Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TCD-276

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport porte sur l’enquête de l’UES sur le décès d’un homme âgé de 31 ans le 4 novembre 2016 lors de son interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 4 novembre 2016, à 13 h 50, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES du décès du plaignant durant sa mise sous garde.

Le SPT a déclaré qu’à 12 h 06, le 4 novembre 2016, un appel a été reçu au sujet d’un homme [maintenant connu comme le plaignant] qui criait et agitait un couteau à proximité d’une résidence près du chemin Old Weston. Trois policiers sont arrivés, et un sergent a déployé une arme à impulsions contre le plaignant. On a appelé une ambulance parce que le plaignant avait cessé de respirer. Le plaignant a été amené à l’hôpital où l’on a constaté son décès à 12 h 59.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 9

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié, recueilli et préservé des éléments de preuve. Ils ont documenté les scènes pertinentes liées à l’incident au moyen de notes, de photographies, de vidéographie, de croquis et de mesures. Les enquêteurs judiciaires ont assisté à l’autopsie et l’ont enregistrée et ont aidé à soumettre les éléments de preuve au Centre des sciences judiciaires.

Plaignant

Homme de 31 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC n° 1 A participé à une entrevue

TC n° 2 A participé à une entrevue

TC n° 3 A participé à une entrevue

TC n° 4 A participé à une entrevue

TC n° 5 A participé à une entrevue

TC n° 6 A participé à une entrevue

TC n° 7 A participé à une entrevue

TC n° 8 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

Preuve

Les lieux de l’incident

Les lieux de l’incident étaient un endroit couvert d’herbe du côté nord d’une rue résidentielle située derrière une résidence. Une cartouche et des fils de dard d’une arme à impulsions se trouvaient sur l’herbe près du trottoir. On a trouvé quatre couteaux de cuisine et un portefeuille sur les marches à l’arrière de la maison et une paire de menottes de la police au bord de la rue près de la cartouche de l’arme à impulsions.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Ci-dessous, une photo des couteaux saisis sur les lieux :

une photo des couteaux saisis sur les lieux

Témoignage d’expert

Résultats préliminaires de l’autopsie

Le 5 novembre 2016, un pathologiste a procédé à l’autopsie du plaignant. Le pathologiste n’a pas été en mesure de déterminer la « cause immédiate du décès » et devait attendre de recevoir les résultats d’autres examens : histologie, toxicologie, biochimie et système cardiovasculaire.

Cause officielle du décès

Le 2 juin 2017, l’UES a reçu le rapport d’autopsie du plaignant. Le pathologiste a conclu que la mort du plaignant était un « décès arythmique soudain après l’utilisation d’un dispositif de contrôle électronique contre un homme souffrant de cardiomyopathie et pour cause de toxicité de la cocaïne »[1].

Le 22 août 2017, l’UES a envoyé une lettre à l’agent pathologiste pour tenter de confirmer si le plaignant serait décédé de cardiomyopathie combinée à la toxicité de la cocaïne, peu importe si l’arme à impulsions ou l’appareil de contrôle électronique avait été utilisé par la police. Le 11 octobre 2017, l’UES a reçu une lettre du pathologiste dans laquelle il répondait ceci : [traduction] « Effectivement, il (le plaignant) serait décédé à cause de l’effet combiné de cardiomyopathie et de toxicité de la cocaïne, qu’un DCé (dispositif de contrôle électronique) ait été utilisé ou non ».

Preuve vidéo/audio/photographique

Caméra dans la voiture de patrouille de l’AI

Le 4 novembre 2016, la caméra dans la voiture de patrouille conduite par l’AI a commencé à enregistrer l’intervention à 12 h 07 m 32 s et a cessé de l’enregistrer à 12 h 47 m 45 s.

