Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TVI-300

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête de l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 21 ans ayant été impliqué dans une collision de plusieurs véhicules au centre-ville de Toronto, le 2 décembre 2016. Avant la collision, l’homme avait fait l’objet d’une poursuite policière.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 décembre 2016, vers 7 h 30, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES de l’incident.

Le SPT a déclaré qu’à 2 h du matin, le vendredi 2 décembre 2016, des agents du SPT ont installé un point de contrôle du programme RIDE (Reduced Impaired Driving Everywhere) près des rues Richmond et Portland. Lorsqu’un véhicule a fait de la vitesse en traversant la voie de contrôle RIDE sans s’arrêter, l’agent impliqué (AI) a amorcé une poursuite très brève avec l’équipement d’urgence activé. La poursuite a été interrompue presque immédiatement. Le véhicule en fuite a continué et a heurté trois autres véhicules avant de se renverser sur le toit. Deux hommes ont pris la fuite à pied, mais ont été appréhendés non loin de l’accident et ont été emmenés à l’hôpital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Nombre de reconstitutionnistes d’accidents routiers de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures. Le lieu de la collision a été sécurisé par le SPT puis traité et examiné par l’UES et le SPT, qui ont mené une enquête parallèle.

Plaignant :

Homme âgé de 21 ans; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

AT no 5  A participé à une entrevue

AT no 6  A participé à une entrevue

AT no 7  A participé à une entrevue

AT no 8  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

L’intervention policière mettant en cause le plaignant a commencé à l’intersection des rues King Ouest et Bathurst. L’AI circulait en direction est sur la rue King, sur la voie de gauche, à l’ouest de l’intersection, lorsqu’il a initialement vu l’Audi conduite par le plaignant. L’Audi roulait en direction nord sur la rue Bathurst avant de tourner à droite en direction est sur la rue King Ouest. Elle a ensuite poursuivi en direction est sur un pâté de maisons avant de tourner à gauche à l’intersection suivante, qui croise la rue Portland. Le plaignant a roulé en direction nord sur la rue Portland et a traversé la rue Adelaïde.

Juste au nord de cette intersection, le côté avant droit de l’Audi a heurté la partie arrière gauche d’une Mini-Cooper qui était stationnée du côté est de la rue. La roue arrière gauche de la Mini s’est délogée de l’essieu et la voiture a été poussée vers l’avant tandis qu’elle effectuait une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre. L’Audit a ensuite heurté une Honda Civic, également garée sur le côté est de la rue Portland. La Honda a elle aussi été poussée vers l’avant, frappant une Volkswagen Jetta qui était stationnée devant elle.

Par suite de la collision, l’Audi a capoté et a glissé sur son toit sur une distance d’environ 35 mètres en direction nord avant de s’immobiliser sur le côté ouest de la rue Portland, comme le montre la photo ci-dessous.

Photo de lieux.

Schéma des lieux

Schéma de lieux.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a examiné les lieux pour y trouver d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et des éléments de preuve photographiques et a pu trouver ce qui suit :

Enregistrement provenant du système de caméra installé dans l’auto-patrouille de l’AI

