Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-PCD-315

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet du décès d’un homme de 49 ans survenu durant son arrestation le 15 décembre 2016 pour conduite avec facultés affaiblies.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 15 décembre 2016, à 16 h 30, le détachement de la Police provinciale de l’Ontario de North Bay a signalé à l’UES le décès du plaignant.

La Police provinciale a signalé qu’un de ses agents du détachement de North Bay avait arrêté un véhicule dans les environs des routes 17 et 531 après avoir reçu des plaintes relatives à une personne qui semblait conduire avec facultés affaiblies. Il s’agissait du plaignant. Celui-ci est sorti de son véhicule et il a été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies. Il a été installé sur la banquette arrière de la voiture d’une la Police provinciale. Il a ensuite eu un malaise et les services ambulanciers ont été avisés. L’agent de la Police provinciale a parcouru une courte distance pour rejoindre l’ambulance et c’est alors qu’on a constaté que le plaignant n’avait plus de signes vitaux.

Il a été déclaré mort à 16 h 15 à l’hôpital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident par des notes, des enregistrements vidéo et des photographies. Ils ont assisté à l’autopsie et l’ont enregistrée, et ont aidé à présenter des demandes au Centre des sciences judiciaires.

Plaignant :

Homme de 49 ans décédé

Témoins civils

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

TC no 4  A participé à une entrevue

TC no 5  A participé à une entrevue

Agent témoin

AT A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été obtenues et examinées

Éléments de preuve

Les lieux

La route 17 est une route à deux voies revêtue et marquée, avec une voie allant en direction est et une autre en direction ouest. L’arrestation a eu lieu du côté de la route 17 où se trouve la voie en direction ouest, juste à l’est de la route 531. La vitesse affichée sur les deux routes est de 90 km/h. À l’heure de l’incident, les conditions routières et météorologiques étaient idéales et la circulation légère. La chaussée était dégagée et sèche. Il s’agit d’un secteur rural, sans résidences ni commerces à proximité des lieux de l’arrestation.

Le plaignant a perdu ses signes vitaux pendant qu’il était sous garde et qu’il était transporté sur la banquette arrière d’une voiture de la Police provinciale parfaitement identifiée, une Crown Victoria de Ford, conduite par l’AI.

Preuve d’expert

Rapport préliminaire d’autopsie

Une autopsie a été effectuée le 16 décembre 2016. Le médecin légiste a alors indiqué qu’il avait observé du tissu cicatriciel sur le cœur, ce qui est le signe qu’une crise d’insuffisance coronarienne légère s’était produite antérieurement. Il a également constaté que l’artère principale du cœur était obstruée à 90 %. Il a alors signalé que la cause de décès probable était « Severe Coronary Artery Disease, pending exclusionary toxicology » (insuffisance coronaire aiguë, en attente du rapport de toxicologie).

Rapport final d’autopsie

Le 7 mars 2017, l’UES a reçu le rapport d’autopsie final au sujet du plaignant. Le rapport n’indiquait aucune blessure et précisait que la cause du décès était « Acute Fentanyl and Cocaine Intoxification in a man with Chronic Ischemic Heart Disease » (intoxication aiguë au fentanyl et à la cocaïne chez un homme ayant une cardiopathie ischémique chronique).

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications de la Police provinciale ont été examinés et ils concordaient avec les souvenirs des événements tels qu’ils ont été décrits par tous les témoins civils et les agents témoins.

Preuves médicolégales

Les échantillons biologiques prélevés à l’autopsie ont été soumis à des analyses du Centre des sciences judiciaires. L’analyse du sang de l’artère fémorale a révélé une concentration de fentanyl dans le sang de 25 ng/ml[1], soit une concentration mortelle.

L’analyse du sang de l’artère fémorale a aussi permis de détecter dans l’organisme des quantités de cocaïne et de benzoylecgonine, un métabolite inactif de la cocaïne. Les quantités concordaient avec un usage récréatif. On n’a pas détecté la présence d’éthanol.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé à la Police provinciale les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • le rapport détaillé de l’appel
  • le Fichier judiciaire nominatif, plaignant
  • les enregistrements des communications
  • la liste des enregistrements des communications
  • la liste d’enregistrement de la répartition
  • les détails de l’événement
  • les notes de l’AT
  • l’incident (personne)
  • les mises en garde et signes, plaignant
  • l’enregistrement vidéo de la déclaration de la TC no 2
  • le document sur la formation de l’AT
  • le document sur la formation de l’AI

Description de l’incident

Dans l’après-midi du 15 décembre 2016, la TC no 2 conduisait sur la route 17, à l’est de North Bay. Elle a appelé le 911 après avoir vu le plaignant traverser la ligne médiane et conduire de manière dangereuse à des vitesses très variables.

L’AI a répondu à l’appel et a retrouvé le plaignant. Il a lui aussi vu le plaignant traverser la ligne médiane en conduisant et il l’a arrêté pour vérifier s’il conduisait avec facultés affaiblies.

Lorsque le plaignant est sorti du véhicule, il était manifestement sous l’influence d’une substance quelconque, même si l’AI était incapable de détecter la présence d’alcool. Des résidus de poudre blanche et de l’étain en feuille brûlé se trouvaient néanmoins sur la console centrale. L’AI a alors arrêté le plaignant pour conduite d’un véhicule motorisé pendant qu’il était sous l’influence d’une drogue, il l’a menotté et il l’a installé sur la banquette arrière de la voiture de police. À partir de là, le plaignant était très en colère et agité.

