Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-PCD-260

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet du décès d’un homme de 52 ans survenu le 13 octobre 2016 à la suite d’une chute à partir du balcon d’un logement à Trenton.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 octobre 2016 à 16 h 15, la Police provinciale de l’Ontario a signalé à l’UES le décès de l’homme en question.

La Police provinciale de l’Ontario a déclaré que, le 13 octobre 2016, juste après l’heure du dîner, des agents de son détachement de Quinte West s’étaient rendus à un immeuble d’habitation de Trenton pour répondre à un appel concernant un homme qui avait supposément pris quelqu’un en otage et qui était aussi recherché pour plusieurs mandats non exécutés. à leur arrivée, les agents ont trouvé l’homme dans un logement du 11e étage. Quelques instants plus tard, l’homme est sorti du logement pour se rendre sur le balcon, où on l’a vu s’attacher une corde autour du cou. Il a ensuite enjambé la rampe du balcon et s’est tenu sur l’étroit rebord extérieur en menaçant de sauter. La Police provinciale a alors commencé à négocier avec lui. à 16 h 10 environ, il est soudainement sauté sans prévenir du balcon et a causé son décès.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident par des notes, des photographies, des croquis et des mesures. Ils ont assisté à l’autopsie et l’ont enregistrée et ont aidé à présenter des demandes au Centre des sciences judiciaires.

Plaignante

Homme de 52 ans décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

TC no 9 A participé à une entrevue

TC no 10 A participé à une entrevue

TC no 11 A participé à une entrevue

TC no 12 A participé à une entrevue

TC no 13 A participé à une entrevue

TC no 14 A participé à une entrevue

TC no 15 A participé à une entrevue

TC no 16 A participé à une entrevue

Témoin employé de la police

TEP A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue

AT no 8 A participé à une entrevue

AT no 9 A participé à une entrevue

AT no 10 A participé à une entrevue

En outre, l’UES a reçu et examiné les notes de neuf autres agents.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux

Les lieux étaient au départ un logement au 11e étage d’un immeuble d’habitation de Trenton, en Ontario.

La porte d’entrée du logement donnait sur un court corridor menant à une pièce servant de salon et salle à manger en forme de L avec une porte donnant accès à la cuisine, à droite. Le couloir menant aux deux chambres et à la salle de bain était à gauche, et la porte du balcon (qui était ouverte) était en face de la porte d’entrée du logement.

Il y avait un petit bout de corde attaché à un barreau de métal du balcon en face de la porte du balcon. La rampe était constituée d’un cadre de métal avec des panneaux en plastique transparent. La rampe était à une hauteur de 1,1 mètre.

Juste sous l’endroit où la corde était attachée sur le balcon se trouvait le bout de gazon où on a retrouvé le corps du plaignant. La distance entre le dessus de la rampe et le sol a été mesurée, et elle était de 28,3 mètres.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve d’expert

Le 14 octobre 2016, une autopsie a été pratiquée sur le corps du plaignant. Le pathologiste a indiqué que la cause immédiate du décès était des blessures contondantes.

Enregistrements des communications

Enregistrements des communications du 911

Le 13 octobre 2016, un homme non identifié a communiqué avec le centre de communication de la Police provinciale. Celui-ci a donné l’adresse du plaignant et son numéro de logement et a dit : « being held against my will » [retenu contre mon gré], après quoi il a prononcé le nom du plaignant et a ensuite raccroché immédiatement. Le répartiteur de la Police provinciale a transmis l’appel et a indiqué que la personne avait téléphoné à partir d’un téléphone public à Trenton. L’adresse était celle d’un dépanneur.

Preuves médicolégales

Le 14 octobre 2016, une autopsie a été pratiquée sur le corps du plaignant à l’Unité de médecine légale à Ottawa. Des échantillons biologiques ont été prélevés et remis à la section de la toxicologie du Centre des sciences judiciaires. Le rapport de toxicologie indique qu’au moment du décès, le plaignant avait 0,83 milligramme par litre (mg/L)[1] d’oxycodone dans son organisme[2]. Aucune autre drogue n’était présente.

éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé au détachement de Quinte West de la Police provinciale les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • communications : la liste des enregistrements audio
  • le registre de divulgation
  • le registre de service
  • la chronologie des événements
  • le rapport d’identification médicolégale
  • le sommaire de l’entrevue avec le père du plaignant
  • la liste des agents concernés
  • les notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10
  • les notes de 9 agents non désignés
  • le formulaire de demande d’enregistrements audio de la Police provinciale
  • le profil individuel du plaignant et ses communications antérieures avec la police

Description de l’incident

Le jeudi 13 octobre 2016, le plaignant était dans son logement du 11e étage d’un immeuble d’habitation de Trenton. L’homme avait consommé une quantité importante d’oxycodone et il y avait plusieurs mandats non exécutés pour son arrestation. Un inconnu a appelé le 911 à partir d’un dépanneur du quartier pour signaler qu’une personne était gardée dans le logement contre son gré.

