Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-301

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 31 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

À 12 h 15 le 31 juillet 2023, le Service de police régional de Waterloo a transmis à l’UES les renseignements suivants.

Vers 14 h 56 le 23 juin 2023, des agents du Service de police régional de Waterloo ont été dépêchés à une résidence près de l’intersection entre Avenue Road et la rue Elgin Nord, à Cambridge, à cause d’une personne qui troublait la paix. Un homme [identifié par la suite comme le plaignant] était soi-disant en train d’entrer par effraction dans la résidence d’une membre de sa famille. À leur arrivée, les agents se sont retrouvés en face du plaignant. Il refusait d’obéir aux ordres et résistait aux agents. Une arme à impulsions a été déployée et le plaignant a été plaqué au sol, puis les services ambulanciers sont arrivés sur place et ont retiré les sondes. Le plaignant ne s’est plaint d’aucune blessure. Après l’incident, la membre de la famille s’est montrée réticente à déposer des accusations, et le plaignant a donc été libéré sans condition. Le 31 juillet 2023, le plaignant a été arrêté par le Service de police régional de Waterloo pour des infractions relatives à des armes. Durant l’arrestation, le plaignant a déclaré qu’après l’incident survenu en juin auquel des agents du même service de police avaient été mêlés, il avait dû obtenir des soins médicaux et on lui avait diagnostiqué trois fractures des côtes.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 31 juillet 2023, à 12 h 45

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 31 juillet 2023, à 13 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 31 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a été interrogé le 28 août 2023.

Témoin civil

TC N’a pas participé à une entrevue (a refusé).

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 18 août 2023 et le 26 septembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus sur la galerie avant d’une maison située près de l’intersection entre Avenue Road et la rue Elgin Nord, à Cambridge.

Éléments de preuves médicolégaux

Données de décharge de l’arme à impulsions de l’AI

À 15 h 16 min 31 s [2] le 23 juin 2023, l’AI a appuyé sur la détente et déployé la cartouche 1 pendant six secondes.

À partir de 15 h 16 min 32 s, l’arme a été en mode contact pendant une seconde.

À partir de 15 h 16 min 33 s, l’arme a été en mode contact pendant quatre secondes.

À partir de 15 h 16 min 38 s, l’arme a été en mode contact pendant une seconde.

Données de décharge de l’arme à impulsions de l’AT no 2

À partir de 15 h 17 min 1 s le 23 juin 2023, l’arme a été en mode contact pendant une seconde.

À partir de 15 h 17 min 2 s, l’arme a été en mode contact pendant une seconde.

À partir de 15 h 17 min 3 s, l’arme a été en mode contact pendant une seconde.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]

Enregistrements audio des communications de la police – Faits saillants de la chronologie des événements

Vers 14 h 55 le 23 juin 2023, une membre de la famille du plaignant a indiqué que le plaignant tentait d’entrer par effraction dans son logis. Elle a ajouté qu’il avait réussi et qu’elle n’était pas capable d’en endurer davantage et qu’elle irait s’asseoir dans sa voiture jusqu’à ce que les agents du Service de police régional de Waterloo arrivent. Elle a dit qu’elle ne pensait pas qu’il ait des armes en sa possession et a demandé comment faire pour obtenir une ordonnance interdictive. La personne ayant pris l’appel au 911 lui a recommandé d’en discuter avec les agents quand ils arriveraient. La femme ne savait pas si le plaignant était sous l’influence de l’alcool ou de drogues. Ce dernier n’avait fait aucune menace à la femme au bout du fil. Le plaignant venait de commencer à s’infliger des blessures, en frappant son pouce avec la porte du réfrigérateur, pour ensuite rejeter la responsabilité sur la femme concernée. À peu près à ce moment, les agents du Service de police régional de Waterloo sont arrivés sur les lieux et l’appel a pris fin.

Vers 14 h 56, des unités du Service de police régional de Waterloo ont été dépêchées à une résidence parce que quelqu’un troublait la paix.

