Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TCI-454

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’a subie un homme de 36 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 2 novembre 2023, à 9 h 03, le service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES que le plaignant avait subi une blessure.

Selon le SPT, le 1er novembre 2023, le plaignant a été arrêté à la suite d’une lutte au cours de laquelle il a été mis au sol et menotté. Le plaignant a ensuite été examiné par les services médicaux d’urgence (SMU), qui ont constaté qu’il n’avait pas de blessure grave et qu’il n’avait pas besoin d’être hospitalisé. Il a donc été transporté à la division 51 et placé dans une salle d’entrevue. La pièce était insonorisée par un revêtement mural. À 17 h 26, l’alarme incendie s’est déclenchée à la station. Le plaignant avait en effet déchiré le revêtement mural de la salle d’entrevue, et donc libéré de la poudre isolante qui a déclenché l’alarme. On a également découvert que deux vis qui maintenaient le rembourrage en place avaient disparu. On a fait sortir le plaignant de la pièce et une fouille de niveau 3 a été effectuée, mais aucune vis n’a été trouvée. C’est à ce moment-là que les blessures au visage du plaignant se sont révélées. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital Mount Sinai où des radiographies ont été effectuées. Il a ensuite reçu un diagnostic de fracture de l’os nasal et de l’os orbital gauche. Le plaignant a ensuite été transféré à l’Hôpital Toronto Western où il devait être examiné par un spécialiste le 2 novembre 2023 à 22 h. Il est ensuite retourné à la division 51 où il est resté en attendant son audience pour la mise en liberté sous caution.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 2 novembre 2023 à 9 h 12

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 2 novembre 2023 à 14 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 36 ans; a refusé de participer à une entrevue

Témoin civil

TC n° 1 A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 16 janvier 2024.

Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT n° 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT n° 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT n° 4 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 5 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 6 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 7 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 8 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 9 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 10 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 11 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT n° 12 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont été interrogés entre le 24 et le 26 janvier 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les lieux suivants sont associés à l’incident faisant l’objet de l’enquête :
  • Le restaurant Tim Hortons, situé au 26 de la rue Dundas Est, à Toronto et ses alentours
  • Une salle d’entrevue avec un revêtement mural à la division 51 du SPT
  • Une salle de fouille de la division 51 du SPT
  • Une cellule de la division 51 du SPT

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications de la police

Le 1er novembre 2023, à 14 h 17, l’AT n° 12 a informé le répartiteur que le plaignant avait été arrêté au 26 de la rue Victoria [il s’agit en fait du restaurant Tim Hortons situé au 26 de la rue Dundas Est] et que les agents avaient fait appel à une autre unité pour le transporter. Le plaignant avait été arrêté pour agression à main armée à la suite d’un incident survenu quelques jours auparavant.

L’AT n° 9 et l’AT n° 8, ainsi qu’un agent non désigné (AND), se sont rendus sur les lieux pour apporter leur aide. L’AT n° 12 a indiqué que le plaignant s’était cogné la tête contre le sol, mais que l’intervention d’une ambulance n’était pas nécessaire. À 14 h 39 min, les AT n° 9 et n° 8 ont transporté le plaignant à la division 51.

À 14 h 49, l’AT n° 9 a demandé qu’une ambulance se rende à l’entrée sécurisée du poste de police parce que le plaignant s’était cogné la tête contre la cloison de leur véhicule de police alors qu’ils se dirigeaient vers le poste de police. Le plaignant était lucide, mais il saignait de la tête.
 

Vidéo filmée à l’aide de la caméra d’intervention de l’AT n° 12

L’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT n° 12 débute à 14 h 16. L’AT n° 12 entre dans le restaurant Tim Hortons et s’approche du plaignant. L’agent demande à plusieurs reprises au plaignant de lui présenter ses mains, mais ce dernier refuse. Il saisit alors la main droite du plaignant et le plaque au sol sur le ventre. L’AT n° 10 lui passe les menottes, les mains dans le dos.

