Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCD-238

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la mort d’un homme de 34 ans dans la ville de Brampton le soir du 17 septembre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 17 septembre 2016, à 19 h 58, la Police régionale de Peel (PRP) a informé l’UES du décès d’un homme environ une heure plus tôt. À 18 h 39, le même jour, les policiers se sont rendus à un appartement au 16e étage d’un immeuble d’habitation dans la ville de Brampton, après qu’une femme avait appelé parce qu’elle craignait que l’homme voulait la tuer et tuer son mari. Les agents de police qui sont intervenus ont parlé à cette femme dans le couloir à l’extérieur de l’appartement. Quand les officiers sont entrés dans l’appartement, ils ont vu l’homme sur le balcon avant qu’il saute et trouve la mort sur le sol plus bas.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les scènes pertinentes liées à l’incident au moyen de notes, de photographies et de mesures. Les enquêteurs judiciaires ont assisté à l’autopsie et l’ont enregistrée et ont aidé à soumettre les éléments de preuve au Centre des sciences judiciaires.

Plaignant

Homme âgé de 34 ans, décédé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été obtenues et examinées

AT n° 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été obtenues et examinées

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Preuve

Les lieux de l’incident

L’UES a examiné l’appartement. L’appartement était propre et ordonné, sauf qu’il y avait des indications qu’une altercation ou lutte assez violente avait eu lieu dans la salle à manger. Confirmant les éléments de preuve qu’il y avait eu une altercation à l’intérieur de l’appartement avant l’arrivée des officiers, trois chaises étaient renversées et réparties sur le plancher.

La distance entre la partie supérieure de la balustrade du balcon au 16e étage situé au-dessus de l’entrée asphaltée en contrebas, où le plaignant a atterri, a été mesurée et était de 42 mètres.

Témoignage d’expert

Un coroner a constaté le décès du plaignant sur les lieux.

Une autopsie a été effectuée le 19 septembre 2016, au Bureau du coroner en chef de l’Ontario. Le pathologiste a déterminé que la cause de la mort était de multiples traumatismes contondants. Il a estimé que les blessures étaient compatibles avec une chute d’une grande hauteur et n’a constaté aucune autre blessure suspecte.

Le rapport d’autopsie, reçu par l’UES le 13 février 2017, indiquait que le plaignant [traduction] « avait subi des blessures contondantes massives conformes à la chute d’une grande hauteur ayant causé la mort ». Le rapport soulignait en outre que le dépistage toxicologique de drogues et d’alcool avait fourni un résultat négatif.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a exploré le secteur à la recherche de possibles enregistrements vidéo ou audio et de preuves photographiques et a trouvé une caméra de surveillance orientée de façon à couvrir l’entrée et la sortie du garage de stationnement de l’immeuble d’habitation. Un enregistrement vidéo des images provenant de cette caméra montrent le plaignant heurtant le sol à 18 h 51 à la date en question.

Enregistrements des communications

Enregistrements des appels au numéro 9-1-1 :

  • Le TC no 2 a demandé à la police de venir chez elle parce que le plaignant est « fou » et qu’il allait tuer le TC no Le TC no 2 a dit au préposé aux appels qu’elle ne savait pas quels étaient les troubles dont le plaignant était atteint, puisqu’il refusait d’aller voir un médecin
  • Après la déconnexion de l’appel, le préposé aux appels a fait de nombreuses tentatives pour contacter le TC no 2 mais tombait chaque fois sur la messagerie vocale
  • Durant un appel ultérieur, un homme a signalé que la police était déjà sur les lieux et que quelqu’un s’était suicidé à l’adresse de l’appartement

Enregistrements des transmissions radio :

Les enregistrements radio contiennent les détails de l’envoi d’agents de police à l’adresse en réponse à un incident familial de la plus haute priorité. Le répartiteur a précisé que le plaignant était un [traduction] « cas LSM », faisant probablement allusion à la Loi sur la santé mentale, et que le plaignant [traduction] « voulait les tuer ».

Lors d’une transmission subséquente, un agent de police a fait savoir que le plaignant était apparemment sur le balcon et que les agents de police allaient entrer et établir le contact avec lui. Dans la prochaine transmission, un agent de police a déclaré que le plaignant avait sauté.

