Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TCI-260

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 61 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

À 21 h 3 le 17 juin 2024, le Service de police de Toronto a communiqué à l’UES les renseignements qui suivent.

Le 17 juin 2024, vers 15 h 20, deux agents à vélo du Service de police de Toronto ont intercepté un véhicule pour une infraction au Code de la route à l’intersection entre la rue King Ouest et la rue Bay. Ils ont remis au conducteur [maintenant identifié comme le plaignant] un avis d’infraction provinciale. En partant, le plaignant a tenté de renverser les agents sur leur vélo. Les agents ont alors intercepté le véhicule, ils ont sorti le plaignant de force et ont procédé à son arrestation. Le plaignant a ensuite signalé une douleur au tronc.Il a été conduit aux services médicaux des urgences de l’Hôpital St. Michael, où des radiographies ont révélé des fractures de trois côtes du côté droit.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 17 juin 2024, à 22 h 16

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 18 juin 2024, à 7 h 19

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 61 ans, a participé à une entrevue.

Le plaignant a participé à une entrevue le 18 juin 2024.

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue.

TC no 2 A participé à une entrevue.

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 17 juillet 2024 et le 12 août 2024.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.

L’AT no 1 a participé à une entrevue le 11 juillet 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus à l’intersection entre la rue King Ouest et la rue Bay, à Toronto et à proximité de cette intersection.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrement de caméra d’intervention

Vers 15 h 1 le 17 juin 2024, l’enregistrement a commencé par une vue vers le sud de la rue Bay, où on voyait l’AI roulant sur son vélo du Service de police de Toronto. Un véhicule Lexus de couleur argentée se trouvait dans la voie de droite le long de la bordure de rue de la rue Bay, à l’intersection avec la rue King Ouest. L’AI a immobilisé son vélo dans la même voie, derrière la Lexus. La Lexus n’avait pas de clignotant activé et était arrêtée sur le passage pour piétons. Un homme, soit le TC no 2, était debout du côté passager de la Lexus et il parlait avec le conducteur, soit le plaignant. Avec sa main droite, le TC no 2 a décrit un mouvement vers le côté sud de la rue King. L’AI a approché sur son vélo de la glace du côté conducteur de la Lexus et a dit : [Traduction] « Bonjour Monsieur. Pouvez-vous vous arrêter là, s’il vous plaît? », en pointant vers l’ouest. Le plaignant avait son téléphone cellulaire à la main. L’AI s’est placé devant le véhicule Lexus avec son vélo et a pointé vers l’ouest. L’AI s’est ensuite rendu sur son vélo à côté de la Lexus et a dit : [Traduction] « Le long de la bordure de rue. Attention de ne pas me frapper. Placez-vous le long de la bordure de rue, tournez votre véhicule. Hé! mon gars, arrête, arrête. » Le plaignant a alors immobilisé la Lexus. L’AI s’est approché de la glace du conducteur et lui a dit : [Traduction] « Vous êtes filmé. La raison de votre arrestation est que vous avez utilisé votre cellulaire quand [le TC no 2] vous a dit que les virages étaient interdits. Vous avez pris votre cellulaire sur son support pour vous en servir. »

Vers 15 h 3, le plaignant a dit : [Traduction] « Je viens chercher ma femme juste ici. » L’AI a rétorqué : [Traduction] « Vous n’avez pas le droit de vous servir de votre téléphone et vous ne pouvez pas tourner là. » Le plaignant a pris son téléphone, et l’AI lui a demandé son permis de conduire. Le plaignant a répondu : [Traduction] « Je vous les donne dans un instant », et il a répondu au téléphone. L’AI a prévenu le plaignant qu’il allait lui remettre une autre contravention pour avoir omis de présenter ses documents. Le plaignant a alors dit : [Traduction] « Monsieur l’agent, vous n’avez pas à faire ça. » Environ une minute plus tard, le plaignant a remis son permis de conduire à l’AI, qui a alors dit : [Traduction] « Vous avez deux permis de conduire là-dedans. Je vais en prendre un s’il vous plaît, pour le remettre au ministère des Transports, ou vous le gardez et je vous donne une contravention pour possession de deux permis. »

