Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVD-093

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une collision entre plusieurs véhicules survenue le 9 avril 2016 qui a provoqué la mort d’un homme de 33 ans, qui était au volant d’une Accord de Honda, et des blessures graves chez une femme de 35 ans, passagère d’une autre voiture. Avant la collision, le Service de police régional de Peel surveillait et avait tenté d’arrêter le conducteur de l’Accord de Honda.

L’enquête

Notification de l’UES

Le samedi 9 avril 2016, à 11 h 10, le Service de police régional de Peel (SPRP) a avisé l’UES d’un accident de voiture ayant causé des blessures. La gravité des blessures de l’homme était telle qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il survive. Il a été transporté à l’hôpital, où il a été déclaré mort.

On a signalé que les agents surveillaient l’homme en question, qui était soupçonné de trafic de stupéfiants. L’homme s’est rangé sur le bord de la route, dans le secteur de l’avenue Willowdale et de l’avenue Cummer, à Toronto. Lorsque deux agents se sont approchés de son véhicule à pied, l’homme a pris la fuite. À 9 h 7, son véhicule est entré en collision avec quatre véhicules civils non loin de là.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux, où ils ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés. Ils ont notamment pris des notes, des photos, des enregistrements vidéo et des mesures et ils ont fait des croquis. Des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires étaient présents lors de l’examen post-mortem et ont enregistré l’information à ce sujet. Une équipe d’enquête sur les collisions du Service de police de Toronto (SPT) a aussi fait enquête sur la collision, vu que le SPT avait l’obligation de faire enquête en vertu du Code de la route.

Plaignants

Plaignant no 1  Homme de 33 ans décédé

Plaignante no 2  Femme de 35 ans, qui a refusé de participer à une entrevue, mais pour qui le dossier médical a été obtenu et examiné

Témoins civils

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

TC no 4  A participé à une entrevue

TC no 5  A participé à une entrevue

TC no 6  N’a pas participé à une entrevue; n’a pas été témoin des événements

TC no 7  A participé à une entrevue

TC no 8  N’a pas participé à une entrevue; plus proche parent

Agents témoins

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

AT no 5  Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 6  Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 7  A participé à une entrevue

AT no 8  Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 9  Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 10  Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 11  A participé à une entrevue

AT no 12  A participé à une entrevue

AT no 13  A participé à une entrevue

AT no 14  Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Agent impliqué

AI A refusé de participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux

L’avenue Willowdale croise l’avenue Cummer presque à angle droit. L’intersection est dotée de feux de circulation fonctionnels et de signaux pour piétons ainsi que de passages piétonniers peints en blanc et de lignes d’arrêt. Des marques continues peintes en jaune près du centre de la chaussée servent à séparer les véhicules circulant en sens inverse. Il y a un éclairage artificiel aux coins nord-est et sud-ouest de l’intersection. La limite de vitesse affichée est de 50 km/h.

Il s’agit principalement d’une zone résidentielle urbaine et il y a des trottoirs en béton ainsi qu’une bordure des deux côtés de la chaussée.

