Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVI-318

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport a trait à l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par une femme âgée de 44 ans lors d’une collision d’automobiles survenue le 17 décembre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident le 17 décembre 2016, à 14 h 25, par le Service de police de Hamilton (SPH).

Le SPH a déclaré que, le 17 décembre 2016, à 14 h, l’agent impliqué (AI) a vu une Volvo noire circuler en direction ouest sur le chemin Rymal Est, au niveau de l’avenue Upper Centennial. L’AI a vérifié la plaque d’immatriculation du véhicule et a constaté qu’elle avait été déclarée manquante. L’AI a alors activé les feux d’urgence de son auto‐patrouille, mais la Volvo a commencé à prendre de la vitesse, roulant en direction ouest sur le chemin Rymal Est.

L’AI a désactivé et éteint ses feux d’uregence. La Volvo a continué de rouler à une vitesse élevée et est entrée en collision avec un autre véhicule sur le chemin Rymal Est, au niveau des chemins Terryberry et Whitedeer[1]. Le conducteur de la Volvo [dont on sait maintenant qu’il s’agit du témoin civil (TC) no 1] est sorti du véhicule, a réquisitionné un autre véhicule et s’est enfui en direction ouest, en roulant sur le chemin Rymal. Le passager de la Volvo noire, le TC no 2, a été placé sous garde.

La plaignante, qui conduisait le deuxième véhicule, a été emmenée à l’hôpital pour une blessure à l’épaule.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé des éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignante :

femme âgée de 44 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 n’a pas participé à une entrevue[2]

TC no 2 a participé à une entrevue

TC no 3 a participé à une entrevue

TC no 4 n’a pas participé à une entrevue[3]

TC no 5 n’a pas participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 a participé à une entrevue

AT no 2 n’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées[4]

Agents impliqués (AI)

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Sa déclaration écrite a été reçue et examinée.

Description de l’incident

En début d’après‐midi, le 17 décembre 2016, l’AI conduisait une auto‐patrouille pleinement identifiée sur la promenade Upper Centennial lorsqu’il a observé une Volvo noire au volant de laquelle se trouvait le TC no 1. L’AI a fait interrogé la base de données pour vérifier la plaque d’immatriculation de la Volvo et a constaté qu’elle était déclarée manquante.

L’AI a activé ses feux d’urgence pour faire immobiliser la Volvo, mais le TC no 1 a immédiatement pris de la vitesse et s’est engagé dans la voie du milieu réservée aux virages afin de dépasser plusieurs véhicules. Comme la Volvo roulait à une vitesse dangereusement élevée, l’AI a interrompu sa tentative de l’intercepter et a éteint ses feux d’urgence, mais a continué de suivre le véhicule.

Le TC no 1 a alors traversé l’intersection du chemin Rymal Est et du chemin Terryberry/Whitedeer en brûlant un feu rouge et est entré en collision avec la Chevrolet de la plaignante. La voiture de la plaignante a alors heurté et renversé un poteau de feux de circulation qui se trouvait sur la voie médiane. Le TC no 1 est sorti de la Volvo et a pris la fuite. Le TC no 1 a ensuite agressé le TC no 3 et a pris le véhicule de ce dernier pour s’enfuir. Le TC no 1 a été retrouvé puis arrêté quelques semaines plus tard.

La plaignante a été transportée à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture sans déplacement à l’omoplate gauche.

