Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-066

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur un incident qui a eu lieu le 3 avril 2017 vers 10 h 50 du matin, impliquant des agents du Service de police de Toronto (SPT) et au cours duquel un homme de 65 ans a subi des blessures à l’arme blanche. Des agents du SPT se sont rendus dans l’immeuble d’appartements où l’homme résidait, en réponse à un appel de cet homme au 9-1-1 durant lequel il avait mentionné à l’opératrice son intention se suicider.

L’enquête

Notification de l’UES

Le Service de police de Toronto a avisé l’UES de l’incident le 3 avril 2017 à 11 h 43 du matin.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignante

Homme de 65 ans; a participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans l’appartement du plaignant, au douzième étage d’un immeuble sur le boulevard Lascelles, à Toronto. Les enquêteurs de l’UES ont sécurisé, examiné, photographié et filmé les lieux.

éléments de preuve matériels

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont trouvé et prélevé un couteau de cuisine de 30,5 centimètres sur le plancher du balcon.

Après examen, il a été déterminé que l’AI avait déchargé son arme à impulsions électriques pendant cinq secondes.

éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, mais n’ont rien trouvé.

Enregistrements des communications

Les enquêteurs de l’UES ont obtenu, auprès du SPT, les enregistrements des communications audio et le rapport chronologique de l’événement, et les ont examinés.

éléments obtenus auprès du SPT

 L’UES a demandé les documents suivants au SPT, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Rapports des détails de l’événement
  • Notes des agents témoins
  • Notes de l’agent impliqué
  • Rapports de fiche de service
  • Notes manuscrites du plus proche parent du plaignant, et
  • Résumé de la conversation


Description de l’incident

Le 3 avril 2017, le plaignant a appelé le 9-1-1 à 10 h 43. Le plaignant s’est identifié à l’opératrice et lui a donné son nom, son adresse, son numéro d’appartement, son code d’entrée et son numéro de téléphone. Il a dit qu’il était sur son balcon et qu’il allait se suicider. Il a ajouté qu’il appelait afin que des agents viennent sur place et puissent constater que personne d’autre que lui n’était impliqué. Il a dit au revoir à l’opératrice et a raccroché.

Les AT et l’AI sont arrivés sur les lieux et ont pris l’ascenseur jusqu’au douzième étage. Arrivés à l’appartement du plaignant, comme la porte n’était pas verrouillée, ils sont entrés, ont cherché le plaignant et l’ont rapidement trouvé assis sur une chaise et tenant un couteau contre sa poitrine. L’AI tenait son arme à impulsions et a pris l’initiative de s’approcher du plaignant sur le balcon. Comme le plaignant commençait à s’enfoncer le couteau dans la poitrine, l’AI a déchargé son arme à impulsions sur lui. Immédiatement après cette décharge, les AT se sont précipités vers le plaignant et lui ont saisi les bras. Le couteau est tombé par terre. Les agents ont ramené le plaignant dans l’appartement et ont commencé la RCR. Des ambulanciers sont ensuite arrivés et ont transporté le plaignant à l’hôpital.

Le plaignant a été soigné pour une lésion à la poitrine, à gauche de la zone du cœur, avec hémopéricarde (sang dans le sac péricardique) et pneumothorax gauche (poumon percé).

Le 15 avril 2017, le plaignant est décédé à la suite d’une maladie préexistante. Le pathologiste chargé de l’autopsie a confirmé que le décès du plaignant n’était nullement lié à l’incident du 3 avril 2017 impliquant des policiers.

Dispositions législatives pertinentes

 

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions,

 est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin. 

Loi sur la santé mentale (article 17) – Intervention de l’agent de police

 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

  1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;
  2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles;
  3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même,

 et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

  1. elle s’infligera des lésions corporelles graves;
  2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne;
  3. elle subira un affaiblissement physique grave,

 et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin. 2000, chap. 9, art. 5.

Code criminel (article 220) - Le fait de causer la mort par négligence criminelle

Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
  2. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité. 

Code criminel (article 221) – Causer des lésions corporelles par négligence criminelle

Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui. 

Analyse et décision du directeur

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Premièrement, en ce qui concerne la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’appel au 9-1-1 et de la déclaration subséquente du plaignant que celui-ci avait l’intention de mettre fin à ses jours. Par conséquent, en vertu de la Loi sur la santé mentale, les agents de police avaient le droit d’appréhender le plaignant parce qu’ils avaient des motifs valables de croire qu’il présentait un danger pour lui-même. L’appréhension du plaignant était donc légalement justifiée dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisée par l’AI dans sa tentative de sauver la vie du plaignant, je conclus que son recours à une arme à impulsions pour empêcher le plaignant de mettre fin à ses jours n’était non seulement justifié, mais la seule mesure sécuritaire à sa disposition, et qu’elle n’a pas utilisé plus de force que ce qui était justifié dans les circonstances. Le fait que le plaignant se serait donné la mort s’il n’avait pas été subjugué était tout à fait évident puisqu’il avait déjà commencé en s’enfoncer le couteau dans la poitrine lorsque l’AI a déployé son arme à impulsions. En outre, alors que le déploiement de l’arme à impulsions a été efficace à distance, aucun autre moyen n’aurait pu permettre de désarmer le plaignant et, par conséquent, d’éviter qu’il se blesse encore plus gravement ou se tue, tout en assurant la sécurité des policiers présents. Si l’AI, au lieu d’utiliser son arme à impulsions, avait tenté de désarmer le plaignant en intervenant physiquement, cela aurait pu être trop tard pour sauver la vie du plaignant et aurait pu mettre en danger les policiers présents sur les lieux.

Les conclusions du rapport d’autopsie sont claires quant au fait que ni les blessures ni le décès ultérieur du plaignant ne sont attribuables aux actes des policiers qui sont intervenus et, par conséquent, rien ne justifie d’envisager le dépôt d’accusations en vertu de l’art. 220 (négligence criminelle causant la mort) ou de l’art. 221 (négligence criminelle causant des lésions corporelles) du Code criminel puisque la culpabilité exigerait un lien de causalité entre les actes de la police et les blessures ou le décès du plaignant, ce qui n’est pas le cas ici.

Au vu du dossier devant moi, il est clair que le plaignant avait l’intention de mettre fin à ses jours. Cette intention, cependant, était contraire aux devoirs des policiers qui sont intervenus pour lui sauver la vie. D’après toutes les preuves, il est clair que la blessure subie par le plaignant, lorsqu’il s’est donné un coup de couteau dans le torse, a été causée par le plaignant de sa propre main et qu’aucune faute n’incombe aux policiers qui sont intervenus en exerçant leurs fonctions comme ils étaient tenus de le faire. En outre, rien ne contredit non plus le fait que le plaignant a finalement succombé à une maladie préexistante et qu’il n’y a aucun lien de causalité entre les actes des policiers et la blessure qu’il a subie le 3 avril 2017 et son décès ultérieur.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs exposés ci-dessus, que l’appréhension du plaignant et la manière dont elle a été exécutée étaient licites, malgré la blessure que le plaignant a subie et qu’il s’est infligée lui-même. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que les actes des agents sont restés dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 31 juillet 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur intérimaire
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.