2 h 53 min 59 s :
L’enregistrement de la caméra à bord de l’auto-patrouille de l’AI commence alors que l’auto-patrouille est arrêtée au feu rouge sur la voie en direction est de la rue King Ouest, à l’intersection de la rue Bathurst.
2 h 54 min 17 s :
Le feu de circulation pour la rue Bathurst passe au jaune, puis, trois secondes plus tard, au rouge.
2 h 54 min 23 s :
Le feu de circulation pour la rue King devient vert. Environ une seconde après que le feu soit devenu vert, une berline gris métallique, que l’on croit être l’Audi, apparaît, circulant en direction nord sur la rue Bathurst. L’Audi fait un virage large à droite sur la rue King Ouest en direction est, franchissant la ligne du centre de la rue en tournant et alors que des véhicules étaient sur le point de rouler en direction ouest pour traverser l’intersection.
2 h 54 min 28 s :
La voiture de patrouille commence à traverser l’intersection. Selon les données de l’enregistrement vidéo, les lumières d’urgence de l’auto-patrouille étaient activées. Il n’y avait pas d’audio sur l’enregistrement, mais l’indicateur de « sirène » a clignoté plusieurs fois. L’auto-patrouille a roulé sur la voie de gauche, à une certaine distance de l’Audi mais directement derrière. L’Audi est passée de la voie de virage à la voie de gauche avec le clignotant gauche allumé, puis s’est déplacée sur la voie de gauche où la circulation en direction ouest sur la rue King venait d’en face et a dépassé trois taxis qui circulaient en direction est. La voiture de patrouille a aussi roulé sur la voie en sens inverse.
2 h 54 min 40 s :
L’indicateur de lumières d’urgence de l’auto-patrouille est désactivée. L’auto-patrouille dépasse aussi les trois taxis avant de revenir sur la bonne voie en direction est. Il semble que les lumières d’urgence de l’auto-patrouille aient été désactivées pendant que le véhicule circulait sur la voie en sens inverse.
2 h 55 min 09 s :
L’auto-patrouille a ralenti dans la circulation et s’est arrêtée derrière un taxi au feu rouge de l’intersection avec la rue Portland. Lorsque le feu est devenu vert, le conducteur de l’auto-patrouille a attendu qu’il n’y ait plus de véhicules venant de la direction opposée avant d’activer les lumières d’urgence et la sirène, puis a tourné à gauche. L’auto-patrouille a roulé en direction nord et a continué lentement en passant le feu rouge de contrôle de la circulation sur la rue Adelaïde avant d’arriver sur les lieux de la collision.
2 h 56 min 44 s :
L’auto-patrouille, qui roulait au nord des lieux de l’incident puis a tourné à droite, s’est arrêtée dans une allée. Là, le plaignant a été vu en train d’escalader une clôture grillagée avant que l’AT no 1 se mette à le poursuivre en courant.
2 h 57 min 55 s :
L’AT no 5 arrive sur les lieux à bicyclette.

Enregistrement provenant du système de caméra dans l’auto-patrouille de l’AT no 3

L’enregistrement provenant de la caméra installée dans l’auto-patrouille de l’AT no 3 a commencé lorsque le véhicule s’est arrêté au feu rouge de la rue King Ouest, à l’intersection de la rue Bathurst, immédiatement derrière l’auto-patrouille de l’AI. L’AT no 3 a activé ses lumières d’urgence dès qu’il a commencé à bouger.

Cet enregistrement a confirmé que l’AI avait désactivé les lumières d’urgence de son auto-patrouille lorsqu’il s’est engagé dans la voie en sens inverse de direction ouest, environ 11 secondes après avoir commencé à franchir l’intersection.

Les lumières d’urgence de l’AT no 3 sont restées allumées jusqu’à 2 h 55 min 02 s.

Cet enregistrement a révélé que, tandis que l’AI ralentissait pour s’arrêter au feu rouge sur le rue Portland, un homme a marché sur les voies de circulation en direction ouest, s’est approché de l’auto-patrouille et a semblé dire quelque chose aux agents de police concernant la direction qu’avait prise l’Audi.

À 2 h 55 min 23 s, l’AI a allumé ses lumières d’urgence tandis qu’il tournait à gauche sur la rue Portland.

Enregistrement du système de télévision en circuit fermé (TVCC) du restaurant

Un restaurant situé au coin nord-est des rues King et Portland avait une caméra de sécurité installée pour voir le coin nord-est de l’intersection. À 2 h 54 min 36 s, une berline de couleur pâle, qu’on croit être l’Audi, a tourné à gauche sur la rue Portland. Environ 43 secondes plus tard, une auto-patrouille du SPT, qu’on croit être celle de l’AI, s’est engagée dans la même direction avec les lumières d’urgence activées. Une autre auto-patrouille, que l’on croit être celle de l’AT no 3, a immédiatement suivi, elle aussi avec les lumières d’urgence allumées.