  • À 12 h 07 m 32 s, la caméra a été activée dans la voiture de patrouille de l’AI. Puis, à 12 h 08 m 02 s, l’AI a activé les feux d’urgence de la voiture de patrouille et a brûlé un feu rouge et s’est déplacé dans plusieurs rues inconnues
  • À 12 h 12 m 59 s, la voiture de patrouille de l’AI a tourné dans un lotissement et s’est dirigée vers le sud. Puis, à 12 h 13 m 28 s, la voiture de patrouille de l’AI est passée devant quatre civils qui pointaient vers l’est le long de la rue
  • Entre 12 h 13 m 35 s et 12 h 14 m 19 s, la voiture de l’AI patrouillait dans le secteur. Puis, à 12 h 14 m 51 s, il a arrêté sa voiture de patrouille près de la voiture de patrouille de l’AT no 1 et de l’AT no 2 et s’est arrêtée sur la chaussée en faisant face à l’est
  • À 12 h 15 m 03 s, l’AI est passé à pied devant sa voiture de patrouille et s’est rendu vers une parcelle d’herbe. Il tenait une arme à impulsions dans la main droite, la pointait à un léger angle vers le sol. L’AI a marché sur l’herbe. à 12 h 15 m 12 s, l’AT no 2 a reculé à partir de l’herbe vers la chaussée et puis est retourné sur la parcelle d’herbe
  • À 12 h 15 m 42 s, l’AI a reculé sur la chaussée à partir de l’herbe en tenant son arme à impulsions à la main droite. Son bras droit est étiré et il pointe l’arme à impulsions légèrement vers le bas. L’AI est ensuite revenu sur l’herbe
  • À 12 h 16 m 08 s, l’AT no 1, portant une carabine C8, s’est rendu de l’herbe à la chaussée jusqu’à sa voiture de patrouille. L’AI s’est rendu sur la chaussée avec son arme à impulsions dans la main droite, la pointant derrière lui vers la parcelle d’herbe. Il est ensuite allé sur la route, s’éloignant de l’herbe, hors du champ de la caméra
  • À 12 h 16 m 27 s, l’AI est retourné vers l’herbe et a retiré la cartouche de son arme à impulsions. Il s’est arrêté pendant un instant devant la voiture de police, puis s’est rendu sur la parcelle d’herbe et est sorti du plan de la caméra. Quelques instants plus tard, l’AT no 1 a traversé la rue avec sa voiture de police et l’a stationnée devant la voiture de patrouille de l’AI. Il a quitté le véhicule, a ouvert la porte arrière du côté conducteur et s’est rendu sur l’herbe
  • À 12 h 18 m 44 s, une voiture de patrouille blanche identifiée, conduite par l’AT no 3, s’est arrêtée à côté de la voiture de patrouille de l’AT no 1. L’AT no 3 est sorti du véhicule et s’est dirigé vers la parcelle d’herbe en enfilant une paire de gants
  • À 12 h 20 m 09 s, l’AT no 3 est retourné à sa voiture de patrouille et a pris un masque respiratoire dans le coffre. Il est ensuite retourné à la parcelle d’herbe. à 12 h 23 m 07 s, une ambulance est arrivée et dix minutes plus tard, le plaignant a été placé sur une civière à roues et amené jusqu’à l’arrière de l’ambulance

Caméra dans la voiture de patrouille des AT nos 1 et 2

Le 4 novembre 2016, la caméra se trouvant à bord de la voiture de patrouille des AT nos 1 et 2 a commencé à enregistrer l’intervention à 12 h 07 m 38 s et a arrêté de l’enregistrer à 12 h 13 m 54 s.

  • À 12 h 07 m 38 s, la caméra a été activée . La voiture de patrouille semblait se trouver dans un stationnement couvert
  • À 12 h 08 m 17 s, les feux d’urgence de la voiture de patrouille de la police ont été activés et elle a brûlé un feu rouge et s’est déplacée dans plusieurs rues inconnues
  • À 12 h 13 m 50 s, la voiture de patrouille a tourné dans un lotissement et s’est dirigée vers le sud
  • À 12 h 13 m 54 s, la caméra a cessé d’enregistrer[2].

Caméra dans la voiture de patrouille de l’AT no 3

Le 4 novembre 2016, la caméra se trouvant dans la voiture de patrouille conduite par l’AT no 3 a commencé à enregistrer l’intervention à 12 h 11 m 14 s et a cessé de l’enregistrer à 12 h 06 m 34 s.