À 14 h 17, l’AT n° 12 indique sur la radio de la police que tout va bien et que le plaignant a été arrêté pour agression armée. Le plaignant demande en hurlant aux agents de lui tirer dessus.

À 14 h 19, le plaignant se trouve sur son côté droit, à même le sol. Il lève la tête et se frappe le côté droit de la tête à deux reprises contre le sol. On relève le plaignant et on le place contre une table.

À 14 h 30, le plaignant est escorté vers la porte d’entrée du restaurant, puis installé sur le siège arrière du véhicule de police de l’AT n° 8. Peu après, l’AT n° 12 ouvre la portière arrière côté passager et place le plaignant sur le dos tandis que les AT n° 8 et n° 10 attachent les jambes du plaignant avec des sangles qu’ils fixent à la portière côté conducteur du véhicule. Le plaignant insulte les agents et leur crie dessus.
 

Vidéo filmée à l’aide de la caméra d’intervention de l’AT n° 10

La caméra d’intervention de l’AT n° 10 a capté les mêmes faits que celle de l’AT n° 12. Les images montrent en outre l’AND demandant à l’AT n° 10 et à l’AT n° 8 d’attacher les jambes du plaignant pour l’empêcher de se blesser la tête.

Vidéo filmée à l’aide de la caméra d’intervention de l’AT n° 8

La caméra d’intervention de l’AT n° 8 a capté les événements qui se sont produits au restaurant Tim Hortons ainsi que ceux qui se sont déroulés à la division 51.

À 14 h 59, le plaignant est assis sur une chaise, les mains menottées dans le dos, et fume une cigarette devant la porte du hall d’entrée de la division 51. L’AT n° 8 et l’AND le surveillent. L’AT n° 8 lui dit qu’ils attendent une ambulance pour faire examiner sa tête. Le plaignant indique qu’il est suicidaire.

À 15 h 21, les SMU arrivent sur les lieux et l’AT n° 8 explique aux ambulanciers paramédicaux que le plaignant s’est coupé la tête en se cognant contre la cloison en plastique acrylique du véhicule de police. Un ambulancier paramédical examine le plaignant et constate qu’il n’a aucune blessure grave, la coupure mineure à la tête n’ayant pas nécessité de points de suture.

Caméra d’intervention de l’AND

La caméra d’intervention de l’AND a pratiquement capté les mêmes événements que celle des autres agents. On voit également le plaignant avec une petite lacération ensanglantée au milieu du front au moment de sa mise en détention à la division 51.

Images captées à l’aide du système de caméra installé dans la voiture de police

Vers 14 h 30, le plaignant est assis à l’arrière du véhicule de police de l’AT n° 8, les mains menottées dans le dos. Aucune blessure n’est visible sur la tête du plaignant. Peu après, le plaignant se penche en arrière et donne deux coups de pied dans une vitre latérale arrière.

À 14 h 31, le plaignant se cogne sept fois le haut de la tête contre la vitre. On ouvre la portière arrière pour interrompre le comportement du plaignant, puis on la referme.

À 14 h 32, le plaignant dit : [traduction] « Tirez sur moi » et se frappe à nouveau la tête contre la vitre. Le plaignant continue de dire [traduction] « Tirez sur moi » tout en regardant les agents qui se tiennent près du véhicule.

À 14 h 33, l’AT n° 12 et l’AT n° 8 maintiennent le plaignant et l’AT n° 10 lui attache les pieds avec une sangle qu’il fixe à la portière du véhicule. Ils lui expliquent que la sangle sert à l’empêcher de se blesser.

À 14 h 34, le plaignant indique que les agents devraient le tuer et qu’ils passeraient aux nouvelles. Il ajoute qu’il allait [traduction] « tuer tous les agents de police » et leur demande de lui lâcher le cou. Ils lui répondent qu’ils tentent de l’empêcher de s’assommer. Le plaignant leur répond qu’il peut se suicider sur le siège arrière s’il le voulait.

À 14 h 40, alors qu’il se rend à la division 51, le plaignant se frappe de nouveau à la tête, cette fois à six reprises, contre la vitre de la portière arrière gauche et continue de proférer des injures à l’égard des agents.