Enregistrements des communications

Dans la transmission radio initiale, les agents de police ont déclaré qu’ils avaient effectué un contrôle RIDE aux rues Adelaïde et Portland.

Dans la transmission suivante, un agent de police de sexe masculin, dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI, a déclaré qu’une berline gris métallique [traduction] « vient de partir en direction est » et [traduction] « a brûlé un feu rouge. Nous allions allumer les gyrophares, mais nous avons simplement laissé tomber. » L’AI a fourni le numéro de plaque d’immatriculation et a dit que la dernière fois que la voiture avait été vue elle roulait en direction nord sur la rue Portland.

Dans la transmission suivante, on entend une sirène au loin tandis que l’AI déclare que quelqu’un lui a dit que la voiture avait fait une collision au nord de l’endroit où il se trouvait.

Les agents de police ont par la suite donné les détails de la collision et indiqué que quelqu’un se trouvait toujours dans le siège arrière du véhicule, qui était renversé.

Après qu’une agente de police eut demandé qu’on envoie d’urgence l’ambulance, un agent de police a déclaré qu’il était à la poursuite d’un suspect qui s’enfuyait en courant en direction ouest dans une allée. Peu après, l’agent de police a déclaré qu’il détenait le suspect.

Éléments de preuve médicaux-légaux

Les dossiers médicaux du plaignant indiquent que ses échantillons de sang ont révélé la présence d’une concentration d’alcool dans le sang bien supérieure à la limite légale pour conduire[1] ainsi que la présence de divers médicaments non prescrits.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • registre de véhicule de division du SPT – l’auto-patrouille de l’AI
  • tableau de données du système automatisé de localisation des véhicules (SALV) de la flotte – l’auto-patrouille de l’AI
  • coordonnées des témoins civils
  • demande audio de communications
  • rapports sur le détail des événements
  • rapport général d’incident
  • liste des agents impliqués
  • notes des AT no 1, no 2, no 3, no 4, no 5 et no 8
  • rapports de fiche de service
  • procédure – poursuites visant l’appréhension de suspects
  • historique de service de la voiture de patrouille de l’AI

Description de l’incident

Aux petites heures du matin, le 2 décembre 2016, l’AI et l’AT no 1, dans des voitures de patrouille distinctes, étaient en route vers les rues Portland et Adelaïde pour y installer un point de contrôle aléatoire du programme RIDE.

Les deux voitures de patrouilles étaient arrêtées au feu rouge en direction est sur la rue King Ouest, à l’intersection de la rue Bathurst. Environ une seconde après que le feu de circulation pour la rue Bathurst fut devenu rouge, une berline de marque Audi a fait un large virage à droite de la rue Bathurst à la rue King Ouest sans s’arrêter et s’est engagée sur la rue King Ouest. L’Audi a alors franchi la ligne du centre de la chaussée pour se retrouver dans les voies de circulation en sens inverse, où des véhicules roulant en direction ouest étaient sur le point de traverser l’intersection, puis, avec un coup de volant, s’est remise dans la bonne voie de circulation.

L’auto-patrouille de l’AI a commencé à traverser l’intersection avec les lumières d’urgence et la sirène activées. L’auto-patrouille a suivi l’Audi, qui s’est déplacée de la voie en bordure jusqu’à la voie de gauche pour s’engager ensuite sur la voie de circulation en sens inverse afin de dépasser trois taxis qui circulaient en direction est. L’auto-patrouille de l’AI s’est aussi engagée sur la voie en sens inverse et alors que l’équipement d’urgence était désactivé. Après avoir dépassé les trois taxis, l’auto-patrouille est revenue sur la voie de circulation en direction est.