Vers 15 h 5, le plaignant a remis à l’AI une feuille de papier. L’AI a alors dit : [Traduction] « Je ne sais par pourquoi vous me regardez comme ça. Je vous ai demandé plus que ça. Vous avez pris votre téléphone pour avoir une conversation; et vous avez essayé de faire un appel quand j’ai demandé vos documents. » Une femme, soit la femme du plaignant, s’est approchée du côté passager de la Lexus. Le plaignant lui a fait un signe de la main et lui a ouvert la portière du passager, puis il a dit : [Traduction] « Vous voulez voir mon permis? » L’AI a répondu : [Traduction] « Eh bien, je vous ai demandé une preuve que vous êtes propriétaire du véhicule. » La femme du plaignant s’est assise sur le siège du passager pendant que le plaignant fouillait dans ses cartes et ses papiers. L’AI s’est rendu devant la Lexus et a dit : [Traduction] « OK. Donc, refus de présenter ses documents. Je ne vais pas continuer à jouer ce jeu-là avec vous, Monsieur. » L’AI a déplacé son vélo jusqu’à l’avant de la Lexus, dans la voie longeant la bordure de rue de droite. L’AI se tenait alors debout dans la voie de droite longeant la bordure de rue, face à l’est devant la Lexus, qui était immobilisée face à l’ouest. L’AI a annoncé à la radio qu’il venait d’intercepter un véhicule. Le plaignant a sorti quelque chose par la fenêtre du conducteur et a dit : [Traduction] « Voilà Monsieur. » L’AI a rétorqué : [Traduction] « Non, vous avez eu votre chance. » L’AI a alors demandé au centre de répartition de faire une recherche sur la plaque d’immatriculation et sur le plaignant. Il s’est avéré que la Lexus était immatriculée au nom de la femme du plaignant et que celui-ci n’avait aucune alerte à son dossier.

À 15 h 7 environ, l’AT no 1 était sur son vélo et se dirigeait vers l’ouest en contournant la Lexus par l’arrière pour se rendre jusqu’à l’AI. Le TC no 2 était debout derrière la Lexus, dans la voie de dépassement de droite à l’intersection. L’AI s’est approché de la fenêtre du conducteur de la Lexus, avec des contraventions dans les mains. L’AI a commencé à expliquer en quoi consistaient les contraventions. Le plaignant a agité les mains d’un mouvement rapide, et l’AI lui a dit : [Traduction] « C’est bon. Je vais vous en donner d’autres si vous ne changez pas d’attitude. Je vais vous donner toutes celles que vous méritez. » L’AI a poursuivi : [Traduction] « Vous n’avez pas le droit d’être dans cette voie et quand je vous ai demandé vos documents, vous m’avez répondu : “Ouais, dans une minute”, et vous avez essayé de faire des appels. Si vous voulez écouter, si vous voulez agir comme un adulte, vous pouvez vous comporter comme quelqu’un de votre âge. » Le plaignant a riposté : [Traduction] « J’ai juste du respect pour vous. Je vous ai montré du respect, Monsieur l’agent, à partir du début, je vous ai montré du respect. » L’AI s’est éloigné pour se placer devant la Lexus et il a dit au plaignant qu’il ne lui avait montré aucun respect. Le plaignant a alors dit à l’AI qu’il était raciste. L’AI s’est rendu à sa bicyclette et a préparé une autre contravention.

Vers 15 h 12, l’AI s’est mis à parler à voix basse. Il a dit : [Traduction] « Je ne vais pas me laisser traiter de raciste. Ça n’a rien à voir avec la race. Cet homme a besoin de se faire remettre à sa place, et si ça lui coûte de l’argent, tant pis. » L’AI s’est rendu à la vitre du plaignant et lui a remis une contravention pour avoir utilisé son téléphone cellulaire, puis lui en a remis une autre pour avoir omis de lui remettre l’immatriculation du véhicule. En prenant la contravention, le plaignant a dressé son majeur. L’AI a alors dit : [Traduction] « Je me fous que vous me fassiez un doigt d’honneur. Ça ne m’atteint pas. » Le plaignant a rétorqué : [Traduction] « Vous êtes un raciste. Allez-y. » L’AI a remis au plaignant une contravention pour avoir omis d’obéir à un ordre d’un agent. Le plaignant a agité les doigts de la main droite dans un mouvement avant-arrière tandis que l’AI expliquait les options de réponse pour les contraventions. Le plaignant a monté le volume de sa radio.L’AI s’est excusé auprès de la femme du plaignant du comportement de celui-ci en le comparant à celui d’un enfant. Le plaignant a encore agité les doigts un mouvement avant-arrière. L’AI a remis au plaignant ses papiers d’assurance, et celui-ci lui a arraché des mains avec sa main droite. L’AI a ensuite remis au plaignant son permis de conduire, et le plaignant lui a aussi arraché des mains.

