Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TCI-067

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le 7 mars 2016, des agents du SPT ont répondu à un appel pour alarme dans un établissement commercial, à Toronto. Lorsqu’un policier a ordonné au conducteur d’une fourgonnette, présumément impliqué dans une introduction par effraction, de sortir de son véhicule, l’homme a brusquement démarré et pris la fuite à vive allure. Un homme de 44 ans est tombé de l’arrière de la fourgonnette, et il y a eu une interaction entre l’homme et les agents de police. Les preuves médicales ont confirmé que l’homme avait une fracture au bassin et à la hanche gauche.

L’enquête

Notification de l’UES

Le lundi 7 mars 2016, à 11 h 50 du matin, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES de la blessure sous garde d’un homme de 44 ans (le plaignant), survenue la nuit précédente, peu après minuit, au 1603 The Queensway, à Toronto.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant

A participé à une entrevue; ses dossiers médicaux ont été examinés

Témoins civils

TC no 1A participé à une entrevue

TC no 2A participé à une entrevue

TC no 3A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1A participé à une entrevue

AT no 2A participé à une entrevue

AT no 3N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5A participé à une entrevue

AT no 6A participé à une entrevue

AT no 7A participé à une entrevue

AT no 8A participé à une entrevue

AT no 9A participé à une entrevue

AT no 10 A participé à une entrevue

AT no 11 A participé à une entrevue

AT no 12 A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Éléments de preuve

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo et de photographies.

Vidéo de la caméra interne d’un véhicule du SPT - 7 mars 2016

0 h 53 min 38 s
Les feux d’urgence du véhicule de police sont mis en marche à 0 h 55 min 43 s. Le véhicule tourne ensuite sur le Queensway et ses feux d’urgence sont éteints.
0 h 55 min 56 s
Le véhicule entre dans le stationnement du restaurant California Sandwiches, en provenance de l’est.
0 h 56 min
Une fourgonnette avec des inscriptions de couleur noire est visible, l’arrière face à la porte est du restaurant California Sandwiches.
0 h 56 min 3 s
La fourgonnette s’éloigne du bâtiment vers l’est et disparait du champ de vision de la caméra.
1 h 6 min 59 s
La vidéo prend fin; la voiture de police ne s’est déplacée à aucun moment depuis le moment où elle a été immobilisée. On ne voit personne à l’intérieur de la fourgonnette ou tombant de celle-ci. On ne voit aucun policier non plus.

Enregistrement de vidéosurveillance à l’intérieur du restaurant California Sandwiches

La vidéo montre différents endroits à l’intérieur du California Sandwiches, entre 0 h 40 et 1 h 10. On y voit du verre cassé, ce qui confirme une introduction par effraction. À l’exception d’une lumière visible dans le stationnement et provenant apparemment d’un véhicule, cette vidéo n’est d’aucune utilité pour l’enquête.

Enregistrements des communications de la police

Rapport des communications - lundi 7 mars 2016

0 h 51 min 12 s
La compagnie de télésurveillance contacte le centre de répartition du SPT pour lui signaler la réception d’une alarme provenant du restaurant California Sandwiches au 1603 The Queensway, à Toronto.
0 h 52 min 18 s
Le centre de répartition lance un appel pour une alarme de bris de verre et de multiples alarmes de mouvement.
0 h 54 min 9 s
L’AI et l’AT no 12 se rendent sur place.
0 h 56 min 51 s
L’AI signale la présence d’une fourgonnette blanche, avec des inscriptions de couleur noire sur le côté et la porte arrière ouverte, sur le Queensway, à l’est du California Sandwiches. L’AI est à bout de souffle et indique qu’il a placé quelqu’un sous garde.
1 h 4 min 55 s
L’AI demande une ambulance et indique qu’un homme de 44 ans se plaint d’une douleur à la tête à la suite d’une chute de de l’arrière de la camionnette.

