Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-POD-460

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 45 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 6 novembre 2023, la Police provinciale de l’Ontario a transmis les renseignements suivants à l’UES.

Le 13 octobre 2023, des agents du détachement de la Police provinciale du Sud de la baie Georgienne, à Midland, ont été dépêchés sur les lieux du signalement d’un incident mettant en cause deux hommes et une arme à feu. Lorsque l’un des hommes s’est enfui, un commandement d’opérations policières en situation de crise a été mis en place et des chiens policiers ont été appelés en renfort. À un moment donné, l’un des hommes en cause a été attrapé et mordu par un chien policier pendant son arrestation. L’UES n’en a pas été informée, car les agents de police concernés pensaient que la blessure était superficielle. L’homme, soit le plaignant, a été détenu au Centre correctionnel du Centre-Nord à Penetanguishene. Le 5 novembre 2023, le plaignant est décédé des suites d’une infection sanguine qui semblait alors attribuable aux morsures de chien. Il a été signalé à la Police provinciale que le plaignant avait été examiné à plusieurs reprises par du personnel médical. La Police provinciale ne possédait toutefois aucun renseignement à cet effet lorsqu’elle a signalé l’incident.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 6 novembre 2023, à 12 h 29

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 6 novembre 2023, à 13 h 22

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 45 ans, décédé.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue.
AT no 2 A participé à une entrevue.
AT no 3 A participé à une entrevue.

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 29 novembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont produits à l’intérieur d’un logement sur la rue William, à Midland.

Éléments de preuve matériels

S. O.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications de la police.

Appels téléphoniques

À 14 h 28 le 13 octobre 2023, la Police provinciale a reçu deux appels distincts de la part de femmes signalant qu’un homme avait sorti une arme à feu en menaçant un autre homme, avant de prendre la fuite à bord d’un VUS Ford noir avec une femme.

Durant un de ces appels, une femme faisant ses courses dans le commerce The Liquigator a indiqué qu’un homme avait sorti une arme à feu brièvement pour menacer un autre homme dans le stationnement. L’homme et sa femme avaient fui dans un petit VUS Ford noir. La femme a pu donner le numéro d’immatriculation du véhicule et une description de l’homme et a mentionné que le personnel du commerce avait reconnu la femme, qui était une cliente régulière. La femme a ajouté qu’elle ne savait pas si l’arme à feu était une vraie; il lui a semblé que l’arme [Traduction] « avait la forme d’une arme de poing, mais ressemblait plus à une arme à balles BB ou quelque chose du genre ».

Durant l’autre appel, une femme a rapporté le même événement, disant qu’un homme avait sorti une arme en menaçant un autre homme. La personne ayant pris l’appel a répondu que la situation avait déjà été signalée. On entendait des sirènes en arrière-plan durant l’appel.

Les enregistrements des appels par la Police provinciale comprennent l’appel du superviseur des communications à l’AI, qui visait une consultation sur les prochaines étapes. L’AI a fait des vérifications et a ensuite rappelé le superviseur des communications pour lui dire qu’on lui avait appris qu’une femme se trouvait dans le logement avec le plaignant et que ce dernier avait présumément en sa possession une arme de poing. Elle a ajouté que l’Équipe d’intervention d’urgence avait été appelée et qu’elle tentait de faire appeler l’Unité tactique et de secours.

Appels téléphoniques des négociateurs en situation de crise

Les enregistrements n’ont capté que le dialogue entre les négociateurs pendant qu’ils tentaient de joindre le plaignant et la femme, et toutes leurs tentatives se sont soldées par un échec.

Communications par radio


Dans les communications par radio, on entendait que des agents étaient envoyés sur les lieux du signalement d’un homme qui avait [Traduction] « brandi une arme à feu » dans un stationnement à Midland avant de fuir avec sa femme à bord d’un VUS Ford noir.

