Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-310

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 33 ans le 12 décembre 2016 lors de son arrestation pour des infractions liées à la drogue.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 décembre 2016, à 13 h 30, la Police régionale de Peel (PRP) a signalé la blessure subie par le plaignant durant sa mise sous garde.

La PRP a signalé que l’Unité de lutte contre la délinquance urbaine (ULDU) observait une résidence à Brampton où elle a vu arriver un véhicule et se dérouler une transaction liée à la drogue. Les agents de police ont essayé de coincer le véhicule, et le conducteur a tenté de fuir. Il y a eu une collision impliquant au moins un des quatre véhicules de police. Le conducteur (le plaignant) a été amené à l’hôpital où, selon le diagnostic posé, il avait un os nasal et un os orbital fracturés.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire (EJ) de l’UES s’est rendu sur les lieux et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 33 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

AT no 5  A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue et à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Preuve

Les lieux de l’incident

Les lieux de l’incident étaient la chaussée devant une résidence à Brampton. Il y avait une certaine quantité de neige et de glace sur la chaussée. Il y avait cinq véhicules sur place, soit quatre véhicules de police non identifiés et une BMW. D’après les renseignements initiaux, les blessures subies par le plaignant résultaient d’une collision, mais après enquête, il a été révélé que ses blessures s’étaient produites pendant son interaction avec les policiers lors de son arrestation. Il y avait du sang sur la chaussée à côté de la porte du conducteur de la BMW.

Voici une photo des véhicules impliqués :

Photo des véhicules impliqués

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Téléchargement des données de l’arme à impulsions

L’AI no 3 a utilisé son arme à impulsions. L’arme à impulsions n’a eu aucun effet sur le plaignant et n’a joué aucun rôle dans les blessures subies par ce dernier. On a examiné les données provenant de l’arme à impulsions, lesquelles ont révélé qu’il y avait eu une seule décharge de 19 secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques, mais n’a pas réussi à en trouver.

Dossiers obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRP les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Enregistrements des communications
  • Rapports - copies des enregistrements audio
  • Historique des incidents
  • Notes des l’AT nos 1, 2, 3, 4 et 5
  • Détails de l’incident
  • Procédure – poursuites visant l’appréhension de suspects
  • Procédure – arrêter et approcher un véhicule suspect
  • Données téléchargées de l’arme à impulsions suite à l’incident

Description de l’incident

Tard le soir, le 12 décembre 2016, des membres de l’ULDU de la PRP ont vu le plaignant et le TC no 1 se rendre à bord d’une BMW volée à une résidence à Brampton et puis consommer des stupéfiants. Après que le plaignant et le TC no 1 sont retournés à la résidence une deuxième fois et se sont arrêtés sur le côté de la route, les agents ont reçu l’ordre de procéder à leur arrestation.

Quatre véhicules de police ont été utilisés pour bloquer la BMW volée. Dans l’intention de fuir le secteur, le plaignant a heurté plusieurs véhicules de police et est resté pris dans un banc de neige. Pour sortir le plaignant de la BMW verrouillée, on a brisé la vitre de la fenêtre du conducteur. Lorsque l’AI et les l’AT nos 4 et 5 ont tenté de tirer le plaignant hors du véhicule par la fenêtre du conducteur, il a enveloppé le volant de ses jambes. L’AT no 3 a utilisé son arme à impulsions contre le plaignant, mais en vain. On a finalement réussi à sortir le plaignant par la fenêtre. Les agents allèguent que le plaignant est tombé le visage d’abord sur la chaussée et s’est blessé au nez. Le plaignant allègue qu’on l’a mis face au sol et qu’on lui a donné plusieurs coups de pied.