Preuve

Les lieux de l’incident

  • Le tracé du chemin Rymal est en direction est‐ouest. C’est un chemin à une voie à partir de la promenade Upper Centennial. La limite de vitesse était de 60 km/h
  • Le chemin Terryberry est un chemin de courte distance sur le côté sud du chemin Rymal. C’est une route de service qui mène à une zone commerciale et se termine sur une impasse. Le chemin Whitedeer se trouve côté nord du chemin Rymal et mène à une zone résidentielle
  • L’auto‐patrouille de l’AI, une Ford Taurus, se trouvait sur la voie en direction ouest du chemin Rymal et du chemin Whitedeer et faisait face à l’ouest. Il n’y avait pas de dommage visible à l’auto‐patrouille
  • Le véhicule de la plaignante, une Chevrolet de couleur noire, se trouvait sur un îlot surélevé sur le chemin Rymal, à l’intersection des chemins Rymal Est et Terryberry/Whitedeer. La voiture était lourdement endommagée à l’avant et sur le côté gauche à l’avant. Le sac gonflable côté conducteur a été déployé. Le véhicule était entré en collision avec un poteau de feux de circulation qui se trouvait sur la voie médiane et qui a été renversé
  • Le véhicule que conduisait le TC no 1, une Volvo de couleur noire, se trouvait sur le côté sud du chemin Rymal, faisant face au sud‐ouest. L’avant de la Volvo avait percuté un poteau électrique en bois. L’avant et le côté droit du véhicule était lourdement endommagés. Il y avait des traces de pneus qui allaient du sud à l’ouest juste avant la bordure recouverte de neige, où le véhicule s’est immobilisé. Ces traces étaient celles de la Volvo et correspondaient à la trajectoire suivie par la Volvo avant de s’immobiliser
  • La distance entre l’intersection de la promenade Upper Centennial et du chemin Rymal et l’intersection des chemins Rymal et Terryberry/Whitedeer est de 1,1 km
  • Aucun élément de preuve n’indiquait qu’il y avait eu le moindre contact entre la Volvo et l’auto‐patrouille de l’AI

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Résumé des données du système automatisé de localisation (GPS) des véhicules pour l’auto‐patrouille de l’AI

  • À 12 h 48 m 38 s, alors que l’AI roulait en direction sud sur la promenade Upper Centennial, juste avant de tourner à droite (en direction ouest) sur le chemin Rymal Est, sa vitesse était de 46 km/h, mais elle a diminué à 35 km/h à 12 h 48 m 49 s. La limite de vitesse sur la promenade Upper Centennial était de 60 km/h
  • À 12 h 49 m 04 s, pendant que l’AI circulait en direction ouest sur le chemin Rymal, sa vitesse a augmenté, passant de 49 km/h à 57 km/h
  • À 12 h 49 m 19 s, tandis qu’il arrivait près de l’intersection des chemins Rymal et Terryberry/Whitedeer, l’AI a réduit sa vitesse à 29 km/h, avant d’immobiliser son auto‐patrouille

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a exploré les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques, mais elle n’a pu en trouver.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPH les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • résumé des données GPS du système AVL de localisation automatique de véhicules – l’auto‐patrouille de l’AI
  • dépositions concernant la collision – déclarations de la TC no 4 et d’un autre témoin du SPH
  • enregistrements de communications
  • relevé de la liste des appels – COMM
  • tableau des appels – COMM
  • tableau de service
  • chronologie des événements
  • rapport d’accident de la route
  • notes et déclarations écrites de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • rapport d’incident (personnes en cause)
  • rapport sur les détails de l’incident
  • politique – poursuites visant l’appréhension de suspects
  • résumé d’entrevue – témoin du SPH
  • déclarations de témoins –TC no 5 et quatre autres témoins du SPH

Dispositions législatives pertinentes

Articles 1 et 2 du Règlement de l’Ontario 266/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario, intitulé Poursuites visant l’appréhension de suspects

(1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule

(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.

(1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

Article 249 (al.1a) et par. (3)) du Code criminel – Conduite dangereuse

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Analyse et décision du Directeur

Le 17 décembre 2016, vers 12 h 45, l’AI a observé un véhicule automobile, une Volvo noire, conduite par le TC no 1 et circulant sur la promenade Upper Centennial avant de tourner sur le chemin Rymal Est, dans la ville de Hamilton. Pendant qu’il suivait le véhicule automobile, l’AI a fait une interrogation de plaque d’immatriculation et a constaté que celle‐ci était déclarée manquante. L’AI a donc activé ses feux d’urgence et tenté de procéder à un contrôle routier de l’automobile du TC no 1. Le TC no 1 a alors accru sa vitesse, s’est engagé sur la voie du centre réservée aux virages à gauche pour les véhicules venant de l’est et de l’ouest et a dépassé plusieurs autres véhicules. L’AI a estimé que la vitesse à laquelle roulait le TC no 1 se situait entre 100 et 120 km/h. Lorsque l’AI a vu que le TC no 1 augmentait sa vitesse et dépassait des véhicules sur la voie pour tourner à gauche, il a désactivé son équipement d’urgence, a abandonné sa tentative d’intercepter le véhicule du TC no 1 et a plutôt stratégiquement décidé de suivre le véhicule du TC no 1 à distance et à une vitesse beaucoup moins élevée.