Vers 15 h 16, l’AI a reculé et a dit au plaignant de faire demi-tour. Le plaignant lui a alors crié : [Traduction] « Foutez-moi la paix! », puis a démarré son véhicule, l’a mis en marche arrière et a ajouté : [Traduction] « Suce ton frère. » Les roues de la Lexus se sont braquées vers la gauche. L’AI était debout dans la voie de dépassement en direction ouest. Il a levé la main gauche et a dit : [Traduction] « Un instant, un instant. »

À environ 15 h 17 min 6 s, la Lexus a avancé pour faire demi-tour. L’AI a dit : [Traduction] « Hé! hé! » La Lexus s’est rendue dans la voie de dépassant en direction ouest, et l’ombre de l’AI permettait de deviner qu’il avait la main droite au-dessus de la tête. La Lexus a poursuivi la manœuvre de demi-tour pendant que l’AI enlevait sa main droite du capot. La Lexus a avancé dans la voie de dépassement en direction est, et l’AI a alors crié : [Traduction] « Arrêtez. » La femme du plaignant a crié le nom de celui-ci. L’AI a placé ses deux mains sur la Lexus pendant qu’elle tournait vers l’est. Les pneus ont crissé.

L’arrière d’un tramway de la Commision de transport de Toronto est entré dans le champ de la caméra par la droite. Le tramway s’est arrêté dans la voie de dépassement en direction ouest. La Lexus a poursuivi son demi-tour pour se rendre jusqu’à la voie longeant la bordure de rue en direction est de la rue King Ouest. La montre de l’AI est alors tombée sur le rail de gauche du tramway. L’AI a alors dit : [Traduction] « Merde! » et a ramassé sa montre, puis s’est approché de la fenêtre du conducteur de la Lexus, immobilisée dans la voie longeant la bordure de rue en direction est de la rue King Ouest, à l’intersection avec la rue Bay. L’AI a dit : [Traduction] « Sortez de là », et le plaignant a répondu : [Traduction] « Qu’est-ce que j’ai fait? » L’AI a rétorqué : [Traduction] « Vous êtes en état d’arrestation », et il a essayé d’ouvrir la portière avec sa main gauche. Avec sa main droite, l’AI a agrippé la ceinture de sécurité du plaignant et a lancé à celui-ci l’ordre suivant : [Traduction] « Sortez. » Il a ensuite attrapé la chemise du plaignant avec sa main gauche, puis a changé de main pour la droite droite en disant : [Traduction] « Vous êtes en état d’arrestation. » Le plaignant a demandé : [Traduction] « Pourquoi? » L’AI a attrapé l’avant-bras gauche du plaignant, et celui-ci s’est dégagé. L’AI a dit au plaignant qu’il allait utiliser son : [Traduction] « taser » contre lui. La femme du plaignant lui répétait : [Traduction] « Vas-y, vas-y » L’AI a attrapé le plaignant par les cheveux et lui a sorti la tête par la fenêtre.

L’AT no 1 était en vue, avec le bras gauche posé sur le pare-brise. Il a ensuite entré sa main gauche dans la voiture par la fenêtre du conducteur. L’AI tenait le plaignant par les cheveux avec sa main droite, tandis que sa main gauche tirait sur un bracelet du poignet gauche en essayant de tirer sur son bras. L’AT no 1 a dit : [Traduction] « C’est déverrouillé. » L’AI a dit : [Traduction] « Je vais vous frapper. Sortez. Sortez » Avec sa main droite, l’AT no 1 a ouvert la portière du conducteur. L’AI a ordonné au plaignant de sortir de son véhicule. L’AI, qui tenait les cheveux du plaignant, a changé de position pendant que l’AT no 1 ouvrait la portière, et le plaignant a crié : [Traduction] « Filme ça. » L’AI a dit : [Traduction] « Je vais me servir de mon taser. Sortez de la voiture. » Avec sa main gauche, l’AI a donné un coup de poing au plaignant à l’abdomen. Celui-ci a dit : [Traduction] « Oh! Merde! Utilisez-le votre taser. » L’AI a attrapé la cheville gauche du plaignant et a tiré dessus. L’AT no 1 a entré les mains dans la Lexus par la portière ouverte du conducteur et a attrapé la chemise du plaignant et sa main droite, pendant que l’AI tenait la main gauche du plaignant et ses cheveux. Le plaignant a dit : [Traduction] « Tout ça n’est pas nécessaire. Je n’ai rien fait. » L’AI lui a répondu : [Traduction] « Vous avez essayé de me renverser. » Le plaignant a alors dit à sa femme : [Traduction] « Dis-leur mes problèmes. » L’AI a alors pris son pulvérisateur de gaz poivré et a dit : [Traduction] « Je vais vous pulvériser du gaz poivré. Couvrez-vous les yeux, Madame. » Le plaignant s’est alors levé et est sorti de son véhicule. Il a alors été plaqué contre le véhicule, près de la roue arrière. Il a agité les bras pendant que l’AI et l’AT no 1 tentaient de lui mettre les mains derrière le dos. L’AT no 1 a sorti les menottes de sa veste pendant que le plaignant se tournait dans tous les sens.

