Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TFP-512

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le coup de feu tiré par la police en direction d’un homme de 20 ans (plaignant no 1), d’un homme de 17 ans (plaignant no 2) et d’un homme de 16 ans (plaignant no 3).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

À 19 h 42 le 15 décembre 2023, le Service de police de Toronto a communiqué avec l’UES pour lui transmettre les renseignements qui suivent.

À 18 h le 15 décembre 2023, trois hommes ont commis un vol à main armée dans un magasin de détail de Scarborough. Ils n’ont tiré aucun coup de feu et il n’y a pas eu de blessés, mais plusieurs téléphones cellulaires ont été volés. La police a repéré le signal d’un téléphone cellulaire volé, ce qui a permis de déterminer le secteur où le véhicule suspect roulait. À 18 h 9, le véhicule en question, un VUS de marque Acura, a été trouvé près de l’intersection de Plunkett Road et Millwick Road. Des agents du Service de police de Toronto ont tenté d’encercler le véhicule, et celui-ci se serait à ce moment dirigé vers l’agent impliqué (AI), qui a alors tiré avec son arme à feu de service. Le projectile n’a atteint aucun occupant. Il a pénétré dans le véhicule et s’est logé dans une des portières. Personne n’a été blessé, mais cette intervention a causé une collision automobile. Les trois suspects ont été arrêtés sans autre incident et ils ont été transportés au poste de la division 42 pour la poursuite de l’enquête. On a trouvé une arme à feu chargée à l’intérieur du véhicule ainsi que de nombreux objets volés durant le cambriolage.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 15 décembre 2023, à 19 h 55

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 15 décembre 2023, à 20 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personnes concernées (« plaignants ») :

Plaignant no 1 : Homme de 20 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Plaignant no 2 : Homme de 17 ans; a participé à une entrevue.

Plaignant no 3 : Homme de 33 ans; n’a pas participé à une entrevue (a refusé).

Les plaignants ont participé à une entrevue entre le 15 et le 16 décembre 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 17 et le 28 décembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus dans les environs d’un tronçon de Plunkett Road, au nord de Millwick Drive, à Toronto.

Éléments de preuve matériels

À 20 h 50 le 15 décembre 2023, des enquêteurs de l’UES se sont rendus sur les lieux, qui étaient protégés par des agents en uniforme du Service de police de Toronto. Plunkett Road est une route à deux voies sur un axe nord-sud, avec des résidences se trouvant de chaque côté.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné le VUS sur place et ont déterminé la trajectoire du projectile ayant touché le véhicule. Le projectile a touché le pare-chocs avant du VUS, du côté droit (côté passager) et s’est logé dans le pneu avant du côté droit (voir les images ci-dessous).

Une douille vide a été retrouvée du côté ouest de la route, au nord de la voiture de police de l’AI, qui était aussi sur les lieux.. Une douille vide a été retrouvée du côté ouest de la route, au nord de la voiture de police de l’AI, qui était aussi sur les lieux..

Une douille vide a été retrouvée du côté ouest de la route, au nord de la voiture de police de l’AI, qui était aussi sur les lieux.

Le projectile et la douille ont été récupérés par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES.

Le 16 décembre 2023, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont recueilli l’arme à feu, les munitions et les chargeurs qui avaient été remis à l’AI.

Éléments de preuves médicolégaux

Les objets recueillis par l’UES ont été remis au Centre des sciences judiciaires pour une analyse balistique. Les résultats de cette analyse n’avaient pas encore été transmis à l’UES à la date du présent rapport.

Durant l’examen des lieux, on a trouvé une douille vide sur la route, un projectile dans le pneu du véhicule et 12 projectiles non utilisés dans le chargeur.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrement de la caméra interne de la voiture de police de l’AI et de l’AT no 1

Vers 18 h 4 le 15 décembre 2023, l’AI était au volant d’une voiture de police immobilisée face au nord sur Plunkett Road, dans la voie en direction sud. La voiture de l’AT no 4 est apparue sur la voie en direction nord et s’est immobilisée juste devant, avec un espace entre les deux véhicules. L’AI a activé ses feux d’urgence et est sorti de sa voiture. Il a marché sur la route, sur environ trois mètres, en passant devant le côté gauche (côté passager) de son véhicule, avec son arme à feu dégainée. Un piéton[3] avançait vers le nord, sur la bande gazonnée. Un VUS est arrivé par le nord. Il avançait en direction sud au centre de la route. Le VUS a ensuite dévié vers l’ouest, en direction du piéton et de l’AI, qui pour se dérober, s’est précipité sur la bordure de rue et a crié : [Traduction] « Les mains en l’air. Les mains en l’air. »

Le VUS avançait vers la voiture de l’AI. L’AT no 4 a alors ouvert la portière de sa voiture et a sorti un pied. Le VUS était alors à un demi-mètre de la portière. L’AI a tiré un coup de feu vers le VUS.

