Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-PCI-105

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 36 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 4 mars 2024, à 15 h 28, la Police provinciale de l’Ontario a transmis les renseignements suivants à l’UES.

Le 3 mars 2024, des agentes de la Police provinciale de l’Ontario ont arrêté le plaignant et l’ont conduit au poste du détachement de Killaloe. Il a été placé dans une cellule en attendant son audience sur la libération sous caution. Le matin du 4 mars 2024, des membres de l’unité de transport des délinquants se sont rendus au poste du détachement pour amener le plaignant au tribunal. Le plaignant était en présence d’agents spéciaux de l’unité de transport des délinquants lorsqu’il a ingéré une pilule et a ensuite eu un malaise. Les services ambulanciers ont été envoyés sur les lieux et lui ont administré de la naloxone. Le plaignant a été conduit à l’Hôpital St. Francis Memorial à Barry’s Bay, où le personnel infirmier a retiré de son anus un sac déchiré contenant des substances inconnues. Il a été intubé et, au moment de la notification de l’incident, il était transporté à l’Hôpital régional de Pembrok étant donné qu’il ne réagissait pas bien à l’intervention médicale.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 4 mars 2024, à 20 h 34

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 5 mars 2024, à 13 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 36 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a été interrogé le 22 avril 2024.

Agente impliquée

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à soumettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agente impliquée.

Agents témoins

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

L’agent témoin a été interrogé le 24 juin 2024.

Témoins employés du service

TES no 1 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

TES no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues; entrevue jugée non nécessaire.

La témoin employée du service a été interrogée le 24 juin 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus au poste du détachement de Killaloe de la Police provinciale de l’Ontario.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrement de la caméra interne du véhicule de l’AI

L’enregistrement commence à 16 h 37 le 3 mars 2024. Le plaignant était assis sur la banquette arrière du véhicule de police. Une agente de police a indiqué au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour violation des conditions de sa mise en liberté sous caution. Après qu’on lui a lu ses droits à un avocat, le plaignant a affirmé vouloir parler à un avocat. Il était cohérent. Après qu’on lui a lu la mise en garde initiale et demandé s’il la comprenait, il a répondu qu’il souffrait de troubles mentaux et qu’il n’avait pas compris ce qu’on venait de lui lire. Il a ensuite déclaré ne plus vouloir parler.

Au moment du départ vers le poste de police, une agente de police a répondu à un appel téléphonique. Elle a informé son interlocuteur qu’elle ramenait un homme [plaignant] au poste de police. Elle a ajouté qu’il allait devoir procéder à une fouille plus approfondie du plaignant avant que celui-ci ne puisse être placé dans une cellule, car elle n’avait procédé qu’à une fouille sommaire.

Le plaignant avait du mal à rester éveillé pendant le trajet jusqu’au poste de police.

À 17 h 1, le véhicule est arrivé au poste de police et, à 17 h 2, on a sorti le plaignant du véhicule.

Enregistrement vidéo de la garde à vue

À 17 h 1 le 3 mars 2024, un véhicule utilitaire sport (VUS) de la Police provinciale de l’Ontario est arrivé dans l’entrée des véhicules du poste du détachement. Deux agentes de police sont sorties du véhicule.

À 17 h 2, le plaignant est sorti du véhicule et est entré dans le poste de police en marchant. Il a parcouru les couloirs sans problème et est arrivé dans la salle d’enregistrement (vestibule du bloc cellulaire). Il s’est assis sur une chaise pendant que l’une des agentes ayant procédé à son arrestation lui parlait. Un agent de police, soit l’AT no 2, se tenait à proximité.

À 17 h 4, le plaignant s’est levé et l’AT no 2 lui a enlevé les menottes (il avait été menotté les mains dans le dos). Le plaignant a enlevé une veste et deux hauts à glissière à capuchon en molleton, puis il a vidé ses poches. Il s’est ensuite assis et a enlevé ses bottes avant de se lever et de vider les poches de son pantalon.

À 17 h 8, le plaignant a posé les mains au mur et a été fouillé par l’AT no 2. Le plaignant portait un t-shirt, un jean ample, des sous-vêtements et des chaussettes au moment de la fouille. L’AT no 2 a vérifié le col du chandail du plaignant, ainsi que les poches et la ceinture de son pantalon, puis il a retroussé les jambes du pantalon afin d’en vérifier le bas. Le plaignant avait un bandage sur la cheville gauche. L’agent a ensuite fouillé l’un des hauts à glissière à capuchon avant de le rendre au plaignant pour qu’il puisse le porter dans sa cellule. Le plaignant n’a eu aucun mal à coopérer pendant la fouille.