Autour de 14 h 58, le centre de répartition du Service de police régional de Waterloo a signalé que le plaignant était en train d’entrer par effraction dans la maison et qu’il venait d’endommager la porte. La membre de la famille était alors sortie de la maison pour se mettre à l’abri dans sa voiture en attendant que la police arrive. Personne n’était blessé et on ne savait pas si des armes étaient en cause. La police n’en était pas à sa première intervention à cette résidence.

À environ 15 h 1, le centre de répartition du Service de police régional de Waterloo a donné une description du plaignant. Ce dernier était présumément dans la maison. L’un des agents devant se rendre sur place a demandé si une escouade canine était disponible, ce à quoi le centre de répartition a répondu par la négative.

Vers 15 h 4, des agents ont indiqué que le plaignant se trouvait dans la maison. L’un des agents a dit à la radio qu’ils avaient des motifs d’arrêter le plaignant pour introduction par effraction. L’AT no 3 a demandé à quel appel les agents répondaient, et le centre de répartition du Service de police régional de Waterloo l’a mis au courant.

Aux environs de 15 h 6, l’un des agents sur place a dit qu’il allait couvrir l’arrière de la maison.

Vers 15 h 7, un message radio indiquait que le plaignant avait un permis d’arme à feu, même si aucune arme n’avait été aperçue. Le centre de répartition du Service de police régional de Waterloo a confirmé le permis, en précisant que le plaignant n’avait pas d’arme à feu enregistrée. L’AT no 3 a demandé si l’escouade tactique était de service.

À environ 15 h 9, l’AT no 3 a demandé que les membres de l’escouade tactique au champ de tir soient avisés de l’appel. Il a ordonné à l’AI, à l’AT no 1 et à l’AT no 2 de négocier avec le plaignant pour l’amener à sortir de la maison. L’un des agents sur les lieux a signalé que la maison était plongée dans l’obscurité. L’AT no 3 a vérifié à quel point les agents étaient certains que le plaignant se trouvait réellement à l’intérieur de la maison, ce à quoi les agents ont répondu qu’ils allaient vérifier auprès de la membre de sa famille. L’AT no 3 a demandé d’être connecté officiellement à l’appel à titre d’agent présent. Un agent sur place a ensuite dit que le plaignant se trouvait dans la maison.

Autour de 15 h 12, l’un des agents a annoncé à la radio le déploiement d’une arme à impulsions et demandé une ambulance. L’AT no 3 s’est informé pour savoir s’ils étaient à l’intérieur ou à l’extérieur de la maison, et on lui a répondu : [Traduction] « à l’extérieur ». L’AT no 3 a dit que l’escouade tactique n’avait pas à se déplacer.

Vers 15 h 13, le centre de répartition du Service de police régional de Waterloo a signalé qu’une ambulance était en route.

À environ 15 h 15, des agents ont indiqué que de nombreuses personnes s’étaient attroupées et qu’il fallait plus de policiers sur place pour contenir la foule.

Autour de 15 h 19, des agents ont avisé qu’ils avaient un homme sous garde et qu’ils attendaient l’ambulance.
 
Vers 15 h 39, des agents ont demandé au centre de répartition du Service de police régional de Waterloo de vérifier dans Niche [4] s’il y avait de l’information indiquant que le plaignant habitait dans la résidence en cause.

À environ 15 h 40, un des agents a demandé de l’information précisant quand le plaignant avait été dans la résidence pour la dernière fois et son adresse.

Autour de 15 h 43, l’ambulance est arrivée sur les lieux et le plaignant a été examiné.

Vers 16 h 27, des agents étaient sur place. Le plaignant avait été libéré sans condition.

Enregistrement d’une caméra d’intervention

Le 23 juin 2023, l’AT no 3 portait une caméra d’intervention lorsqu’il s’est rendu à la résidence. Il a enregistré quatre séquences vidéo distinctes au cours de l’interaction.

Entre 15 h 17 et 15 h 23, l’AT no 3 est arrivé à la résidence, en sachant que le plaignant avait été arrêté et qu’une arme à impulsions avait été déployée. L’AT no 2, l’AT no 1 et l’AI étaient déjà sur place et les ambulanciers avaient été dépêchés sur les lieux pour retirer les sondes de l’arme à impulsions. L’AT no 3 a trouvé le plaignant sur la banquette arrière de la voiture de police de l’AT no 1. Le plaignant a dit à l’AT no 3 qu’il habitait à cette adresse et qu’il avait une clé et une lettre prouvant qu’il avait payé le loyer. On entendait les voisins dire que la membre de la famille du plaignant était cruelle et traitait ce dernier de façon inacceptable. L’AT no 3 est retourné à sa voiture de police et a apporté des précisions sur l’interaction en parlant devant sa caméra d’intervention.

