Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PCI-428

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 38 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 20 octobre 2023, à 11 h 20, la Police provinciale de l’Ontario (« la Police provinciale ») a avisé l’UES d’une blessure subie par le plaignant et donné le rapport suivant.

Le 15 octobre 2023, à 19 h 34, des agents de la Police provinciale ont répondu à un appel, dans une résidence du secteur des rues Ontario et Niagara, à Collingwood, pour troubles conjugaux entre le plaignant et sa partenaire. Alors que les agents étaient à la porte d’entrée et discutaient avec la partenaire du plaignant, celui-ci est sorti par une fenêtre et est tombé de deux à trois mètres sur le sol en contrebas. La vidéo du système de caméra à bord d’un véhicule de police montre le plaignant par terre, en train ramper pour tenter de s’éloigner. On ne voit aucun agent de police à proximité. Les agents se sont approchés du plaignant, qui leur a dit qu’il s’était blessé au pied gauche. Les services d’urgence ont conduit le plaignant à l’Hôpital General and Marine de Collingwood. Il a été libéré sans accusation. Les agents sont retournés à l’hôpital à 10 h 17 le lendemain matin, à la sortie du plaignant de l’hôpital, pour s’enquérir sur ses blessures. Il avait subi une fracture de la cheville gauche qui était dans un plâtre.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 20 octobre 2023 à 12 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 20 octobre 2023 à 14 h 54

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 38 ans, n’a pas consenti à participer à une entrevue


Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 27 décembre 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont produits à l’intérieur et à proximité d’une résidence du secteur des rues Ontario et Niagara, à Collingwood.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Enregistrements des communications de la police

Le 15 octobre 2023, à 19 h 32 min 35 s, la partenaire du plaignant appelle le 9-1-1. Elle demande que des agents viennent à une résidence du secteur des rues Ontario et Niagara, à Collingwood, parce que son partenaire – le plaignant – est ivre et brise des objets dans leur appartement. La partenaire du plaignant appelle de chez sa voisine.

Un agent de police signale plus tard que le plaignant a sauté d’une fenêtre du deuxième étage et demande une ambulance. Le plaignant semble ivre.

Vidéo de caméra à bord de véhicule

Le 15 octobre 2023, vers 23 h 40 min 47 s environ [3], on peut voir un véhicule de police s’immobiliser le long du trottoir nord, juste à l’ouest d’une résidence du secteur des rues Ontario et Niagara, à Collingwood. Le plaignant et sa partenaire sont d’abord ensemble sur la pelouse devant la maison. À l’arrivée du véhicule de police, le plaignant entre dans la maison. Un agent sort du véhicule de police et s’approche de la partenaire du plaignant à l’est de la maison. Un autre agent arrive sur les lieux dans son véhicule de police et rejoint le premier agent.

Vers 23 h 41 min 44 s, la fenêtre la plus au nord du deuxième étage, du côté ouest de la maison, s’ouvre. Une personne grimpe par la fenêtre sur le toit d’un perron en contrebas, glisse le long du toit et tombe sur le sol.

Vers 23 h 41 min 45 s, les agents s’approchent de la porte d’entrée de la maison; l’un d’eux la pousse et entre dans la maison. L’autre agent reste dehors, près de l’entrée.

Un troisième agent arrive sur les lieux vers 11 h 42 min 42 s.

Vers 23 h 43 min 9 s, un homme rampe sur ses mains et ses genoux vers le sud, le long du côté ouest de la maison. Il s’effondre juste avant d’atteindre le devant de la maison. Le troisième agent s’approche de lui. Quelques secondes plus tard, la partenaire du plaignant et les deux premiers agents, qui sortent de la maison, s’approchent de l’homme effondré.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police provinciale a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 20 octobre et le 28 décembre 2023 :

  • Rapport général d’incident;
  • Enregistrements des communications;
  • Historique de l’incident;
  • Vidéo de caméra à bord de véhicule de police;
  • Notes de l’AI, de l’AT no 1 et de l’AT no 2;
  • Rapports d’événements impliquant le plaignant.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné le document suivant obtenu auprès d’une autre source le 26 octobre 2023 :

  • Rapport d’appel d’ambulance des Services médicaux d’urgence de Simcoe (SMU).

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être résumés brièvement comme suit. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme c’était son droit, mais a autorisé la communication de ses notes.

Le 15 octobre 2023, vers 19 h 30, des agents de la Police provinciale de l’Ontario ont été dépêchés à une résidence du secteur des rues Ontario et Niagara, à Collingwood. Une femme avait appelé la police au 9-1-1 pour signaler des troubles impliquant son partenaire, le plaignant, qui était en état d’ébriété et endommageait des objets dans la maison.

L’AI est arrivé sur les lieux vers 19 h 40, rejoint rapidement par l’AT no 2. Quand il a vu les agents arriver, le plaignant, qui était alors sur la pelouse avec sa partenaire, est entré dans la maison. Les agents ont parlé à sa partenaire, puis se sont dirigés vers l’entrée de la maison.

Quelques instants après être entré dans la maison, le plaignant est monté au deuxième étage, a ouvert une fenêtre orientée vers l’ouest et est sorti sur le toit en pente d’un perron. Il a glissé du toit, est tombé sur le sol, et s’est fracturé la cheville gauche.

L’AI venait tout juste d’ouvrir la porte d’entrée et avait peut-être fait un pas à l’intérieur quand le plaignant est tombé. Ne sachant pas que le plaignant venait de tomber, l’agent l’a appelé dans la maison, sans obtenir de réponse.

Un troisième agent – l’AT no 1 – est arrivé sur les lieux après la chute du plaignant. Peu après son arrivée, il a remarqué le plaignant par terre, à l’ouest de la maison. Les agents ont appelé une ambulance, qui a conduit le plaignant à l’hôpital.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable : 
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans; 
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé en faisant une chute le 11 octobre 2023. Comme des agents de la Police provinciale étaient présents au moment de la chute, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. Un des agents a été désigné en tant qu’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec la blessure du plaignant.

L’infraction à prendre en considération en l’espèce est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention de l’article 221 du Code criminel. Cette infraction correspond aux cas graves de négligence, qui démontrent un mépris déréglé ou téméraire pour la vie ou la sécurité d’autres personnes. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les circonstances. En l’espèce, il faut donc déterminer si l’AI a fait preuve d’un manque de diligence qui a causé la chute du plaignant, ou y a contribué, et si ce manque était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. Ce n’est pas le cas.

L’AI était légalement présent et exerçait ses fonctions tout au long de la série d’événements qui ont abouti à la chute du plaignant. L’AI venait juste d’ouvrir la porte d’entrée quand le plaignant, craignant vraisemblablement d’être arrêté et cherchant à s’échapper, a grimpé par une fenêtre du deuxième étage et est tombé. Quand ils l’ont découvert après sa chute, les agents sur place ont agi rapidement pour qu’on lui prodigue des soins médicaux. Il ressort clairement de ce dossier que l’AI s’est comporté en tout temps avec la diligence et le respect requis pour la santé et la sécurité du plaignant.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a donc aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 15 février 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) A moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties pertinentes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 3) Les horodatages semblent être en avance d’environ quatre heures sur l’heure réelle. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.