À 17 h 11, le plaignant a été placé dans une cellule. L’AT no 2 se tenait à la porte de la cellule et lui parlait.

À 17 h 13, on a fermé la porte de la cellule.

À 17 h 29, l’AT no 2 est entré dans la cellule et a montré au plaignant un sac qui semblait contenir un flacon de pilules. Ils se sont entretenus à ce sujet.

À 17 h 30, l’AT no 2 est sorti de la cellule et la porte s’est refermée. Le plaignant s’est assis sur le lit.

À 18 h 58, un gardien civil est entré dans la cellule et a déposé des tasses au sol. Cette même personne est ensuite revenue avec un plateau-repas. Une agente de police est également entrée dans la cellule pour faire signer un document au plaignant. L’agente et le gardien civil sont sortis de la cellule et la porte s’est refermée. Le plaignant a mangé son repas.

À 19 h 6, on a ouvert la porte de la cellule et le plaignant est sorti de la cellule (pour parler à un avocat).

À 19 h 8, il est retourné dans sa cellule.

À 19 h 31, le plaignant était assis sur le lit et semblait manipuler quelque chose dans ses mains. Il avait la tête baissée et il était impossible de discerner ses gestes; peut-être qu’il reniflait ou ingérait quelque chose. Le plaignant a commencé à pencher vers l’avant à plusieurs reprises. Il semblait soit somnoler ou s’efforcer d’expulser quelque chose de son rectum.

À 19 h 43, le plaignant s’est allongé sur le lit. Il s’est alors endormi ou il était immobile, car la caméra n’a détecté aucun mouvement.

À 1 h 50, il s’est levé pour uriner. Il est ensuite retourné au lit et a étendu une couverture sur lui.

À 5 h 22, il s’est levé pour uriner à nouveau. Il est ensuite retourné au lit et a tiré la couverture sur le bas de son corps.

À 5 h 23, le plaignant a semblé porter la main gauche à l’arrière de son pantalon. Il a ensuite ramené les mains sous la couverture et a semblé examiner quelque chose qui se trouvait sous la couverture.

À 5 h 24, il s’est levé et s’est assis sur la toilette. Il a déroulé du papier hygiénique et a semblé s’essuyer les fesses. Le carré de protection de l’intimité de la Police provinciale de l’Ontario cachait la vue sur la toilette.

À 5 h 25, il s’est remis au lit et s’est endormi.

Tout au long de la nuit, à intervalles réguliers, le gardien civil s’est approché de la porte de la cellule pour vérifier comment le plaignant allait.

À 10 h 11, les TES nos 1 et 2 et un autre gardien civil sont arrivés dans le bloc cellulaire. Le TES no 2 a commencé à mettre en sac les biens (vêtements) du plaignant.

À 10 h 14, quelque chose à l’extérieur de la porte de la cellule a semblé réveiller le plaignant. À l’extérieur de la cellule, la TES no 1 frappait à la porte de la cellule.

À 10 h 16, la TES no 1 a ouvert la porte de la cellule, puis l’a refermée. Le plaignant s’est levé et avait l’air de vaciller. Il s’est assis sur la toilette. Il a ensuite semblé s’essuyer les fesses.

À 10 h 24, le plaignant s’est levé, mais il s’est accroupi et a semblé tendre la main vers son anus. Il s’est ensuite assis sur la toilette à nouveau. Il s’est levé et a remonté son pantalon.

À 10 h 26, la TES no 1 a ouvert la porte de la cellule et le plaignant est sorti. Le TES no 2 a demandé au plaignant d’ouvrir les mains pour y appliquer du désinfectant. Le plaignant s’est frotté les mains. On a demandé au plaignant de mettre les mains au mur pour être fouillé. Le plaignant a commencé à traîner les pieds et a baissé l’épaule gauche (la caméra était placée au-dessus de son épaule droite, de sorte que ses manipulations du côté gauche n’étaient pas visibles sur l’enregistrement). Il est possible qu’il ait fouillé dans la poche gauche de son pantalon.

À 10 h 26 min 42 s, le plaignant a rapidement porté la main gauche à sa bouche. La TES no 1 se trouvait derrière lui, du côté gauche, alors que le TES no 2 était derrière lui, mais du côté droit, prêts à le fouiller. La TES no 1 a immédiatement réagi et s’est approchée du plaignant. Elle a fait un geste vers sa bouche et a semblé lui demander ce qu’il venait d’ingérer.