Entre 15 h 31 et 15 h 39, l’AT no 3 est sorti de sa voiture de police en disant qu’il réexaminait l’interaction en raison de contradictions, vu l’existence d’un bail et du droit légal du plaignant d’occuper la maison. Le plaignant détenait un document prouvant qu’il avait payé le loyer. Les AT nos 3 et 1 ont fait sortir le plaignant de la voiture de police et l’ont accompagné jusqu’à sa voiture garée pour récupérer le document.
 
Marchant sans difficulté, le plaignant a été en mesure, malgré les menottes, de retirer le reçu de son porte-documents posé sur le siège passager avant de la voiture. Le plaignant n’a montré aucun signe de douleur lorsqu’il a récupéré le document. Il a fourni un reçu daté de mai 2023 et établi par la membre de sa famille indiquant que le plaignant avait payé son loyer pour le mois en question. Les ambulanciers sont arrivés et le plaignant a été escorté jusqu’à l’ambulance pour qu’on lui retire les sondes de l’arme à impulsions.
 
Entre 15 h 44 et 16 h 18, l’AT no 3, assis dans sa voiture de police, est sorti pour parler à un homme.
 
L’homme non identifié a déclaré que le plaignant habitait dans la maison. Une voisine, la TC, s’est également approchée de lui et a confirmé que le plaignant vivait là, qu’il payait son loyer et qu’il tondait la pelouse. L’AT no 3 leur a dit qu’il ne croyait pas que le plaignant devait être accusé d’une quelconque infraction criminelle. L’AT no 3 a appris des AT nos 1 et 2 et de l’AI que le Service de police régional de Waterloo s’était rendu à la maison cinq fois au cours des deux derniers jours à la suite d’appels selon lesquels le plaignant et cette membre de la famille troublaient la paix.
 
L’AT no 3 a déclaré aux agents qu’il était d’avis que l’incident en question était une procédure d’expulsion, soit une affaire civile, et ne relevait donc pas de la police. Il supposait que le plaignant n’avait pas été correctement et légalement informé de l’expulsion que la membre de sa famille tentait de faire exécuter. Contrairement aux allégations de la membre de la famille concernant l’entrée par effraction du plaignant, ce dernier n’avait pas endommagé la porte en entrant; il avait une clé de la maison et un reçu de paiement de loyer récent. L’AT no 3 est entré dans la maison pour s’entretenir avec la membre de la famille. Elle l’a emmené jusqu’à la porte de côté pour lui montrer les dommages, lui disant que ce n’était pas la porte de devant qui était endommagée. La membre de la famille du plaignant a parlé d’autres problèmes qu’elle avait eus avec le plaignant. Elle a affirmé avoir expulsé le plaignant quelques jours auparavant. Elle avait signé un reçu pour le paiement du loyer, soutenant que le plaignant l’avait intimidée et menacée d’alléguer une agression sexuelle si elle ne coopérait pas. L’AT no 3 a dit à la membre de la famille que le plaignant semblait avoir un droit d’accès à la maison, puis il est sorti de la maison et s’est entretenu avec les AT nos 1 et 2 et l’AI. On a fait sortir le plaignant de l’arrière de la voiture de police de l’AT no 1 avant de le libérer sans condition.

Entre 16 h 28 et 16 h 32, l’AT no 3 est à nouveau sorti de sa voiture de police. Il s’est entretenu avec la TC et a obtenu ses renseignements personnels.
 

Enregistrement vidéo dans TikTok

Il y avait un enregistrement vidéo TikTok de source inconnue portant la date du 23 juin 2023 et montrant l’interaction avec le plaignant. Cet enregistrement a été envoyé à l’UES par le Service de police régional de Waterloo.
 