  • À 12 h 11 m 14 s., la caméra a été activée dans la voiture de patrouille. Peu de temps après, les feux d’urgence ont été activés alors que la voiture de patrouille se déplaçait dans plusieurs rues inconnues
  • À 12 h 18 m 19 s, la voiture de patrouille de l’AT no 3 a tourné dans un lotissement et s’est dirigée vers le sud. Quelques instants plus tard, il est arrivé sur les lieux et a vu l’AI et les AT nos 1 et 2 sur une parcelle d’herbe au nord de la chaussée
  • À 12 h 19 m 57 s, quelqu’un a dit : [traduction] « Il ne respire pas, on va commencer la RCR »
  • À 12 h 23 m 11 s, un agent de police non identifié a dit [traduction] « Le DSA (département des services ambulanciers) est sur place ». Le même agent a alors dit [traduction] « on a utilisé l’arme à impulsions trois fois contre lui […] il était conscient, puis s’est évanoui »
  • À 12 h 25 m 57 s, deux agents de police portant l’uniforme sont entrés dans l’entrée d’une maison dans la rue. Quelques secondes plus tard, l’AT no 3 a signalé que les agents de police procèdaient à une vérification à la résidence du plaignant
  • À 12 h 30 m 50 s, l’AI a signalé par la radio de la police que les ambulanciers paramédicaux poursuivaient leurs efforts de réanimation du plaignant et à 14 h 06 m 34 s, la caméra a été désactivée

Enregistrements des communications

Les transmissions enregistrées par le SPT l’ont été le 4 novembre 2016 et ont fourni l’information que voici :

  • À 12 h 07, le répartiteur du SPT a demandé s’il y avait des unités de la division du SPT qui pouvaient mettre fin à leurs activités et se rendre dans la zone 6 pour répondre à un appel concernant un incident en cours impliquant une personne armée d’un couteau dans une résidence près du chemin Old Weston. Il y avait un homme [dont on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] tenant deux couteaux et hurlant sur un sentier
  • L’AI a informé le répartiteur qu’il interviendrait
  • Les AT nos 1 et 2 ont également dit au répartiteur qu’ils se rendraient sur les lieux
  • À 12 h 08, le répartiteur a informé l’AI et les AT nos 1 et 2 que le plaignant était couché par terre
  • L’équipe d’intervention en cas d’urgence (éIU) du SPT a informé le répartiteur qu’il surveillait l’incident
  • L’AI a demandé au répartiteur de vérifier auprès d’une autre division du SPT pour déterminer si elle avait une option [traduction] « moins létale ». L’AT no 3 a indiqué qu’il avait une option [traduction] « moins létale ». L’AT no 3 a alors demandé qu’on l’ajoute à la liste et s’est dirigé vers le secteur
  • À 12 h 12, le répartiteur a fourni une mise à jour et a indiqué que le plaignant se trouvait dans une allée entre deux rues
  • À 12 h 13 h, l’AI a avisé le répartiteur qu’il était sur les lieux. Quelques instants plus tard, les AT nos 1 et 2 ont informé le répartiteur qu’ils étaient arrivés
  • À 12 h 15 h, l’AI a informé le répartiteur que le plaignant avait été mis sous garde
  • Peu après, l’AI a demandé au répartiteur si une ambulance était en route. Le répartiteur a répondu qu’on avait appelé une ambulance et qu’elle était en route. L’AI a informé le répartiteur que les agents de police avaient mis le plaignant dans la position de récupération. Il a également indiqué que le plaignant souffrait probablement de délire actif. L’AI a demandé au répartiteur de s’assurer que l’ambulance vienne rapidement
  • À 12 h 20, les AT nos 1 et 2 ont informé le répartiteur qu’ils amorçaient la réanimation cardio-respiratoire (RCR). Le plaignant ne respirait pas. Peu de temps après, l’ambulance est arrivée sur les lieux
  • À 12 h 31, les AT nos 1 et 2 ont informé le répartiteur que les efforts de RCR se poursuivaient. Peu de temps après, les agents de police ont informé le répartiteur qu’ils allaient se rendre urgemment à l’hôpital avec l’ambulance.

Éléments de preuve médico-légaux

Données de localisation automatique du véhicule (LAV) du Système mondial de positionnement (GPS) pour les voitures de patrouille en cause

Les données n’ont fourni aucune information permettant de faire avancer cette enquête.

Données téléchargées de l’arme à impulsions de l’AI

Le 4 novembre 2016, à 12 h 24 m 25 s, l’AI a appuyé sur la détente de son arme à impulsions, déchargeant ainsi la cartouche sélectionnée et lançant les dards vers le plaignant. Les dards ont touché le plaignant et il a subi une incapacité neuromusculaire (INM) pendant 3 secondes. Après environ 3 secondes, l’AI a mis la sûreté sur son arme à impulsions, interrompant ainsi les impulsions électriques bloquant les muscles du plaignant.