À 14 h 42, le plaignant frappe quatre fois la cloison avec sa tête. L’AT n° 9 lui demande d’arrêter. Le plaignant continue de vociférer et indique que si l’on ne lui donne pas une cigarette, ils n’arriveront pas à entrer dans le [traduction] « poste de police ».

À 14 h 45, le plaignant dit que personne n’a été poignardé et qu’il a été arrêté en raison d’un faux témoignage. Le plaignant affirme qu’ils devront lui tirer dessus à l’extérieur du véhicule de police.

À 14 h 46, le plaignant se cogne encore la tête à quatre reprises contre la cloison. Là encore, on demande au plaignant d’arrêter. Quelques secondes plus tard, il se frappe la tête de nouveau. On voit maintenant du sang sur son front, en haut à gauche. Il parle de son père qui ne veut pas le voir et d’un couteau qu’on n’a pas trouvé sur lui.

À 14 h 49, le plaignant se cogne une nouvelle fois la tête contre la cloison.

À 14 h 50, le véhicule arrive à la division 51.

Vidéos de la mise sous garde

Le 1er novembre 2023, à 15 h 49, trois agents font entrer le plaignant dans une salle d’entrevue. Son visage ne présente aucune blessure apparente.

À 17 h 20, le plaignant se trouve dans la salle d’entrevue lorsqu’il se frappe à deux reprises sur le côté droit de sa tête avec son poing. Il se met à genoux et commence à déchirer le revêtement du mur. Un peu plus tard, cinq agents (parmi lesquels se trouvaient l’AT n° 3 et l’AT n° 1) entrent dans la pièce, saisissent le plaignant et le font sortir.

À 17 h 29, on voit des agents dans un couloir en train de porter le plaignant face vers le sol. L’AT n° 1 porte la partie arrière de son torse, un autre agent porte son pied droit et un troisième son pied gauche. Ils l’emmènent hors du champ de vision de la caméra.

À 17 h 46, l’AT n° 3, l’AT n° 1, l’AT n° 4, l’AT n° 5 et l’AT n° 11 se rendent dans la cellule du plaignant. L’AT n° 5, l’AT n° 4 et l’AT n° 11 sortent le plaignant de la cellule avec le visage face au sol. On ne le voit plus dans le champ de vision de la caméra. L’AT n° 3 et l’AT n° 1 les suivent.

À 17 h 51, le plaignant est reconduit dans le couloir. Il est plié à la taille, la tête vers le bas. Son capuchon est relevé, ses mains sont menottées devant lui et son visage n’est pas visible. L’AT n° 11 le tient par le bras droit et l’AT n° 4 par le bras gauche. Les deux agents maintiennent la tête du plaignant vers le bas alors qu’ils le ramènent dans sa cellule.

Vidéos de l’entrée sécurisée du poste de police

Le 1er novembre 2023, à 15 h 35, on voit le plaignant en compagnie de trois agents et d’un ambulancier paramédical à l’entrée sécurisée de la division 51. Il est accompagné à l’intérieur du bâtiment. Il sort du champ de vision de la caméra.

Le 2 novembre 2023, à 0 h 27, deux ambulanciers paramédicaux transportent le plaignant sur une civière jusqu’à l’entrée sécurisée et le placent à l’arrière d’une ambulance. La vidéo prend fin à ce moment-là.

Vidéo de la mise en détention

Le 1er novembre 2023, à 15 h 36, l’AT n° 9, l’AT n° 8 et l’AT n° 12 escortent le plaignant dans la salle de mise en détention. On le fait asseoir sur un banc. Il a les mains menottées dans le dos et porte un grand pansement autour de la tête, au niveau du front. L’AT n° 9 informe l’AT n° 7 que le plaignant a été arrêté pour agression armée et pour « profération de menaces. Le plaignant semble agité et profère des injures à l’égard de l’AT n° 7.

