Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFP-517

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par la police sur un homme de 30 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 17 décembre 2023, à 1 h du matin, le Service de police d’Ottawa (SPO) a contacté l’UES pour lui communiquer les renseignements suivants.

Le 16 décembre 2023, à 23 h 17, l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 1 suivaient un véhicule volé jusqu’à un ensemble résidentiel situé au 251, rue Donald, à Ottawa. Les agents ont signalé au véhicule de s’arrêter et se sont approchés de lui. Une femme [maintenant connue comme étant la TC] est sortie du côté passager en laissant la portière ouverte. Le conducteur [maintenant connu pour être le plaignant] a mis le véhicule en marche arrière et a rapidement accéléré. La portière ouverte côté passager a heurté l’AT no 1, l’a fait tomber au sol et l’a trainé sur une courte distance. Craignant pour la sécurité de son partenaire, l’AI a tiré quatre fois sur le véhicule volé, et trois de ses tirs ont touché le pare-brise. Le véhicule est entré en collision avec un autre véhicule de police avant de s’enfuir vers le nord en traversant l’ensemble résidentiel. Le plaignant a abandonné le véhicule volé et s’est enfui. Des agents sont partis à sa recherche dans le secteur, sans réussir à le trouver. On ne sait pas s’il a été touché par une balle, même s’il n’y avait pas de trace de sang dans le véhicule.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 17 décembre 2023 à 1 h 21

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 17 décembre 2023 à 9 h 48

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 30 ans, n’a pas consenti à participer à une entrevue

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

La témoin civile a participé à une entrevue le 17 décembre 2023.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 11 janvier 2024.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 18 décembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

La scène de l’incident était une allée asphaltée qui donne accès à deux immeubles d’appartements situés au 251 et au 255, rue Donald. L’allée va vers le nord depuis la rue Donald, avec une seule rangée de places de stationnement du côté ouest. Une clôture grillagée borde chaque côté de l’allée.

Figure 1 – L’allée

Figure 1 – L’allée

Le véhicule de police de l’AI et de l’AT no 1 (au premier plan, sur les figures 1 et 2) était un Ford Explorer portant les inscriptions du service de police et équipé d’un ensemble d’éclairage d’urgence externe. Les feux d’urgence étaient allumés et le véhicule était garé à environ 60 mètres au nord de la rue Donald, face au nord-ouest.

Figure 2 – L’arrière du véhicule de l’AI et de l’AT no 1

Figure 2 – L’arrière du véhicule de l’AI et de l’AT no 1

Le véhicule de police de l’AT no 3 (figure 3 ci-dessous) était un Ford Explorer aux couleurs du service de police, arrêté à environ 30 mètres au nord de la rue Donald, face au nord. Il avait subi des dommages importants à l’avant et le coussin gonflable du conducteur s’était déployé. Sous l’impact, le véhicule avait été poussé vers l’arrière sur environ un mètre.

Figure 3 – Véhicule de l’AT no 3 endommagé à l’avant

Figure 3 – Véhicule de l’AT no 3 endommagé à l’avant

La Hyundai Elantra avait été abandonnée au nord du lieu de la fusillade. Le coin arrière gauche et l’arrière étaient endommagés. Le véhicule comportait des traces visibles de balles : une sur la portière du conducteur, une deuxième sur le balai d’essuie-glace et le pare-brise, côté conducteur, et une troisième possiblement sur le bras d’essuie-glace, côté conducteur, à l’endroit où il est fixé à la base. Il y avait une balle sur le siège passager.

Figure 4 – La Hyundai Elantra

Figure 4 – La Hyundai Elantra

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

L’UES a recueilli les éléments suivants au cours de son enquête :

  • Le pistolet semi-automatique Glock 17Gen5 de l’AI;

Figure 5 – Pistolet de l’AI

Figure 5 – Pistolet de l’AI

  • Quatre douilles. Il y avait une douille argentée dans une place de stationnement directement au sud du véhicule de police de l’AI et de l’AT no 1, près de la roue arrière droite du véhicule. Trois autres douilles argentées ont été trouvées sur l’asphalte derrière un véhicule garé dans une place de stationnement au sud du véhicule de police.

Éléments de preuves médicolégaux

Rapport sur les armes à feu du Centre des sciences judiciaires (CSJ).

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont remis le pistolet de l’AI au CSJ pour analyse afin de déterminer si les quatre douilles récupérées provenaient de ce pistolet. Le rapport du CSJ, daté du 5 mars 2024, a confirmé, dans les limites de la certitude pratique, que chacune des quatre douilles provenait effectivement du pistolet de l’AI.