À l’intersection des chemins Rymal Est et Terryberry/Whitedeer, l’AI a vu le TC no 1 s’engager dans l’intersection en brûlant un feu rouge et entrer en collision avec la voiture conduite par la plaignante, laquelle traversait légalement l’intersection au feu vert, effectuant un virage à gauche sur le chemin Rymal Est. Par suite de la collision, la plaignante a subi une fissure à l’omoplate gauche. Le TC no 1 a pris la fuite à pied et a été appréhendé à une date ultérieure.

Malheureusement, ni le TC no 1 ni l’AI n’ont accepté de rencontrer les enquêteurs de l’UES, comme ils en ont légalement le droit, et la plaignante n’avait aucun souvenir de la façon dont elle avait été impliquée dans la collision. Toutefois, avec l’aide de quatre témoins civils, d’une déclaration écrite préparée par l’AI, d’un témoin de la police, des enregistrements de communications et des données provenant de l’auto‐patrouille de l’AI, les événements ayant mené à la collision entre le véhicule du TC no 1 et celui de la plaignante ont pu être établis avec un degré élevé de certitude.

La TC no 4 a confirmé avoir vu l’auto‐patrouille de l’AI circulant en direction ouest tandis qu’elle roulait en direction est sur le chemin Rymal Est, juste à l’ouest de la promenade Upper Centennial, et que le système de feux d’urgence de l’auto‐patrouille était alors activé. Elle a déclaré avoir ensuite observé que les feux d’urgence ont été désactivés peu après. La TC no 4 a dit avoir vu la Volvo noir rouler devant l’auto‐patrouille de l’AI et le conducteur de la Volvo empruntant la voie réservée aux virages à gauche pour dépasser d’autres véhicules, roulant à une vitesse d’au moins 80 km/h et zigzaguant entre la voie pour tourner à gauche et la voie de service. La TC no 4 a observé que l’AI se trouvait à environ une longueur de voiture derrière le véhicule du TC no 1 lorsque l’équipement d’urgence de l’auto‐patrouille a été activé, puis désactivé. La TC no 4 a de nouveau regardé peu après dans son rétroviseur l’intersection des chemins Rymal Est et Terryberry/Whitedeer et elle a observé que l’AI avait réactivé son système de feux d’urgence à cet endroit.

Le TC no 3, un automobiliste circulant en sens inverse du véhicule de la plaignante sur l’intersection des chemins Rymal Est et Terryberry/Whitedeer a vu la Volvo du TC no 1 rouler à grande vitesse sur le chemin Rymal Est, à l’est de l’endroit où il se trouvait, et s’approcher de l’intersection; le TC no 3 n’a pas vu de véhicule de police à ce moment‐là. Le TC no 3 a observé le véhicule de la plaignante s‘engager dans l’intersection et amorcer un virage à gauche sur le chemin Rymal Est au moment où la Volvo franchissait l’intersection et entrait en collision avec le véhicule de la plaignante. Le TC no 3 a ensuite vu le TC no 1 sortir de son véhicule et fuir les lieux de l’accident.

Ce témoignage concorde avec celui du TC no 5 qui, alors qu’il circulait en direction ouest sur le chemin Rymal Est, s’apprêtant à s’arrêter au feu rouge de l’intersection avec le chemin Terryberry/Whitedeer, a vu la Volvo noire le dépasser rapidement. Il a déclaré que la Volvo roulait tellement vite qu’elle a fait secouer son véhicule en le dépassant. Le TC no 5 a ensuite vu la Volvo s’engager dans l’intersection et entrer en collision avec l’automobile de la plaignante, alors que le TC no 1 sortait de son véhicule et prenait la fuite.

Les données provenant de l’auto‐patrouille de l’AI ont confirmé qu’à 12 h 48 m 38 s l’AI roulait en direction sud, sur la promenade Upper Centennial, à une vitesse de 46 km/h, juste avant de tourner en direction ouest sur le chemin Rymal Est, et qu’il a ensuite ramené sa vitesse à 35 km/h; tandis qu’il continuait de rouler sur le chemin Rymal Est, il a d’abord accru sa vitesse à 49 km/h, puis à 57 km/h. En s’approchant de l’intersection des chemins Rymal Est et Terryberry/Whitedeer, l’AI a diminué sa vitesse à 29 km/h à 12 h 49 m 19 s, avant de s’immobiliser complètement.