À 10 h 27, la TES no 1 a ouvert la porte de la cellule et le plaignant est retourné dans cette dernière.

À partir de 10 h 28, le plaignant présentait des signes d’intoxication. Il avait beaucoup de mal à rester assis en position verticale.

À 10 h 38, la TES no 1 se tenait à la porte de la cellule, regardant par la fenêtre de la porte, un téléphone cellulaire à l’oreille.

À 10 h 52, deux agentes portant des masques ont ouvert la porte de la cellule et ont parlé au plaignant. Elles ont ensuite refermé la porte de la cellule.

À 10 h 54, le plaignant se tenait debout devant la toilette et avait du mal à rester debout. Il s’est incliné vers l’avant et a brièvement appuyé la tête contre le mur de la cellule.

À 10 h 57, un sergent est arrivé à la porte de la cellule et a parlé brièvement au plaignant.

À 11 h 13, des ambulanciers paramédicaux sont arrivés dans le bloc cellulaire. Ils ont examiné le plaignant avant de l’escorter hors de la cellule.

Enregistrement de la caméra de surveillance de la cellule

Dans l’enregistrement de la caméra de surveillance de la cellule, on voit le plaignant allongé sur le lit de la cellule, enveloppé dans une couverture. Il s’est ensuite assis, toujours enveloppé dans la couverture, et on a ouvert la porte de la cellule. Au bout de dix secondes, la porte s’est refermée.

Le plaignant s’est levé et a ramassé un rouleau de papier hygiénique en vacillant. Il a ensuite baissé son pantalon et s’est assis sur la toilette. Pendant qu’il était assis sur la toilette, le plaignant était immobile. Il a tendu la main droite vers ses fesses à plusieurs reprises.

Le plaignant s’est levé et a avancé les mains vers ses fesses. Il s’est ensuite accroupi, a pris encore plus de papier hygiénique et s’est de nouveau assis sur la toilette. Le plaignant s’est levé et a jeté le papier hygiénique dans la cuvette. La porte de la cellule s’est alors ouverte et le plaignant est sorti de la cellule en traînant les pieds.

Le plaignant a été ramené dans la cellule peu après et s’est assis sur le lit. La porte s’est refermée. À plusieurs reprises, le plaignant a commencé à tomber vers l’avant alors qu’il était assis sur le lit.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario entre le 12 juin 2024 et le 21 juin 2024 :

  • la politique relative à la fouille de personnes;
  • les notes des AT nos 1 et 2;
  • les notes des TES nos 2 et 1;
  • l’enregistrement de la caméra interne du véhicule de l’AI pendant le transport du plaignant jusqu’au poste de police;
  • l’enregistrement vidéo de la garde à vue;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur concernant l’arrestation survenue le 3 mars 2024;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur concernant la surdose du plaignant survenue le 4 mars 2024.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents suivants d’autres sources le 9 mai 2024 :

  • le dossier médical du plaignant de l’Hôpital St. Francis Memorial à Barry’s Bay.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant et les agents qui ont eu affaire à lui pendant qu’il était sous garde et les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident. L’AI a refusé de participer à une entrevue et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Le plaignant a été arrêté dans l’après-midi du 3 mars 2024 par l’AI et l’AT no 1. Les agentes, qui étaient sur les lieux d’une tentative d’introduction par effraction, ont mis le plaignant sous garde pour avoir violé les conditions de sa mise en liberté sous caution. Il était en compagnie d’une femme avec qui il n’était pas censé être. Le plaignant a été fouillé sur place, ce qui a permis de trouver des récipients contenant des pilules et des substances inconnues, et il a été transporté au poste du détachement de Killaloe de la Police provinciale de l’Ontario.

Le plaignant a été fouillé une nouvelle fois au poste du détachement par un agent de police, soit l’AT no 2. Rien d’autre n’a été trouvé. Le plaignant a ensuite été placé dans une cellule.

Le lendemain matin, alors qu’un agent spécial le fouillait à l’extérieur de sa cellule en vue de son transport vers un centre de détention, le plaignant a été en mesure d’accéder à une quantité de drogue dans la poche gauche de son pantalon et de l’ingérer. Son état a commencé à se détériorer. Des ambulanciers paramédicaux ont été appelés sur les lieux et ont administré de la naloxone.

Le plaignant a été conduit à l’hôpital et traité pour intoxication. Un sac déchiré contenant des substances inconnues a été retiré de son anus par le personnel médical.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel : Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :

(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,

(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :

b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Les articles 219 et 221, Code criminel – Négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable : a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a connu une crise d’ordre médical pendant qu’il était sous la garde de la Police provinciale de l’Ontario le 4 mars 2024. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant l’AI comme agente impliquée. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec l’état du plaignant.

