsqu’il a sauté en bas de son appartement situé sur l’un des étages supérieurs. Puisque des agents du SPT se trouvaient à l’extérieur de sa porte et tentaient de négocier son arrestation à ce moment-là, l’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête. L’AI, qui était l’officier supérieur sur les lieux, a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la chute du plaignant et les blessures qu’il a subies.

L’infraction à l’étude dans cette affaire est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention de l’article 221 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas graves de négligence qui témoignent d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. L’infraction repose, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué et substantiel par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire en question, il faut donc déterminer si l’AI n’a pas fait preuve de la diligence requise et si ce manque de diligence, le cas échéant, pourrait avoir causé les blessures subies par le plaignant ou y avoir contribué, et pourrait être considéré comme suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction pénale. À mon avis, cela n’est pas le cas.

L’AI et les autres agents qui étaient présents sur les lieux s’y trouvaient pour des raisons légitimes tout au long de la série d’événements qui s’est soldée par la chute du plaignant. D’après les renseignements qui leur avaient été fournis, ils avaient des raisons de croire que le plaignant avait commis des voies de fait graves contre la témoin no 1 et étaient donc fondés à se présenter au domicile du plaignant pour chercher à l’arrêter.

Je suis également persuadé que les agents, y compris l’AI, ont fait preuve d’une diligence et d’une considération adéquates relativement à la santé et au bien-être du plaignant. Ils ont tenté, en vain, de persuader le plaignant de sortir pacifiquement son appartement. Ils lui ont d’abord expliqué qu’ils voulaient simplement lui parler pour faire avancer leur enquête. Plus tard, lorsqu’il est devenu manifeste que le plaignant allait être arrêté, ils le lui ont dit en toute franchise et l’ont informé qu’ils allaient attendre d’obtenir un mandat Feeney[4] pour pénétrer légalement dans son appartement. Les agents se trouvant à l’extérieur de la porte du plaignant n’étaient sur les lieux que depuis environ une demi-heure lorsque le plaignant a décidé de sauter par la fenêtre. Pour les motifs qui précèdent, je suis convaincu qu’aucun des agents n’a pas transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit criminel.

J’en conclus donc qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : 23 octobre 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) NdT: Tous les dialogues sont des traductions. [Retour au texte]
  • 4) Tient son nom de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans R c Feeney, [1997] 2 RCS 13. Régis par le cadre établi dans les articles 529 et 529.1 du Code criminel, les mandats Feeney autorisent les policiers à pénétrer de force dans une maison d’habitation afin d’effectuer une arrestation pour des motifs légitimes. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.