L’AT n° 7 demande comment le plaignant s’est blessé. L’AT n° 9 répond que le plaignant s’est cogné la tête à plusieurs reprises contre la cloison à l’arrière du véhicule de police pendant qu’ils se rendaient au poste de police. L’AT n° 7 confirme que le plaignant a été examiné par les ambulanciers paramédicaux à l’extérieur de l’ambulance et qu’il a reçu le feu vert des services médicaux. Toutefois, le plaignant refuse de faire état d’un quelconque problème de santé et indique qu’il a consommé de l’alcool et du cannabis dans les 24 heures qui ont précédé son arrestation.

L’AT n° 7 apprend également que le plaignant a demandé aux agents de police de lui tirer dessus. Le plaignant confie à l’AT n° 7 qu’il a des idées suicidaires. Il fait ensuite l’objet d’une fouille de premier niveau sans le moindre incident.

Le 2 novembre 2023, à 0 h 26, deux ambulanciers paramédicaux transportent le plaignant sur une civière. L’AT n° 7 note que le plaignant a demandé une ambulance parce qu’il souffrait. Elle ajoute que le plaignant était transporté à l’Hôpital Mount Sinai.

Le 2 novembre 2023, à 14 h 01, des enquêteurs de l’UES sont arrivés sur les lieux pendant que le plaignant était soumis aux formalités de sa mise en liberté dans le hall de mise en détention. Les enquêteurs ont demandé à s’entretenir avec le plaignant, qui a indiqué qu’il ne souhaitait pas leur parler de ses interactions avec le SPT. Il a ajouté : [traduction] « Ils m’ont tabassé. »

À 14 h 14, le plaignant sort du champ de vision de la caméra.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et les documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPT entre le 3 novembre 2023 et le 16 janvier 2024 :
  • Vidéo des caméras d’intervention
  • Vidéos captées à l’aide d’une caméra installée à bord d’un véhicule
  • Vidéo de la garde à vue
  • Liste des agents impliqués
  • Liste des témoins
  • Enregistrements des communications
  • Répartition assistée par ordinateur
  • Rapport détaillé sur le détenu
  • Procédure en matière d’arrestation
  • Politique en matière de réponse aux incidents
  • Rapports généraux d’incident
  • Notes des AT n° 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec les agents de police qui ont eu affaire au plaignant à certains moments pendant qu’il était sous garde, ainsi que l’examen des vidéos montrant une partie de l’incident.

Dans l’après-midi du 1er novembre 2023, l’AT n° 12 et l’AT n° 10 ont arrêté le plaignant à l’intérieur du restaurant Tim Hortons situé au 26, rue Dundas Est, à Toronto. Le TC, qui a expliqué que le plaignant l’avait menacé la veille avec une tige métallique, avait averti les agents de sa présence à l’intérieur du restaurant. Le plaignant a refusé de se rendre volontairement à la police, mais il a été placé sous garde sans trop de difficultés après avoir été plaqué au sol par les agents.

L’AT n° 8 et l’AT n° 9 sont arrivés sur les lieux pour transporter le plaignant à la division 51. Le plaignant a été placé sur le siège arrière d’une voiture de police et a commencé à se frapper la tête contre une vitre. En route vers le poste de police, il s’est de nouveau cogné la tête à plusieurs reprises contre la vitre et la cloison séparant les compartiments avant et arrière du véhicule, s’infligeant finalement une coupure au front.

Arrivés au poste de police, les agents ont demandé à des ambulanciers paramédicaux d’examiner le plaignant en raison de la lacération. Des ambulanciers paramédicaux se sont rendus sur place, ont examiné le plaignant et ont constaté qu’il n’était pas grièvement blessé. Le plaignant a ensuite été conduit au poste de police, mis en détention et placé dans une salle d’entrevue dotée d’un rembourrage.

Dans la salle d’entrevue, le plaignant s’est frappé à deux reprises sur le côté droit de la tête, puis il a commencé à arracher le rembourrage du mur. Par conséquent, des particules de rembourrage ont été libérées dans l’air et ont déclenché une alarme incendie. Les agents se sont alors rendus dans la salle d’entrevue et, constatant les dégâts causés aux murs, ont décidé de faire sortir le plaignant.