À la lumière de l’ensemble de la preuve, il semble que l’AI ait observé un véhicule automobile circulant avec une plaque d’immatriculation non valide et ait activé ses feux d’urgence et la sirène de son auto‐patrouille dans le but d’effectuer un contrôle routier du véhicule pour une infraction au Code de la route. Cependant, le TC no 1 a alors commencé à conduire de façon erratique, a accéléré à une vitesse bien supérieure à la limite affichée et n’arrêtait pas d’emprunter la voie réservée aux virages à gauche pour dépasser d’autres automobilistes dans ce qui semblait être une tentative d’échapper à la police. Les gyrophares de l’auto‐patrouille, selon des témoins civils, n’ont été activés que pendant une très courte période, l’un des témoins ayant estimé que ce ne fut pas plus que de 10 à 15 secondes, puis ont immédiatement été désactivés dès que le TC no 1 s’est engagé sur la voie des virages à gauche pour dépasser d’autres automobiles. D’après l’ensemble de la preuve, il semble que l’AI ait décidé d’abandonner sa tentative d’effectuer un contrôle routier, ait désactivé ses feux d’urgence et soit demeuré dans la voie de circulation appropriée alors que le TC no 1 accélérait et n’arrêtait pas de sortir de la voie normale de circulation pour dépasser d’autres automobilistes; l’AI, tout en continuant de se déplacer dans la même direction que la Volvo, roulait à une vitesse bien inférieure et, selon les témoins civils, n’était pas en vue au moment de la collision et n’a été vu que quelques instants plus tard, en train de s’approcher lentement. La preuve établit par ailleurs que l’AI est arrivé sur les lieux de la collision, qu’il a constaté que la Volvo et l’automobile de la plaignante avaient subi des dommages à la suite de la collision et qu’il s’est arrêté pour porter assistance à la plaignante et au TC no 2.

Il est clair, au vu de l’ensemble de la preuve, qu’au moment où l’AI a observé une première fois l’automobile conduite par le TC no 1, cette voiture circulait sans plaque d’immatriculation valide, de sorte que l’AI était légalement fondé à effectuer un contrôle routier et à enquêter sur une éventuelle infraction au Code de la route commise par le conducteur de la Volvo.

Je note que, dans sa déclaration écrite, l’AI indique qu’il n’était pas à la poursuite d’un véhicule au moment de la collision lors de laquelle la plaignante a subi des blessures, pas plus qu’il n’était en mode de poursuite immédiatement avant la collision, ayant abandonné ses efforts d’appréhender le TC no 1, peu après avoir initialement activé son équipement d’urgence et tenté d’intercepter le véhicule automobile du TC no 1. Son récit est entièrement corroboré par les quatre témoins civils, qui ont observé soit la tentative de contrôle routier soit la collision subséquente. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est clair que, bien que l’AI ait initialement tenté d’immobiliser le véhicule du TC no 1, ce qu’il était légalement autorisé à faire, à aucun moment il n’a raccourci l’écart entre son auto‐patrouille et la Volvo du TC no 1 et que, après que le TC no 1 se fut engagé dans la voie réservée aux virages à gauche afin de dépasser d’autres automobilistes circulant sur la route, il a désactivé son équipement d’urgence et a apparemment perdu de vue la Volvo. Il ressort clairement du témoignage de deux des témoins civils que, quelques secondes après avoir activé son équipement d’urgence, l’AI l’a désactivé et a laissé s’éloigner le TC no 1. Entre le point où l’AI a tenté une première fois de procéder à un contrôle routier et le point où l’AI a désactivé son équipement d’urgence et s’est replacé dans la voie normale de circulation, la distance parcourue n’a pas été de plus de 170 à 290 mètres selon l’estimation des témoins. Entre le moment où l’équipement d’urgence a été désactivé et le moment de la collision du TC no 1, ce dernier avait parcouru environ 750 mètres de plus. Par conséquent, je ne peux trouver aucun lien de causalité entre la conduite de l’auto‐patrouille par l’AI et les blessures subies par la plaignante, lesquelles sont uniquement imputables à la conduite dangereuse de la Volvo par le TC no 1.