Puis, à 12 h 24 m 48 s, l’AI a appuyé une seconde fois sur la détente de son arme à impulsions et le plaignant a subi une autre INM pendant 4 secondes. Après 4 secondes, l’AI a mis la sûreté sur son arme à impulsions et les impulsions électriques se sont arrêtées.

À 12 h 25 m 01 s, l’AI a déclenché une troisième fois son arme à impulsions, et le plaignant a subi une INM pendant 3 secondes de plus. Après 3 secondes, l’AI a mis la sûreté sur son arme à impulsions, ce qui a mis fin à l’envoi des impulsions électriques.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPT aux fins d’examen :

  • Appel au numéro 9-1-1 destiné aux SMU
  • Enregistrements des communications
  • Images enregistrées par les caméras dans la voiture de patrouille de l’AI, la voiture de patrouille des AT nos 1 et 2 et la voiture de patrouille de l’AT no 3
  • Rapport des détails de l’événement
  • Données AVL - GPS – voiture de patrouille de l’AI, voiture de patrouille des AT nos 1 et 2 et voiture de patrouille de l’AT no 3
  • Tableau AVL - GPS – voiture de patrouille de l’AI, voiture de patrouille des AT nos 1et 2 et voiture de patrouille de l’AT no 3
  • Rapports d’incident
  • Rapport sommaire d’incident
  • Déclaration du TC no 8
  • Dossiers d’entretien de l’arme à impulsions de l’AI
  • Notes des AT nos 1, 2 et 3
  • Fiche de service
  • Système automatisé de répartition (FDM) – Feuille de résumé
  • Dossier de formation sur le recours à la force – AI, AT no 1 et AT no 2

Description de l’incident

Juste après midi le 4 novembre 2016, le plaignant se trouvait à l’extérieur de sa résidence, hurlant et criant et agitant deux grands couteaux. Un voisin a appelé le numéro 9-1-1.

L’AI et les AT nos 1 et 2 ont répondu à l’appel. à leur arrivée, ils ont trouvé le plaignant sur le sol, criant et agitant les couteaux dans les airs. Malgré des ordres multiples de laisser tomber les couteaux, le plaignant a continué à les agiter et a résisté à tous les efforts faits pour le menotter. Dans l’intention de maîtriser le plaignant, l’AI a déchargé son arme à impulsions à trois reprises sur le plaignant. Ce n’est qu’après la troisième décharge que les agents ont réussi à maîtriser et à menotter le plaignant. Peu après, le plaignant a toutefois perdu connaissance.

Les agents et les ambulanciers paramédicaux ont fait des tentatives de RCR, mais le plaignant n’a pas repris connaissance et plus tard, on a constaté son décès à l’hôpital. L’autopsie a conclu que le plaignant souffrait de cardiomyopathie (maladie du muscle cardiaque) et avait une mutation génique associée à la myocardiopathie et que cette affection, combinée à la toxicité de la cocaïne, avait causé sa mort.

Lois pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17, Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

  1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;
  2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles; ou
  3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

  1. elle s’infligera des lésions corporelles graves;
  2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne; ou
  3. elle subira un affaiblissement physique grave,

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Articles 219-221, Code criminel - Négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose;
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
  2. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du Directeur

Le 4 novembre 2016, à 12 h 06 m 47 s, le SPT a reçu un appel au numéro 9-1-1 demandant l’aide de policiers dans une rue résidentielle située dans le secteur du chemin Old Weston, dans la ville de Toronto. L’interlocuteur a indiqué que son voisin venait de lui signaler qu’un homme, dont on a déterminé par la suite qu’il s’agissait du plaignant, avait été vu près de la maison de l’appelant couché sur le sol et hurlant, tout en agitant deux grands couteaux en l’air. L’AI et les AT nos 1 et 2 ont répondu à l’appel. Au cours de l’interaction du plaignant avec la police, l’AI a utilisé une arme à impulsions à trois reprises, après quoi le plaignant a perdu connaissance. Malgré les efforts déployés par les agents de police et par la suite par les ambulanciers paramédicaux, qui appliquaient des techniques afin de sauver la vie du plaignant, on a constaté le décès de ce dernier plus tard à l’hôpital.