Documents obtenus du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants de la PRP et puis les a examinés :

  • Rapport des communications audio - numéro 9-1-1
  • Rapport des communications audio - Radio divisionnaire
  • Dossier de continuité
  • Directive - Politique sur la santé mentale
  • Registre de divulgation – 11 octobre 2016
  • Registre de divulgation – 19 septembre 2016
  • Registre de divulgation – 21 septembre 2016
  • Chronologie des événements
  • Notes des AT nos 1, 2, 3 et 4
  • Détails de l’incident
  • Procédure 1-B-713(F) - Conflits conjugaux et familiaux

Description de l’incident

La preuve en l’espèce est claire et incontestée. Tragiquement, le plaignant a intentionnellement sauté du balcon d’un appartement au 16e étage appartenant aux TC nos 1 et 2 et s’est donné la mort. L’appel enregistré au numéro 9-1-1 a été reçu à 18 h 39 et venait du TC no 2, une femme désemparée et frénétique demandant l’aide de la police de peur que le plaignant souffrant de problèmes de santé mentale allait tuer le TC no 1. L’AI et les AT nos 1 et 2 sont intervenus immédiatement et ont parlé aux TC nos 1 et 2 dans le couloir à l’extérieur de leur appartement. Ces deux personnes étaient très émotives et bouleversées. Elles ont informé les agents de la PRP que le plaignant avait des problèmes de santé mentale non diagnostiqués, avait menacé de se suicider par le passé, et venait d’attaquer le TC no 1 à l’intérieur de l’appartement et avait menacé de le tuer. Selon les agents, il semblait que le TC no 1 s’était battu, car il était bouleversé, respirait profondément et portait une chemise visiblement déchirée, et avait le visage rouge à cause de l’agression.

À 18 h 51, l’AI a informé le répartiteur que les agents de police entraient dans l’appartement et a demandé le silence radio. L’AI a brièvement parlé de la stratégie d’approche et a dit aux AT nos 1 et 2 que le premier à apercevoir le plaignant devait immédiatement annoncer sa présence et puis lui parler calmement. Dès le début, l’intention de l’AI était de tenter d’amener le plaignant à quitter le balcon avant de décider de la marche à suivre. Les trois agents du PRP sont ensuite entrés dans l’appartement et ont entamé une fouille pour essayer de trouver le plaignant. L’AT no 2 est entré dans une chambre à coucher dans l’appartement, s’est dirigé vers une porte donnant accès au balcon, a vu le plaignant du côté droit du balcon regardant par-dessus la balustrade et a observé que le plaignant avait une expression étonnée quand il a constaté sa présence. Immédiatement, le plaignant a déplacé une chaise vers la balustrade du balcon, est monté sur la chaise, et en l’espace d’une ou de deux secondes, a sauté par-dessus la balustrade d’une hauteur de 42 mètres jusqu’au sol. L’AT no 2 a hurlé pour informer l’AI que le plaignant avait sauté. Selon les TC nos 1 et 2, c’était quelques secondes à peine après que les policiers étaient entrés dans l’appartement que le plaignant avait sauté du balcon.

L’AT no 2 a fait glisser la porte du balcon pour l’ouvrir, a regardé par-dessus la balustrade du balcon et a observé le plaignant gisant sur le sol et saignant à la tête. L’AI et l’AT no 1 ont immédiatement couru en bas et ont constaté l’absence de signes vitaux chez le plaignant. Le registre des communications indique qu’à 18 h 52, les agents de police ont demandé au répartiteur de faire venir une ambulance sur les lieux. À 18 h 54, ils ont demandé au répartiteur de la faire venir d’urgence. L’ambulance est arrivée sur les lieux à 19 h 06.

Un coroner a constaté le décès du plaignant sur les lieux.

Analyse et décision du directeur

Il ne fait aucun doute que la mort du plaignant était tragique. Toutefois, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’ai conclu que les gestes posés par tous les agents de la PRP qui étaient présents étaient appropriés dans toutes les circonstances. Je ne trouve aucune preuve suggérant qu’une quelconque mesure prise par les agents de la PRP en cause signifie qu’ils portaient la responsabilité criminelle pour le décès du plaignant. Malheureusement, la réaction du plaignant, en voyant l’AT no 2, un policier, dans la chambre adjacente au balcon, a été de sauter par-dessus la balustrade du balcon. Regrettablement, aucun des agents de la PRP n’a eu l’occasion de communiquer avec le plaignant parce que les événements se sont déroulés tellement rapidement. En outre, à aucun moment, aucun des agents de la PRP n’était assez près du plaignant pour l’empêcher de sauter du balcon. Bref, il n’y a eu aucun contact physique entre le plaignant et les agents de la PRP.

En dernière analyse, je n’hésite pas à conclure que les actions des agents PRP en cause étaient constamment professionnelles, adaptées et raisonnées. À cet égard, il est important de noter que l’opinion du TC no 1 était que les agents de la PRP sont seulement entrés dans l’appartement pour parler avec le plaignant, qu’ils n’ont eu aucune chance de communiquer avec le plaignant avant qu’il ne saute et qu’ils n’ont rien fait qui, à ses yeux, était déplacé. Par conséquent, il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction a été commise par l’AI et aucune accusation ne sera porté contre lui.

Date : 23 octobre 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur par intérim
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.