Lorsqu’on a remis le plaignant debout, il avait des blessures visibles au visage. On a appelé une ambulance, et le plaignant a été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic posé, il avait un os orbital et un os nasal cassés.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 12 décembre 2016, le plaignant, accompagné du TC no 1 et conduisant une BMW volée, s’est rendu à une résidence à Brampton. Au même moment, des agents de l’Unité de lutte contre la délinquance urbaine (ULDU) de la Police régionale de Peel (PRP) surveillaient cette résidence, où l’on soupçonnait que des stupéfiants étaient vendus. Pendant que le plaignant et le TC no 1 se trouvaient dans leur véhicule et y fumaient de la drogue, l’AT no 3 a ordonné leur arrestation. Quatre véhicules de l’ULDU de la PRP ont tenté de coincer la BMW volée, mais le plaignant a essayé de fuir et a heurté plusieurs des véhicules de police. Les agents se sont approchés de la BMW, et l’AT no 1 a sorti le TC no 1 du véhicule par la portière arrière du côté passager. Durant l’effort fait pour extraire le plaignant, la vitre du côté du conducteur a été brisée. L’AI et les AT nos 4 et 5 ont tenté de tirer le plaignant par la fenêtre brisée, mais il a enveloppé le volant de ses jambes. L’AT no 3 a utilisé son arme à impulsions, mais elle n’a eu aucun effet. Selon les agents, le plaignant résistait et une fois qu’on l’a sorti de la fenêtre, il est tombé le visage d’abord sur la chaussée. Le plaignant allègue qu’on l’a placé sur le ventre sur le sol près du côté conducteur du véhicule et qu’un agent inconnu lui a donné plusieurs coups de pied pendant plusieurs minutes. Le plaignant a finalement été menotté et transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait un os orbital et un os nasal fracturés.

Au cours de son entretien, le plaignant n’a pas reconnu avoir fréquenté la résidence sous surveillance ou avoir acheté de la drogue de ses occupants. Le plaignant n’a pas précisé qu’il était tombé au sol une fois qu’il avait été extrait de la BMW. Il prétendait plutôt avoir été mis sur le ventre au sol et avoir reçu plusieurs coups de pied pendant plusieurs minutes. Le plaignant ne se souvenait pas d’avoir reçu des coups de poing et n’a pas mentionné l’utilisation de l’arme à impulsions. Le plaignant n’était pas en mesure de décrire aucun des agents en cause. Le plaignant a nié avoir résisté de quelque façon que ce soit aux agents de police.

L’associé du plaignant, le TC no 1, avait une version des événements nettement différente de celle du plaignant. Le TC no 1 n’a pas reconnu que la BMW avait été volée ni qu’il s’était rendu à la résidence ni qu’il consommait de la drogue avec le plaignant au moment de l’incident. Le TC no 1 n’avait pas vu l’extraction du plaignant du véhicule.

Cinq agents de l’ULDU de la PRP ont participé à l’immobilisation du véhicule et à l’arrestation du plaignant et du TC no 1 : l’AI (qui a refusé d’avoir un entretien ou de fournir ses notes, comme c’est son droit légal), l’AT no 1, l’AT no 3, l’AT no 4 et l’AT no 5. L’AT no 1 a déclaré qu’il avait observé une BMW, occupée par le plaignant et le TC no 1, arriver à l’endroit sous surveillance. Les deux hommes sont entrés dans la résidence et y sont restés peu de temps, avant de retourner au véhicule. Il a alors vu le plaignant et le TC no 1 fumer de la drogue à l’intérieur du véhicule tout en restant stationné dans l’entrée. La BMW a quitté le secteur, mais est revenue peu de temps après, et le plaignant est retourné dans la maison et puis est revenu au véhicule et est reparti. Il a vu la BMW s’arrêter sur le côté de la rue trois fois avant que l’AT no 3 donne l’ordre d’arrêter le véhicule. L’AT no 1 a activé les feux d’urgence et la sirène de son véhicule. La BMW a tenté de fuir et est entrée en collision avec plusieurs des véhicules de police, puis a fait marche arrière et est restée prise dans le banc de neige. L’AT no 1 a placé son véhicule face à face avec la BMW et s’est rendu au côté passager du véhicule. Le véhicule de l’AI se trouvait du côté passager de la BMW, le véhicule de l’AT no 4, du côté conducteur, et le véhicule de l’AT no 3, en retrait du côté conducteur, et ensemble ils entouraient et bloquaient la BMW. L’AT no 1 a entendu les agents de police donner plusieurs ordres au plaignant de mettre le levier de vitesses à la position de stationnement (« parking »), mais le plaignant a continué d’emballer le moteur. L’AT no 1 a entendu que l’AT no 3 utilisait son arme à impulsions, sans le voir. L’AT no 1 est entré dans la BMW par la portière du passager arrière et a mis le levier de vitesse dans la position de stationnement. Il a ensuite tiré le TC no 1 vers le siège arrière et puis en dehors du véhicule. Lorsque l’AT no 1 a vu le plaignant pour la première fois, il était déjà menotté et se tenait debout du côté conducteur de la BMW.

