Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-476

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 37 ans (« le plaignant »)

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 15 novembre 2023, à 18 h 07, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a avisé l’UES d’une blessure du plaignant et donné le rapport suivant :

Le 15 novembre 2023, la Police régionale de York (PRY) a demandé l’aide du SPRN pour l’exécution d’un mandat d’arrêt contre le plaignant, un résident de la région de Niagara. L’unité d’intervention d’urgence (UIU) du SPRN a été chargée de l’arrestation. Elle a suivi le plaignant jusqu’à un commerce situé sur Drummond Road, à Niagara Falls, et a élaboré un plan pour l’arrêter avant qu’il retourne à son domicile. À 10 h 18, trois agents de l’UIU ont arrêté le plaignant en le plaquant à terre. Quand le plaignant s’est relevé, il a dit qu’il avait subi une blessure au genou. Comme les Services médicaux d’urgence étaient déjà sur place, ils ont examiné le plaignant et l’ont conduit à l’Hôpital général du Grand Niagara, où on lui a diagnostiqué une déchirure des tendons du genou.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 16 novembre 2023 à 9 h

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 16 novembre 2023 à 9 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 37 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 21 novembre 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2  A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 1er décembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans le stationnement au sud-ouest d’un commerce de Drummond Road, à Niagara Falls.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Séquence vidéo – Commerce de Drummond Road

Le 15 novembre 2023, vers 10 h 18 min, le plaignant sort du commerce. Il est vêtu d’un T-shirt gris, d’un short foncé et de sandales et porte un sac en bandoulière sur son épaule droite. Le plaignant se dirige vers sa voiture – une Mercedes C300 noire – qui est garée vers l’arrière du stationnement. Un Dodge Caravan gris foncé est garé six voitures à l’est du véhicule du plaignant.

Peu après 10 h 18 min 15 s, les agents de l’UIU – l’AI, l’AT no 3, l’AT no 2 et l’AT no 1 – sortent du Dodge Caravan. L’AI agrippe les deux jambes du plaignant de ses deux bras et le fait tomber au sol. L’AT no 3 place son genou sur l’omoplate droite du plaignant et pointe sa carabine C8 sur sa tête. Peu après, une camionnette Ford blanche arrive depuis Drummond Road avec trois agents de l’UIU à bord, suivie d’une deuxième camionnette blanche avec d’autres membres de l’UIU; les véhicules se dirigent vers l’arrière du bâtiment et s’arrêtent face à Drummond Road. Le plaignant n’est plus visible parce qu’il est dissimulé par la camionnette Ford blanche. Un agent en uniforme au volant d’un VUS aux inscriptions du SPRN s’arrête derrière la camionnette Ford blanche.

Un petit véhicule bleu s’arrête à côté de la camionnette Ford blanche. Deux agents en civil portant des gilets de police en sortent et s’approchent de l’endroit où a lieu le placage au sol, derrière tous les véhicules arrêtés.

Le VUS du SPRN et la camionnette Ford blanche quittent les lieux. Quatre agents de l’UIU et deux agents en civil restent avec le plaignant, qui est allongé par terre à côté de son véhicule. Un ambulancier paramédical arrive sur les lieux et examine le plaignant.

Un véhicule blanc banalisé de la PRY arrive de Drummond Road et se gare devant la scène de l’incident. Des agents aident le plaignant à se relever et le placent contre le véhicule de la PRY pour le fouiller.

Éléments obtenus auprès du service de police

Le SPRN et la PRY ont remis les éléments suivants à l’UES entre le 21 et le 27 novembre 2023 :
  • Directive générale 100.9 du SPRN – Pouvoirs d’arrestation;
  • Directive générale 053.2 du SPRN – Recours à la force;
  • Notes de l’AT no 1 (SPRN);
  • Notes de l’AT no 2 (SPRN);
  • Notes de l’AT no 3 (SPRN);
  • Rapport de situation, de mission, d’exécution, d’administration, de commandement et de contrôle (PRY).

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants auprès d’autres sources le 29 novembre 2023 :
  • Dossiers médicaux du plaignant de l’Hôpital général du Grand Niagara.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et avec des agents de police qui ont participé à son arrestation, ainsi que d’une vidéo qui montre certaines parties de l’incident. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme il en avait le droit.