Le centre de répartition a ensuite indiqué que le certificat d’immatriculation du véhicule était au nom d’une femme vivant dans une résidence de la rue William, qu’on savait en possession d’armes à feu et qui avait déjà été accusée de « possession en vue du trafic ». L’AI a par la suite signalé que l’homme présumément désigné comme le plaignant était le propriétaire de trois armes à feu enregistrées.

Les agents sur place ont par la suite trouvé le véhicule inoccupé à l’immeuble en cause.

Les communications ultérieures avaient trait à l’arrivée d’agents sur les lieux et aux dispositions relatives à des renforts.

Communications tactiques par radio

Sur l’enregistrement, on entendait l’Équipe d’intervention d’urgence discuter de son intervention, du déploiement visant à sécuriser le quatrième étage de l’immeuble et de son plan pour amener le plaignant à se rendre.

Conversation sur WhatsApp – Équipe d’intervention d’urgence de la Police provinciale de l’Ontario

Le groupe WhatsApp a été créé le 13 octobre 2023, à 17 h 4, avant l’arrivée des membres de l’Équipe d’intervention d’urgence sur les lieux.

Dans les communications, les membres de l’Équipe d’intervention d’urgence ont reçu de l’information sur la situation et le plaignant.

Un message diffusé à 22 h 18 indiquait qu’un mandat venait d’être délivré. Un message subséquent transmis à 22 h 33 disait que la porte du logement du plaignant avait été ouverte, que la police avait dit qu’elle détenait un mandat de perquisition et que l’ordre avait été donné au plaignant de se rendre à la porte d’entrée, mais qu’aucune réponse n’avait été obtenue. À 22 h 36, on a annoncé au plaignant qu’un chien policier serait utilisé, mais encore une fois, il n’a pas réagi. Une minute plus tard, on a signalé que l’unité canine avait [Traduction] « commencé son intervention ». Encore une minute plus tard, on a signalé que le plaignant était sous garde et que son bras gauche avait été mordu.
Conversation des négociateurs en situation de crise de la Police provinciale dans Signal

Les négociateurs ont utilisé l’application de téléphone intelligent Signal pour communiquer. La mission a été transmise au groupe. Elle était la suivante : [Traduction] « Isoler, sécuriser et évacuer et négocier [avec le plaignant] pour l’amener à se rendre en toute sécurité, tout en veillant à préserver le mieux possible la sécurité du public, de la police et du suspect [3]. »

Les textos dans le groupe de conversation indiquaient que plusieurs tentatives avaient été faites pour téléphoner aux numéros du plaignant et de sa petite amie, mais en vain.

À 18 h 35, on a signalé que la commandante des opérations [Traduction] « voulait qu’on appelle [le plaignant] à répétition ». Par la suite, des textos ont été envoyés aux téléphones cellulaires du couple.

À 19 h 11, quelqu’un a rapporté que la petite amie du plaignant était sortie du logement et avait dit à la police que le plaignant s’était endormi. Elle a également indiqué à la police qu’elle ne connaissait pas le numéro de cellulaire du plaignant, mais elle a donné le numéro de téléphone d’une tablette qui se trouvait dans le logement. La femme n’a pu fournir d’autres renseignements sur des applications de téléphone intelligent utilisées par le plaignant.

À 22 h 19, un message disait que le mandat avait été délivré et qu’il était en cours de livraison.

À 22 h 33, on a entendu : [Traduction] « Le mandat est en train d’être exécuté. Unité tactique et de secours dans le logement. » Puis, à 22 h 38, on a appris que le plaignant était sous garde.

Enregistrements vidéo

Caméra de harnais du chien policier

Le 8 novembre 2023, l’UES a été avisée que la caméra fixée au harnais du chien policier n’avait rien enregistré et n’avait servi aux agents qu’à voir ce qui se passait en direct. L’AT no 3 a aussi informé l’UES que la caméra n’avait pas enregistré.
Enregistrements vidéo du poste de détachement de la Police provinciale

Les enregistrements au poste de détachement montraient les déplacements du plaignant, à partir de son arrivée au poste de détachement jusque dans la cellule, puis pendant qu’il était dans la cellule.