Il commençait par un plan horizontal montrant le terrain devant la maison, avec le texte suivant en blanc superposé : [Traduction] « Un peu excessif pour un seul gars maigrichon, à mon avis. »
On entendait le plaignant hurler de façon continue, comme s’il avait mal.
 
Lorsque le plan s’est rapproché du terrain avant, le plaignant était étendu sur le ventre sur la galerie avant, les mains menottées derrière le dos. L’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2 l’entouraient. Le plaignant criait après une membre de sa famille, lui demandant si elle avait vu ce qu’ils étaient en train de lui faire. Il hurlait après les trois agents au-dessus de lui, en disant qu’ils lui avaient [Traduction] « donné une sale raclée » alors qu’il [Traduction] « n’avait pas résisté ». Un des trois agents a dit quelque chose au plaignant, qui lui a répondu : [Traduction] « Je n’ai pas essayé de me sauver. »

Les agents ont fouillé le plaignant, le tournant sur le côté gauche, puis sur le côté droit. Un véhicule a pénétré dans l’entrée de cour de la maison. Le plaignant a alors été avisé qu’il était en état d’arrestation pour introduction par effraction. Dans une conversation qui n’était pas complètement audible, le plaignant a fait valoir qu’il avait le droit de se trouver sur les lieux. Il a ensuite demandé en criant à une voisine, vraisemblablement la TC, si elle avait vu ce qui venait de se passer.

Des voisins étaient attroupés de l’autre côté de la rue et observaient ce qui se passait. Le plaignant a alors crié bien fort : [Traduction] « Je ne suis pas entré par effraction. »

Le plaignant a été mis debout et amené jusqu’à la voiture de police de l’AT no 1 par l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2.
 
Une fois à la voiture de police, la TC hurlait et le plaignant lui criait qu’il voulait que l’interaction soit enregistrée. Deux femmes, présumément la TC et la membre de la famille du plaignant, se criaient l’une après l’autre et on a entendu : [Traduction] « Toi, ma petite salope. » La TC a marché sur le gazon en criant et a prononcé le mot [Traduction] « salope. », puis l’enregistrement a pris fin.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police régional de Waterloo entre le 3 août 2023 et le 27 octobre 2023 :
  • les données du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les données de décharge d’arme à impulsions;
  • les enregistrements de communications;
  • les rapports d’incident général;
  • la liste des agents concernés;
  • les notes de l’AT no 4;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AI;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 3;
  • la procédure relative à l’utilisation de la force;
  • l’enregistrement d’une caméra d’intervention.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • l’enregistrement vidéo publié sur le média social TikTok;
  • le dossier médical du plaignant reçu le 19 octobre 2023;
  • les registres de l’ambulance des services d’urgence de la région de Waterloo reçus le 16 août 2023.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant et deux agents du Service de police régional de Waterloo qui ont participé à son arrestation. L’agent impliqué a refusé de participer à une entrevue de l’UES, comme la loi l’y autorise. Il a néanmoins accepté de remettre ses notes.
Dans l’après-midi du 23 juin 2023, des agents du Service de police régional de Waterloo ont été dépêchés à une maison près de l’intersection entre Avenue Road et la rue Elgin Nord, à Cambridge, après un appel au 911 fait par la propriétaire. Celle-ci avait appelé la police pour signaler l’introduction par effraction en cours par le plaignant, un membre de sa famille. Craignant pour sa sécurité, elle avait dit qu’elle attendrait la police à l’extérieur, dans son véhicule.

L’AI est ensuite arrivé sur les lieux, comme l’AT no 1 et l’AT no 2. La membre de la famille du plaignant a dit à l’AT no 1 que le plaignant n’avait pas de bail pour la maison et n’était pas censé se trouver sur les lieux. Elle a confirmé qu’il avait forcé la porte de la résidence. Les agents ont donc décidé d’arrêter le plaignant pour introduction par effraction.

Les agents ont cogné plusieurs fois à la porte, puis le plaignant est sorti sur la galerie avant. Ils lui ont dit qu’il était en arrestation, le plaignant est devenu nerveux et s’est éloigné des agents pendant qu’ils essayaient de lui mettre les bras derrière le dos. Il a été plaqué au sol par les agents et une arme à impulsions a été déployée à plusieurs reprises avant que ses mains soient menottées derrière son dos.