Photo de scène

Schéma des lieux

Diagramme de scène

Preuve d’expert

Conclusions du spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES

  • au moment de la collision, le plaignant no 1 conduisait un véhicule Accord SE de Honda.
  • après son interaction avec les agents du SPRP, le plaignant no 1 est parti en direction sud sur l’avenue Maxome, puis a tourné vers l’ouest sur l’avenue Cummer, en empruntant la voie directe pour traverser à haute vitesse l’intersection avec l’avenue Willowdale sur un feu rouge.
  • la limite de vitesse affichée sur l’avenue Cummer et l’avenue Willowdale est de 50 km/h.
  • au même moment, un véhicule Escape de Ford conduit par le TC no 1 circulait en direction nord dans la voie en bordure de l’avenue Willowdale destinée aux véhicules allant tout droit.
  • la partie avant du véhicule Escape de Ford a heurté les deux portières gauches et l’aile arrière gauche de l’Accord SE de Honda, brisant ainsi la roue arrière gauche au niveau de l’essieu et dégonflant le pneu arrière gauche.
  • le véhicule Escape de Ford a pivoté dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour atteindre la voie de dépassement en direction nord et ses deux portières gauches ont été heurtées par le côté droit du pare-chocs avant de la Prius de Toyota, conduite par le TC no 2, qui a lentement dévié vers le nord en direction de la voie de dépassement de l’avenue Willowdale.
  • l’Escape de Ford a poursuivi sa trajectoire vers le nord-ouest et sa partie avant a heurté le côté gauche du pare-chocs avant et la portière du conducteur de la Mercedes CLA45 conduite par le TC no 5, qui a lentement dévié vers le sud dans la voie de dépassement sud de l’avenue Willowdale.
  • l’Escape de Ford et les véhicules Prius et Mercedes CLA45 se sont immobilisés tout de suite après l’impact.
  • l’Accord SE de Honda a poursuivi sa route en direction ouest sur l’avenue Cummer sans heurter la Prius ni la Mercedes CLA45.
  • l’aile avant droite de l’Accord SE a été heurtée par l’aile avant gauche d’un véhicule Rabbit de Volkswagen conduit par le TC no 4, qui circulait en direction sud dans la voie en bordure de l’avenue Willowdale.
  • le pneu avant gauche du véhicule Rabbit de Volkswagen et le pneu avant droit de l’Accord SE de Honda ont été endommagés.
  • le véhicule Rabbit de Volkswagen a pivoté dans le sens des aiguilles d’une montre, tandis que l’Accord SE de Honda a pivoté dans le sens inverse, ce qui a provoqué une collision secondaire entre les ailes arrières de ces véhicules.
  • le véhicule Rabbit de Volkswagen a poursuivi sa course en direction ouest sur l’avenue Cummer et sa roue avant gauche endommagée a laissé une marque sur la chaussée.
  • par la suite, le véhicule Rabbit de Volkswagen s’est immobilisé face vers le nord-ouest, à quelque 34 mètres à l’ouest de l’avenue Willowdale, occupant ainsi une partie des deux voies en direction est de l’avenue Cummer.
  • l’Accord SE de Honda a pivoté d’environ 275 degrés dans le sens inverse des aiguilles d’une montre tout de suite après l’impact, puis a poursuivi sa course en direction sud-ouest, son pneu avant droit laissant une trace sur la chaussée.
  • le véhicule Accord SE de Honda s’est immobilisé face au nord-est sur le trottoir sud de l’avenue Cummer, à environ 11 mètres à l’ouest de l’avenue Willowdale.
  • il n’existe aucune preuve indiquant que le véhicule de surveillance Accord EX 2010 du SPRP a été impliqué dans une collision.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, mais ils n’ont rien trouvé.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé au SPRP et au Service de police de Toronto les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • les notes de reconstitution de la collision prises sur place,
  • le rapport d’incident général,
  • les détails de l’événement – rapport du système de répartition assisté par ordinateur (ICAD),
  • le rapport d’accident de véhicule automobile,
  • les notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14, et
  • le tachéomètre.

Description de l’incident

Le 9 avril 2016, des membres du SPRP ont entrepris de surveiller un homme après avoir reçu des renseignements selon lesquels celui-ci aurait fait activement le trafic de stupéfiants dans sa voiture (l’homme ciblé). Le SPRP avait déjà vu l’homme ciblé effectuer des transactions de stupéfiants dans deux véhicules, dont l’un était l’Accord SE de Honda grise immatriculée au nom de son frère.

Trois véhicules de police étaient mobilisés pour l’opération de surveillance; l’AT no 1 et l’AT no 12 étaient seuls dans leur véhicule respectif, tandis que l’AI et l’AT no 2 étaient ensemble. Pendant la surveillance, on a observé une Accord de Honda grise arriver dans l’entrée du domicile de l’homme ciblé. Un homme portant un chandail à capuchon qui lui cachait le visage est sorti du véhicule et est entré dans le domicile. Un peu plus tard, le même homme, qu’on croyait être l’homme ciblé, est sorti du domicile et est remonté dans le véhicule de marque Honda. L’équipe de surveillance a suivi le véhicule automobile jusque dans la région de Toronto. Ce qu’elle ignorait, c’est que l’homme qui conduisait le véhicule n’était pas l’homme ciblé, mais plutôt son frère (le plaignant no 1).