Le VUS est passé dans l’espace entre les deux voitures de police immobilisées, poursuivant son chemin vers le sud. Une voiture de police non identifiée, conduite par l’AT no 2, suivait le VUS de près.

Le VUS a fait une collision frontale avec la voiture de police de l’AT no 1, qui roulait vers le nord, ce qui a déclenché le déploiement des sacs gonflables des deux véhicules.

L’AI a dit : [Traduction] « Coups de feu tirés. Coups de feu tirés. Ils ont essayé de percuter mon [paroles inaudibles]. »

Le plaignant no 2 s’est mis à courir à partir de l’arrière du VUS en direction est et est sorti du champ de la caméra. Les AT nos 2 et 3 sont partis à sa poursuite.

L’AI, l’AT no 5 et l’AT no 1 avaient dégainé leur arme à feu et ordonné au plaignant no 1 ainsi qu’au plaignant no 3 de sortir du VUS, après quoi ils ont procédé à leur arrestation sans autre incident. Le plaignant no 3 a été identifié comme le conducteur du VUS.

Vers 18 h 8, l’AT no 1 a regardé sous le siège du conducteur du VUS et y a trouvé une arme à feu.

Enregistrement vidéo de la caméra d’intervention de l’AI et de l’AT no 1

L’enregistrement vidéo de la caméra d’intervention de l’AT no 1 a débuté pendant que ce dernier conduisait sa voiture vers Plunkett Road. Il a tourné sur Plunkett Road à 18 h 5 min 3 s. Un coup de feu a été entendu, après quoi un VUS a frappé le devant de la voiture de l’AT no 1. Celui-ci est sorti de la voiture par la portière du conducteur avec son fusil long. Il a ordonné au plaignant no 1 et au plaignant no 3 de sortir de leur véhicule.

L’enregistrement vidéo de la caméra d’intervention de l’AI a débuté à 18 h 7 min 2 sec. L’AI se tenait devant le plaignant no 1 et le plaignant no 3, qui étaient alors informés de leurs droits.

Vers 18 h 7 min 40 s, l’AI a dit : [Traduction] « J’ai cru qu’il allait me tuer. Il fonçait vers ma voiture. » Il a alors dit au plaignant no 3 : « Vous avez essayé de me tuer, vous avez essayé de me foncer dessus. » À 18 h 8 min 48 s, l’AI a dit à un autre agent de police : « J’ai cru qu’il allait me tuer. Il a dirigé son véhicule vers moi. »

À environ 18 h 10 min 35 s, l’AI a dit à un sergent de patrouille en uniforme qu’il avait cru être [Traduction] « sur le point de se faire passer dessus par un véhicule, d’être écrasé et de mourir ». Le sergent a demandé combien de coups de feu avaient été tirés. L’AI a déclaré : [Traduction] « Un seul. J’ai tenté de l’esquiver, pour l’empêcher de me percuter. »

Vers 18 h 13 min 42 s, l’AI a dit à un superviseur : « J’ai cru que l’homme allait me foncer dessus. Je suis sorti de ma voiture, qu’il était sur le point de percuter. J’ai alors essayé de me rendre jusque-là [en pointant la bordure de rue au loin]. J’ai cru qu’il allait me foncer dessus et me tuer. Je ne comprenais pas pourquoi. »

Vers 18 15 min 40 s, un sergent en uniforme a demandé à l’AI dans quelle direction il avait tiré. L’AI a indiqué qu’il avait tiré vers le conducteur parce qu’il avait essayé de le tuer.

Enregistrements des communications

À 17 h 15 le 15 décembre 2023, la police a reçu un appel au 911 d’un homme rapportant un vol à main armée dans un magasin de détail. Un opérateur radio a demandé que des unités se rendent sur place.

À 17 h 30 min 39 s, l’opérateur radio a commencé à relayer la localisation géographique d’un téléphone cellulaire ayant été volé et à coordonner les équipes.