La police s’est rendue à l’immeuble d’habitation au début de l’après-midi et a trouvé le plaignant debout sur le rebord de son balcon, avec un nœud coulant autour du cou. Le plaignant a indiqué qu’il avait l’intention de sauter et qu’il n’avait pas l’intention de retourner en prison. Il a ajouté qu’il avait pris beaucoup de pilules dans l’espoir de se donner le courage de sauter ou, sinon, de tomber en s’endormant.

Plusieurs agents sont allés sur le balcon et ils ont tenté de convaincre le plaignant de rentrer dans le logement, ce qu’il a refusé. L’AI, négociatrice en situation de crise, est arrivée sur les lieux vers 14 h 30 et elle s’est rendue sur le balcon. Même si l’AI n’a cessé d’essayer de convaincre le plaignant de revenir dans le logement, ses efforts ont été infructueux.

à environ 16 h, après plusieurs heures sur le balcon, le plaignant a lâché la rampe et est tombé en direction du sol. L’AT no 1 a tenté d’agripper le plaignant et la corde pendant la chute, mais il a été incapable de l’arrêter. La corde autour du cou du plaignant s’est cassée, et celui-ci est tombé sur le sol.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 25(1), Code criminel : Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

  1. en qualité de père ou mère, de parent nourricier, de tuteur ou de chef de famille, de fournir les choses nécessaires à l’existence d’un enfant de moins de seize ans;
  2. de fournir les choses nécessaires à l’existence de son époux ou conjoint de fait;
  3. de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
    1. par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
    2. de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, de remplir cette obligation, si :

  1. à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)a) ou b),
    1. ou bien la personne envers laquelle l’obligation doit être remplie se trouve dans le dénuement ou dans le besoin,
    2. ou bien l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou expose, ou est de nature à exposer, à un péril permanent la santé de cette personne;
  2. à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Les articles 219 et 220, Code criminel : Négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose,
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
  2. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 13 octobre 2016, le plaignant est décédé des suites d’un traumatisme contondant, lorsqu’il a fait une chute d’environ 28 mètres à partir du balcon de son logement au 11e étage d’un immeuble d’habitation de Trenton. Il avait attaché autour de son cou une corde jaune fixée à la rampe du balcon, et cette corde s’est cassée à cause du poids durant la chute. Des agents du détachement de la Police provinciale de Quinte West étaient sur les lieux au moment de la chute, soit dans le logement du plaignant et sur son balcon. Deux négociateurs de la Police provinciale étaient aussi présents, dont l’AI, sur le balcon, et l’AT no 9, à l’intérieur des portes du balcon.

Vers midi ce jour-là, un homme a appelé le 911 à partir du téléphone public d’un dépanneur à proximité de l’immeuble d’habitation du plaignant. Il a donné l’adresse et le numéro de logement du plaignant et a dit : « being held against my will » [retenu contre mon gré], après quoi il a prononcé le nom du plaignant et a ensuite raccroché immédiatement. Les seules personnes présentes dans le logement du plaignant étaient alors le plaignant et la TC no 1, soit la femme du plaignant, et la TC no 1 n’était pas gardée en otage. Il y avait déjà plusieurs mandats non exécutés pour l’arrestation du plaignant.

à environ 12 h 19, des agents ont commencé à arriver à l’immeuble. La TC no 1 a quitté le logement et elle a rejoint à la porte de l’immeuble les AT nos 1 et 2, qui étaient les premiers à arriver. Elle leur a remis la clé du logement et a mentionné que le plaignant se trouvait à l’intérieur.

Les AT nos 1 et 2 sont entrés dans l’immeuble et sont montés au 11e étage. L’AT no 2 a frappé à la porte du logement et a demandé au plaignant de se rendre à la police. Les agents n’ont entendu aucune réponse de sa part venant du logement. Ils ont cherché le plaignant dans l’escalier et le sous-sol de l’immeuble, puis ils sont retournés au logement. Ils ont frappé à la porte du logement une fois de plus, et le plaignant a répondu qu’il n’avait pas l’intention de retourner en prison et qu’il allait sauter à partir du balcon. L’AT no 4, qui se trouvait à l’extérieur, a vu le plaignant enjamber la rampe du balcon avec une corde autour du cou.

Vers 13 h, les AT nos 1 et 2 ont pénétré dans le logement. Ils ont constaté que le plaignant était sur le rebord du balcon avec, autour du cou, une corde de plusieurs mètres attachée à la rampe du balcon. Il se tenait à la rampe des deux mains. Les deux agents sont allés sur le balcon, mais sont restés à l’autre extrémité par rapport au plaignant. Celui-ci leur a crié de se tenir à distance en menaçant de sauter s’ils insistaient. L’AT no 2 a assuré au plaignant que les agents de police étaient là seulement pour lui parler. Celui-ci a répété à plusieurs reprises qu’il n’y avait rien que qui que ce soit puisse faire pour l’empêcher de sauter, car il n’avait pas l’intention de retourner en prison. à un moment donné, le TC no 10, soit le fils du plaignant, a été conduit jusqu’à la porte du balcon pour qu’il puisse parler à son père. Le fils l’a supplié de revenir en lieu sûr, mais sans succès.