Lorsque le véhicule s’est immobilisé sur le bord d’un trottoir dans le secteur de l’avenue Centre et de Pamcrest Drive, l’AI a demandé à l’équipe d’effectuer une manœuvre tactique visant à coincer le véhicule. Le véhicule conduit par l’AI s’est arrêté devant l’Accord de Honda, et l’AI ainsi que l’AT no 2 se sont approchés du véhicule du suspect en pointant leur arme. C’est à ce moment que l’AT no 1 est arrivé sur les lieux et a vu le véhicule Honda reculer tout à coup. L’AT no 1 a fait une manœuvre pour placer son véhicule derrière afin de le coincer. Le véhicule Honda a ensuite accéléré et s’est éloigné. L’AT no 12, qui n’était pas encore arrivé à l’endroit où le véhicule s’était rangé, a vu l’Accord de Honda passer près de lui à toute allure. À la radio, l’AI a demandé de ne pas poursuivre le véhicule. Par conséquent, l’AT no 1 a suivi le véhicule en gardant une bonne distance. L’Accord de Honda a été aperçue pendant qu’elle roulait en direction sud sur l’avenue Maxome, puis elle a franchi l’intersection de l’avenue Cummer et de l’avenue Maxome sur un feu rouge, en évitant de justesse le véhicule automobile du TC no 3 qui circulait en direction ouest. L’Accord de Honda a alors tourné à droite sur l’avenue Cummer. L’AT no 1 a dit à la radio que le conducteur du véhicule conduisait de façon dangereuse et avait failli provoquer une collision. L’AT no 1 a continué de suivre le véhicule à une distance sécuritaire.

Le conducteur de l’Accord de Honda, qui roulait sur l’avenue Cummer en provenance de l’ouest, a traversé à grande vitesse l’intersection de l’avenue Willowdale sur un feu rouge et a été impliqué dans une collision avec un véhicule Escape de Ford en direction nord, qui était conduit par le TC no 1. L’Escape de Ford a pivoté dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour atteindre la voie de dépassement en direction nord et a heurté la Prius de Toyota conduite par le TC no 2, puis la Mercedes CLA45 conduite par le TC no 5. Après avoir heurté l’Escape de Ford, le véhicule Accord de Honda a poursuivi sa route en direction ouest sur l’avenue Cummer et est entré en collision avec un véhicule Rabbit de Volkswagen, qui était conduit par le TC no 4. La plaignante no 2 était passagère de la Rabbit de Volkswagen.

Le plaignant no 1, soit le conducteur de l’Accord de Honda, a été transporté à l’hôpital, mais il a succombé à ses blessures le 13 avril 2016. Selon l’examen post-mortem effectué le lendemain à Toronto, le décès a été causé par un traumatisme contondant à la tête et au thorax. Dans le cadre de l’examen post-mortem, des échantillons biologiques prélevés sur le plaignant no 1 ont été transmis au Centre des sciences judiciaires pour analyse. Le 7 octobre 2016, l’UES a reçu le rapport d’analyse, qui a révélé la présence dans le sang de midazolam (une benzodiazépine) au moment de l’admission à l’hôpital.

La plaignante no 2 a été conduite à l’hôpital afin d’afin qu’elle y reçoive des traitements pour un traumatisme crânien, et on lui a diagnostiqué un hématome sous-dural aigu (une hémorragie cérébrale).

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel3 : Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 9 avril 2016, des membres du SPRP surveillaient une personne qu’ils croyaient être l’homme ciblé, un suspect potentiel en relation avec le trafic de stupéfiants. Au cours de la surveillance, on a décidé d’appréhender l’homme ciblé. Ce qu’ignorait l’équipe de surveillance, c’est que ce n’était pas l’homme ciblé, mais plutôt le plaignant no 1, le frère de l’homme ciblé, qui conduisait le véhicule automobile surveillé et qui s’est enfui lorsque deux agents armés se sont approchés de lui dans le but de l’appréhender. Peu après, le plaignant no 1 a été impliqué dans une collision mortelle lorsqu’il a brûlé un feu rouge et a heurté d’autres véhicules qui se trouvaient à l’intersection en toute légalité. L’AI était l’agent qui avait pris la décision de tenter d’appréhender l’homme ciblé, qui s’est avéré être le plaignant no 1.