Le plaignant n’en est pas sorti de son plein gré. Il s’est débattu et les agents ont dû le faire sortir de force de la pièce pour le placer dans une autre salle d’entrevue avant de le menotter dans le dos. Le plaignant a ensuite été placé dans une cellule, mais pas pendant longtemps. Craignant qu’il ait pris des vis provenant du rembourrage qu’il avait endommagé, le sergent d’état-major du poste a autorisé une fouille à nu.

Les agents ont fait sortir le plaignant de la cellule et l’ont escorté jusqu’à la salle de fouille où il s’est à nouveau débattu pendant la fouille à nu. Les agents n’ont pas trouvé les vis et le plaignant a été renvoyé dans sa cellule.

Juste avant minuit, le plaignant s’est plaint de douleurs. Il a donc été transporté en ambulance à l’hôpital où l’on a constaté qu’il avait une fracture du nez et de l’os orbital gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 1er novembre 2023, le plaignant a subi de graves blessures pendant qu’il était sous la garde du SPT. L’Unité des enquêtes spéciales (UES) a été informé de l’incident et a ouvert une enquête. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que les agents du SPT ont commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour la force employée dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient autorisés ou tenus de faire par la loi.

Je suis convaincu que le plaignant était légalement détenu entre son arrestation du 1er novembre 2023 jusqu’à sa remise en liberté le lendemain, dans l’après-midi. Ayant discuté avec la victime d’une agression que le plaignant aurait perpétrée la veille, les AT n° 10 et 12 avaient le droit de procéder à l’arrestation du plaignant pour agression.

De plus, je suis convaincu que le plaignant a été traité de manière légale par les personnes chargées de sa garde, et ce, en tout temps. La mise au sol au restaurant Tim Hortons semble s’être déroulée de façon appropriée. Les agents avaient des raisons de penser que le plaignant pouvait être armé et ils voulaient minimiser le risque qu’une arme soit utilisée au premier signe de résistance du plaignant, ce qui s’est produit. Ensuite, les agents ont fait preuve d’une diligence raisonnable quant à la santé et au bien-être du plaignant, comme en témoignent l’AT n° 9 et l’AT n° 8 lorsqu’ils ont pris des dispositions pour que des ambulanciers paramédicaux examinent le plaignant avant qu’il ne soit mis en détention à la division 51. Le 2 novembre 2023 en fin de journée, lorsque le plaignant s’est plaint de douleurs, il a été transporté à l’hôpital pour y recevoir des soins médicaux. La fouille à nu de sa personne qui a eu lieu semble également avoir été justifiée. Le plaignant venait en effet d’endommager une salle d’entrevue et l’on craignait qu’il n’ait dissimulé sur lui des vis qui semblaient manquer dans le mur. Puisque le plaignant avait agi de manière turbulente et exprimé des idées suicidaires en se rendant au poste de police, il y avait des motifs raisonnables et probables de croire qu’une fouille à nu du plaignant était nécessaire dans l’intérêt de sa sécurité et de celle des agents. Il est évident que les gardiens ont eu recours à une certaine force contre le plaignant, mais, à part plusieurs coups portés par l’AT n° 1 et l’AT n° 11, les agents ont simplement tenté de maîtriser un détenu récalcitrant et ne semblent pas être à l’origine des blessures dont il est question. De plus, les coups portés à la partie médiane du corps du plaignant lors de la fouille à nu ne semblent pas avoir causé de blessures ni avoir été excessifs compte tenu des contraintes physiques auxquelles les agents faisaient face. En fait, les preuves suggèrent que le plaignant s’est lui-même infligé ses fractures au visage et qu’elles résultent très probablement des coups qu’il a volontairement portés à sa tête, que ce soit le fait qu’il se soit cogné contre la vitre arrière ou la cloison de la voiture de police sur le trajet vers la division ou contre le sol lors de la fouille à nu.

Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 1er mars 2024

Approuvé électroniquement par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux dont disposait l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement la constatation des faits de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des enregistrements sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.