Il vaut de souligner que l’AI s’est entièrement conformé aux dispositions du Règlement de l’Ontario 266/10 (pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario), intitulé Poursuites visant l’appréhension de suspects, en ce que, quelques secondes après avoir tenté de procéder à un contrôle routier du véhicule du TC no 1, il a abandonné ses efforts, a désactivé son équipement d’urgence et a laissé le TC no 1 accélérer sans intervenir. On peut déduire de cette preuve que l’AI s’est alors demandé si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord d’un véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emportait sur le risque que pouvait présenter la poursuite pour la sécurité publique, et qu’il a déterminé que ce n’était pas le cas.

La dernière question à trancher est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI, dans sa tentative de stopper le véhicule du TC no 1, a commis une infraction criminelle, notamment si, en conduisant son auto‐patrouille, il a élevé le niveau de danger et, par conséquent, a contrevenu au paragraphe 249(1) du Code criminel.

C’est l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, qui établit le droit applicable concernant l’article 249 en ce qu’il faut que « la conduite soit dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et qu’elle doit être telle qu’elle constitue « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation de l’accusé ».

Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que l’AI, en conduisant son auto‐patrouille, a créé un danger pour les autres usagers de la route ou qu’il a, à quel que moment que ce soit, perturbé la circulation; l’AI a utilisé son équipement d’urgence avec prudence, activant initialement son équipement d’urgence pour tenter d’immobiliser le véhicule du plaignant, mais désactivant immédiatement son équipement lorsqu’il lui est clairement apparu que le TC no 1 ne s’arrêterait pas; les conditions météorologiques étaient bonnes et les chaussées étaient sèches[5]. De plus, la preuve établit que l’AI n’a rien fait pour exacerber la conduite dangereuse de la Volvo; il est clair que le TC no 1 a continué de faire de la vitesse, en conduisant de façon erratique, et a brûlé le feu rouge à l’intersection des chemins Rymal Est et Terryberry/Whitedeer longtemps après que l’AI eut désactivé ses feux d’urgence et abandonné toute tentative d’immobiliser le TC no 1. À la lumière de cette preuve, il est clair que le TC no 1 avait volontairement décidé de conduire ainsi son véhicule pour échapper à la police et qu’il a continué de le faire lorsque l’agent a essayé de le stopper, de même qu’après que l’agent eut abandonné son intention de l’intercepter afin de protéger la sécurité publique et qu’il eut perdu de vue la Volvo.

En conséquence, je conclus que les éléments de preuve relatifs à la conduite de l’auto‐patrouille par l’AI ne permettent pas de conclure que le niveau de conduite requis a été haussé au point de représenter « un écart marqué par rapport à la norme » et que, comme je l’ai indiqué plus haut, il n’y a aucune preuve permettant d’établir l’existence d’un lien causal entre les actions de l’AI et la collision que le TC no 1 a causée en franchissant l’intersection. En fait, à l’examen de la preuve dans son intégralité, il est clair que non seulement l’AI est intervenu en pleine conformité avec le Code criminel, le Code de la route et la Loi sur les services policiers de l’Ontario, mais qu’il s’est aussi comporté en tout temps de façon professionnelle, avec prudence et en faisant preuve de jugement, de sorte que je ne vois absolument aucun motif, ici, de déposer des accusations au criminel.

Date : le 28 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] À cette intersection, le chemin Terryberry part du chemin Rymal en direction sud et le chemin Whitedeer part du chemin Rymal en direction nord. [Retour au texte]
  • 2) [2] Le 2 février 2017, à 13 h 50, les enquêteurs de l’UES ont rencontré le TC no 1, qui était en détention. Il n’a pas fait de déclaration. [Retour au texte]
  • 3) [3] Le SPH a questionné la TC no 4 et le TC no 5 et leurs dépositions ont été fournies à l’UES. [Retour au texte]
  • 4) [4] Les notes de l’AT no 3 indiquent qu’il est arrivé sur la scène de l’incident après la collision pour transporter l’AI au poste. L’AT no 3 et l’AI n’ont pas discuté des détails de l’incident. [Retour au texte]
  • 5) [5] Toutefois, dans sa déposition au SPH, la TC no 4 a par contre indiqué que les routes étaient humides et recouvertes de neige fondante et que la circulation était soutenue. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.