L’homme ciblé avait déjà été observé par des agents du SPRP tandis qu’il effectuait trois transactions de stupéfiants, dont l’une dans un véhicule Accord SE gris de marque Honda immatriculé au nom du plaignant no 1. La surveillance avait pour but de tenter d’obtenir des renseignements supplémentaires.

Pendant la séance préparatoire, le 9 avril 2016, les renseignements ci-dessus ont été transmis aux agents du SPRP chargés d’effectuer la surveillance. L’équipe de surveillance devait être composée des AT nos 1, 2 et 12 et de l’AI. Trois véhicules de police étaient mobilisés pour l’opération de surveillance : l’AT no 12 et l’AT no 1 étaient seuls chacun dans leur véhicule, tandis que l’AI était avec l’AT no 2, qui était responsable de la prise de notes. Au début, l’AI et l’AT no 2 surveillaient le domicile de l’homme ciblé, puis l’AT no 1 a pris la relève. Celui-ci a vu le véhicule Accord de Honda arriver dans l’entrée, puis un homme grand et maigre portant un chandail à capuchon qui lui cachait le visage est sorti du véhicule et est entré dans le domicile. Un peu plus tard, le même homme est sorti du domicile et est remonté dans le véhicule de marque Honda. On croyait que l’homme en question était l’homme ciblé. L’équipe de surveillance a suivi le véhicule automobile jusque dans la région de Toronto. À un moment donné, l’AT no 1 a entendu l’AT no 12 dire à la radio que le véhicule s’était rangé sur le côté et s’était immobilisé. L’AT no 1 a indiqué que l’AI avait alors demandé à l’équipe de procéder à une manœuvre tactique visant à coincer le véhicule, ce qui a pris l’AT no 1 complètement au dépourvu puisque aucune arrestation n’était prévue et qu’il n’était pas préparé. Dans sa déclaration aux enquêteurs, l’AT no 1 n’a pu apporter aucune précision au sujet de ce qui avait changé au point de convaincre l’AI qu’il avait maintenant des motifs raisonnables de procéder à une arrestation.

L’AT no 1 a vu le véhicule immobilisé sur le bord d’un trottoir dans le secteur de l’avenue Centre et de Pamcrest Drive. Il a également vu que le véhicule de l’AI et de l’AT no 2 se trouvait devant le véhicule Accord de Honda et que l’AI et l’AT no 2 s’approchaient du véhicule du suspect en pointant leur arme. L’AT no 1 a ensuite vu le véhicule Accord gris de marque Honda reculer tout à coup, et il a fait une manœuvre pour placer son véhicule derrière afin de le coincer. Le véhicule Honda a alors accéléré en direction de l’AI et de l’AT no 2; l’AT no 1 croyait que les agents allaient tirer sur le conducteur du véhicule Honda, mais l’AT no 2 a plutôt donné des coups de pied sur la portière arrière du côté conducteur pour s’éloigner du véhicule et éviter d’être heurté par lui.

L’AT no 1 a expliqué qu’il avait continué de suivre le véhicule, sans entreprendre de poursuite. Il l’a plutôt suivi pour voir si des armes à feu ou des stupéfiants étaient jetés du véhicule. L’AT no 1 a indiqué qu’on avait entendu l’AI dire à la radio qu’il ne fallait pas entreprendre de poursuite. Par conséquent, l’AT no 1 est resté à une bonne distance du véhicule Accord de Honda et a fini par le perdre de vue. À l’intersection de Newton Drive et de l’avenue Maxome, l’AT no 1 a vu une fois de plus le véhicule Accord de Honda droit devant qui franchissait l’intersection de l’avenue Cummer et de l’avenue Maxome sur un feu rouge, évitant de justesse le véhicule automobile du TC no 3 qui circulait en direction ouest. L’AT no 1 a dit à la radio que l’homme ciblé, qui s’est avéré être le plaignant no 1, conduisait de façon dangereuse et avait failli provoquer une collision. L’AT no 1 a continué de suivre le véhicule Accord de Honda à une distance qu’il jugeait sécuritaire puisqu’il ne voulait pas que le conducteur ait l’impression d’être poursuivi par la police. C’est alors qu’il a entendu l’AI dire à la radio que le véhicule avait était impliqué dans une collision grave.