Au cours de cette enquête, on a interrogé huit témoins civils et quatre agents de police témoins, dont l’AI. De plus, les enquêteurs avaient accès aux vidéos enregistrées par les caméras situées dans les trois véhicules de police des agents qui sont intervenus, aux enregistrements des appels au numéro 9-1-1 et des transmissions radio, aux données téléchargées à partir de l’arme à impulsions utilisée par l’AI et aux notes inscrites dans le carnet de tous les agents de police témoins présents sur les lieux. Les faits ne sont pas contestés.

Le 4 novembre 2016, un certain nombre de résidents dans le secteur ont entendu le plaignant crier et ont vu qu’il était muni d’un couteau dans chaque main, et qu’il les agitait au-dessus de la tête. Un des témoins a décrit les couteaux comme ayant chacun une lame d’environ huit à dix pouces. Lorsque les voitures de patrouille sont arrivées, les témoins ont montré aux agents où se trouvait le plaignant. Les témoins ont alors entendu les agents de police dire au plaignant [traduction] « Mettez les couteaux sur le sol! », puis, quelques secondes plus tard, ils ont entendu le son de l’arme à impulsions en train d’être utilisée. Par la suite, ils ont vu un agent de police faire des tentatives de RCR sur le plaignant.

L’AT no 1 a indiqué que lorsque lui et l’AT no 2 étaient arrivés à l’endroit où se trouvait le plaignant, le plaignant était couché sur le ventre avec les mains levées au-dessus de la tête et qu’il tenait un couteau dans chaque main. L’AT no 1 a indiqué qu’il avait saisi le fusil C8 dans la voiture de patrouille et qu’il était sorti de celle-ci en pointant le fusil vers le plaignant et en disant [traduction] « Police, ne bougez pas! Laissez tomber le couteau, laissez tomber le couteau! », tandis que l’AT no 2 a indiqué que lui aussi était sorti de la voiture de patrouille et s’était identifié comme policier, mais qu’il avait laissé son arme à feu dans l’étui, tout en ordonnant au plaignant de montrer ses mains et de les placer derrière le dos. L’AT no 2 a indiqué qu’il se préoccupait de sa propre sécurité ainsi que de la sécurité du plaignant et du public. L’AT no 2 a indiqué que lui aussi avait vu que le plaignant tenait un couteau dans chaque main et avait les mains levées au-dessus de la tête et qu’il faisait tourner chaque couteau pendant qu’il était couché sur le sol. L’AT no 2 a indiqué qu’il avait ordonné plusieurs fois au plaignant de lâcher les couteaux et de mettre ses mains dans le dos, mais que le plaignant n’avait pas obtempéré. Après que les AT nos 1 et 2 avaient ordonné au plaignant de lâcher les couteaux, il a soudainement laissé tomber les couteaux sur le sol devant lui, mais à portée de main; puis, les deux agents ont continué de lui donner des ordres, mais le plaignant n’a pas réagi. L’AT no 2 a expliqué que, pendant que l’AT no 1 pointait son fusil C8 vers le plaignant, il s’est déplacé vers le plaignant pour prendre ses mains, mais le plaignant les a ramenées sous son corps. Selon la description de l’AT no 2, le plaignant a alors placé ses mains près de la taille et a levé le bas du dos et le fessier, tandis que l’AT no 1 a indiqué que le plaignant avait commencé à gigoter lorsqu’il avait la main dissimulée sous le corps, et les deux agents ont dit qu’ils craignaient que le plaignant ait accès à une autre arme. LAT no 2 a alors placé son genou sur le bas du dos du plaignant, mais, en dépit de nombreux efforts, n’a pas été en mesure de retirer les mains du plaignant de sous son corps pour le menotter.