Vers 15 h 19, le TC no 2 est entré dans le champ de la caméra par la gauche et a aidé l’AT no 1 à tenir le bras gauche du plaignant derrière son dos. La menotte a pu être passée au poignet gauche du plaignant. Celui-ci s’est tortillé et a réussi à dégager son bras droit que tenait l’AI. Ce dernier a alors donné un coup de poing au plaignant avec sa main droite dans la région des côtes, du côté droit, et il a dit au plaignant de se laisser prendre la main. Ce dernier a crié : [Traduction] « Ah! Merde! » à cinq reprises, puis il a été menotté les mains derrière le dos. L’AI l’a alors escorté vers le sud jusqu’au trottoir. L’AT no 1 tenait l’avant-bras gauche du plaignant, et le TC no 2 était agrippé au biceps des deux mains. L’AI tenait la chemise du plaignant et son poignet droit, et il lui a ordonné de s’asseoir sur un banc en béton.

L’AI a annoncé à la radio qu’il avait une personne sous garde, et que cette personne avait essayé de le renverser. Le centre de répartition a demandé à la radio : [Traduction] « Je veux juste m’assurer qu’il n’y a pas de blessés. » Le plaignant a alors crié : [Traduction] « Oui! Oui! Monsieur l’agent, mes côtes! » L’AI a dit à la radio : [Traduction] « Non. Tout va bien. » Le plaignant a appelé sa femme en criant et a dit : [Traduction] « Mes côtes, mes côtes. » L’AI a avisé le plaignant qu’il était en état d’arrestation pour agression armée et lui a lu ses droits à un avocat. Le plaignant continuait à répéter : « Mes côtes. » L’AI a aussi indiqué au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour avoir résisté à son arrestation. Le plaignant hurlait : [Traduction] « Mes côtes, vous m’avez cassé les côtes. Vous m’avez cassé les côtes. »

Vers 15 h 22, le TC no 1 s’est dirigé à pied vers l’AI et lui a dit : [Traduction] « Il vous a foncé dessus. C’est enregistré. Prenez bien ça en note. » L’AI s’est tourné vers le sud. Deux agents en uniforme, soit les AT nos 3 et 2, étaient arrivés et se tenaient à la droite du plaignant. L’AI a ordonné à la femme du plaignant de stationner sa voiture juste au sud de la rue King Ouest, sur la rue Bay, derrière une voiture du Service de police de Toronto pleinement identifiée, et l’AI ainsi que l’AT no 1 ont escorté le plaignant jusqu’à la voiture de police. Celui-ci a été placé sur la banquette arrière de la voiture de police. Une ambulance s’est ensuite stationnée devant la voiture de police, et le plaignant a été amené jusqu’à l’ambulance, avec l’aide des ambulanciers.

Enregistrement vidéo de la caméra avant du tramway de la CTT

Autour de 15 h 28 le 24 juin 2024, un véhicule Lexus de couleur argentée est entré dans le champ de la caméra devant le tramway. Le véhicule roulait vite et a fait demi-tour pour se diriger vers l’est sur la rue King Ouest du côté ouest de l’intersection avec la rue Bay. La Lexus s’est arrêtée dans le passage pour piétons.Au loin, on apercevait à l’intersection une personne [maintenant identifiée comme le TC no 2] qui portait un vêtement jaune fluorescent sur le haut du corps. Un agent portait un casque de vélo. Il s’agissait de l’AI, entré dans le champ de la caméra à partir de la gauche, du même côté que la Lexus était entrée dans le champ. L’AI s’est penché pour ramasser quelque chose [sa montre, comme on le sait maintenant].