Témoignage d’expert

Analyse de trajectoire

Figure 6 – Trajectoire des balles dans la Hyundai Elantra

Figure 6 – Trajectoire des balles dans la Hyundai Elantra

Le 18 décembre 2023, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus au garage du SPO où la Hyundai Elantra avait été sécurisée. Après un examen minutieux des traces de balles, ils sont parvenus aux conclusions suivantes :

La balle qui a endommagé la portière du conducteur semble avoir perforé les diverses couches de la porte et pénétrer dans le véhicule. Elle a perforé la console centrale et a pénétré dans la portière côté passager dans laquelle elle est restée coincée. La couche extérieure de cette portière avait été repoussée depuis l’intérieur et la forme de la bosselure vers l’extérieur résultait d’une balle tirée.

La balle qui a provoqué un autre défaut a percé le balai en caoutchouc de l’essuie-glace du conducteur puis a perforé le pare-brise. Ce défaut a été sondé avec une caméra endoscopique, mais il n’a pas été possible de déterminer la trajectoire de la balle au-delà du pare-brise. Une tige de trajectoire a été placée dans le balai d’essuie-glace et le pare-brise pour illustrer la trajectoire (voir schéma ci-dessus).

Il y avait un troisième défaut à la base du bras d’essuie-glace du conducteur, mais sans pénétration visible.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Séquence vidéo -– Paroisse Saint Charbel, 245 rue Donald

Le 16 décembre 2023, à 23 h 19 min 36 s, on peut voir une Hyundai Elantra (conduite par le plaignant) rouler vers l’ouest sur la rue Donald, phares allumés. Le clignotant avant droit est activé et le véhicule tourne lentement à droite (en direction nord) pour entrer dans l’allée du 251, rue Donald. Un véhicule de police, conduit par l’AT no 1, roule vers l’ouest sur la rue Donald, juste derrière le véhicule du plaignant, et suit ce dernier dans l’allée de l’ensemble résidentiel.

Vers 23 h 19 min 55 s, le plaignant roule dans l’allée, signale un virage à gauche et tourne à gauche (vers l’ouest) dans une place de stationnement où il s’arrête. L’AT no 1 dépasse le véhicule immobilisé du plaignant, se gare à côté, côté passager, et s’arrête.

Vers 23 h 20 min 3 s, l’AT no 1 ouvre la portière du conducteur; les feux d’urgence de son véhicule sont activés.

Vers 23 h 20 min 9 s, l’AT no 1 est debout à côté de la portière du passager arrière du véhicule du plaignant. Tout en pointant son pistolet sur le véhicule, il dit au plaignant et à sa passagère, la TC, de montrer leurs mains et de sortir de la voiture. L’AI est debout près du côté passager avant du véhicule du plaignant, son pistolet dégainé et pointé vers le sol.

Vers 23 h 20 min 16 s, la TC ouvre la portière, côté passager. Les agents disent à plusieurs reprises au plaignant de couper le contact du véhicule.

Vers 23 h 20 min 20 s, le véhicule du plaignant fait marche arrière, s’arrête momentanément, puis continue en marche arrière. La portière du passager avant est partiellement ouverte.

Vers 23 h 20 min 22 s, tout en continuant en marche arrière, le véhicule commence à tourner vers le sud. La portière ouverte heurte l’AT no 1 et le pousse contre le côté du véhicule de police. L’AT no 1 rebondit sur le véhicule de police et se retrouve coincé entre le véhicule de police et le véhicule du plaignant quand l’avant de ce dernier se tourne contre lui.

Vers 23 h 20 min 24 s, l’AI, debout devant le véhicule du plaignant, fait feu dans sa direction.

Vers 23 h 20 min 25 s, l’AT no 1 tombe sur la chaussée derrière le véhicule de police. Le véhicule du plaignant fait marche arrière et butte contre un trottoir en ciment; il s’immobilise, passe en marche avant, puis s’arrête de nouveau.

Vers 23 h 20 min 28 s, la TC sort du véhicule. L’AI va devant le véhicule, face au plaignant, son pistolet pointé sur le pare-brise; il dit au plaignant à plusieurs reprises d’arrêter la voiture, sinon il va faire feu. Le plaignant fait marche arrière vers le sud, en direction de la rue Donald. L’AT no 3, au volant de son véhicule de police, gyrophares allumés, entre dans l’allée du 251, rue Donald.