Le plaignant a déclaré avoir pris 50 pilules pour lui donner le courage de sauter. Il disait espérer que les pilules l’endorment pour qu’il tombe. Plus tard, le plaignant a demandé un verre d’eau aux policiers, qui lui en ont donné un. On lui a aussi donné une cigarette pour qu’il puisse fumer. L’AT no 1 a tenté de convaincre le plaignant de revenir à l’intérieur de la rampe du balcon, mais il a refusé. à 14 h 30, l’AI, une négociatrice spécialement formée, est arrivée et elle s’est rendue sur le balcon. Elle a commencé à discuter avec le plaignant. Vers 16 h, le plaignant a semblé fatigué : il a fermé les yeux, a incliné la tête et il s’est penché vers la gauche. Il se trouvait alors à l’extérieur de la rampe du balcon depuis plusieurs heures déjà. Il est ensuite tombé soudainement. L’AT no 1 s’est alors précipité vers le plaignant pour tenter d’attraper la corde ou ses vêtements. Il a agrippé l’avant-bras du plaignant, mais celui-ci s’est donné une poussée pour s’éloigner de la rampe. L’AT no 1 a alors attrapé la corde attachée au plaignant pour tenter de le faire basculer sur le balcon du dessous pour l’empêcher de tomber en bas. La corde s’est cassée, et le plaignant est tombé sur le sol. Sauf pour l’AT no 1, qui a attrapé le plaignant par le bras quand il était en train de tomber, aucun autre agent n’a eu de contact physique avec le plaignant, selon tous les témoins.

Plusieurs contenants de médicaments ont été retrouvés dans la chambre du plaignant. Les analyses toxicologiques indiquent qu’au moment du décès, le plaignant avait une concentration extrêmement élevée d’oxycodone dans son organisme.

Dans cette affaire, il faut évaluer si des infractions du type de négligence criminelle ayant causé la mort ou de manquement au devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence ont été commises. Conformément à l’article 219 du Code criminel, « [e]st coupable de négligence criminelle quiconque soit en faisant quelque chose; soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. » Le devoir dont il est question désigne une obligation imposée par une loi ou par la common law. De même, en vertu de l’article 215 du Code criminel, une personne peut être légalement tenue de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne « est incapable par suite de détention[…] de se soustraire à cette charge, de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence. »

Les deux types d’infractions sont des cas de négligence criminelle et, pour considérer qu’elles ont été commises, il faut pour le moins qu’une personne agisse d’une manière très différente de ce à quoi on pourrait s’attendre d’une personne raisonnablement prudente dans n’importe quelles circonstances. Dans la présente affaire, je n’ai pas l’impression que les éléments de preuve permettent de venir près de remplir cette condition. Tout d’abord, la présence des agents sur les lieux au moment des événements en question était légitime. La TC no 1 leur avait remis la clé du logement et on peut donc présumer qu’elle les avait autorisés à entrer. Pourtant, même si elle ne l’avait pas fait, j’ai la conviction que les agents agissaient conformément aux pouvoirs que leur confère la common law d’entrer dans des lieux privés pour préserver et protéger la vie compte tenu des exigences de la situation . Ensuite, outre leur présence ayant pu inciter le plaignant à passer aux actes, il n’y a aucun élément de preuve pouvant laisser croire que les agents sur les lieux, soit sur le balcon ou ailleurs dans le logement ou l’immeuble, le 13 octobre 2016, aient pu contribuer au décès du plaignant. D’ailleurs, le plaignant a déclaré à plusieurs reprises aux agents sur place qu’il n’avait pas l’intention de retourner en prison. Il a aussi indiqué clairement qu’il allait sauter du balcon, il s’était passé une corde autour du cou et il avait pris une quantité importante d’oxycodone pour l’aider à mettre son projet à exécution. Plusieurs témoins ont signalé que le plaignant s’était poussé loin du balcon juste avant de tomber.

Le plaignant s’est enlevé la vie pour éviter de se faire appréhender par la police, et il était prêt à mourir pour empêcher que cela se produise. C’est le plaignant qui a causé son propre décès et, dans les circonstances, il n’y a aucun motif permettant de croire que des accusations devraient être portées.

Date : 26 septembre 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur intérimaire
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Mesure qui représente la masse d’un produit chimique ou d’un contaminant par unité de volume d’eau. [Retour au texte]
  • 2) [2] Conclusion : Sur 18 décès causés par la toxicité de l’oxycodone, la concentration dans le sang après le décès était d’au moins 0,21 mg/L. (B.C. WOLF et autres, Journal of Forensic Sciences, vol. 50, 2005, p. 192-195.) [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.