L’AT no 4 a déclaré qu’il avait vu une BMW arriver à l’adresse et le plaignant et le TC no 1 se rendre à la porte latérale de la résidence. Le plaignant et le TC no 1 sont retournés à la BMW peu de temps après et sont repartis. La BMW s’est arrêtée à la bordure de la rue, et le plaignant et le TC no 1 fumaient quelque chose dans le véhicule. La BMW est partie, pour de nouveau se garer à la bordure. L’AT no 3 a ordonné qu’on immobilise la BMW. L’AT no 4 a placé son véhicule derrière la BMW et a activé ses feux d’urgence et sa sirène. La BMW a fait marche arrière et a heurté le véhicule de l’AT no 4 et semblait tenter de s’échapper aux véhicules qui l’avaient entouré pour le coincer. L’AT no 4 a ajusté la position de son véhicule et a heurté le coin avant du côté conducteur de la BMW. Les roues de la BMW tournaient, mais n’avaient pas prise à cause de la neige. Les AT nos 4 et 5 et l’AI sont sortis de leurs véhicules et se sont rendus à la portière du conducteur de la BMW. L’AT no 3 avait dégainé son arme à impulsions. L’AT no 4 a dit en criant au plaignant d’éteindre le moteur de la BMW et de quitter le véhicule, mais au lieu de cela, le plaignant a tenté de faire bouger la BMW. L’AT no 4 a essayé d’ouvrir la portière du conducteur de la BMW, mais elle était verrouillée, tout comme la portière arrière du côté conducteur. L’AT no 5 était à côté de l’AT no 4 et a brisé la vitre du côté conducteur avec son poing. L’AT no 4 a saisi le plaignant par la veste du côté gauche et il croyait que l’AT no 5 avait saisi le plaignant du côté droit et ils l’ont tiré du véhicule. Le plaignant a enveloppé ses jambes et pieds autour du volant, ce qui empêchait son extraction complète de la BMW. Les pieds du plaignant ont finalement été libérés du volant, mais lorsqu’il a été tiré de la BMW, il est tombé au sol le visage d’abord. Le manteau et le chandail du plaignant sont passés par-dessus sa tête lorsqu’on l’a tiré du véhicule. Une fois au sol, l’AT no 4 se trouvait du côté droit du plaignant avec l’AT no 5 du côté gauche et l’AI près de son épaule gauche. L’AT no 4 a placé un genou sur le dos du plaignant parce qu’il avait les bras sous le corps et résistait à son menottage. L’AT no 4 n’a vu aucun des agents donner des coups de poing ou de pied au plaignant. L’AT no 4 a menotté le plaignant et lorsque celui-ci s’est relevé dans la position assise, lui a retiré le manteau et le chandail d’autour du visage et a constaté qu’il avait des blessures à l’œil droit et que du sang coulait de son nez.