Le plaignant est arrivé au poste de détachement à 1 h 56 le 14 octobre 2023, après avoir eu son congé de l’hôpital. Il a été enregistré et fouillé puis, à 2 h 14, il a été placé dans une cellule.

L’enregistrement de la caméra de surveillance dans la cellule remis à l’UES comportait un « carré de protection de l’intimité » dans le champ de la caméra pour assurer l’intimité des prisonniers à l’emplacement de la toilette. L’UES a demandé une autre copie d’enregistrement sans le « carré de protection de l’intimité », car les mouvements du plaignant dans ce secteur ne pouvaient être discernés.

À 2 h 42, le plaignant était debout face à la toilette. Il s’est penché vers l’avant, a approché le visage du lavabo et a bu de l’eau dans le verre fourni sur place. Il est demeuré près de la toilette un long moment, en buvant une grande quantité d’eau, puis il a tenté de se faire vomir en s’enfonçant des doigts dans la gorge.

À 3 h 31, le plaignant a fait un signe en direction de la caméra. Il semblait indiquer qu’il voulait quelque chose à boire. Quelques instants plus tard, la porte de la cellule s’est ouverte et on lui a remis une boîte à boire, puis une autre. À 4 h 4, le plaignant a reçu encore une boîte à boire, puis il s’est couché et a semblé s’endormir.

À 9 h 1, le plaignant a été escorté hors de la cellule. Il a été conduit à la salle de prise des empreintes digitales, où ses empreintes ont été prises et photographiées, puis il est retourné dans sa cellule. Par la suite, il a de nouveau été escorté hors de la cellule pour aller faire un appel téléphonique et a été ramené à la cellule.

À 10 h 51, un agent a fait sortir le plaignant de la cellule et l’a conduit à une cellule différente. À partir de là, on l’a sorti de la cellule et ramené, et les heures concordaient avec celles où il a été interrogé.

À 13 h 2, le plaignant a été conduit à la salle de garde. Il a été menotté les mains devant lui, des entraves aux jambes ont été installées et il a été conduit à l’aire de transfert, où on l’a assis sur la banquette arrière d’un VUS identifié. Le plaignant est revenu à 13 h 27 et il est alors entré à pied dans l’aire de transfert et a pénétré dans la salle de garde, où les menottes et les entraves pour les jambes lui ont été retirées avant qu’il soit ramené à sa cellule. Le plaignant marchait alors sans assistance et avait un pansement à l’avant-bras gauche.

À 14 h 46, le plaignant a été escorté hors de la cellule jusqu’à la salle de libération sous caution, puis il a été ramené dans sa cellule à 15 h.

À 19 h 15, on a de nouveau fait sortir le plaignant de sa cellule et on l’a conduit à la salle de garde, où il a été fouillé. Des entraves ont été fixées à ses chevilles et des menottes en plastique lui ont été passées aux poignets après qu’on eut tenté de placer des menottes par-dessus les pansements, ce qui avait semblé lui causer une vive douleur. Le plaignant a ensuite été dirigé vers l’aire de transfert, où un véhicule l’attendait.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario entre le 14 novembre 2023 et le 14 janvier 2024 :
  • le rapport des détails des incidents;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le rapport de garde de personne en détention sur le plaignant;
  • le dossier d’évaluation médicale de personne en détention sur le plaignant;
  • la vérification de la sécurité de personne en détention;
  • la liste de contrôle de garde;
  • le déroulement chronologique des événements;
  • la liste des agents en cause;
  • les enregistrements de communications;
  • les photographies médicolégales de la Police provinciale;
  • des captures d’écran des messages échangés entre les membres de l’Équipe d’intervention d’urgence dans la conversation sur WhatsApp;
  • la procédure relative aux services de l’unité canine;
  • le cours général pour chien policier de l’unité canine;
  • la copie de l’entrevue du plaignant par la Police provinciale le 14 octobre 2023;
  • les enregistrements de caméra de surveillance au poste de détachement;
  • les enregistrements des appels des négociateurs en situation de crise;
  • le journal des négociateurs en situation de crise;
  • la copie des communications dans l’application Signal;
  • la copie des renseignements ayant servi à obtenir le mandat d’entrée dans la résidence du plaignant et la copie du mandat;
  • les photos de la blessure du plaignant;
  • le rapport opérationnel de l’unité canine;
  • l’enregistrement vidéo de la cellule au poste de détachement non caviardé, sans le carré de protection de l’intimité.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