Vers 23 h 20 min 36 s, le véhicule du plaignant heurte l’avant du véhicule de police de l’AT no 3, le repoussant légèrement en arrière. Le véhicule du plaignant s’arrête pendant quelques secondes avant de rouler vers le nord, en direction de l’endroit où se trouvent l’AI et l’AT no 1. L’AI répète au plaignant d’arrêter le véhicule, sinon il va tirer.

Vers 23 h 20 min 43 s, le véhicule du plaignant accélère alors que l’AI est debout du côté ouest de l’allée, à côté d’un véhicule stationné. L’AI fait feu à trois reprises sur le côté conducteur du véhicule du plaignant quand celui-ci passe devant lui. L’AT no 1 est toujours par terre derrière le véhicule de police au moment où le plaignant s’approche.

Vers 23 h 20 min 46 s, alors que le véhicule du plaignant le dépasse, l’AT no 1 sort en rampant de l’arrière du véhicule de police.

Enregistrements des communications de la police

Vers 23 h 17, le 17 décembre 2023, l’AI et l’AT no 1 suivent une Hyundai blanche volée dans laquelle se trouvent deux personnes.

Vers 23 h 19, la Hyundai entre dans l’allée du 251 rue Donald.

Vers 23 h 20, l’AT no 3 dit que la Hyundai a tenté de s’enfuir et a percuté son véhicule. Des coups de feu ont été tirés.

Vers 23 h 21, l’AI dit que l’AT no 1 a été frappé par le véhicule et qu’il est blessé à la jambe.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPO a remis à l’UES les éléments et documents suivants le 21 décembre 2023 :

  • Séquence vidéo – 245, rue Donald ;
  • Noms et rôles des agents de police en cause;
  • Résumé du dossier de la Couronne;
  • Rapport de répartition assistée par ordinateur;
  • Tableau de service;
  • Enregistrements des communications;
  • Liste des témoins civils;
  • Données de l’enregistreur de données routières – véhicule du SPO;
  • Données de l’enregistreur de données routières – Hyundai Elantra;
  • Photographies des lieux;
  • Dossiers de formation continue de l’AI;
  • Notes du carnet de service de l’AT no 1;
  • Notes du carnet de service de l’AT no 3;
  • Notes du carnet de service de l’AT no 2;
  • Politique - usage de la force;
  • Politique - poursuite en vue de l’appréhension d’un suspect.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants provenant d’autres sources entre le 17 décembre 2023 et le 5 mars 2024.

  • Séquence vidéo du 273, rue Donald;
  • Rapport sur les armes à feu du CSJ.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec l’AI et avec des témoins de la police et civils, ainsi que d’une vidéo qui montre l’incident.

Dans la soirée du 17 décembre 2023, l’AI patrouillait avec son partenaire, l’AT no 1, dans leur véhicule de police lorsqu’ils ont vu une Hyundai Elantra qui roulait tous phares éteints. L’AI a vérifié l’immatriculation de la Hyundai et constaté qu’il s’agissait d’un véhicule dont le vol avait été signalé. L’AT no 1, au volant du véhicule de patrouille, a suivi la Hyundai alors qu’elle se dirigeait vers l’ouest sur la rue Donald.

Le plaignant était au volant de la Hyundai. Il était accompagné d’une connaissance, la TC, qui occupait le siège passager avant. Le plaignant a tourné à droite dans une allée au 251, rue Donald et s’est garé dans une place de stationnement à environ 60 mètres au nord de la chaussée. La Hyundai était orientée vers l’ouest et faisait face à une clôture grillagée.

L’AT no 1 a suivi la Hyundai dans l’allée et s’est garé en marche avant dans la place de stationnement juste au nord de la Hyundai. L’AI a alors activé la barre lumineuse de signalisation d’urgence sur le toit du véhicule et les deux agents sont sortis du véhicule, leurs pistolets dégainés. L’AT no 1 s’est approché de la portière du côté passager et a ordonné aux occupants de la Hyundai de sortir de leur véhicule. La TC a ouvert la portière du passager avant et était sur le point de sortir de la Hyundai quand le plaignant a démarré le moteur du véhicule. Les agents ont ordonné à plusieurs reprises au plaignant de couper le contact. Le plaignant a commencé à faire marche arrière pour sortir de la place de stationnement. La portière ouverte de la voiture a heurté l’AT no 1, qui était coincé entre le côté conducteur de la voiture de police et le côté passager de la Hyundai. Le contact a fait tourner l’agent sur lui-même. Alors que la Hyundai continuait de reculer en direction sud-est, son coin avant droit a heurté la hanche droite de l’AT no 1. À peu près au même moment, l’AI, debout devant la Hyundai, a fait feu sur le plaignant. L’AT no 1 est tombé derrière l’arrière du véhicule de police et a poussé un cri de douleur. Il était alors 23 h 20.

