Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OFD-098

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la Loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la mort d’un homme de 29 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 2 mars 2024, à 2 h 34, le service de police régional de Halton (SPRH) a signalé qu’un homme avait été atteint de projectiles tirés par un agent de police. [L’homme, dont on ignorait l’identité au moment de la notification, a par la suite été identifié comme étant le plaignant].

Selon le SPRH, le 2 mars 2024, à 1 h 40, des agents du SPRH se sont rendus dans une résidence située dans le secteur de Third Line et de la rue Rebecca, à Oakville, afin de donner suite à un appel concernant une agression à l’arme blanche. Un résident [maintenant connu comme étant le TC n° 1] avait appelé le service 9-1-1 pour signaler que l’un de ses colocataires, soit le plaignant, poignardait un autre colocataire [maintenant connu comme étant le TC n° 2]. Les agents du groupe d’intervention tactique (GIT) du SPRH sont arrivés sur les lieux et ont vu le plaignant poignarder le TC n° 2. L’agent impliqué (AI) n° 1 et l’AI n° 2 ont déchargé leur arme à feu sur le plaignant dont la mort a été constatée sur place.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2 mars 2024 à 2 h 52

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2 mars 2024 à 3 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 4

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 29 ans; mort

Témoins civils

TC n° 1 A participé à une entrevue

TC n° 2 A participé à une entrevue

TC n° 3 A participé à une entrevue

TC n° 4 A participé à une entrevue

TC n° 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 2 et le 5 mars 2024.

Agents impliqués

AI n° 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI n° 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 2 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT n° 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT n° 4 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

L’agent témoin a participé à une entrevue le 2 mars 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé au rez-de-chaussée d’une résidence située dans le secteur de Third Line et de la rue Rebecca, à Oakville.

Éléments de preuve matériels

Le 2 mars 2024, à 3 h 50, des enquêteurs de l’UES sont arrivés à la résidence d’Oakville. Des agents de police en uniforme assuraient un périmètre de sécurité.

L’incident s’est déroulé dans une salle de séjour située au rez-de-chaussée. Le plaignant était allongé sur le dos, à côté d’un canapé. Ses mains étaient menottées dans le dos. La pièce était sombre, dépourvue d’éclairage fonctionnel. Les enquêteurs de l’UES ont constaté que l’interrupteur principal avait été désactivé dans la boîte électrique qui se trouve au sous?sol.

Les enquêteurs de l’UES ont examiné les lieux et ont trouvé plusieurs cartouches et projectiles C8 usés, un grand couteau de cuisine et une poêle à frire bosselée. Au total, 12 douilles et six projectiles endommagés ont été recueillis sur les lieux.

Les enquêteurs de l’UES ont recueilli les armes à feu, les balles et les chargeurs appartenant à l’AI n° 1 et à l’AI n° 2.

Figure 1 - Arme à feu de l’AI n° 1

Figure 1 - Arme à feu de l’AI n° 1

Figure 2 - Cartouches du chargeur de l’AI n° 1

Figure 2 - Cartouches du chargeur de l’AI n° 1

Figure 3 - Arme à feu de l’AI n° 2

Figure 3 - Arme à feu de l’AI n° 2

Figure 4 – Cartouches du chargeur de l’AI n° 2

Figure 4 – Cartouches du chargeur de l’AI n° 2

Éléments de preuve médicolégaux

Les armes à feu C8, les balles et les chargeurs appartenant à l’AI n° 1 et à l’AI n° 2 ont été expédiées au Centre des sciences judiciaires (CSJ) pour y être soumis à des examens balistiques. Les 12 douilles trouvées lors de l’examen des lieux ont également été expédiées au CSJ.

Les résultats des examens n’avaient pas été communiqués à l’UES au moment de la rédaction de ce rapport.

Neuf projectiles et des fragments ont été retrouvés dans le corps du plaignant lors de l’autopsie.

Les chargeurs de la carabine C8 délivrée par le service pouvaient contenir 30 cartouches.

On a constaté qu’il restait 23 balles dans le chargeur de la carabine de l’AI n° 1. Ses deux chargeurs de rechange contenaient 28 cartouches chacun.

Les enquêtes précédentes ont montré que les agents de police ne chargent pas les chargeurs C8 au maximum de leur capacité, car les mécanismes des chargeurs risquent de se bloquer lorsqu’ils sont trop remplis. On ignore le nombre exact de cartouches insérées dans chacun des chargeurs de l’AI n° 1 et de l’AI n° 2; cependant, comme les deux chargeurs de rechange contenaient 28 cartouches chacun, on peut supposer que les chargeurs utilisés contenaient également 28 cartouches, ce qui signifie qu’il manquait 12 cartouches. Ce nombre correspondrait à la quantité de douilles trouvées sur les lieux de l’incident.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Caméra installée dans la voiture de police

L’UES a reçu quatre vidéos captées par la caméra installée dans la voiture du SPRH. Voici un résumé de ces vidéos.