La déclaration de l’AT no 12 concorde avec celle de l’AT no 1, à l’exception de quelques détails supplémentaires. L’AT no 12 était convaincu que le conducteur du véhicule automobile qu’ils suivaient était l’homme ciblé. Il a précisé qu’à un moment donné pendant l’opération de surveillance, il avait entendu une transmission radio de l’AT no 2 indiquant que le véhicule Accord de Honda s’était rangé sur le côté droit, et l’AT no 12 a alors cru que le conducteur voulait vérifier si des policiers le suivaient. Par conséquent, l’AT no 12 a dit que c’était l’AI et lui qui avaient pris à ce moment la décision d’appréhender l’homme ciblé (soit le plaignant no 1) pour trafic de stupéfiants. L’AT no 12 n’a fourni aucune explication quant aux raisons pour lesquelles on avait décidé d’appréhender l’homme ciblé (le plaignant no 1), au lieu de se contenter de le surveiller, comme cela avait été décidé au départ. L’AT no 12 a signalé que, peu après que l’AI a donné sa directive d’appréhender l’homme ciblé (le plaignant no 1), le véhicule était parti à toute vitesse. L’AT no 12, qui n’était pas encore arrivé à l’endroit où le véhicule s’était rangé, a vu le véhicule Accord de Honda passer près de lui à toute allure et a transmis à la radio un message indiquant de laisser le véhicule filer (code ATR) afin que les membres de l’équipe n’amorcent pas une poursuite.

Selon l’AT no 2, il était arrivé à la conclusion que l’homme ciblé (le plaignant no 1) était impliqué dans une forme quelconque d’activités liées aux drogues illicites lorsque celui-ci est arrivé dans une entrée de cour dans un secteur industriel pendant qu’il était surveillé, et ce, même si aucune transaction n’a été observée. Il a ajouté qu’il s’était aperçu que l’homme ciblé (le plaignant no 1) avait rangé son véhicule dans une zone résidentielle et qu’il vérifiait peut‐être si on le suivait. L’AT no 2 a précisé que c’est à cause de cela que l’AI a fait l’appel demandant qu’on procède à une manÅ“uvre tactique pour appréhender l’homme ciblé (le plaignant no 1) et qu’on l’arrête pour possession de drogues. L’AT no 2 a confirmé que l’AI et lui étaient sortis de leur véhicule et s’étaient approchés du véhicule automobile pour procéder à l’arrestation de l’homme ciblé (le plaignant no 1), qui a alors mis son véhicule en marche arrière. L’AT no 1 a ensuite placé son véhicule derrière le véhicule Accord de Honda pour essayer de le coincer, mais le conducteur est passé en marche avant et s’est éloigné à toute vitesse, après quoi l’AT no 2 l’a perdu de vue. L’AT no 2 a indiqué que l’AI avait alors demandé à l’équipe de ne pas amorcer de poursuite parce qu’on savait où habitait l’homme ciblé.

L’UES a pour mandat de déterminer si des blessures graves ou des décès peuvent être imputables à des infractions criminelles de la part d’agents de police. En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel3, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

J’ai commencé par évaluer si l’arrestation du plaignant no 1 était légitime. Puisque l’AI a refusé de faire une déclaration aux enquêteurs, comme la loi l’y autorise, et que l’AT no 12 ne dit rien dans sa déclaration au sujet des motifs raisonnables justifiant l’arrestation du plaignant no 1, l’ensemble des éléments de preuve ne permet pas de déterminer pour quels motifs l’AI a donné la directive de procéder à une manœuvre tactique visant à coincer le véhicule de l’homme ciblé (le plaignant no 1). D’après les déclarations des agents qui ont parlé aux enquêteurs, il est clair qu’aucun renseignement supplémentaire n’a été recueilli pendant la surveillance, qu’aucune transaction liée au trafic de stupéfiants n’a été observée, qu’aucun client n’a été arrêté, que rien n’indiquait que l’homme ciblé (le plaignant no 1) avait des stupéfiants en sa possession dans le véhicule automobile et que la police n’avait pas de mandat pour arrêter qui que ce soit pour les transactions de main à main observées au cours d’une opération de surveillance antérieure. D’après cette preuve, on peut douter de légitimité de l’arrestation de l’homme ciblé et encore plus du plaignant no 1. Les agents n’auraient donc pas agi dans l’exercice de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont entrepris d’arrêter le conducteur du véhicule Accord de Honda.