L’AI a indiqué qu’il avait répondu à un message radio concernant un appel au numéro 9-1-1 vers 12 h 06 dans la zone résidentielle près du chemin Old Weston, concernant un homme armé de deux couteaux qui était couché sur le sol. Lorsque l’AI est arrivé sur les lieux, il a vu un groupe de personnes qui lui faisaient des signes des mains et pointaient vers une rue voisine, mais il n’a pas immédiatement réussi à trouver le plaignant. L’AI a indiqué qu’il avait alors regardé dans son rétroviseur et qu’il avait observé un groupe de civils qui pointaient frénétiquement vers une allée qu’il venait de passer et qu’il avait fait demi-tour et était retourné au début de l’allée, mais qu’il ne parvenait toujours pas à voir le plaignant. L’AI a ensuite vu une autre voiture de patrouille identifiée ayant à son bord les AT nos 1 et 2 arriver dans le secteur et il a continué à chercher le plaignant. Alors qu’il négociait le virage dans la rue, il a observé l’AT nos 1 et 2 établir le contact avec le plaignant, qui était couché sur le sol, dans de l’herbe haute. L’AI a stationné sa voiture de patrouille et a constaté que le plaignant avait plus de deux couteaux à sa portée sur le sol. Il a indiqué qu’au départ, il avait vu le plaignant avec les mains au-dessus de la tête, mais qu’il les avait alors placées sous son corps. L’AI a constaté que l’AT no 1 se tenait debout à l’est du plaignant avec sa carabine C8 pointée vers lui, alors que l’AT no 2 était accroupi aux pieds du plaignant et essayait de le menotter. L’AI a indiqué qu’il avait entendu les deux agents ordonner au plaignant, en criant, de montrer ses mains.

L’AI a indiqué qu’il avait des craintes pour sa propre sécurité, ainsi que pour celle des AT nos 1 et 2, du fait que le plaignant risquait d’avoir accès à d’autres armes sous son corps. Craignant que le plaignant puisse se poignarder ou poignarder l’un des agents de police, l’AI a décidé d’utiliser son arme à impulsions et a dit aux AT nos 1 et 2 de reculer afin qu’il puisse le faire. L’AI a indiqué qu’il savait que l’usage d’une arme à impulsions était permis dans des situations où l’on veut éviter d’être maîtrisé ou agressé par un suspect ou pour éviter de créer une situation dangereuse ou empêcher une personne de se blesser et pour toute autre raison légitime ou justifiée. L’AI a indiqué qu’il était d’avis que la seule option dont il disposait dans cette situation était d’utiliser son arme à impulsions ou son arme à feu, et il a opté pour l’option de recours à la force la moins létale. L’AI a indiqué qu’il avait déployé son arme à impulsions et que les dards avaient touché le plaignant, mais qu’il n’était pas tout à fait certain d’avoir touché la cible; la décharge a duré cinq secondes. Il a entendu le plaignant crier et l’a vu se raidir et avoir des spasmes violents. L’AT no 2 s’est placé sur le plaignant et a réussi à contrôler son bras gauche dans une certaine mesure et à lui mettre une menotte de ce côté-là, mais le plaignant a continué ses soubresauts et a réussi à libérer ses bras et à les coincer sous son corps. Du fait que le plaignant refusait toujours d’obéir aux ordres de la police, l’AI a utilisé son arme à impulsions une deuxième fois pendant cinq secondes et s’est approché du plaignant pour aider les AT nos 1 et 2 à le menotter, mais le plaignant a de nouveau réussi à bloquer ses mains sous son corps et l’AI a reculé et a envoyé une troisième décharge de son arme à impulsions, auquel moment il a observé que le corps du plaignant s’est entièrement raidi, et les policiers ont pu le menotter. Respectant la procédure à suivre après l’utilisation d’une arme à impulsions, l’AI a appelé une ambulance pour que les ambulanciers retirent les dards du corps du plaignant.

Les données téléchargées de l’arme à impulsions de l’AI confirment qu’il l’a déchargée la première fois à 12 h 24 m 25 s pendant trois secondes; la deuxième fois, à 12 h 24 m 48, pendant quatre secondes additionnelles; et la dernière fois, à 12 h 25 m 01 s, pendant une durée finale de trois secondes. La vidéo enregistrée par la caméra dans son véhicule et les enregistrements des transmissions radio confirment la version des événements telle que rapportée par l’AI.