D’après l’AT no 5, après que l’AT no 3 avait ordonné l’immobilisation de la BMW pour arrêter les occupants, il était arrivé à l’endroit où se trouvait la BMW et avait vu des véhicules de police entourer celle‐ci, alors qu’elle faisait des mouvements de va-et-vient et les heurtait, durant sa tentative de fuite. La BMW a fini par rester bloquée dans le banc de neige du côté ouest de la rue, et ses roues tournaient dans la neige. L’AT no 5 s’est garé au sud des véhicules de police qui immobilisaient la BMW et puis s’est rendu à pied derrière celle‐ci. Il n’a vu aucun agent de l’ULDU ayant une quelconque pièce d’équipement de recours à la force à la main. L’AT no 5 a ordonné en criant au conducteur de la BMW d’éteindre le moteur et de quitter le véhicule, mais ses ordres ont été ignorés. L’AT no 5 s’est rendu à la portière du conducteur et a continué d’ordonner à celui‐ci de couper le contact, mais le conducteur a continué les mouvements de va‐et‐vient de la BMW. L’AT no 5 a été rejoint à la fenêtre du côté conducteur par l’AT no 4 et l’AI. L’AT no 4 se trouvait à droite de l’AT no 5. L’AT no 1 était du côté passager de la BMW. L’AT no 5 a entendu l’AT no 3 utiliser son arme à impulsions. L’AT no 5 a tenté d’ouvrir la portière du conducteur, mais elle était verrouillée, de sorte qu’il a frappé deux fois la vitre du côté du conducteur avec un poing nu, ce qui l’a brisée. Il n’a pas frappé le plaignant quand il a brisé la fenêtre. L’AT no 5 a saisi le plaignant à son veston et a commencé à le sortir par la fenêtre – pendant qu’il le faisait, le manteau et le chandail du plaignant ont recouvert le visage et la tête de ce dernier. Le plaignant bougeait les bras pour tenter d’éviter son extraction et il essayait encore de faire avancer la BMW. L’AT no 4 a saisi le plaignant du côté gauche de sa veste. Le plaignant avait les pieds enveloppés autour du volant de la BMW pour empêcher son extraction, de sorte que l’AT no 5 s’est penché à l’intérieur de la BMW et a libéré les jambes du plaignant. L’AI a aidé à extraire le plaignant de la BMW. Lorsque le plaignant a été tiré par la fenêtre du côté du conducteur de la BMW, il s’agrippait au manteau de l’AT no 5. Le manteau s’est déchiré, et le plaignant est tombé au sol à côté de la BMW. Une fois que le plaignant était sur la chaussée, l’AT no 5 s’est placé à sa droite et l’AT no 4, à sa gauche. L’AI était près de l’épaule gauche du plaignant. Le plaignant a refusé de présenter ses mains et les a mises sous la poitrine. L’AT no 5 lui a donné un coup de poing au côté gauche du corps pour le distraire, mais cela n’a pas eu d’effet. L’AT no 5 a ensuite donné deux coups de genou au torse du plaignant du côté gauche, et l’AT no 4 l’a menottée. L’AT no 5 n’a pas vu d’autres policiers frapper le plaignant et il a nié avoir frappé le plaignant au visage. Le chandail et le manteau du plaignant ont été réajustés, et l’AT no 5 a constaté qu’il saignait du nez et qu’il avait une enflure à l’œil droit.

L’AT no 3 a vu la BMW se rendre à la résidence qui était sous surveillance et il avait vu le plaignant et le TC no 1 pénétrer dans la maison. Après une dizaine de minutes, les deux hommes sont retournés à la BMW où ils sont restés pendant plusieurs minutes. L’AT no 3 est passé devant la BMW avec son véhicule et a constaté que les deux hommes fumaient ce qui, d’après lui, était de l’héroïne dans le véhicule. La BMW a quitté la résidence, puis s’est arrêtée et de nouveau, l’AT no 3 les a observés en train de fumer ce que, selon lui, était de la drogue. Puis, la BMW est retournée à la résidence et il a vu le plaignant entrer dans la maison. Lorsque le plaignant est retourné à la BMW, celle‐ci a roulé sur une certaine distance et s’est arrêtée sur le côté de la route. L’AT no 3 est passé à côté de la BMW et a vu le plaignant et le TC no 1 à l’intérieur en train de fumer de la drogue. La BMW a de nouveau avancé, mais s’est de nouveau arrêtée sur le côté de la route. L’AT no 3 a donné l’ordre aux agents de l’ULDU d’immobiliser la BMW. L’AT no 3 et l’AI et les AT nos 1 et 4 ont tenté de bloquer la BMW. L’AT no 3 se trouvait derrière l’AT no 4, qui se trouvait proche de l’arrière de la BMW. Les agents ont activé les feux d’urgence et la sirène de leurs véhicules de police non identifiés respectifs. La BMW a fait marche arrière et a heurté l’avant du véhicule de l’AT no 4 et puis a tourné fortement vers la gauche. L’AT no 3 a contourné le véhicule de l’AT no 4 et a intentionnellement frappé la portière du conducteur de la BMW. La camionnette de l’AT no 1 est entrée en collision avec la portière avant du côté passager de la BMW. La BMW a fait marche arrière et est restée prise dans le banc de neige. L’AT no 3 a déplacé son véhicule et a heurté la portière arrière du côté conducteur de la BMW. L’embrayage de la BMW était encore engagé, et les roues arrières tournaient dans le banc de neige. L’AT no 3 a vu l’AT no 5 utiliser son poing pour fracasser la vitre du côté conducteur de la BMW et les AT nos 4 et 5 ont tenté de sortir le plaignant par la fenêtre du côté conducteur. L’AT no 3 a vu le plaignant tenter de se déplacer vers le côté passager de la BMW, alors que son pied était toujours sur l’accélérateur et que les roues continuaient à tourner. L’AT no 3 a dégainé son arme à impulsions et l’a déchargée par la fenêtre du côté conducteur. L’AT no 1 est entré dans la BMW par la portière arrière du côté passager et a mis le levier de vitesses dans la position de stationnement. Le plaignant avait enveloppé ses jambes autour du volant de la BMW pendant que l’AI, l’AT no 4 et l’AT no 5 continuaient d’essayer de l’extraire du véhicule. L’AT no 3 est resté avec l’AT no 1 jusqu’à ce que le TC no 1 soit mis hors d’état de nuire. Lorsque l’AT no 3 est retourné au côté conducteur de la BMW, il a vu le plaignant menotté sur le sol. L’AT no 3 a constaté que le plaignant saignait du nez et avait quelques égratignures sur les bras, mais aucune blessure aux yeux. L’AT no 3 n’a vu aucun des agents de police de l’ULDU donner des coups de poing ou des coups de pied au plaignant. L’AT no 3 a appelé une ambulance, au cas où il était nécessaire de retirer les dards de l’arme à impulsions du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, compte tenu de son comportement ce soir‐là à la résidence sous surveillance, et l’observation de l’AT no 3 selon laquelle le plaignant fumait de la drogue, probablement de l’héroïne, dans la BMW après avoir quitté la résidence, j’accepte que l’AT no 3 avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis une infraction criminelle. Par conséquent, l’appréhension du plaignant était légalement justifiée dans les circonstances, et l’AI et les AT nos 4 et 5 avaient le droit de procéder à l’arrestation du plaignant.