À 15 h 28 min 43 s, l’AI s’est dirigé rapidement à pied vers le côté conducteur de la Lexus et a tenté, mais sans succès, d’ouvrir la portière du conducteur. Il a ensuite entré sa main gauche à l’intérieur du véhicule et a tiré sur quelque chose. L’AI luttait avec la personne sur le siège du conducteur de la Lexus, c’est-à-dire le plaignant.

À 15 h 28 min 56 s, un agent à vélo, soit l’AT no 1, est arrivé sur les lieux sur son vélo en roulant vers l’est sur la rue King Ouest. Il est descendu du vélo et s’est approché de l’AI pour lui prêter main-forte. L’AI a continué de lutter avec le plaignant, qui était à l’intérieur de la Lexus. L’AT no 1 se tenait à gauche de l’AI, et le TC no 2 se trouvait à la gauche du champ de la caméra.

À 15 h 29 min 16 s, l’AI a réussi à ouvrir la portière du conducteur. Il a attrapé le plaignant et a essayé de le sortir, mais en a été incapable. L’AI a donné un coup de poing avec sa main gauche à l’intérieur de la Lexus, puis il s’est penché et a semblé tirer sur quelque chose à la hauteur du plancher de la Lexus. L’AT no 1 s’est penché vers l’intérieur de la Lexus, et les deux agents ont continué à lutter pour extraire le plaignant de la voiture.

À 15 h 30 min 2 s, l’AT no 1 a semblé prendre la lutte avec le plaignant en charge, tandis que l’AI cherchait quelque chose à sa ceinture avec sa main gauche [un pulvérisateur de gaz poivré, comme on le sait maintenant]. L’AI a pris le pulvérisateur dans sa main gauche et l’a pointé vers le conducteur.

À 15 h 30 min 11 s, le plaignant a commencé à sortir de son véhicule Lexus. Il a été tiré à l’extérieur et l’AI tenait la main droite du plaignant avec sa main droite et l’arrière du cou du plaignant avec sa main gauche.

À 15 h 30 min 25 s, le plaignant continuait à lutter avec les agents, qui tentaient de lui passer les menottes les mains derrière le dos. Au même moment, une femme, soit la femme du plaignant, est sortie par la portière avant du côté passager de la Lexus. Le TC no 2 se tenait près du dos des agents.

À 15 h 30 min 30 s, le TC no 2 s’est approché du dos du plaignant entre les deux agents et les a aidés à maîtriser le plaignant. La femme du plaignant se tenait à l’arrière de la Lexus et observait la scène. Le plaignant a dérobé son bras droit tenu par l’AI, qui lui a alors assené un coup de poing du côté droit. Une paire de lunettes de soleil est tombée par terre. La femme du plaignant était tout près de l’endroit où se déroulait la lutte, à l’arrière de la Lexus. Le plaignant a été appuyé sur le coffre arrière. Il continuait à lutter, et l’AT no 1 s’est rapproché de l’AI. Ce dernier a donné un autre coup avec sa main droite, du côté droit du corps du plaignant.

À 15 h 31, le plaignant était menotté. L’AI a escorté le plaignant et ils sont sortis du champ de la caméra par le côté droit, du côté sud de la rue King.

Enregistrement audio des communications du Service de police de Toronto

À 15 h 6 le 17 juin 2024, l’AI a avisé le centre de répartition qu’il procédait à l’interception d’un véhicule à l’intersection entre la rue King Ouest et la rue Bay.

À 15 h 20, l’AI a signalé qu’il avait un homme sous garde. Celui-ci avait tenté de le heurter avec son véhicule. L’AT no 1 a indiqué qu’il était sur les lieux, que l’homme était menotté et que personne n’était blessé.

À 15 h 48, l’AT no 3 a annoncé que le plaignant était conduit à l’Hôpital St. Michael en ambulance.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Toronto entre le 17 juin 2024 et le 16 août 2024 :

  • la politique relative aux arrestations;
  • la politique relative aux interventions en cas d’incident;
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention;
  • l’enregistrement de caméra interne de véhicule
  • la vidéo de la salle d’enregistrement;
  • l’enregistrement des communications;
  • la liste des témoins civils;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le rapport d’incident général;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 3;
  • le registre de formation sur le recours à la force pour l’AI.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents suivants d’autres sources entre le 20 juin 2024 et le 20 juillet 2024 :

  • le rapport d’appel d’ambulance des services ambulanciers de Toronto;
  • l’enregistrement vidéo du tramway de la CTT.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant, un agent témoin et les témoins civils, ainsi que les enregistrements vidéo ayant capté des images de la majeure partie de l’incident. L’AI a refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Dans l’après-midi du 17 juin 2024, le plaignant, qui conduisait un véhicule Lexus et roulait vers le sud sur la rue Bay, a attiré l’attention de l’AI. À l’intersection avec la rue King Ouest, le plaignant avait indiqué son intention de tourner à droite. Or, les virages à droite étaient interdits à cet endroit. De plus, en approchant du plaignant pour lui parler, l’agent a constaté que le plaignant parlait à son téléphone cellulaire, ce qui constituait une autre infraction au Code de la route.

