Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-131

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par un homme de 23 ans (le plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 23 mars 2024, à 10 h 57, le Service de police de Woodstock (SPW) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 22 mars 2024, des agents du SPW ont été dépêchés dans une résidence du secteur de la rue Dundas et de l’avenue Vansittart, à Woodstock, où l’on avait signalé que des personnes se frappaient avec des bâtons de baseball. À leur arrivée, les agents du SPW sont tombés sur le plaignant, lequel avait les facultés très affaiblies. Les agents l’ont amené au sol, puis l’ont arrêté. Après s’être plaint d’avoir mal au nez, il a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture de l’os nasal.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 mars 2024 à 7 h 01

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 mars 2024 à 8 h 37

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 23 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

La plaignante a participé à une entrevue le 26 mars 2024.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 26 mars 2024 et le 9 avril 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 9 avril 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus à l’extérieur d’une résidence située dans le secteur de la rue Dundas et de l’avenue Vansittart, à Woodstock.

Éléments de preuve matériels

Les lieux de l’incident n’ont pas été préservés pour les enquêteurs de l’UES, mais le SPW les a photographiés avant de quitter les lieux, bien avant que l’UES soit informée de l’incident.

Le 27 mars 2024, à 14 h, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au poste du SPW. Il a examiné les matraques de l’AI et de l’AT no 1 à l’aide d’une lumière médico-légale à spectre complet dans une salle d’examen des éléments de preuve. Aucun fluide corporel n’a été retrouvé sur les matraques. Les matraques ont été photographiées, puis rendues au SPW.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrement vidéo — résidence à Kitchener

Le 22 mars 2024, vers 18 h 11 min 42 s, le plaignant se trouvait dans une résidence de Kitchener avec deux autres personnes non identifiées. Le plaignant a commencé à se disputer avec l’un des individus et ils en sont venus aux poings. Un homme [le TC no 2] est arrivé. Le plaignant a été poussé au sol et est tombé à genou. L’individu avec lequel il se battait lui a assené un coup de poing vers le haut et l’a atteint au visage. Le plaignant s’est pris la tête à deux mains et s’est penché par devant. L’individu avec lequel le plaignant se battait est sorti de la pièce. Le plaignant s’est palpé le visage à plusieurs reprises. Il avait du sang sur sa main après s’être touché le visage. Lorsqu’il s’est relevé, il avait du sang sur le visage. Le sang semblait provenir de son nez. Le plaignant semblait chancelant.

Enregistrement des communications de la police

À cinq minutes et 50 secondes de l’enregistrement audio, une femme téléphone au 911 pour signaler que le plaignant a agressé un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du TC no 3] et le témoin no 1. Le plaignant a tenté de défoncer la porte de l’appelante et d’entrer chez elle de force. Il a brisé la fenêtre de l’appelante alors qu’elle était au téléphone avec le répartiteur. L’appelante n’avait pas été témoin des agressions contre le TC no 3 et le témoin no 1. Elle a mis fin à l’appel avec le répartiteur lorsque les agents de police sont arrivés chez elle.

Photos des lieux et des blessures prises par le SPW

Le 15 avril 2024, l’UES a reçu les photos prises par le SPW. Les photos montrent l’extérieur de la résidence, les blessures subies par le témoin no 1 et les blessures subies par le plaignant.

Le plaignant avait les yeux gonflés, des contusions autour des yeux, une petite lacération sur l’arête du nez et du sang séché autour de la narine gauche et sur le bout du nez. Il affichait également d’autres éraflures mineures au visage et aux articulations de la main gauche.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments et documents suivants auprès du SPW entre le 5 avril 2024 et le 9 avril 2024 :

  • Enregistrements de communications
  • Rapport d’incident général
  • Politique – usage de la force
  • Rapport d’arrestation
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Notes de l’AT 2
  • Notes de l’AT 1
  • Notes de l’AI
  • Déclarations audio
  • Photos des lieux et des blessures

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 26 mars 2024 et le 27 mars 2024 :

  • Enregistrement vidéo provenant d’une résidence à Kitchener
  • Dossier médical du plaignant, fourni par l’Hôpital général de Woodstock

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et les témoins de la police qui étaient présents lors des événements en question, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES. Il a cependant accepté de fournir ses notes à l’UES.

Dans la soirée du 22 mars 2023, l’AI et d’autres agents du SPW ont été dépêchés dans une résidence située dans le secteur de la rue Dundas et de l’avenue Vansittart, à Woodstock. Une personne qui habitait à cet endroit avait téléphoné à la police pour signaler que le plaignant avait agressé d’autres personnes et causé des dégâts matériels.

Le plaignant avait consommé de la drogue et de l’alcool. Plus tôt dans la soirée, le plaignant s’était battu avec un autre résident dans une maison de Kitchener. Après l’altercation, il s’était présenté au domicile d’un membre de sa famille qui habitait à Woodstock, et avait été impliqué dans une autre altercation avec des résidents de ce domicile.

L’AI et l’AT no 1 sont arrivés sur les lieux et ont fait face au plaignant à l’extérieur du domicile. Le plaignant s’est montré belliqueux avec eux et a adopté une attitude agressive. Les agents ont fini par l’amener au sol et le menotter derrière le dos.

Après son arrestation, le plaignant a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué un nez cassé.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 23 mars 2024, le SPW a informé l’UES qu’un homme dont il avait la garde — le plaignant — avait été grièvement blessé. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI était l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure subie par le plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Je ne peux raisonnablement conclure, en me fondant sur les éléments de preuve devant moi, que la décision des agents d’arrêter le plaignant au moment où ils l’ont fait était contraire à la loi. Avant que les agents décident d’amener le plaignant au sol, celui-ci avait serré les poings et s’était élancé vers les agents. À ce moment-là, ou peu de temps avant, les agents avaient été informés, par d’autres agents qui avaient interrogé les personnes que le plaignant avait agressées, que ce dernier avait possiblement commis des voies de fait et causé des dommages matériels.

Quant à la force utilisée par la police pour arrêter le plaignant, la preuve ne permet pas raisonnablement d’établir que cette force était excessive. Selon l’une des versions des événements, l’AI aurait frappé le plaignant au nez avec une matraque. Cependant, étant donné les failles importantes de cette version des événements, je ne peux prendre appui sur ce témoignage. Selon ce témoignage, le plaignant n’aurait pas été frappé au visage lors de la bagarre à Kitchener. Or, la vidéo de l’incident démontre qu’il a été frappé au visage à Kitchener plus tôt ce soir-là. Selon la version des événements fournie par les agents, le plaignant aurait été mis au sol en raison de son comportement belliqueux et un agent lui aurait ensuite porté deux coups de genou au torse pendant qu’il résistait au sol, avant qu’ils parviennent à lui passer les menottes. Je suis convaincu que cela constituait une force raisonnable dans les circonstances.

On ignore toujours à quel moment et à quel endroit le nez du plaignant a été cassé. Il est tout à fait possible que cela se soit produit avant son interaction avec la police, lorsqu’il s’est battu avec un résident d’une résidence de Kitchener. Quoi qu’il en soit, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI et les autres agents qui ont participé à l’arrestation du plaignant se sont comportés autrement qu’en toute légalité, et il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 19 juillet 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.