Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TCI-198

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la Loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’a subie un homme de 63 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 8 mai 2024, à 1 h 24, le service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES que le plaignant avait subi une blessure.

Selon le SPT, le 7 mai 2024, à 19 h, le SPT a donné suite à un appel de service concernant une « personne en crise » [on a appris par la suite qu’il s’agissait du plaignant] dans une maison située dans le secteur de la rue Jane et de l’avenue St. Clair Ouest. La femme du plaignant, dont il était séparé, avait appelé le SPT pour qu’il vérifie l’état de santé de son mari. Elle l’avait quitté la veille, mettant fin au mariage, et il avait menacé de se suicider. Les agents du SPT se sont rendus sur les lieux et, après deux heures de négociations, des agents du groupe d’intervention d’urgence ont forcé la porte de la résidence et trouvé le plaignant. Il s’était tranché la gorge avec un couteau et saignait abondamment. Les services médicaux d’urgence (SMU) ont transporté le plaignant au Centre Sunnybrook des sciences de la santé, où il a subi une intervention chirurgicale pour arrêter le saignement d’une veine jugulaire sectionnée.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 8 mai 2024 à 2 h 19

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 8 mai 2024 à 3 h 28

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 63 ans, a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 22 mai 2024.

Témoins civils

TC n° 1 A participé à une entrevue

TC n° 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 8 mai 2024.

Agents témoins

AT n° 1 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT n° 2 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT n° 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT n° 4 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT n° 5 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 21 et le 25 juillet 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une maison située dans le secteur de la rue Jane et de l’avenue St. Clair Ouest, à Toronto, et à proximité.

Éléments de preuve matériels

La maison était une habitation unifamiliale. On a trouvé un couteau dans une chambre à coucher de la maison. Il mesurait 19,5 cm de long avec une lame de 8,5 cm et était légèrement taché de sang rouge.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Vidéos de la caméra d’intervention de la police

Le 7 mai 2024, vers 20 h 23, on voit des agents du groupe d’intervention d’urgence (GIU) devant une résidence. Ils pointent leurs armes à feu en direction de la porte d’entrée.

Vers 20 h 30, un agent du GIU monte les escaliers de la maison et tente en vain de communiquer avec le plaignant. Les agents du GIU tentent alors d’entrer dans la résidence tout en essayant de communiquer avec le plaignant, mais il ne répond pas.

Vers 20 h 31, les agents du GIU parviennent à forcer la porte d’entrée de la maison à l’aide d’un bélier. Une fois dans la maison, ils commencent à appeler le plaignant, car ils se disent inquiets pour sa sécurité. Ils introduisent un drone à l’intérieur de la maison. L’AT n° 3 surveille les mouvements du drone depuis l’extérieur de la maison.

Vers 20 h 41, les agents du GIU établissent un contact verbal avec le plaignant. Ce dernier dit à l’AT n° 3 de dire à cet [Traduction] « enculé » d’arrêter de crier, faisant référence à un agent de police qui lui criait dessus en arrière-plan. L’AT n° 3 demande alors ce qui se passe. Le plaignant répond qu’il saigne du cou, puis avoue qu’il regrette de ne pas avoir accompli son geste correctement. Il indique qu’il s’est coupé la gorge, mais qu’il va bien. L’AT n° 3 lui demande où se trouve le couteau. Le plaignant répond qu’il ne sait pas, mais qu’il n’est pas près de lui. L’AT n° 3 lui demande alors de s’allonger et explique que les secours arrivent. Il s’approche du haut de l’escalier et répète que les secours approchent. Il demande à voir les mains du plaignant. L’agent signale ensuite qu’il a le couteau en main et qu’il y a beaucoup de sang.

Vers 20 h 45, l’AT n° 3 indique qu’il essaie d’aider le plaignant. Ce dernier explique qu’il voulait mourir. L’agent lui répond que rien de tel ne se passera aujourd’hui.

Les agents du GIU prodiguent les premiers soins pour arrêter l’hémorragie.

Vers 20 h 47, les services médicaux d’urgence (SMU) arrivent sur les lieux. Les agents du GIU continuent d’exercer une pression sur la blessure au cou.

Vers 20 h 49, les ambulanciers paramédicaux et les agents du GIU sortent le plaignant de la maison et le transportent sur une civière à l’extérieur de la résidence.

Enregistrements des communications

Le 7 mai 2024, à 18 h 54 min 48 s, la TC n° 2 appelle la police pour lui expliquer qu’elle communiquait avec un ami suicidaire [on apprend plus tard qu’il s’agit du plaignant] sur Facebook Messenger.