L’Audi a alors tourné à gauche sur la rue Portland, et c’est là que l’AI et l’AT no 1 ont perdu de vue le véhicule. Juste au nord de l’intersection des rues Portland et Adelaïde, l’avant droit de l’Audi a heurté une Mini-Cooper, laquelle est venue heurter une Honda Civic, qui, à son tour, a été poussée vers l’avant et a encastré une Volkswagen Jetta qui était garée devant elle.

En raison de la collision, l’Audi s’est renversée sur le toit et a glissé avant de s’immobiliser sur le côté ouest de la rue Portland.

L’AI et l’AT no 1 étaient arrêtés derrière un taxi à un feu rouge, à l’intersection de la rue Portland, lorsqu’un civil s’est approché d’eux et leur a dit qu’il y avait eu une collision sur la rue Portland, au nord de la rue Adelaïde. Les agents se sont rendus jusqu’au véhicule du plaignant, qui était renversé sur le toit parmi plusieurs autres véhicules lourdement endommagés. Le plaignant, qui conduisait l’Audi gris métallique, est sorti du véhicule en courant et était en train d’escalader une clôture pendant que l’AT no 1 était à sa poursuite. Le TC no 1 est resté dans l’arrière du véhicule.

L’AT no 1 a tiré vers le bas le plaignant qui escaladait la clôture, et le plaignant semblait être blessé. Le plaignant a été transporté à l’hôpital. Il a été déterminé qu’il avait subi une fracture de compression aux vertèbres L2, un petit fragment osseux des vertèbres C6, un hématome à l’occipital gauche et une petite lacération au rein droit.

Dispositions législatives pertinentes

Article 2 du Règl. de l’Ont. 266/10 : Poursuites visant l’appréhension de suspects – Amorce ou continuation de la poursuite

2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas,

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas,

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi.

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu

Analyse et décision du directeur

Le 1er décembre 2016, l’AI et l’AT no 1 ont vu un véhicule à moteur conduit par le plaignant s’engager dans l’intersection des rues Bathurst et King Ouest, dans la ville de Toronto; le véhicule du plaignant, une Audi gris métallique, a traversé l’intersection à une vitesse élevée et alors que le feu était rouge, effectuant un large virage à droite sur la rue King Ouest en provenance de la rue Bathurst direction nord, évitant de justesse d’entrer en collision avec les véhicules circulant en sens inverse pendant qu’il faisait ce virage. En voyant cela, l’AI a activé ses lumières d’urgence pendant que l’Audi faisait de la vitesse dans la circulation; l’AI a amorcé une poursuite, mais a immédiatement désactivé ses lumières d’urgence lorsqu’il a vu que l’Audi ne s’arrêterait pas mais continuerait plutôt sa course à une vitesse élevée. L’AI a alors envoyé un message radio indiquant que l’Audi s’était enfuie à une vitesse élevée puis il a ralenti son auto-patrouille à une vitesse d’environ 10 kilomètres heure en raison du volume élevé de circulation, tandis que le plaignant continuait sa course dans la circulation en tournant à gauche sur la rue Portland direction nord, et c’est alors que l’AI et l’AT no 1 ont perdu de vue l’Audi. Pendant que les deux agents de police étaient arrêtés à un feu rouge, un civil est venu à leur rencontre et leur a dit qu’il y avait eu une collision sur la rue Portland, au nord de la rue Adelaïde. Les agents ont alors activé leur système de lumières d’urgence puis ont conduit jusqu’à ce qu’ils rencontrent le véhicule du plaignant qui était renversé sur le toit sur la chaussée au milieu de plusieurs autres véhicules lourdement endommagés.

