Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TCI-147
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un homme de 40 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 2 avril 2024, à 1 h 16, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.
Selon le SPT, le 1er avril 2024, à 21 h, l’AI et l’AT se sont rendus à une résidence située dans le secteur de l’avenue Bayview et du chemin York Mills pour arrêter le plaignant dans le cadre de la révocation d’une caution. Le plaignant a résisté à son arrestation et a été porté au sol par les agents de police, après quoi il s’est plaint d’une douleur à l’épaule. Il a été transporté à l’Hôpital général de North York, où l’on a constaté qu’il avait une fracture de l’omoplate gauche.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2024/04/02, à 1 h 54
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2024/04/02, à 8 h 30
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 40 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.
Le plaignant a participé à une entrevue le 4 avril 2024.
Agent impliqué (AI)
AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
L’agent impliqué a participé à une entrevue le 2 juillet 2024.
Agent témoin (AT)
AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
L’agent témoin a participé à une entrevue le 21 avril 2024.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés dans l’entrée de cour d’une maison située dans le secteur de l’avenue Bayview et du chemin York Mills, à Toronto.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]
Enregistrements de la caméra d’intervention
Le 1er avril 2024, à 21 h 29 min 19 s, on voit sur les enregistrements vidéo des agents de police en uniforme dans l’entrée de cour d’une maison.
À 21 h 29 min 34 s, un agent de police – l’AI – se trouve devant le garage, dans l’entrée de cour, à proximité d’un véhicule.
À 21 h 29 min 51 s, un agent de police – l’AT – sonne à la porte d’entrée de la maison. Un homme – le témoin no 1 – ouvre la porte. Il dit à l’AT que le plaignant se trouve dans le garage.
À 21 h 30 min 50 s, l’AT demande au témoin no 1 si le plaignant peut sortir et venir parler aux agents de police. Le témoin no 1 indique que le plaignant est malade et qu’il a marché jusqu’au garage parce qu’il n’avait nulle part où aller.
À 21 h 31 min 12 s, le plaignant ouvre la porte du garage.
À 21 h 31 min 14 s, le témoin no 1 ouvre la porte d’entrée latérale du garage.
À 21 h 31 min 15 s environ, on voit le plaignant sortir du garage avec une bicyclette. L’AI informe le plaignant qu’il est en état d’arrestation et lui demande de se coucher au sol. L’AI porte le plaignant au sol, dans l’entrée de cour. L’AI demande au plaignant de se mettre par terre et d’arrêter de bouger. Le plaignant répond qu’il ne bouge pas. L’AI dit au plaignant d’arrêter de se débattre et ajoute : « Vous n’avez pas à fuir ». L’AT dit au plaignant de se calmer.
À 21 h 32 min 6 s, un agent de police menotte le plaignant, les mains derrière le dos, alors que celui-ci est au sol.
À 21 h 32 min 12 s, un agent de police informe le plaignant de ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et lui transmet une mise en garde.
À 21 h 32 min 20 s, un agent de police dit au plaignant : « Il est temps de se calmer, d’accord? »
À 21 h 33 min 4 s, les agents de police remettent le plaignant sur ses pieds. Celui-ci dit : « Pas trop à gauche. Ne mettez pas trop de poids sur moi ».
À 21 h 33 min 19 s, un agent de police dit par radio : « Nous avons une personne sous garde. »
À 21 h 33 min 31 s, un agent de police demande au plaignant s’il a une pièce d’identité sur lui. Ce dernier fait savoir qu’il en a une dans la poche de sa veste, à la hauteur de sa poitrine.
À 21 h 34 min 37 s, un agent de police demande au plaignant s’il est blessé. Le plaignant répond qu’il a mal à l’épaule.
À 21 h 34 min 55 s, de nouveau, on informe le plaignant de ses droits et on lui transmet une mise en garde.
À 21 h 35 min 26 s, le plaignant semble avoir mal à l’épaule gauche.
À 21 h 37 min 55 s, le plaignant demande qu’on appelle une ambulance.
À 21 h 40 min 34 s, le plaignant est placé sur le siège arrière du véhicule de police.
À 12 h 14 min 22 s, le 2 avril 2024, on voit le plaignant avec une écharpe dans le stationnement d’un hôpital [on sait maintenant qu’il s’agit de l’Hôpital général de North York]. On lui a retiré les menottes.