En quelques minutes à peine, le plaignant a perdu conscience. Une ambulance a été appelée, mais le plaignant n’avait plus de signes vitaux. Il a été déclaré mort à 16 h 15.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 253, Code criminel : Capacité de conduite affaiblie

253 (1) Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire, que ceux-ci soient en mouvement ou non, dans les cas suivants :

  1. lorsque sa capacité de conduire ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue
  2. lorsqu’il a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang

Analyse et décision du directeur

Le 15 décembre 2016, à environ 14 h 42, l’AI patrouillait lorsqu’il a répondu à un appel concernant une personne qui semblait conduire avec facultés affaiblies sur la route 17, à l’est de North Bay. Selon l’information reçue au centre de répartition du 911, une conductrice civile avait observé un véhicule motorisé conduit de façon déconcertante. Il traversait en effet la ligne médiane et variait constamment sa vitesse, qui allait de 60 km/h à 90 km/h. L’AI s’est donc dirigé vers l’est sur la route 17, jusqu’à ce qu’il aperçoive le véhicule motorisé en question, qui se dirigeait vers l’ouest. L’AI a alors fait demi-tour et il a suivi le véhicule sur une distance d’un kilomètre, et il a pendant ce temps vu le véhicule traverser la ligne médiane à deux reprises. L’AI a activé sa sirène et ses feux d’urgence pour faire arrêter le véhicule, qui s’est rangé sur l’accotement du côté nord. L’AI a immobilisé sa voiture de police juste derrière celle du plaignant.

Quand le plaignant est sorti de son véhicule, il avait la tête baissée et il avançait très lentement. Il lui a été très difficile de trouver son permis de conduire en fouillant dans ses papiers et ses cartes de crédit. Il avait du mal à répondre aux questions et il ne semblait pas trop savoir où il s’en allait et d’où il venait. L’AI n’avait aucun signe que le plaignant était sous l’influence de l’alcool, mais il a aperçu des résidus de poudre blanche et de l’étain en feuille brûlé sur la console du centre du véhicule motorisé, et il a donc jugé avoir des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour avoir conduit un véhicule pendant qu’il était sous l’influence de drogues, ce qui est interdit par le Code criminel. L’AI a arrêté le plaignant, l’a menotté et l’a installé sur la banquette arrière de la voiture de police. Lorsque le plaignant a été avisé qu’il était en état d’arrestation, il s’est mis très en colère, il s’est serré les poings et il a commencé à protester bruyamment. Il s’est aussi mis à respirer très rapidement et à souffler bruyamment et à grogner.

Avant que l’AI ne quitte les lieux, le plaignant a soudainement renversé sa tête vers l’arrière et il est devenu très pâle. Il a commencé à battre des paupières, son regard a basculé et il a perdu conscience. L’AI a immédiatement appelé une ambulance et il s’est dirigé en voiture à la rencontre de l’ambulance, après avoir activé sa sirène et ses feux d’urgence. L’AI a rejoint l’ambulance, qui était suivie par l’AT, et lorsqu’il s’est approché du plaignant sur la banquette arrière de la voiture de police pour lui prêter assistance, celui-ci n’avait plus de signes vitaux. Avec l’aide de l’AT, il a immédiatement entrepris des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire, et le plaignant a été conduit à l’hôpital, où il a été déclaré mort à 16 h 15.

Une autopsie a été faite sur le corps du plaignant, et la cause du décès indiquée dans le rapport est « Acute Fentanyl and Cocaine intoxication in a man with Chronic Ischemic Heart Disease » (intoxication aiguë au fentanyl et à la cocaïne chez un homme ayant une cardiopathie ischémique chronique). Le rapport précise aussi que le plaignant avait du tissu cicatriciel sur le cœur, ce qui est le signe qu’une crise d’insuffisance coronarienne légère s’était produite antérieurement, et l’artère principale du cœur était obstruée à 90 %.

D’après l’ensemble des éléments de preuve, il ressort clairement que le décès du plaignant résulte de causes sans aucun lien avec les agissements de l’AI, sans compter que l’AI a agi de manière légitime lorsqu’il a arrêté le plaignant, qui conduisait de façon dangereuse et semblait avoir les facultés affaiblies, et qu’il l’a mis sous garde. La drogue que le plaignant avait consommée et qui nuisait à sa capacité de conduire est la même qui a grandement contribué à son décès. À vrai dire, l’intervention de l’AI et l’arrestation du plaignant ont vraisemblablement permis d’éviter une collision qui aurait pu blesser ou tuer d’autres conducteurs. Même si le décès du plaignant est tragique en soi, il n’existe absolument aucun lien de cause à effet entre les agissements de l’AI et le décès du plaignant. Au contraire, il apparaît, selon l’ensemble des preuves, que l’AI a tout fait en son pouvoir pour tenter de sauver la vie du plaignant : il a immédiatement appelé une ambulance, il a conduit rapidement le plaignant jusqu’à l’ambulance pour gagner un temps précieux et il a entrepris des manœuvres de réanimation sur le plaignant, mais cela a malheureusement été sans succès.

D’après l’ensemble des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs suffisants pour croire que des crimes ont été commis et il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 10 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Une dépression respiratoire peut se produire avec des concentrations de fentanyl de 2 ng/ml à 5 ng/ml. Les doses thérapeutiques administrées à des patients ayant subi une chirurgie vont de 1 ng/ml à 3 ng/ml, avec soutien par ventilation. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.