Un automobiliste civil a pointé son doigt en direction du plaignant alors que celui-ci tentait de fuir les lieux de l’incident en escaladant une clôture et en prenant la fuite; alors qu’il grimpait sur une deuxième clôture, l’AT no 1 l’a rattrapé puis tiré vers le bas de la clôture, et le plaignant semblait blessé alors qu’il pleurait et criait que son bras lui faisait mal. Le plaignant a alors dit aux agents que c’était de sa faute, qu’il avait un problème de drogue, qu’il avait fêté son anniversaire et qu’il était désolé. Le plaignant a alors été transporté à l’hôpital où il a été examiné; on a découvert qu’il avait subi une fracture de compression au vertèbre L2, un petit fragment osseux sur les vertèbres C6, un hématome occipital sur le côté gauche et une petite lacération au rein droit. L’analyse toxicologique du plaignant a révélé un taux d’alcoolémie bien supérieur à la limite légale pour conduire un véhicule à moteur en Ontario; l’analyse a aussi révélé chez le plaignant la présence de benzodiazépines, de cannabinoïdes et d’oxycodone, et le plaignant a indiqué qu’il avait pris deux comprimés de Molly (ecstasy).

En plus du plaignant et de l’AT no 1, deux témoins civils et huit témoins policiers ont participé à une entrevue, y compris l’AI; leur version des événements a été confirmée par les enregistrements des caméras à bord des deux auto-patrouilles impliquées ainsi que par l’enregistrement vidéo en circuit fermé d’un commerce local et les enregistrements des radio-transmissions. Les faits ne sont pas contestés.

La transmission radio initiale, à 2 h 50 min 46 s du matin, a révélé que deux auto-patrouilles se dirigeaient vers les rues Portland et Adelaïde pour installer un point de contrôle et conduire une opération de vérification du programme RIDE.

Le système de caméra à bord du véhicule de l’AI a confirmé que son auto-patrouille s’était arrêtée au feu rouge sur la rue King Ouest en direction est, que l’auto-patrouille était arrêtée là en attendant que le feu de circulation passe au vert et que le feu de circulation pour la rue Bathurst tourne au rouge. Environ une seconde après que le feu de la rue Bathurst soit devenu rouge, une Audi gris métallique a été vue en train de faire un large virage à droite depuis la rue Bathurst sur la rue King Ouest sans s’arrêter, puis s’engager sur la rue King Ouest en franchissant la ligne du centre de la chaussée sur la voie de circulation en sens inverse, où des véhicules circulant en direction ouest étaient sur le point de franchir l’intersection, puis, d’un coup de volant, revenir sur la bonne voie de circulation.

À 2 h 44 min 28 s, l’auto-patrouille de l’AI est vue en train de s’engager dans l’intersection sans que soient activées les lumières d’urgence de la sirène. L’auto-patrouille est en train de suivre l’Audi, mais à une certaine distance, lorsque l’on voit l’Audi passer de la voie de bordure vers la voie de gauche puis circuler sur la voie en sens inverse pour dépasser trois taxis qui circulaient en direction est. À 2 h 54 min 40 s, l’auto-patrouille de l’AI est également vue en train de s’engager sur la voie en sens inverse, mais alors que l’équipement d’urgence est désactivé, dépasser les trois taxis puis revenir sur la voie de circulation en direction est.

À 2 h 55 min 46 s, l’AI est entendu en train de signaler qu’une Audi gris métallique [traduction] « vient de partir en direction est » et [traduction] « a brûlé un feu rouge. Nous allions allumer les gyrophares, mais nous avons simplement laissé tomber. » L’AI a aussi fourni le numéro de plaque du véhicule à moteur et précisé le dernier endroit où le véhicule a été vu ainsi que la direction dans laquelle il s’en allait.

À 2 h 55 min 09 s, l’auto-patrouille est vue en train de ralentir dans la circulation puis s’immobiliser derrière un taxi, à un feu rouge, à l’intersection de la rue Portland. Lorsque le feu passe au vert, l’auto-patrouille est vue en train d’attendre que les véhicules en sens inverse soient passés, puis réactiver ses lumières et la sirène avant de tourner à gauche sur la rue Portland. L’auto-patrouille circule en direction nord sur la rue Portland, lentement en passant par un feu rouge sur la rue Adelaïde, avant d’arriver sur le lieu de la collision.

Dans la transmission suivante, l’AI indique que [traduction] « quelqu’un dit que la voiture a peut-être fait une collision », et avant que le répartiteur ait pu lui demander de répéter, à 2 h 56 min 13 s, l’AI déclare que la voiture en fuite s’est renversée sur le toit.