De plus, il est troublant que la décision de procéder à l’arrestation ait été prise et que, tout de suite après, l’AI et l’AT no 2 soient sortis de leur véhicule et se soient approchés du véhicule en pointant leur arme avant même que le reste de l’équipe soit arrivé. L’AT no 1 a dit clairement que la décision de procéder à l’arrestation l’avait pris complètement au dépourvu et qu’il n’était pas du tout préparé à faire une arrestation. Pourtant, lorsqu’il est arrivé sur les lieux, l’AI et l’AT no 2 procédaient déjà à la tentative d’arrestation avec leur arme à la main. De même, l’AT no 12 a dit qu’il avait essayé de sortir de son sac les articles nécessaires à l’arrestation, mais qu’il n’avait pas eu le temps de le faire; il a vu l’homme ciblé (le plaignant no 1) qui s’éloignait à toute vitesse avant même d’arriver sur les lieux où l’AI et l’AT no 2 tentaient de procéder à l’arrestation. Je considère que la déclaration de l’AT no 12, disant que la décision de procéder à l’arrestation avait été prise d’un commun accord avec l’AI, ne concorde pas avec son propre témoignage, selon lequel il n’était pas préparé à faire une arrestation et n’était pas arrivé à temps ainsi qu’avec le fait que les deux autres agents aient attribué à l’AI et à lui seul la décision de procéder à l’arrestation et celle de laisser filer le véhicule sans entamer de poursuite.

Même si, d’après les éléments de preuve dont je dispose, je conclus que les agents n’ont pas agi dans l’exercice de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont tenté d’arrêter le plaignant no 1 en le menaçant de leur arme, il doit exister un lien entre la blessure ou le décès, ou les deux, et les actions des agents. Les témoins civils ont tous dit clairement qu’ils n’avaient pas vu de véhicule de police, identifié ou non, poursuivre l’Accord de Honda aussi loin que l’intersection de l’avenue Maxome et de l’avenue Cummer ni de là jusqu’au point d’impact, à l’intersection de l’avenue Cummer et de l’avenue Willowdale.

Les éléments de preuve des témoins civils confirment que l’AT no 1 est demeuré à une distance sécuritaire du plaignant no 1 après que celui-ci ait accéléré. Ils semblent également confirmer que la directive de ne pas amorcer de poursuite avait été communiquée aux agents par radio.

Par conséquent, je suis convaincu, après avoir examiné tous les éléments de preuve, qu’il n’existe pas de lien direct entre, d’une part, les actions du plaignant no 1 qui ont mené à son propre décès et aux blessures que la plaignante no 2 a malheureusement subies et, d’autre part, les actions de la police. Il est, bien entendu, impossible de savoir ce que le plaignant no 1 avait en tête lorsqu’il a décidé de conduire de manière dangereuse à haute vitesse sans tenir compte des feux de circulation à au moins deux intersections protégées différentes pour échapper à la police. Il se pourrait bien qu’il croyait à tort que la police le poursuivait. Quoi qu’il en soit, les éléments de preuve des témoins civils indépendants confirment que la police n’effectuait pas une poursuite au moment où le plaignant no 1 a décidé de conduire de façon imprudente et dangereuse et que celui-ci est manifestement responsable de son propre décès ainsi que de la collision de cinq véhicules qui a infligé des blessures au plaignant no 2.

En dernière analyse, je suis convaincu qu’il n’y a pas lieu de déposer des accusations contre un agent dans cette affaire.

Date : 16 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.