Puis, on a réussi à passer les menottes au plaignant, après quoi il semblait commencer à avoir de la difficulté à respirer, et les agents de police l’ont placé en position assise. L’AT no 2 a essuyé des crachats de la bouche du plaignant et a observé que ses yeux étaient à moitié fermés et qu’il semblait continuellement perdre et reprendre connaissance. Les agents ont tenté de réveiller le plaignant, mais il ne réagissait pas et avait le pouls faible. Après une trentaine de secondes, la tête du plaignant est tombée sur sa poitrine et il s’est affaissé; un agent a retiré ses menottes, l’a placé sur le dos et les agents ont demandé qu’on fasse venir d’urgence une ambulance et ont commencé à administrer la RCR. Une fois les ambulanciers arrivés, ils ont pris la relève de l’administration de la RCR et ont transporté le plaignant à l’hôpital où l’on a constaté son décès plus tard.

Il est clair et indiscutable, compte tenu de l’ensemble de la preuve, qu’à part les tentatives faites pour tirer les bras du plaignant derrière son dos de sorte à pouvoir le menotter et l’utilisation à trois reprises de l’arme à impulsions, aucun agent n’a usé de force physique contre le plaignant.

Une enquête sur les lieux a révélé qu’il y avait sur le sol une cartouche et des fils de dards d’une arme à impulsions ainsi que quatre couteaux de cuisine et une paire de menottes appartenant à la police.

Un pathologiste a ensuite effectué une autopsie. Le rapport d’autopsie concluait que le plaignant avait subi un « décès soudain provoqué par une arythmie après l’utilisation d’un dispositif de contrôle électronique sur un homme souffrant de cardiomyopathie et de toxicité de la cocaïne ». à la suite d’une requête de l’UES visant à clarifier la cause du décès du plaignant, le pathologiste a indiqué que l’origine du décès était [traduction] « une arythmie cardiaque fatale » et que le plaignant serait décédé [traduction] « en raison de l’effet combiné de cardiomyopathie et de toxicité de la cocaïne, qu’un DCé (dispositif de contrôle électronique) (ou arme à impulsions) ait été utilisé ou non ». L’autopsie a révélé que le plaignant souffrait de cardiomyopathie (maladie du muscle cardiaque) et avait une mutation génique associée à une myocardiopathie et que cette affection, combinée à la toxicité de la cocaïne, aurait causé la mort du plaignant, que l’AI ait utilisé ou non son arme à impulsions.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la déclaration de tous les témoins civils que le plaignant était en possession de deux armes, qu’il causait des troubles en criant et qu’il constituait une menace potentielle pour le public et plus tard pour la police, après leur arrivée. De plus, à la lumière de l’ensemble de la preuve, il semble clair que le plaignant était une menace pour lui-même ou pour d’autres en raison de son degré d’intoxication à la cocaïne, de sa possession d’armes et de son comportement irrationnel et qu’ainsi, il pouvait être légalement appréhendé en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. Par conséquent, l’arrestation du plaignant était légalement justifiée dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisé par les agents dans leurs tentatives de maîtriser et d’arrêter le plaignant, il est clair que les AT nos 1 et 2 ont utilisé très peu de force, voire aucune, pour tenter de maîtriser le plaignant et n’ont pas utilisé plus de force que nécessaire pour tenter de le menotter. Constatant que le plaignant agissait de façon irrationnelle, avait deux couteaux à portée de main et dissimulait les mains sous son corps, ce qui faisait craindre aux trois agents que le plaignant avait peut-être accès à une autre arme, l’AI a déterminé que ses options de recours à la force était d’utiliser soit son arme à feu, soit son arme à impulsions et a opté pour une option de recours à la force moins létale et a fait usage de son arme à impulsions. Bien que l’AI ait déchargé son arme à impulsions à trois occasions distinctes, les données téléchargées confirment que chaque décharge était de courte durée (trois secondes, puis quatre secondes, et de nouveau trois secondes) et qu’il y a eu une pause entre chaque utilisation pour voir si le plaignant obtempérait ou non. Il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que, jusqu’au menottage du plaignant, il a continué de poser une menace pour les personnes à proximité. Il est également clair que les agents ne pouvaient pas simplement s’éloigner et laisser le plaignant seul en raison de la menace qu’il posait pour le public. Pour ce motif, et en tenant compte du fait que l’AI ne savait pas que le plaignant avait consommé une quantité toxique de cocaïne ni qu’il souffrait d’une affection antérieure de cardiomyopathie, je conclus que les gestes de l’AI étaient justifiés dans les circonstances et qu’il n’a pas utilisé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant, qui était manifestement armé et hors contrôle et qui n’obéissait pas aux ordres répétés des policiers qu’il montre ses mains. Pour arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit énoncé par la Cour suprême du Canada dans R. c. Nasogaluak, [2010] 1 C.S.C. 206 :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI et les autres agents en cause qui tentaient de maîtriser le plaignant était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise sous garde légale du plaignant. Compte tenu du fait qu’on avait déjà vu le plaignant brandir deux couteaux, il était tout à fait raisonnable pour les agents de croire qu’il pouvait avoir accès à d’autres armes sur sa personne et qu’il demeurait un danger jusqu’à ce qu’il soit complètement immobilisé. En fait, lors de l’examen après coup des lieux de l’incident, on a découvert quatre couteaux.