Quatre véhicules de police sont filmés en train de se rendre à la résidence. La caméra de l’AT n° 1 était équipée d’un système audio, transmis par un microphone que l’agent portait. Sa caméra n’a rien filmé de pertinent. Son microphone a enregistré l’intégralité des événements qui se sont déroulés. L’AT n° 1 arrive en premier et s’entretient avec le TC n° 1, qui indique que son colocataire a été attaqué à l’intérieur de la résidence. L’AT n° 1 annonce alors : [traduction] « Police de Halton! » Les AI n° 1 et n° 2 arrivent, munis de leur carabine C8. L’AT n° 1 a de nouveau annoncé leur présence. On entend crier : [traduction] « Aidez-moi, aidez-moi! » L’AT n° 1 répond en criant : [traduction] « Les secours sont en route. Qui est avec vous? » Le TC n° 2 continue de crier à l’aide. Un ou deux agents de police disent en criant : [traduction] « Lâchez-le tout de suite! ». Ils répètent ensuite leurs ordres à deux reprises et ajoutent [traduction] « Lâchez-le ou on vous tire dessus! ».

Quatre minutes et 50 secondes après le début de la vidéo, quelqu’un dit : [traduction] « Tirez, tirez! ». On entend immédiatement plusieurs coups de feu qui se succèdent rapidement avec une cadence régulière et continue. Les coups de feu durent environ une seconde. L’AT n° 1 signale que des coups de feu ont été tirés. Un agent de police dit au plaignant de ne pas saisir le couteau et de ne pas bouger.

Des policiers discutent des blessures du TC n° 2 et des menottes du plaignant. L’AT n° 1 informe le répartiteur : [traduction] « Nous avons un homme qui saigne et un autre qui est mort ». De nombreuses discussions ont lieu entre des personnes dont on ignore l’identité, qui seraient d’autres agents de police, au sujet des soins à apporter au TC n° 2. L’AT n° 1 indique que le plaignant a été blessé dans le dos et à l’arrière de la tête.

À 21 minutes et 35 secondes, l’AT n° 1 explique ce qui s’est passé à une personne dont on ignore l’identité : [traduction] « Il était sur ce type quand nous sommes arrivés. Il était assis sur lui… il le poignardait, et nous lui avons tiré dessus, et c’est là qu’il se trouve maintenant. Il a reçu une balle dans le dos, rien sur le devant ». Il estime que le plaignant a reçu quatre ou cinq balles, dont une certaine à l’arrière de la tête.

À 30 minutes et 52 secondes, l’AT n° 1 dit à une personne dont on ignore l’identité : [traduction] « Je suis entré dans la maison et je l’entendais crier à l’aide. Le GIT était juste derrière moi, alors je les ai attendus. Nous sommes entrés à trois et on le voit assis sur lui à le poignarder activement. Ils ont tiré et j’étais juste derrière eux. La victime était couchée sur le dos, l’individu était assis sur lui, le couteau à la main. Il était allongé juste là où vous vous tenez. Nous l’avons retiré et il a reçu quatre ou cinq balles dans le dos et deux à l’arrière de la tête ».

Enregistrements des communications du SPRH – Service 9-1-1

Le 2 mars 2024, à 1 h 39, le TC n° 1 a appelé le service 9-1-1 et a demandé l’intervention immédiate de la police. Le TC n° 1 indique à la personne chargée de l’appel qu’un colocataire [le plaignant] tient un couteau et qu’il essaie de tuer un autre colocataire [on sait maintenant qu’il s’agit du TC n° 2]. La personne ayant répondu à l’appel tente d’obtenir des renseignements de la part du TC n° 1. Le TC n° 1 demande à plusieurs reprises d’arrêter. Il demande aussi au plaignant de [traduction] « lâcher le couteau » et de [traduction] « le lâcher » à 14 reprises. On entend un objet métallique résonner à plusieurs reprises [on sait maintenant qu’il s’agit du TC n° 1 qui frappe le plaignant à la tête avec une poêle à frire en métal]. Le TC n° 2 dit en criant : [traduction] « Frappez-le, frappez-le encore ».

L’AT n° 1 arrive. Le TC n° 1 dit à l’AT n° 1 que le plaignant est à l’intérieur de la maison, qu’il a un couteau et qu’il essaie de s’en prendre au TC n° 2. Le TC n° 1 dit à l’AT n° 1 qu’il n’est pas en mesure d’arrêter le plaignant. L’AT n° 1 annonce trois fois en criant : [traduction] « Police de Halton » avant que l’appel ne prenne fin.