Dans l’après-midi du 15 novembre 2023, une équipe de quatre agents de l’UIU du SPRN, dont l’AI, était postée dans une minifourgonnette de police banalisée et attendait d’arrêter le plaignant. Selon les renseignements dont les agents disposaient, le plaignant était dans un commerce de Drummond Road; ils avaient garé leur véhicule dans le stationnement au sud de l’établissement en attendant qu’il en sorte. L’AI était le chef d’équipe. Il était assis sur le siège passager avant de la fourgonnette qui était garée à quelques places de stationnement à l’est de la Mercedes du plaignant. Quand il a vu le plaignant passer derrière leur minifourgonnette et se diriger vers sa voiture, l’AI a donné le signal d’intervenir.

Plus tôt dans la matinée, les agents de l’UIU avaient assisté à une séance d’information au cours de laquelle des détectives de la PRY leur avaient expliqué que le plaignant était recherché pour meurtre au premier degré en lien avec un homicide survenu à Aurora en juin 2023. Deux personnes avaient reçu des coups de feu dans une résidence, dont une avait été tuée. L’arme à feu n’avait pas été retrouvée.

L’équipe de l’UIU est sortie de la fourgonnette et s’est dirigée rapidement vers le plaignant par-derrière. L’AI a déployé un dispositif de distraction tout en avançant. Le dispositif ne s’est pas déployé, mais il a attiré l’attention du plaignant. Alors qu’il arrivait au côté conducteur de son véhicule, le plaignant s’est retourné et a vu les agents qui approchaient. L’AI est le premier des agents qui est intervenu physiquement. Il a agrippé les jambes du plaignant des deux bras et l’a plaqué au sol. Les trois autres agents – l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3 – qui étaient derrière l’AI, l’ont aidé à plaquer le plaignant au sol. Peu après, le plaignant a été menotté dans le dos.

Le plaignant s’est plaint de douleurs au genou droit après son arrestation. Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés et l’ont transporté à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une déchirure du tendon du genou droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 15 novembre 2023, le plaignant a été grièvement blessé au cours de son arrestation par des agents du SPRN. L’UES a été avisée de l’incident, a ouvert une enquête et a désigné un agent en tant qu’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement d’un acte qu’ils sont tenus ou autorisés à faire en vertu de la loi.

Je suis convaincu que les agents de l’UIU étaient en droit de chercher à arrêter le plaignant et à le placer sous garde. Des agents de la PRY les avaient informés au sujet d’un homicide dont le plaignant, d’après les résultats de leur enquête, était vraisemblablement l’auteur.

Je suis également convaincu que la preuve est loin de toute suggestion raisonnable de recours excessif à la force contre le plaignant par l’AI ou par les autres membres de l’UIU. Le placage au sol du plaignant par l’AI était justifié. Les agents avaient des raisons de croire que le plaignant avait tué quelqu’un par balle plusieurs mois auparavant et qu’il était peut-être encore en possession d’une arme à feu. Dans ces circonstances, ils étaient en droit de mettre immédiatement le plaignant à terre afin de minimiser le risque qu’il saisisse une arme. Le placage au sol en soi ne semble pas avoir été exécuté avec une force excessive. Par la suite, les agents n’ont pas asséné d’autre coup au plaignant avant de le menotter. Selon certains éléments de preuve, le plaignant a subi sa blessure quand un agent lui a saisi et tordu le pied droit. Il est tout à fait possible que, dans le but de restreindre les mouvements du plaignant au sol, un agent lui ait saisi le pied et l’ait manipulé dans une certaine mesure. Cela dit, je ne peux pas raisonnablement conclure qu’une telle conduite, si elle s’est produite, était gratuite ou excédait les limites acceptables. La situation était dynamique, et rien n’indique que l’agent a continué à tordre le pied du plaignant une fois que celui-ci s’est plaint.

En conséquence, bien que j’accepte que le plaignant ait subi sa blessure lors de l’altercation qui a marqué son arrestation, que ce soit par suite du placage au sol ou de la torsion appliquée à son pied, on ne peut pas attribuer cette blessure à une conduite illégale de la part des agents de l’UIU. Il n’y a donc pas de motif de porter des accusations criminelles. Le dossier est clos.


Date : 29 février 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) A moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties pertinentes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.