À la lumière de l’ensemble de la preuve, il semble que l’AI et l’AT no 1 ont vu une Audi en train de faire de la vitesse et être conduite de façon erratique puis ont tenté d’amorcer un arrêt de circulation. Les lumières et la sirène de l’auto-patrouille ont été activées pendant 12 secondes en tout, lorsque les agents ont décidé d’abandonner la tentative, ont désactivé leur équipement d’urgence puis sont revenus sur la bonne voie de circulation; les agents, tout en continuant de rouler dans la même direction que l’Audi, l’ont perdue de vue en raison de leur vitesse de circulation beaucoup plus basse. Il ressort en outre de la preuve qu’environ 93 secondes plus tard les agents sont arrivés sur la scène de l’accident et ont vu l’Audi renversée sur le toit et au moins deux autres véhicules endommagés.

Il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que, au moment où l’AI et l’AT no 1 ont aperçu le véhicule conduit par le plaignant, celui-ci contrevenait à de nombreuses dispositions du Code de la route et que, d’après la très mauvaise conduite observée du véhicule, le conducteur avait sans doute les facultés affaiblies. Ainsi, les agents avaient le devoir de faire enquête et auraient fait preuve de négligence s’ils n’avaient pas essayé d’arrêter le véhicule avant que son conducteur ou d’autres personnes sur son chemin ne subissent des blessures.

Je note que la preuve de l’AI, telle que confirmée par les systèmes de caméra à bord des véhicules de patrouille, les enregistrements de communications ainsi que les quatre autres agents de police qui ont observé la totalité ou une partie de la poursuite de l’Audi, corrobore entièrement le fait que l’AI n’était pas à la poursuite d’un véhicule au moment de la collision impliquant plusieurs véhicules dans laquelle le plaignant a été blessé, pas plus qu’il n’était à en mode de poursuite immédiatement avant la collision, ayant interrompu ses efforts d’appréhender le plaignant peu de temps après qu’il eut initialement activé son équipement d’urgence et amorcé la poursuite du véhicule du plaignant. Sur l’ensemble de la preuve matérielle, laquelle n’est pas contestée, il est clair que, bien que l’AI ait initialement tenté d’immobiliser le véhicule du plaignant, comme il était légalement tenu de le faire, à aucun moment n’a-t-il pu réduire la distance qui séparait son propre véhicule de celui du plaignant et que, après que le plaignant eut emprunté la voie de circulation en sens inverse afin de dépasser trois autres véhicules à moteur sur la chaussée, l’AI a désactivé son équipement d’urgence, a ralenti la vitesse de son auto-patrouille et a perdu le véhicule du plaignant de vue tandis qu’il respectait d’autres signalisations routières dans le secteur. Il est également clair, selon les enregistrements des caméras à bord des véhicules ainsi que les enregistrements de communications, que, dans les secondes qui ont suivi l’amorce de sa poursuite, l’AI a avisé le répartiteur de la situation et déclaré que l’Audi [traduction] « vient de partir en direction est » et [traduction] « a brûlé un feu rouge. Nous allions allumer les gyrophares, mais nous avons simplement laissé tomber. » Entre le moment où l’équipement d’urgence a été désactivé et le moment de la collision du véhicule du plaignant, 93 secondes se sont écoulées. Par conséquent, je ne saurais conclure à l’existence d’un lien causal entre la conduite de l’auto-patrouille par l’AI et les blessures subies par le plaignant, lesquelles sont uniquement imputables à la décision de ce dernier de conduire son véhicule comme il l’a fait.