Enregistrements des communications du SPRH - Radio

Le 2 mars 2024, à 1 h 39, plusieurs unités ont été dépêchées à la résidence. La personne ayant répondu à l’appel a entendu des bruits de chocs en arrière-plan et [traduction] « Il va me tuer ».

À 1 h 44 min 59 s, un agent de l’Unité tactique et de secours [on ignore le nom de l’agent] indique qu’ils ont entendu un homme crier à l’aide à l’intérieur de la résidence et qu’ils devaient y entrer.

À 1 h 45 min 26 s, l’AT n° 1 signale que des coups de feu ont été tirés.

Peu de temps après, un agent de police demande l’intervention des secours. Un homme souffrait de multiples coups de couteau au visage et un autre de multiples blessures par balle.

À 1 h 46 min 49 s, l’AT n° 1 informe le répartiteur qu’un homme saigne abondamment et qu’un autre est mort.

Des ambulanciers paramédicaux arrivent sur les lieux à 1 h 51.

Vidéo de la résidence n° 1

La vidéo est de bonne qualité, mais n’est pas horodatée.

La vidéo commence avec le TC n° 1 qui se trouve dans l’allée de la résidence où l’incident s’est produit. L’AT n° 1 arrive et le TC n° 1 dit à l’AT n° 1 que le plaignant et le TC n° 1 sont à l’intérieur de la maison. L’AT n° 1 se rend à la porte d’entrée et crie « Police de Halton! ». Il donne un coup de pied à la porte en criant. L’AT n° 1 dit en criant que les secours sont en route.

Les AI n° 1 et n° 2 arrivent et les trois agents entrent dans la maison. L’AT n° 2 arrive et reste à l’extérieur.

La maison est complètement dans le noir. On voit les silhouettes et les lampes de poche de l’AI, de l’AT n° 2 et de l’AT n° 1 par la fenêtre avant.

Deux minutes après le début de la vidéo, un homme dit en cirant : [traduction] « Lâchez-le. Lâchez-le tout de suite. » On entend une faible voix d’homme dire : [traduction] « Lâche?moi. » Quinze secondes plus tard, un homme dit de nouveau : [traduction] « Lâche-moi. » Immédiatement après, on entend plusieurs coups de feu; il est difficile de savoir combien de coups de feu ont été tirés exactement.

Dix secondes plus tard, l’AT n° 2 entre en courant dans la maison.

Vidéo de la résidence n° 2

Les enregistrements ont été examinés et l’on a constaté qu’elles ne présentaient que peu de valeur pour l’enquête. La caméra n’a en effet capté que les gyrophares des véhicules d’urgence.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et les documents suivants que lui a remis le SPRH entre le 2 et le 4 mars 2024 :

  • Enregistrements des communications
  • Rapport de la répartition assistée par ordinateur
  • Vidéos captées par les caméras installées dans les véhicules de police
  • Rapport d’incident général
  • Notes de l’AT n° 1
  • Notes de l’AT n° 2
  • Notes de l’AT n° 3
  • Notes de l’AT n° 4
  • Politique sur le recours à la force
  • Certificat de formation sur le recours à la force de l’AI n° 1
  • Certificat de formation sur le recours à la force de l’AI n° 2.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a reçu les dossiers suivants de l’UES entre le 2 et le 11 mars 2024 :

  • Vidéo de la résidence n° 1
  • Vidéo de la résidence n° 2
  • Rapport préliminaire des résultats de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario
  • Rapport des services paramédicaux de la région de Halton

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des témoins policiers et civils, ainsi que des vidéos captées pendant l’incident. Comme ils en avaient le droit, les AI ont refusé de s’entretenir avec l’UES et n’ont pas consenti à la communication de leurs notes.

Tôt dans la matinée du 2 mars 2024, le SPRH a reçu un appel au service 9-1-1 du résident d’une maison située dans le secteur de Third Line et de la rue Rebecca, à Oakville. Le TC n° 1 avait entendu quelqu’un crier à l’aide. Le TC n° 1 s’est donc rendu dans le salon du rez-de-chaussée et a vu un autre résident de la maison, le TC n° 2, allongé sur le dos. Le plaignant se trouvait à califourchon sur ce dernier. Tous deux étaient ensanglantés. Le plaignant tenait un couteau dans sa main droite et s’en servait pour poignarder le TC n° 2. Le TC n° 1 a alors saisi une poêle à frire dans la cuisine avoisinante et s’en est servi pour frapper le plaignant à la tête. Le plaignant a continué à attaquer le TC n° 2 et le TC n° 1 a quitté les lieux pour appeler le service 9-1-1.