Enregistrements des communications de la police
À 21 h 10 min 34 s, le 1er avril 2024, le répartiteur informe un agent de police qu’il doit se rendre à une résidence située dans le secteur de l’avenue Bayview et du chemin York Mills pour y trouver une « personne recherchée ». Un agent de la 14e Division a demandé que des agents de police se rendent à cet endroit et confirment que le plaignant y réside.
À 21 h 11 min 12 s, le répartiteur informe les agents de police que le plaignant est recherché et qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrestation produit par la 22e Division; le plaignant n’a pas respecté les conditions de sa libération.
À 21 h 12, le répartiteur donne des détails au sujet des conditions de mise en liberté du plaignant, notamment qu’il devait rester à son domicile en permanence et qu’il ne pouvait pas se rendre à certains endroits en particulier.
À 21 h 33 min 18 s, un agent de police fait savoir par radio qu’une personne est sous garde.
À 21 h 44 13 s, on appelle les services médicaux d’urgence (SMU).
À 22 h 5 min 30 s, les SMU se dirigent vers l’Hôpital général de North York avec le plaignant à bord.
Documents obtenus du service de police
Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPT entre le 27 mars 2024 et le 3 juillet 2024 :
- rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
- enregistrements des communications;
- rapport d’incident général;
- enregistrement de la caméra d’intervention;
- notes de l’AI;
- notes de l’AT;
- politique – arrestations;
- politique – intervention en cas d’incident.
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu les dossiers suivants auprès d’une autre source le 17 avril 2024 :
- dossiers médicaux du plaignant provenant de l’Hôpital général de North York.
Description de l’incident
Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec le plaignant et l’AI ainsi que les enregistrements vidéo sur lesquels on voit certaines parties de l’incident, permettent d’établir le scénario suivant.
Dans la soirée du 1er avril 2024, l’AI, accompagné de l’AT, s’est rendu à une résidence située dans le secteur de l’avenue Bayview et du chemin York Mills, à Toronto. Les agents se sont rendus sur les lieux afin d’arrêter le plaignant sur la base de mandats d’arrestation non exécutés, dont un qui se rapportait à la révocation d’une caution. Le témoin no 1 a ouvert la porte et a informé l’AT que le plaignant se trouvait dans le garage.
Le plaignant, qui se trouvait dans le garage, à l’avant de la maison, était conscient de la présence des agents et de son arrestation imminente. Ayant décidé de s’enfuir, il a actionné l’ouvre?porte du garage, a saisi un vélo et a tenté de sortir du garage avant que la porte ne soit complètement ouverte. Le plaignant était en position accroupie, avec le vélo, et venait de franchir le seuil de la porte lorsqu’un agent l’a porté au sol.
L’AI avait vu le plaignant sortir du garage et l’a poussé au sol, sur le ventre. L’agent de police a utilisé le poids de son corps pour maintenir le plaignant au sol pendant qu’il se débattait. L’AT est ensuite venu aider son partenaire. En quelques instants, le plaignant a été menotté, les mains derrière le dos.
Après son arrestation, le plaignant s’est plaint d’une douleur. On a appelé une ambulance pour transporter le plaignant à l’hôpital. L’imagerie médicale n’a pas été concluante – le plaignant avait peut-être subi une fracture de l’omoplate gauche à une date indéterminée.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Analyse et décision du directeur
Le 1er avril 2024, on a établi que le plaignant avait peut-être subi une blessure grave lors de son arrestation par des agents du SPT. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, désignant l’AI à titre d’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation du plaignant.
Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
L’AI et l’AT étaient en droit procéder à l’arrestation du plaignant sur la base des mandats d’arrestation en vigueur à ce moment-là.
Je suis convaincu que la force utilisée par l’AI pour procéder à l’arrestation du plaignant était raisonnable. Il était justifié que l’agent tente de contrecarrer la tentative de fuite du plaignant en portant celui-ci au sol. Une fois le plaignant au sol, l’agent et son partenaire pouvaient s’attendre à pouvoir mieux gérer toute résistance persistante de sa part; le plaignant a d’ailleurs continué de résister. L’enregistrement vidéo montre que la force employée pour porter le plaignant au sol n’était pas excessive. De plus, les agents n’ont donné aucun coup au plaignant.
Par conséquent, que l’omoplate gauche du plaignant ait ou non été fracturée lors de son arrestation, je ne peux conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que cette blessure est imputable à une conduite contraire à la loi de la part de l’AI. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.
Date : 29 juillet 2024
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
- 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.