À 19 h et 44 s, un opérateur envoie des agents de police à un domicile situé dans le secteur de la rue Jane et de l’avenue St. Clair Ouest, car [Traduction] « une personne menace de se suicider ».

À 19 h 01 min 33 s, une opératrice indique qu’elle demande aux SMU de se rendre sur les lieux.

À 19 h 22 min 3 s, un agent indique qu’il tente de communiquer verbalement avec le plaignant, mais que ce dernier a fermé les portes à clé.

À 19 h 37 min 34 s, un agent indique que l’on a tenté de contacter le plaignant, sans succès. Le GIU devrait être avisé de la situation.

À 20 h 13 min 18 s, un agent précise que le plaignant ne sort pas.

À 20 h 13 min 29 s, les agents du GIU affirment qu’ils vont forcer le passage.

À 20 h 47 min 12 s, un agent signale un transfert d’urgence à l’hôpital.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et les documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPT entre le 8 mai et le 18 juillet 2024 :

  • Rapport de la répartition assistée par ordinateur
  • Enregistrements des communications
  • Vidéo de la caméra d’intervention
  • Liste des agents impliqués
  • Rapport général d’incident
  • Notes de l’AT n° 1
  • Notes de l’AT n° 2
  • Notes de l’AT n° 4
  • Notes de l’AT n° 3
  • Notes de l’AT n° 5
  • Politique sur le recours à la force
  • Politique concernant les personnes en crise
  • Politique en matière d’arrestation

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, notamment une entrevue avec le plaignant et une vidéo d’une partie de l’incident.

Dans la soirée du 7 mai 2024, des agents du SPT ont été dépêchés dans une maison située dans le secteur de la rue Jane et de l’avenue St. Clair Ouest. La TC n° 2 avait en effet contacté la police pour signaler que le plaignant envisageait de se faire du mal.

Des agents en uniforme sont arrivés à l’adresse après 19 h. Ils ont tenté de communiquer avec le plaignant depuis l’extérieur de la résidence, mais sans grand succès. Des agents du GIU et les SMU ont été appelés à se rendre sur les lieux, les premiers arrivant vers 20 h 15.

Les agents du GIU ont appelé le plaignant depuis l’extérieur de la résidence, sans obtenir de réponse. Ils ont ensuite appris que le plaignant possédait un couteau. De plus en plus inquiets pour le bien-être du plaignant, les agents du GIU ont alors décidé de forcer la porte d’entrée et d’entrer dans la maison. Cette opération a été effectuée peu après 20 h 30. Un drone a ensuite été introduit à l’intérieur de la maison pour chercher le plaignant.

Vers 20 h 40, l’AT n° 3 a pris contact avec le plaignant, qui a indiqué qu’il s’était fait une entaille dans le cou et qu’il saignait. Les agents ont pu rejoindre le plaignant dans sa chambre à coucher quelques minutes plus tard et ont commencé à lui prodiguer les premiers soins.

Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux vers 20 h 47 et ont pris en charge les soins du plaignant.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221 du Code criminel - Négligence criminelle qui cause des lésions corporelles

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :


a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;


b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 7 mai 2024, le plaignant s’est lui-même infligé un coup de couteau au cou à son domicile. Comme des agents du SPT se trouvaient à proximité de la résidence et tentaient de communiquer avec le plaignant à ce moment-là, l’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents du SPT ont commis une infraction criminelle en lien avec la blessure du plaignant.

L’infraction à examiner est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention avec l’article 221 du Code criminel. L’infraction est réservée aux cas graves de négligence qui démontrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. L’article est fondé, en partie, sur un comportement qui constitue un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Dans le cas présent, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence de la part des agents du SPT, suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale, qui a causé ou contribué à la blessure du plaignant. À mon avis, il n’y en a pas eu.

Les agents du SPT, notamment l’AT n° 3 et l’équipe du GIU déployée, étaient en position légitime et dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils sont intervenus auprès du plaignant. Ayant appris que le plaignant comptait se faire du mal, les agents devaient se rendre sur les lieux pour faire tout leur possible afin de l’en empêcher.

Quant à la manière dont l’opération de police s’est déroulée sur les lieux, je suis convaincu que les agents se sont comportés avec toute l’attention et tout le respect nécessaires pour la santé et le bien-être du plaignant. Les agents du GIU ont rapidement constaté qu’il fallait forcer l’entrée, puisque les efforts déployés pour communiquer avec le plaignant depuis l’extérieur s’étaient avérés vains. Une fois à l’intérieur de la maison, les agents du GIU se sont empressés de trouver le plaignant et de lui prodiguer des soins d’urgence.

Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 5 septembre 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux dont disposait l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement la constatation des faits de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements importants des éléments sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.