L’AT n° 1 est arrivé le premier sur les lieux. Il a trouvé le TC n° 1 devant la porte d’entrée. Peu de temps après, l’AI n° 1 et l’AI n° 2, tous deux du GIT, sont aussi arrivés sur place. Les agents, armés de carabines C8, sont entrés dans la résidence par la porte principale et se sont dirigés vers le salon. Les agents du GIT se sont placés de part et d’autre de l’entrée du salon et ont ordonné à deux reprises au plaignant de lâcher le TC n° 2. Dos aux agents, le plaignant, couteau à la main, était toujours par-dessus le TC n° 2 qui était allongé. Quelques secondes plus tard, alors que le plaignant continuait d’attaquer le TC n° 2, les agents du GIT ont tiré plusieurs fois en succession rapide - l’AI n° 1 a tiré cinq balles et l’AI n° 2 en a tiré sept. Le plaignant est tombé vers l’avant sur le sol, à gauche du TC n° 2. Le couteau est tombé sur le sol à la droite de TC n° 2.

Le plaignant a été menotté. Sa mort a ensuite été constatée sur place.

Le TC n° 2 a été transporté à l’hôpital afin d’y recevoir des soins pour de multiples coups de couteau et des lacérations.

Cause de la mort

Le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie a estimé, à titre préliminaire, que la mort du plaignant était attribuable à de multiples blessures par balle. Le plaignant avait reçu des projectiles au dos et à l’arrière de la tête.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34, Code criminel - Défense - emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

(a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

(b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

(c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

(a) la nature de la force ou de la menace;

(b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

(c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

(d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

(e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

(f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

(g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

(h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est mort le 2 mars 2024, des suites de blessures par balle qui lui ont été infligées par des agents de police. L’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête en désignant les AI n° 1 et n° 2 comme étant les agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que les AI ont commis une infraction criminelle relativement à la mort du plaignant.

L’article 34 du Code criminel prévoit que la conduite, qui autrement constituerait une infraction, est légitimée si elle visait à déjouer une attaque raisonnablement appréhendée, qu’elle soit réelle ou une menace, et était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué dans les circonstances, c’est-à-dire en fonction de facteurs tels que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’usage de la force était imminent et s’il y avait d’autres moyens disponibles pour répondre à l’usage potentiel de la force; si une partie impliquée dans l’incident a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et, la nature et la proportionnalité de la réponse de la personne à l’usage ou à la menace de la force.

Les AI n° 1 et n° 2 étaient légalement placés et dans l’exercice de leurs fonctions tout au long de la série d’événements qui ont conduit à la décharge de coups de feu. Ayant reçu un appel urgent demandant de l’aide dans un contexte de vie ou de mort, les agents avaient le devoir de se rendre sur les lieux pour faire ce qui était raisonnablement en leur pouvoir pour empêcher qu’un drame ne se produire et pour assurer la sécurité du public.

Lorsque les agents ont tiré sur le plaignant, je suis convaincu qu’ils l’ont fait en croyant raisonnablement qu’il était nécessaire de protéger le TC n° 2 de la mort ou de blessures graves. Bien qu’aucun des agents n’ait fourni d’élément de preuve direct de leur état d’esprit au moment des tirs, chacun ayant choisi de ne pas s’entretenir avec l’UES (comme ils en avaient légalement le droit), les éléments de preuve circonstanciels permettent raisonnablement de le déduire. Les agents auraient su, grâce aux communications radio et à leur échange avec le TC n° 1 à l’extérieur de la maison, que le plaignant était armé d’un couteau et qu’il s’en servait pour blesser le TC n° 2. Ces renseignements auraient été confirmés de manière évidente dès qu’ils sont entrés dans la maison et qu’ils ont vu le plaignant par-dessus le TC n° 2. Compte tenu de ces éléments, il ne fait aucun doute que l’AI n° 1 et l’AI n° 2 ont agi en vue de défendre le TC n° 2 lorsqu’ils ont déchargé leur carabine.

Je suis également convaincu que la force utilisée par les agents, soit de multiples décharges de leurs carabines C8, constituait une force raisonnable. Il était impératif sur le moment qu’ils neutralisent immédiatement le plaignant. Ils avaient pris quelques secondes pour ordonner au plaignant de lâcher le TC n° 2, mais en attendant plus longtemps, le plaignant risquait de porter un coup fatal au TC n° 2. Un affrontement physique avec le plaignant aurait mis la vie des agents en danger étant donné que le plaignant tenait un couteau. Le recours à une force à létalité atténuée, comme l’utilisation d’une arme à impulsions ou d’un neutralisant en aérosol à base d’oléorésine capsicum, n’aurait pas eu la même probabilité de mettre fin à la situation que celle requise à ce moment-là. Quant au nombre de coups de feu tirés, leur rapidité m’amène à penser qu’il n’y avait pas de différence notable dans la menace raisonnablement appréhendée par les agents tout au long de leurs tirs. De plus, il n’y a pas eu de coups de feu additionnels après la première série de tirs et le plaignant ne représentait clairement plus une menace.

Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 2 juillet 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux dont disposait l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement la constatation des faits de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.