Le 9 novembre 2023, l’UES a obtenu le dossier médical du plaignant venant de l’Hôpital général de la baie Georgienne. Après avoir déterminé que les documents reçus étaient incomplets, l’UES a demandé les documents manquants, qui ont été reçus le 12 décembre 2023.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec l’AI.

Vers 14 h 30 dans l’après-midi du 13 octobre 2023, la Police provinciale a reçu deux appels au 911 de la part de citoyennes indiquant que le plaignant avait sorti une arme à feu en menaçant un autre homme durant une dispute survenue dans le stationnement d’un magasin de liquidation située sur la rue Bay. Le plaignant avait fui les lieux dans un VUS avec une femme. L’une des femmes ayant appelé avait noté le numéro d’immatriculation du véhicule, qu’elle a fourni à la police. La recherche qui a été faite par la suite a révélé que ce numéro était associé à un logement de la rue William, et des agents ont donc été dépêchés à l’adresse en question sur la rue William. De nombreuses tentatives ont été faites pour amener le plaignant à se rendre, mais en vain.

Environ une demi-heure plus tard, autour de 15 h, l’AI a été avisée de la situation et on lui a demandé de remplir le rôle de commandante des opérations. Pendant qu’elle se rendait sur les lieux, l’AI a entrepris de coordonner le déploiement des ressources, y compris des agents de l’Équipe d’intervention d’urgence et de l’Unité tactique et de secours, des négociateurs en situation de crise et des maîtres-chiens. Elle est parvenue au poste de commandement vers 17 h 10. À ce stade, les agents de l’Équipe d’intervention d’urgence avaient pris position pour sécuriser le logement.

Les multiples tentatives effectuées au fil des heures pour tenter de joindre le plaignant à l’intérieur du logement, qui ont pris la forme d’appels téléphoniques, de textos et de communications au moyen d’un porte-voix électrique, ont été infructueuses. Vers 18 h 15, des agents de l’Unité tactique et de secours ont pris le relais de l’Équipe d’intervention d’urgence en prenant les mêmes positions autour du logement. À 19 h 10, une femme est sortie du logement par la porte d’entrée et elle a été mise sous garde sans incident. Elle a informé la police que le plaignant s’était endormi.

Vers 22 h, l’AI a autorisé les agents à pénétrer dans le logement. L’intention était d’envoyer un drone devant permettre de déterminer où se trouvait le plaignant. La tactique a échoué à cause d’une défaillance du drone. On a ensuite utilisé un chien policier pour entrer dans le logement. Une fois que le chien trouverait le plaignant, il devait le mordre et le maintenir en place jusqu’à l’arrivée des agents de l’Unité tactique et de secours, qui procéderaient à son arrestation.

Un mandat de perquisition autorisant à pénétrer dans le logement a été obtenu vers 22 h 20. Autour de 22 h 36, le chien policier a été envoyé par la porte d’entrée du logement. Celui-ci a cherché dans différentes pièces avant d’entrer dans la chambre à coucher et de trouver le plaignant dans le lit. Le chien a attrapé le bras gauche du plaignant, qui a crié de douleur. Les agents de l’Unité tactique et de secours ont alors pénétré dans le logement et ont mis le plaignant sous garde. Le maître-chien, soit l’AT no 3, a ordonné au chien de lâcher le bras du plaignant.

Le plaignant a été examiné par les ambulanciers sur place et conduit à l’hôpital, où il a été traité pour une morsure de chien au bras gauche. Ayant subi une blessure du tendon, il a été confié à un chirurgien plasticien, avant d’avoir son congé et d’être mis sous la garde de la Police provinciale, avec une ordonnance pour des antibiotiques et des analgésiques.