Je dois ensuite déterminer si l’AI - et les AT nos 4 et 5 - ont seulement utilisé la force qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Pour commencer, la preuve fournie par le TC no 1 suscite des problèmes considérables, en ce sens qu’elle contredit tous les autres témoins, sur plusieurs points importants. En raison de cela, il semble que le TC no 1 tentait de minimiser sa propre participation à l’incident, ce qui remet en question la véracité de ses autres observations. À cause de ces préoccupations, je ne peux me fonder du tout sur les éléments de preuve fournis par le TC no 1 pour rendre ma décision.

Parmi les autres témoins, seuls le plaignant et l’AI et les AT nos 4 et 5 étaient présents lors de l’extraction du plaignant de la BMW et de son menottage subséquent. Comme je l’ai déjà mentionné, nous n’avons pas la version de l’AI quant à ce qui s’est passé. Toutefois, les différentes versions des événements fournies par le plaignant et les AT nos 4 et 5 sont cohérentes à plusieurs égards. Tous conviennent que la vitre du côté du conducteur de la BMW a été brisée et que le plaignant a été retiré par cette fenêtre cassée. Les AT nos 4 et 5 ont déclaré qu’il était nécessaire de le faire, car la portière du conducteur était verrouillée. J’accepte que tel était le cas – autrement, la portière aurait été ouverte (par le plaignant ou par les agents) et le plaignant aurait été retiré de cette façon de la BMW. L’obligation pour la police de briser la vitre afin de retirer le plaignant m’amène à me demander si le plaignant était coopératif et se conformait aux exigences de la police. Les AT nos 4 et 5 ont aussi déclaré que le plaignant avait enveloppé le volant de ses jambes alors qu’ils tentaient de la sortir par la fenêtre. Le plaignant a nié que c’était intentionnel. Quoi qu’il en soit, j’accepte qu’il était très difficile de sortir le plaignant du véhicule par la fenêtre en raison de la position de ses jambes, surtout lorsqu’on tient compte des émotions et de l’adrénaline qui caractérisent une telle situation. Les AT nos 4 et 5 ont convenu qu’une fois que le plaignant avait été retiré du véhicule, il est tombé au sol le visage en premier et a continué de résister aux tentatives de le menotter. L’AT no 5 a donné un seul coup de poing au plaignant et lui a donné deux coups de genou afin de prendre le contrôle de ses bras, après quoi il a été menotté. À part ces coups (dont l’AT no 4 n’était pas témoin), le plaignant n’a été frappé par aucun agent.

Je conclus que le plaignant a créé une situation très dangereuse pour les agents lorsqu’ils ont tenté d’arrêter sa voiture. Il a refusé d’éteindre le moteur de celle-ci ou d’en sortir, même s’il savait que la police lui demandait de le faire. Au lieu de cela, il a fait marche arrière avec la BMW parce qu’il souhaitait s’échapper et a heurté un véhicule de police. Il n’a pas non plus déverrouillé la portière du conducteur, même lorsqu’il était clair que les agents voulaient qu’il sorte du véhicule, ce qui les a obligés à briser la vitre et à l’extraire par la fenêtre. En refusant de faire ces choses, et parce que le moteur de la BMW est resté allumé au point de faire tourner les roues dans le banc de neige, les agents se trouvaient dans l’obligation d’agir rapidement pour extraire le plaignant et couper le contact dans la voiture. Par conséquent, la force qu’ils ont utilisée pour retirer le plaignant de la fenêtre du côté conducteur du véhicule était justifiée.