L’AI a ordonné au plaignant de tourner à droite et d’immobiliser son véhicule sur la voie longeant la bordure de rue nord de la rue King Ouest, juste à l’ouest de la rue Bay.Le plaignant s’est exécuté.L’AI a alors demandé au plaignant des documents, et celui-ci a mis du temps à lui fournir. Le ton de la conversation a dégénéré, chacun ayant l’impression que l’autre lui manquait de respect. Le plaignant a traité l’AI de raciste.L’agent a été offensé par ce commentaire et il a menacé le plaignant de lui donner des contraventions supplémentaires en raison de son attitude. Après avoir remis au plaignant ses contraventions, l’AI lui a ordonné de faire demi-tour sur la rue King Ouest.

En colère, le plaignant a accéléré en faisant demi-tour et, du coup, est venu très près de renverser l’AI. L’agent a alors crié au plaignant de s’arrêter, et celui-ci a immobilisé son véhicule le long de la bordure de rue sud des voies en direction est de la rue King Ouest, juste à l’ouest de la rue Bay. L’AI s’est approché de la portière du conducteur, lui a dit qu’il était en état d’arrestation et lui a ordonné de sortir du véhicule. Le plaignant a refusé d’obtempérer et a demandé ce qu’il avait fait.

Il s’est ensuivi une lutte à la portière du véhicule durant laquelle l’AI et l’AT no 1, arrivé sur les lieux à vélo, ont tenté de sortir le plaignant de force, tandis que celui-ci résistait. Les agents ont fini par réussir à ouvrir la portière du conducteur, et le plaignant est sorti quand l’AI l’a menacé de se servir de son pulvérisateur de gaz poivré. Une fois dehors, le plaignant a été amené à l’arrière du véhicule. Il a lutté avec les agents qui tentaient de lui passer les menottes les mains derrière le dos. Le TC no 2 est intervenu pour prêter assistance aux agents. L’AI a donné un coup de poing au plaignant à deux reprises du côté droit des côtes, après quoi le plaignant a été menotté.

Le plaignant a été emmené au poste, puis à l’hôpital, où trois fractures des côtes droites ont été diagnostiquées.

Dispositions législatives pertinentes

Le paragraphe 25(1) du Code criminel : Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé durant son arrestation par des agents du Service de police de Toronto le 17 juin 2024. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant l’AI comme agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

J’ai la conviction que l’AI était légalement fondé à tenter d’arrêter le plaignant après qu’il a fait demi-tour sur la rue King Ouest. Que le plaignant ait ou non eu vraiment l’intention de renverser l’agent, il reste que c’est ce que l’AI a perçu. C’est aussi l’interprétation de deux témoins civils ayant assisté à la scène. Dans les circonstances, l’arrestation du plaignant pour agression armée et conduite dangereuse était légitime.

Je considère également que la force employée par l’AI pour procéder à l’arrestation du plaignant était légalement motivée. Le plaignant a lutté avec l’AI et l’AT no 1, qui tentaient de le sortir de son véhicule, même après avoir reçu de l’AI un coup de poing à l’abdomen. Ce n’est que lorsque l’AI a menacé de pulvériser du gaz poivré que le plaignant est sorti de son véhicule. Même une fois dehors, il a continué de résister aux tentatives des agents de lui menotter les mains derrière le dos. Le plaignant avait opposé une résistance phénoménale jusque-là et les agents étaient donc en droit d’utiliser encore plus de force pour vaincre sa résistance, d’autant plus que les événements se déroulaient sur une route où des véhicules circulaient. Deux coups de poing au tronc ne semblent donc pas disproportionnés comme niveau de force, au vu du dossier.

Par conséquent, bien que je reconnaisse que les blessures du plaignant ont été causées par les coups de poing de l’AI, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : Le 11 octobre 2024

Approuvé par voie électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.