Il convient de noter que l’AI s’est pleinement conformé au Règlement de l’Ontario 266/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario, intitulé Poursuites visant l’appréhension de suspects, de même qu’à la politique afférente du SPT intitulée [traduction] « Poursuites pour appréhender des suspects », en ce que, dans les secondes qui ont suivi l’amorce de sa poursuite du véhicule du plaignant, l’AI a informé le répartiteur qu’il avait observé un véhicule à moteur comme étant une infraction au Code de la route, qu’il avait l’intention de se mettre à la poursuite de ce véhicule, mais qu’il a ensuite abandonné la poursuite, indiquant qu’il avait [traduction] « simplement laissé tomber. » Il a en outre informé le répartiteur de l’endroit où le véhicule avait été vu pour la dernière fois et a tenu le répartiteur au courant de la situation. Il a déterminé si, pour protéger la sécurité publique, il était immédiatement nécessaire d’appréhender un particulier à bord de son véhicule en fuite ou si le besoin d’identifier le véhicule en fuite ou le particulier qui fuyait à bord de ce véhicule l’emportait sur le risque que la poursuite de ce véhicule en fuite pouvait causer pour la sécurité publique (par. 2(3)), puis il a réévalué la détermination qu’il avait faite en application du paragraphe 3 et a interrompu sa poursuite lorsque le risque que la poursuite pouvait poser pour la sécurité publique était supérieur au risque pour la sécurité publique qui pouvait se poser si un particulier à bord de son véhicule en fuite n’était pas immédiatement appréhendé (par. 2(4)).

La dernière question à trancher est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI, lorsqu’il s’est initialement lancé à la poursuite du plaignant, a commis une infraction criminelle, notamment si, en conduisant sa voiture de patrouille, il a élevé le niveau de danger et, par conséquent, contrevenu au paragraphe 249(1) du Code criminel.

C’est l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, qui établit le droit applicable concernant l’article 249 en ce qu’il faut que « la conduite soit dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et qu’elle doit être telle qu’elle constitue « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. »

Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que l’AI, en conduisant sa voiture de patrouille, a créé un danger pour les autres usagers de la route ou a, à quelque moment que ce soit, perturbé la circulation; l’AI a utilisé son équipement d’urgence avec prudence, activant initialement son équipement d’urgence pour tenter d’immobiliser le véhicule du plaignant, mais désactivant immédiatement son équipement lorsqu’il lui est clairement apparu que le plaignant ne s’arrêterait pas; les conditions météorologiques étaient bonnes et les chaussées étaient sèches. En outre, il ressort de la preuve que l’AI n’a rien fait pour exacerber la conduite dangereuse de l’Audi par le plaignant; les enregistrements du système de caméra à bord de l’auto-patrouille indiquent clairement que le plaignant faisait déjà de la vitesse, qu’il conduisait de façon erratique et qu’il a brûlé le feu rouge à l’intersection des rues Bathurst et King Ouest avant que l’AI ait jamais activé son équipement d’urgence. À la lumière de cette preuve, il est clair que le plaignant avait volontairement décidé de conduire son véhicule de façon imprudente bien avant qu’il ait croisé l’AI et qu’il a continué de conduire ainsi à la fois lorsque l’agent tentait de l’intercepter et après que l’agent eut mis fin à la poursuite dans l’intérêt de la sécurité publique et qu’il eut perdu de vue l’Audi.

En conséquence, je conclus que les éléments de preuve relatifs à la conduite de l’auto-patrouille par l’AI ne permettent pas de conclure que le niveau de conduite requis a été haussé au point de représenter « un écart marqué par rapport à la norme » et que, comme je l’ai indiqué plus haut, il n’y a aucune preuve permettant d’établir l’existence d’un lien causal entre les actions de l’AI et la collision causée par le plaignant. En fait, à l’examen de la preuve dans son intégralité, il est clair que non seulement l’AI est intervenu en pleine conformité avec le Code criminel et la Loi sur les services policiers de l’Ontario, mais qu’il s’est aussi comporté en tout temps de façon professionnelle et prudente et en faisant preuve de jugement, de sorte que je ne vois absolument aucun motif, ici, de déposer des accusations au criminel.

Date : 11 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] La limite légale pour conduire un véhicule est de 17 mmol par litre. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.