Le plaignant allègue toutefois qu’une fois sur le sol, il a reçu plusieurs coups de pied. Cette affirmation est expressément niée par les agents, et la seule corroboration de son allégation est la litanie de tests subis par le plaignant à l’hôpital – à savoir des tomographies informatisées de la tête, de la colonne cervicale, de la poitrine, de l’abdomen, du bassin et du visage, dont le but était de trouver des signes de blessures traumatiques à ces endroits. L’étendue de ces tests va nettement au-delà d’une allégation d’une simple chute où la personne a atterri sur le visage et d’une blessure à un os nasal ou orbitaire. Il est évident que quelqu’un à l’hôpital soupçonnait qu’il y avait peut‐être des blessures à ces endroits, car sinon les tests n’auraient pas été effectués. Néanmoins, les seules blessures révélées par tous ces tests étaient un os nasal et un os orbitaire fracturés. Le fait que ces tests aient été effectués semble toutefois confirmer que le plaignant s’est plaint au personnel médical à l’époque, de sorte qu’ils ont jugé prudent d’ordonner les examens médicaux. Cependant, étant donné la situation fluide et évoluant rapidement à laquelle les agents étaient confrontés lorsqu’ils ont tenté d’appréhender le plaignant, la difficulté qu’ils avaient à le sortir du véhicule et le fait que ses seules blessures graves se limitaient à son visage, j’accepte que le plaignant est probablement tombé au sol une fois qu’il avait été retiré de la BMW par les trois agents de police et que c’est cela qui a causé les fractures à l’os nasal et à l’os orbitaire.

Même si j’acceptais les allégations du plaignant selon lesquelles il a reçu plusieurs coups de pied – ce que je n’accepte pas[1] – et que c’est cela qui a causé ses blessures, j’aurais à trancher la question insurmontable consistant à déterminer quel agent a commis l’infraction. Tous les agents nient avoir donné des coups de pied au plaignant. Le plaignant ne se souvient pas quel agent ou quels agents lui ont donné des coups de pied. Même si j’acceptais la preuve du TC no 1, qui a identifié l’un des agents de police qui aurait battu le plaignant en décrivant sa pilosité du visage et son véhicule (camionnette), il n’y a aucune preuve qu’il s’agissait de l’AI (ou de l’AT no 4 ou de l’AT no 5). Selon l’AT no 1, l’AI conduisait un VUS. L’AT no 3 conduisait également un VUS, de même que l’AT no 4, tandis que l’AT no 5 conduisait une berline de marque Toyota. Uniquement l’AT no 1 conduisait une camionnette et tous les agents ont déclaré unanimement que c’était l’agent qui s’occupait du TC no 1 et qu’il n’avait eu aucune interaction avec le plaignant. Ainsi, il n’y a aucune preuve indiquant quel agent ou quels agents ont peut‐être fait ce que le plaignant a allégué.

J’accepte donc que les blessures subies par le plaignant sont survenues lorsqu’il a été retiré de la BMW par la fenêtre du conducteur et est tombé au sol et je conclus ainsi que les agents n’ont pas eu recours à plus de force qui nécessaire pour exercer leur devoir légal. La jurisprudence est claire en ce sens qu’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.)) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206). Dans cette affaire, il est clair que la force utilisée par l’AI et les AT nos 4 et 5, compte tenu de la nature dynamique de l’arrestation et du danger causé par la BMW, dont le conducteur tentait d’échapper aux véhicules de police qui le bloquaient, était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour assurer la mise sous garde légale du plaignant, malgré la blessure qu’il a subie. Par conséquent, il n’y a pas de motif de porter des accusations en l’espèce, et aucune accusation ne sera portée.

Date : 31 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Si quelqu’un avait vraiment donné le nombre de coups de pied au plaignant qu’il allègue avoir reçu quand il était au sol, et pendant la durée alléguée, on s’attendrait à des blessures beaucoup plus graves. [Retour au texte]

Note:

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