Éléments obtenus auprès du SPT

L’UES a demandé les documents suivants au SPT, qu’elle a obtenus et examinés :

  • communications – résumé de la conversation
  • rapport d’incident général
  • détails de l’événement – rapport du système de répartition assisté par ordinateur (ICAD)
  • notes des agents témoins
  • rapports de fiche de service, et
  • registre de prisonniers – division 22 – 7 mars 2016

Description de l’incident

Le 7 mars 2016, à 0 h 56 du matin, des agents du SPT ont répondu à un appel pour alarme au restaurant California Sandwiches au 1603 The Queensway, à Toronto. L’AI et l’AT no 12 ont vu une fourgonnette blanche immobilisée, l’arrière face à la porte est du restaurant. Pensant qu’un cambriolage était en cours, l’AI est sorti de son véhicule, l’arme au poing, et a ordonné au conducteur de sortir de la fourgonnette. Au lieu d’obtempérer, le conducteur de la fourgonnette a démarré brusquement et a traversé à vive allure le stationnement en direction du Queensway. Quand il a fait un virage à la sortie du stationnement, le plaignant et des objets sont tombés de l’arrière de la fourgonnette. Celle-ci a tourné à droite sur le Queensway et s’est éloignée rapidement.

Le plaignant a atterri sur le côté droit de son torse et a glissé sur le sol. Le plaignant s’est relevé et a commencé à courir. L’AI et l’AT no 12 l’ont pris en chasse. L’AI a ordonné à trois reprises au plaignant de s’arrêter, mais ce dernier a ignoré ces ordres. Comme le plaignant ne courrait pas très vite, l’AI est parvenu à le saisir aux épaules de ses deux mains; le plaignant a alors basculé vers l’avant et est tombé à plat ventre sur le trottoir. Il a entrainé l’AI dans sa chute. L’AT no 12 s’est alors placé sur le plaignant, appuyant sur son dos de son genou droit. Les deux agents ont ensuite menotté le plaignant, les mains derrière le dos. Aucun coup n’a été nécessaire ni infligé au plaignant.

On a appelé une ambulance lorsque le plaignant s’est plaint d’une douleur à la jambe et à la hanche et il a été transporté à l’hôpital.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Agression armée ou infliction de lésions corporelles

267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

a) porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme;

b) inflige des lésions corporelles au plaignant.

Analyse et décision du directeur

Le poids de la preuve fiable dans cette affaire, y compris l’enregistrement vidéo de la caméra à l’intérieur du véhicule de police, dément toute suggestion selon laquelle le plaignant aurait été blessé lorsque ledit véhicule l’aurait heurté ou aurait roulé sur lui. La blessure du plaignant correspond plutôt à ce qu’il a pu subir en tombant de l’arrière de la fourgonnette ou en étant heurté par celle-ci. Je trouve peu probable que sa blessure résulte de son appréhension et de son menottage par les policiers, surtout si l’on tient compte du fait que lorsque le plaignant s’est plaint aux ambulanciers, il n’a pas mentionné que sa blessure pourrait avoir été causée par les policiers au moment où ils l’ont appréhendé et menotté.

Dans le cas improbable où le plaignant aurait été blessé lorsque l’AI et l’AT no 12 l’ont, en toute légalité, appréhendé, arrêté et menotté, je ne pense pas qu’en mettant à terre un homme soupçonné d’avoir commis une introduction par effraction et en appuyant sur son dos du genou pour le menotter, ces agents ont fait un usage excessif de la force au sens du paragraphe 25 (1) du Code criminel.

Je conclus, au vu du dossier devant moi, que les preuves ne fournissent pas des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de voies de fait causant des lésions corporelles ou d’agression armée, en contravention du Code criminel ait été commise. Je ne suis pas en mesure de déterminer avec certitude la manière exacte dont le plaignant a été blessé, en raison des éléments de preuve contradictoires et incohérents sur ce point. Néanmoins, je suis convaincu que, selon toute vraisemblance, cette blessure a été causée par sa chute de la fourgonnette et non par les policiers. Par conséquent, en l’absence de preuves claires et convaincantes, je ne peux pas conclure à l’existence de motifs de porter des accusations criminelles.

Date : 22 juin 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.