Le plaignant a continué en marche arrière et a heurté un trottoir qui bordait le côté est de l’allée. Il est passé en marche avant et a franchi une courte distance pour redresser ses roues, puis a continué en marche arrière, en accélérant vers le sud. L’AI, son arme toujours pointée vers le plaignant, a suivi le véhicule à pied en continuant d’ordonner au plaignant de s’arrêter. La Hyundai avait parcouru environ 20 mètres en marche arrière lorsque l’arrière du véhicule a percuté l’avant d’un véhicule de police. L’AT no 3, le conducteur de ce véhicule de police, arrivait sur les lieux pour venir en aide à l’AI et l’AT no 1. À ce moment-là, alors qu’il était près de l’arrière d’un autre véhicule stationné, l’AI se trouvait à environ 10 à 15 mètres au nord-ouest de la Hyundai, dans l’allée.

Bloqué en marche arrière, le plaignant est passé en marche avant et a accéléré dans l’allée. L’AI lui a fait feu à trois reprises alors que la Hyundai s’approchait, puis dépassait l’endroit où il se trouvait. Aucun des coups de feu n’a atteint le plaignant. Il a continué d’avancer, a dépassé l’AT no 1 qui était encore au sol, a parcouru une certaine distance vers le nord, puis a abandonné la Hyundai. La police l’a retrouvé et l’a arrêté plus tard.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel – Défense de la personne — emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 17 décembre 2023, le SPO a contacté l’UES pour signaler qu’un de leurs agents avait fait feu la veille sur un véhicule. L’UES a ouvert une enquête et a désigné l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec ce tir.

L’article 34 du Code criminel stipule qu’une conduite qui constituerait autrement une infraction est légalement justifiée si elle visait à dissuader une agression raisonnablement appréhendée ou réelle, ou une menace d’agression, et si elle était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de cette conduite doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’usage de la force était imminent et d’autres moyens étaient disponibles pour faire face à l’usage possible de la force, le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction à l’usage ou à la menace d’usage de la force.

La présence de l’AI et de l’AT no 1 sur les lieux était légale et ils exerçaient leurs fonctions tout au long des événements qui ont mené à la fusillade. Après avoir vérifié la plaque d’immatriculation d’un véhicule qui avait attiré leur attention lors d’une patrouille et constaté qu’il avait été déclaré volé, les agents étaient en droit d’arrêter le véhicule pour enquêter sur le vol.

Je suis convaincu que les coups de feu tirés par l’AI étaient de nature défensive. Le premier visait principalement à protéger l’AT no 1 de la mort ou de blessures corporelles graves. L’agent était alors coincé par un véhicule en mouvement – sa vie était clairement en danger. Avec sa deuxième volée de coups de feu (trois consécutifs), l’AI cherchait tant à protéger sa propre vie que celle de l’AT no 1. À ce moment-là, il était évident que le plaignant n’hésitait pas à conduire son véhicule de manière imprudente pour éviter de se faire arrêter par la police, même si cela impliquait de heurter ou d’écraser des tiers. Il venait de percuter l’AT no 1 et l’avant d’un véhicule de police, et il accélérait maintenant en direction de l’AI – qui se trouvait à quelques mètres seulement de là – et de l’AT no 1 – blessé et toujours au sol. La vie des deux agents était en danger imminent en raison de la conduite du plaignant quand les deuxième, troisième et quatrième coups de feu ont été tirés.

Je suis également convaincu que le recours à son arme à feu par l’AI était raisonnable. Il était logique de vouloir neutraliser le plaignant dans les circonstances, même si cela signifiait que cela pourrait entraîner un déplacement incontrôlé du véhicule. Cette éventualité était réelle – mais non moins réelle que le fait que les agents étaient sur le point d’être happés et possiblement tués par le véhicule – et atténuée dans une certaine mesure par le fait que la Hyundai roulait dans l’espace confiné d’une allée bordée d’une clôture grillagée de chaque côté, sans autre piéton dans le secteur, hormis la TC. Seuls des coups de feu pouvaient neutraliser immédiatement le plaignant.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 15 avril 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) A moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties pertinentes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.