Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-PCI-208
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 19 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 16 mai 2024, à 13 h 21 (HAE), la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.
D’après les renseignements fournis par la Police provinciale, le 15 mai 2024, à 18 h 10[2], l’agent impliqué (AI) effectuait une patrouille près du Centennial Park, à Sioux Lookout, lorsqu’il a aperçu deux hommes, dont le plaignant, qui s’apprêtaient à se battre. L’AI est sorti de son véhicule de police et a abordé les hommes. Le plaignant a fourni une fausse identité à la police. À 18 h 15, l’AI a informé le plaignant qu’il était détenu pour entrave et le plaignant a pris la fuite. Lorsque le plaignant a atteint le stationnement du 44, rue Front, sa course a été freinée par une clôture. L’AI l’a rattrapé et l’a amené au sol. L’AI a maintenu le plaignant au sol jusqu’à ce que d’autres agents arrivent pour lui prêter main-forte. Le plaignant a été transporté au poste du détachement, puis au Centre de santé Meno Ya Win, où on lui a diagnostiqué une fracture du coude droit.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 17 mai 2024 à 14 h 22 (HAE)
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 17 mai 2024 à 16 h 5 (HAE)
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 19 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Le plaignant a participé à une entrevue le 22 mai 2024.
Témoins civils
TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
Les témoins civils ont participé à des entrevues le 23 mai 2024.
Agent impliqué (AI)
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
Agent témoin
AT A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
L’agent témoin a participé à une entrevue le 10 juin 2024.
Témoin employé du service (TES)
TES A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
Le témoin employé du service a participé à une entrevue le 30 mai 2024.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question ont débuté dans le Centennial Park, à Sioux Lookout; se sont poursuivis en direction nord-est, en direction de la rue Front; et se sont terminés sur la rue Front, à proximité du 44, rue Front, à Sioux Lookout.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[3]
Images vidéo — Municipalité de Sioux Lookout
Vers 18 h 12 s, le 15 mai 2024, on voit le plaignant et le TC no 2 en train de se battre dans le Centennial Park.
Vers 18 h 1 min 25 s, ils cessent de se battre et le plaignant s’éloigne.
Vers 18 h 1 min 55 s, l’AI et le TES arrivent sur les lieux. Le TES marche en direction du plaignant tandis que l’AI s’approche du TC no 2.
Vers 18 h 2 min 17 s, l’AI s’approche du TES et du plaignant.
Vers 18 h 3 min 10 s, le plaignant court jusque dans la rue Front, passe derrière des barrières de construction et traverse la route. L’AI le poursuit. Lorsqu’ils sortent du champ de la caméra, l’AI se trouve à une certaine distance de lui.
Enregistrements des communications
Le 15 mai 2024, vers 19 h 12 min 55 s (HAE), l’AI informe le Centre de communication de la Police provinciale qu’il a arrêté le plaignant et se trouve au 44, rue Front. Le plaignant s’était enfui de la police. En arrière-plan, on l’entend dire : [Traduction] « Vous m’avez cassé le poignet ».
L’AT est sur les lieux. Il semble que le plaignant a pris la fuite à pied après avoir donné un faux nom.
L’AT va l’emmener au poste du détachement. Le plaignant se plaint qu’il a mal au poignet.
L’AT a emmené le plaignant à l’hôpital, car son poignet était enflé.
Documents obtenus auprès du service de police
L’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale entre le 17 mai 2024 et le 8 juillet 2024 :
- Noms et rôles des agents de police qui sont intervenus
- Liste des témoins civils
- Rapport d’incident général
- Rapport d’arrestation
- Résumé du dossier de la Couronne
- Enregistrements des communications
- Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
- Notes du carnet de service de l’AT et du TES
- Qualifications relatives à l’usage de la force — l’AI
- Enregistrements vidéo
- Politique — arrestation et détention
- Politique — usage de la force
Éléments obtenus auprès d’autres sources
Le 27 mai 2024, l’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant auprès du Centre de santé Meno Ya Win.
Description de l’incident
La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant, des agents témoins et des témoins civils, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la communication de ses notes à l’UES.
Dans la soirée du 15 mai 2024, l’AI patrouillait dans son véhicule de police en compagnie du TES lorsqu’ils ont aperçu deux hommes qui se battaient dans le Centennial Park, à Sioux Lookout. Les agents se sont approchés pour enquêter sur ce qui se passait. Lorsque l’un des agents lui a demandé son nom, le plaignant a donné un faux nom et a été informé qu’ils allaient le détenir pour entrave à la justice. Alors que l’AI s’apprêtait à passer les menottes au plaignant, celui-ci a pris la fuite en direction nord-est, vers la rue Front.
Il n’a pas réussi à aller très loin. Il a trébuché et l’agent l’a amené au sol près du 44, rue Front. Après une brève lutte, l’AI a menotté le plaignant derrière le dos.
Le plaignant a été examiné à l’hôpital après son arrestation et on lui a diagnostiqué une fracture du coude droit.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Analyse et décision du directeur
Le 15 mai 2024, le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par un agent de la Police provinciale, ou peu avant ou après son arrestation. L’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête dans laquelle l’AI a été désigné comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation du plaignant et la blessure que ce dernier a subie.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
L’AI exerçait ses fonctions de façon légitime durant la série d’événements qui se sont soldés par l’arrestation du plaignant. Après être tombé sur deux hommes qui se battaient, l’agent était en droit d’intervenir pour préserver la paix et enquêter sur d’éventuelles infractions criminelles. Par la suite, lorsque le plaignant a fourni un faux nom, l’AI était fondé à le détenir pour enquêter sur une éventuelle entrave à la justice. Enfin, lorsque le plaignant a pris la fuite pour échapper à sa détention légitime, l’agent avait les motifs nécessaires pour tenter encore une fois de le détenir.
En ce qui concerne la force utilisée par l’agent, les éléments de preuve indiquent que l’AI a rattrapé le plaignant, l’a amené au sol, a mis son pied sur sa main gauche alors que le plaignant tentait de se relever, puis a amené les bras du plaignant derrière son dos, causant la fracture au coude droit du plaignant. Les tactiques utilisées par l’agent me semblent proportionnelles aux exigences du moment. Outre le recours à des armes moins létales, la mise au sol me semble être une tactique raisonnable pour empêcher le plaignant de s’enfuir. Le maintien de la main du plaignant au sol me semble également une tactique raisonnable puisque le plaignant tentait d’utiliser sa main gauche pour se relever[4]. En ce qui concerne la fracture du coude, je ne peux raisonnablement conclure qu’elle est le résultat d’une force excessive. À mon sens, il est plus probable, à la lumière des témoignages sur la résistance du plaignant, que la blessure soit le malheureux résultat de l’application de forces contraires au cours d’une situation dynamique.
Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire.
Date : 13 septembre 2024
Approuvé électroniquement par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
- 2) À moins d’indication contraire, toutes les heures indiquées dans le rapport se fondent sur l’heure avancée du Centre. [Retour au texte]
- 3) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
- 4) À supposer que l’agent ait réellement maintenu la main du plaignant avec son pied, cela ne semble pas avoir été effectué avec une grande force puisque le plaignant n’a subi aucune blessure à la main. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.