À 18 h 4 min 38 s, l’AT no 3 a indiqué que le VUS se dirigeait vers le sud sur Plunkett Road.

À 18 h 4 min 59 s, l’AT no 3 a dit : [Traduction] « Arrêtez-les, arrêtez-les, arrêtez-les. »

À 18 5 min 52 s, un agent de police a confirmé que le véhicule avait été arrêté.

À 18 h 6 min 33 s, un coup de feu a été rapporté.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès du Service de police de Toronto entre le 16 et le 21 décembre 2023 :

  • le rapport d’incident;
  • la liste des agents concernés;
  • les enregistrements de caméra d’intervention;
  • les enregistrements de caméra interne de voiture de police;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les enregistrements audio des communications du Service de police de Toronto;
  • les notes de l’AT no 4;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 3;
  • les notes de l’AT no 2;
  • le refus de communiquer ses notes de l’AI;
  • les registres de formation sur le recours à la force pour l’AI;
  • les politiques du Service de police de Toronto relatives aux arrestations et à l’emploi de la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants d’autres sources le 2 janvier 2024 :

  • le dossier médical du plaignant no 1 de l’Hôpital Centenary, à Scarborough.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec deux des trois personnes qui se trouvaient à bord du véhicule sur lequel l’AI a tiré, soit le plaignant no 1 et le plaignant no 2, les entrevues avec les agents témoins ainsi que les enregistrements vidéo ayant capté des images de l’incident. L’agent impliqué a refusé de participer à une entrevue avec l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Dans la soirée du 15 décembre 2023, le Service de police de Toronto a reçu un appel au 911 concernant un vol à main armée survenu dans un magasin de détail de Scarborough. Les suspects avaient, d’après ce qui a été rapporté, brandi un couteau et une arme à feu durant le cambriolage et s’étaient enfuis à bord d’un VUS Acura avec de la marchandise volée, notamment des téléphones cellulaires. Puisqu’un des téléphones était doté d’un dispositif de géolocalisation, la police a pu suivre les déplacements du véhicule, qui se dirigeait vers l’ouest, en direction de North York. Plusieurs voitures du Service de police de Toronto se sont alors dirigées vers le VUS.

L’AI, qui conduisait une voiture de police identifiée, comptait parmi les agents à la recherche du VUS Acura. Ayant été informé que le véhicule se trouvait sur Plunkett Road, l’agent a suivi une autre voiture de police identifiée, qui était conduite par l’AT no 4 et roulait vers le nord sur cette route. Après avoir dépassé l’intersection de Millwick Drive, l’AT no 4 a immobilisé sa voiture le long de la bordure de rue du côté est. L’AI s’est arrêté près de la bordure de rue du côté ouest, non loin derrière la voiture de l’AT no 4. Au nord de l’emplacement de ces deux voitures, le VUS Acura avançait en direction sud sur Plunkett Road, en provenance de Cabana Drive. À l’approche des voitures de police de l’AI et de l’AT no 4, le véhicule Acura a dévié dans la voie en direction sud, avant de se redresser et de se diriger vers l’espace entre les deux voitures de police. Il venait de parvenir à la portière du conducteur de l’AT no 4 lorsqu’un coup de feu a retenti.

C’est l’AI, qui était sorti de sa voiture et s’était positionné près de la bordure de rue du côté ouest, à quelques mètres de l’avant de son véhicule, qui avait fait feu.

Le véhicule Acura a poursuivi son chemin entre les deux voitures de police et a fait une collision frontale avec une autre voiture de police. L’AT no 1, qui était au volant de cette voiture, arrivait du sud et s’approchait pour venir bloquer l’espace restant lorsque la collision est survenue. Les occupants du véhicule, soit les plaignants nos 1, 3 et 2, ont été mis sous garde.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 34 du Code criminel : Défense – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger – ou de défendre ou de protéger une autre personne – contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 15 décembre 2023, le Service de police de Toronto a signalé à l’UES qu’un de ses agents avait fait feu sur un véhicule. Aucun des occupants du véhicule n’a été grièvement blessé. L’UES a entrepris une enquête et a identifié l’AI comme l’agent impliqué. Cette enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec les coups de feu.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, des actes qui constitueraient autrement une infraction sont légalement justifiés pourvu que ce soit pour éviter une attaque raisonnablement redoutée, qu’elle soit réelle ou potentielle, à condition que ces actes soient raisonnables dans les circonstances. Pour ce qui est du caractère raisonnable des actes en question, il doit être évalué en fonction des circonstances pertinentes, notamment en tenant compte de facteurs comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et, enfin, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