Une fois au poste de détachement de la Police provinciale, le plaignant est resté un certain temps dans une cellule, puis il a été renvoyé sous la garde du Centre correctionnel du Centre-Nord à Penetanguishene. Les 17 et 18 octobre 2023, le plaignant a été conduit à l’hôpital à partir du centre correctionnel pour y faire traiter une infection des blessures laissées par la morsure de chien. Le 23 octobre 2023, il a encore une fois été amené à l’hôpital à cause d’un comportement étrange. Le diagnostic alors posé indiquait que les symptômes du plaignant [Traduction] « semblaient découler d’un problème plus comportemental que médical ». Le 4 novembre 2023, le plaignant s’est rendu à l’hôpital pour la dernière fois, pendant qu’il était toujours sous la garde du centre correctionnel. On a alors constaté que l’infection au bras gauche s’aggravait et le plaignant a été admis à l’hôpital. Son état a continué à se détériorer et, le 5 novembre 2023, le plaignant a été trouvé par l’infirmière de garde dans un état d’hypoxie et il n’avait plus de pouls. Il a été déclaré mort à 22 h 48.

La cause du décès du plaignant n’avait pas encore été déterminée au moment de la rédaction du présent rapport.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 6 novembre 2023, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES du décès du plaignant s’étant produit le 5 novembre 2023 et de la possibilité que son décès soit lié à une morsure de chien policier survenue le 13 octobre 2023. L’UES a entrepris une enquête et a identifié l’AI comme l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec le décès du plaignant.

Conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

Le plaignant avait brandi une arme, qui semblait être une arme à feu, vers un autre homme et a été arrêté pour voies de fait et infractions relatives à des armes.

Quant à la force employée contre le plaignant pour procéder à son arrestation, notamment le recours au chien policier, j’estime qu’elle était légalement justifiée. Les agents qui s’étaient mobilisés autour du logement sous le commandement de l’AI avaient des raisons de croire que le plaignant était en possession d’une arme à feu. Dans les circonstances, on peut comprendre pourquoi le chien policier a été déployé avant que la police ne pénètre dans le logement. Le chien, équipé d’une caméra filmant en direct, devait permettre de fournir des renseignements importants à la police. Des renseignements tels que l’emplacement du plaignant dans le logement et la confirmation de la présence ou non d’une arme allaient grandement contribuer à minimiser le risque de blessure pour les agents dans la planification des prochaines étapes. Plus précisément, une fois que le chien policier aurait mordu le sujet, en l’occurrence le plaignant, le maintenant ainsi en place, les agents pénétrant dans le logement pouvaient s’attendre à se trouver dans une position avantageuse par rapport à un plaignant distrait et restreint dans ses mouvements. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé. Le plaignant, qui souffrait et était retenu par le chien policier qui le mordait, a été mis sous garde par les agents de l’Unité tactique et de secours sans qu’il soit nécessaire de recourir à plus de force. Cela dit, il convient de noter que la police avait jusqu’alors donné au plaignant de nombreuses chances de se rendre de façon pacifique et qu’elle n’a déployé le chien que lorsque les tentatives de négociation, qui ont duré plus de cinq heures, se sont révélées vaines.

À la fin de l’enquête, il n’a pu être établi si et dans quelle mesure la morsure du chien policier et l’infection qui en a résulté représentaient la cause immédiate du décès du plaignant. La cause du décès ne pourra être déterminée avant que d’autres tests ne soient effectués et que le bureau du coroner ne soumette son rapport d’autopsie final. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que le déploiement du chien constituait une force raisonnablement nécessaire. Par conséquent, je n’ai pas de motifs raisonnables de conclure que le décès du plaignant est le résultat d’un comportement illégal de la part de l’AI. Pour les raisons qui précèdent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.


Date : 5 mars 2024


Signature électronique


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Envoyé à 18 h 3. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.