Après son arrestation, le plaignant a été installé sur la banquette arrière de la voiture de police de l’AT no 1. Il a nié s’être introduit par effraction dans la maison et a plutôt dit qu’il avait utilisé une clé. Il a ensuite présenté un reçu de paiement de loyer. Convaincus que la membre de la famille du plaignant avait exagéré en prétendant qu’il y avait eu introduction par effraction et que le plaignant semblait avoir un droit d’accès à la propriété, les agents l’ont libéré sans condition.

Le plaignant s’est ensuite rendu à l’hôpital par lui-même. On lui a finalement diagnostiqué trois fractures des côtes, du côté gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 31 juillet 2023, le Service de police régional de Waterloo a communiqué avec l’UES pour signaler qu’il avait été avisé plus tôt dans la journée qu’un homme, soit le plaignant, avait subi des blessures graves au cours de son arrestation par des agents à Cambridge le 23 juin 2023. L’UES a entamé une enquête et désigné l’un des agents ayant procédé à l’arrestation, soit l’AI, comme agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’agent impliqué a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

J’ai la conviction que l’AI et les autres agents étaient fondés à tenter d’arrêter le plaignant pour introduction par effraction. S’ils avaient eu plus de temps, ils se seraient peut être aperçus, en faisant quelques vérifications préliminaires, que le plaignant ne s’était pas, en réalité, introduit par effraction. Par contre, puisqu’ils avaient des motifs de croire que le plaignant venait de commettre un acte violent et pouvait avoir accès à des armes à feu (vu qu’il possédait un permis d’armes à feu), il était impératif de le mettre sous garde dès que possible. Par la suite, lorsqu’ils ont appris la vérité, les agents ont rapidement libéré le plaignant.
Pour ce qui est de la force employée par l’AI et ses collègues, je n’ai pas de motifs raisonnables de conclure qu’elle n’était pas légalement justifiée. Tout d’abord, le placage au sol par l’AI et l’AT no 1 semblait justifié. Le plaignant s’était éloigné des agents et avait refusé de se laisser prendre les bras pour qu’on lui passe les menottes. En couchant le plaignant au sol, les agents pouvaient raisonnablement s’attendre à pouvoir maîtriser toute résistance du plaignant. Pour ce qui est des déploiements d’arme à impulsions qui ont suivi, des éléments de preuve sont en contradiction. Selon une version des événements, le plaignant n’aurait pas résisté une fois au sol, mais il aurait néanmoins reçu un fort coup de pied du côté gauche ainsi que plusieurs décharges d’arme à impulsions. La version donnée par les agents laisse quant à elle croire que la force employée était proportionnelle aux impératifs de la situation. Ils ont en effet indiqué que le plaignant avait continué à lutter au sol et avait refusé de se laisser prendre les bras et qu’une force physique avait été employée par l’AI (de multiples coups) et l’AT no 1 (deux coups de genou à la cuisse) pour vaincre la résistance du plaignant. Comme cette force était restée sans effet, l’AI a déployé son arme à impulsions sur le haut de l’épaule gauche et le bas de la cuisse droite du plaignant. L’AT no 2 a fait de même sur le bas du dos et les muscles ischio-jambiers droits du plaignant, après quoi les agents ont réussi à prendre les bras du plaignant et à lui passer les menottes. Compte tenu des divergences, il serait malavisé et risqué de porter des accusations. Bref, rien dans les éléments de preuve n’indique que la version selon laquelle une force excessive aurait été employée est plus vraisemblable ou plus proche de la vérité que celle des agents.

En définitive, même si je conviens que les blessures du plaignant résultent probablement de l’altercation survenue durant son arrestation du 23 juin 2023, je n’ai pas de motifs raisonnables de conclure qu’elles résultent d’une conduite illégale de l’AI ou d’autres agents. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 21 février 2024

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les heures indiquées sont basées sur l’heure à l’horloge interne des armes à impulsions et ne sont pas forcément exactes. [Retour au texte]
  • 3) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 4) Niche est un système de gestion de dossiers. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.