Les infractions à prendre en considération en l’espèce sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention des articles 215 et 221 du Code criminel, respectivement. Un simple manque de diligence ne suffit pas à engager la responsabilité pour ces deux infractions. Pour la première, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les mêmes circonstances. La deuxième correspond aux cas encore plus graves de conduite qui font preuve d’un mépris déréglé ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autres personnes. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si les agents qui ont eu affaire au plaignant ont fait preuve d’un manque de diligence qui a mis en danger la vie du plaignant ou a contribué à sa surdose, et si ce manque était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Il n’y a aucun doute quant à la légitimité de l’arrestation du plaignant. Il semblerait que l’AI et l’AT no 1 avaient des raisons de l’arrêter pour violation des conditions de sa mise en liberté sous caution. Comme c’était effectivement le cas, je suis aussi convaincu que la mise sous garde du plaignant, du moment de son arrestation au temps passé dans la cellule, était légitime.

En ce qui concerne les soins prodigués au plaignant, les éléments de preuve ne permettent pas d’établir un écart marqué par rapport à une norme de diligence raisonnable. La principale question concerne le fait que les gardiens responsables du plaignant pendant sa garde à vue n’ont pas trouvé les substances qu’il avait sur lui et ne les ont pas enlevées avant qu’il ne soit placé dans une cellule[3]. Je suis convaincu que l’AI s’est acquittée de ses fonctions avec diligence. Le plaignant a été soumis à une fouille sommaire sur les lieux de son arrestation, au cours de laquelle diverses drogues ont été trouvées et saisies. Les éléments de preuve suggèrent que le plaignant avait caché une quantité de fentanyl dans son rectum avant son arrestation, et que c’est cette drogue qu’il a ingérée pendant sa garde à vue. Cette drogue n’aurait pu être détectée qu’au moyen d’une fouille à nu ou d’un examen des cavités corporelles. Or, ni l’une ni l’autre de ces options n’était envisageable pour l’AI ou sa partenaire. Parmi les facteurs à prendre en considération à ce moment-là et expliquant pourquoi ces options étaient hors de question, mentionnons que les deux agentes étaient seules sur le terrain et qu’il n’y avait aucun homme. La question est de savoir si le plaignant aurait dû être fouillé à nu au poste du détachement. À mon avis, il n’est pas certain qu’une telle fouille, qui exige des motifs raisonnables pour conclure qu’elle est nécessaire dans les circonstances particulières de l’arrestation, était justifiée : R. c. Golden, [2001] 3 RCS 679. D’une part, le plaignant n’avait pas été arrêté pour une infraction liée à la drogue. D’autre part, des drogues avaient été trouvées sur lui au moment de son arrestation et il semblait apathique. À la lumière de ces faits contradictoires, je ne peux raisonnablement conclure que l’omission de fouiller à nu le plaignant constituait une conduite qui s’écartait nettement d’une norme de diligence raisonnable, et encore moins un écart à la fois marqué et important. Il en va de même, avec encore plus de certitude, pour ce qui est de l’examen des cavités corporelles, qui nécessite une justification encore plus importante compte tenu de son caractère invasif.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire. Le dossier est donc clos.

Date : 2 juillet 2024

Approuvé par voie électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) L’analyse du caractère raisonnable a également pris en compte les soins médicaux prodigués au plaignant dès qu’il est devenu clair qu’il avait ingéré une substance et le fait que le plaignant a été en mesure de retirer de la drogue de son rectum pendant qu’il était dans la cellule sans se faire détecter. En ce qui concerne le premier point, il ne fait aucun doute que les agents ont pris des mesures adéquates pour s’occuper du plaignant après qu’il eut consommé de la drogue; ils l’ont gardé en observation et ont communiqué avec les ambulanciers paramédicaux, qui sont arrivés rapidement sur les lieux. Quant au second point, rien de moins qu’une surveillance continue n’aurait permis de garantir que le comportement du plaignant soit détecté. Il n’est toutefois pas évident que les circonstances exigeaient une surveillance continue. Les gardiens responsables du plaignant pendant sa garde à vue n’avaient aucune raison de croire avec certitude que celui-ci cachait des substances sur lui. L’apparence du plaignant n’exigeait pas non plus une observation constante; il était parfois apathique, mais il n’était pas vraiment incohérent. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.