La présence de l’AI sur les lieux était justifiée et il était dans l’exercice de ses fonctions durant les événements qui ont mené à l’usage d’une arme à feu. L’agent avait des motifs de croire que les occupants du véhicule Acura venaient de perpétrer un vol à main armée avec un couteau et une arme à feu[4]. Dans les circonstances, il était fondé à faire tout en son pouvoir pour contribuer à l’intervention policière globale et aider à procéder à l’arrestation des occupants du véhicule Acura. Et, à mon avis, cela comprenait la planification, avec l’AT no 4, d’une sorte de barrage routier sur Plunkett Road, juste au nord de Millwick Drive.

Lorsque l’AI est sorti de sa voiture de police et a, peu après, tiré un coup de feu en direction du véhicule Acura, il s’agissait d’un acte de légitime défense. C’est effectivement ce qu’il a dit peu après la collision, qu’il craignait pour sa vie lorsqu’il a tiré, et aucun élément de preuve ne vient démentir cette affirmation. Au contraire, les preuves circonstancielles viennent appuyer ses dires, la principale preuve étant que le véhicule Acura se dirigeait vers les voitures de police immobilisées sur Plunkett Road (s’approchant donc de l’AI, qui se trouvait juste à côté de sa voiture) et que le conducteur ne s’est pas arrêté.

Pour ce qui est du coup de feu tiré, les éléments de preuve ne fournissent pas de motifs raisonnables de croire qu’il ne s’agissait pas d’un usage justifié de la force comme moyen de défense légitime. Le barrage routier mis en place par l’AI et l’AT no 4, même partiel, constituait une tactique raisonnable. Puisque les feux d’urgence de l’AI étaient activés, le conducteur du véhicule Acura savait qu’il approchait d’une voiture de police et qu’on s’attendait dans une certaine mesure à ce qu’il immobilise son véhicule. Le bien-fondé de la décision de l’AI de sortir de sa voiture et de se placer devant, en pointant son arme vers le véhicule Acura qui avançait dans sa direction, semble plus douteux. Il se plaçait ainsi dans une position de vulnérabilité devant les dangers que représentait un véhicule en mouvement, et c’est ce qui a été l’élément déclencheur du coup de feu tiré par l’agent. Par contre, encore une fois, la conduite de l’agent n’était pas sans raison compte tenu de la possibilité, qui existait toujours à ce stade, que le véhicule Acura s’arrête. La décision de tirer sur un véhicule en mouvement est aussi sujette à caution, car il est peu probable qu’un coup de feu parvienne à faire arrêter un véhicule sur sa trajectoire, sans compter le danger que représente un véhicule que le conducteur ne serait pas en état de maîtriser. Cela dit, l’AI avait une décision difficile à prendre en une fraction de seconde à peine. S’il croyait véritablement que le véhicule Acura mettait sa vie en danger, et j’estime que c’est le cas, il semble alors que d’avoir voulu neutraliser le conducteur était un choix judicieux pour l’AI, encore plus s’il avait des motifs de croire que le conducteur tentait délibérément de manœuvrer de manière à le cibler en se rapprochant de lui. Il s’agissait en l’occurrence d’une véritable possibilité. En effet, comme le montre l’enregistrement de la caméra interne de véhicule, le véhicule Acura avait brièvement dévié vers l’AI avant de se redresser et d’être visé par le coup de feu de l’agent. De plus, lorsque le véhicule Acura était rendu à une courte distance des voitures de police et qu’il est devenu évident qu’il ne s’immobiliserait pas, il était tout à fait possible qu’il puisse passer sur la bordure de rue pour contourner la barricade et heurter l’AI sur son chemin. Au vu du dossier, je n’ai pas de motifs suffisants de conclure que l’AI a agi d’une manière le rendant inadmissible à la protection offerte par l’article 34 lorsqu’il a déchargé son arme à feu.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire. Le dossier est donc clos.

Date : 12 avril 2024

Signature électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) La personne en question a quitté les lieux et n’a pu être identifiée. [Retour au texte]
  • 4) En fait, on a trouvé une arme à feu chargée dans le véhicule après la collision. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.