Dans ces circonstances, une accusation qui pourrait être envisagée est celle de négligence criminelle au sens de l’article 219 du Code criminel. La Cour d’appel de l’Ontario, dans sa décision R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 428 (C. A. de l’Ont.), a défini l’infraction de négligence criminelle comme nécessitant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation où l’accusé [traduction] « a manifesté un mépris téméraire pour la vie et la sécurité d’autrui ». Dans les circonstances examinées ici, où l’AI n’était pas en possession d’information que le plaignant souffrait d’une affection préexistante de cardiomyopathie et ne savait pas qu’il avait consommé de la cocaïne et où il a eu recours à son arme à impulsions de la manière dont il avait été entraîné à le faire, je ne puis conclure que ses actes étaient graves au point de constituer un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les circonstances ou que ses actes constituaient [traduction] « un mépris téméraire pour la vie et la sécurité d’autrui ». De plus, la négligence criminelle à elle seule ne constitue pas une infraction criminelle, puisque le Code criminel exige que la négligence criminelle doive être telle qu’elle ait mené à la mort (article 220) ou à des lésions corporelles (art 221). Lorsque, comme en l’espèce, la preuve n’appuie pas un lien de causalité entre le décès du plaignant et l’utilisation de l’arme à impulsions, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les éléments essentiels de l’infraction de « négligence criminelle causant la mort » peuvent être établis.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les raisons qui précèdent, que la mise sous garde du plaignant et la façon dont cela s’est fait étaient légitimes malgré sa mort tragique, qui semble avoir été inévitable en raison de son état cardiaque préexistant combiné à son ingestion d’une quantité toxique de cocaïne. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions exercées par l’AI tombaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations en l’espèce.

Date : 31 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Le 14 juin 2017, l’UES a communiqué avec le pathologiste. On a demandé au pathologiste si le plaignant serait décédé si l’on n’avait pas utilisé l’arme à impulsions et il a répondu par l’affirmative, en précisant que le plaignant serait mort de toute façon. [Retour au texte]
  • 2) [2] Le 28 juin 2017, l’UES a eu un nouvel entretien avec l’AT no 1 pour déterminer pourquoi la caméra avait cessé d’enregistrer à 12 h 13 m 54 s. L’explication fournie par l’AT no 1 était qu’il l’avait arrêtée manuellement. Il se souvenait d’être arrivé sur les lieux et d’avoir éteint ses feux d’urgence et supposait qu’il avait manuellement éteint la caméra également. L’AT no 1 n’a pu se prononcer sur son partenaire (l’AT no 2) pour ce qui était de la caméra. Il a expliqué qu’il était très peu probable que l’AT no 2 eût quelque chose à voir avec l’arrêt de la caméra puisque c’était au conducteur qu’il incombait de s’occuper des feux d’urgence et de la caméra. L’AT no 1 n’avait aucun souvenir de la désactivation de la caméra et ne savait pas à quel moment il aurait pu le faire. Il ne parvenait pas à se rappeler s’il avait éteint la caméra pendant qu’il conduisait dans la rue ou lorsqu’il était arrivé sur les lieux. De l’avis de l’AT no 1, la seule explication de l’arrêt de la caméra en même temps que les feux d’urgence était qu’il s’agissait d’un geste de mémoire musculaire qu’il avait peut-être posé en arrivant à l’endroit d’une intervention présentant un niveau de stress élevé. L’AT no 1 a expliqué qu’il ne savait peut-être pas consciemment qu’il avait désactivé la caméra après avoir éteint ses feux d’urgence. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.