Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVI-292

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par une femme de 18 ans lors d’un accident de la route tôt le matin du 25 novembre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 25 novembre 2016, à 5 h 24, la Police régionale de York (YRP) a signalé la blessure subie par la plaignante à la suite d’une collision impliquant un véhicule à moteur.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Nombre de spécialistes de la reconstitution de collisions de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié, recueilli et préservé des éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignante :

Entretien avec la femme âgée de 18 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

De plus, les notes d’un autre agent non désigné ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Juste après minuit le 24 novembre 2016, le TC conduisait une Audi, et la plaignante était sa passagère. L’AI et l’AT no 1 ont observé le TC roulant à une vitesse élevée. Les agents ont activé la caméra dans leur véhicule et ont suivi le TC. Ils ont vu qu’il tenait un appareil portatif à la main. Lorsque l’AT no 1 a donné un signal au TC lui demandant de s’arrêter en bordure de la chaussée, le TC a accéléré.

L’AI a activé les feux d’urgence de la voiture de patrouille. Le TC a tourné dans le stationnement d’un centre commercial, a éteint le moteur et a commencé à jeter des objets de la fenêtre du côté du conducteur. Par la suite, on a découvert qu’il s’agissait d’une canette de bière et d’une petite quantité de cocaïne. Puis, le TC a accéléré et a fait le tour du centre commercial et en est sorti à l’extrémité ouest, manœuvre durant laquelle il est presque entré en collision avec une autre voiture.

L’AT no 1 a activé la sirène de la voiture de patrouille, mais le TC est passé par un panneau d’arrêt sans s’arrêter et a disparu dans un lotissement. L’AI et l’AT no 1 ont éteint leur équipement d’urgence et se sont garés en attendant que l’Audi réapparaisse. Ils ont vu le TC sortir du lotissement et l’ont suivi à une distance de 300 à 400 mètres. À ce moment‐là, ils n’avaient pas pris en chasse le TC et n’avaient pas allumé leurs feux d’urgence.

Le TC s’est dirigé sur l’autoroute 407 dans la direction est et roulait à environ 125 km/h. Puis, il est sorti au chemin Weston et a brûlé un feu rouge sur le chemin Weston. Le TC a accéléré, a traversé le terre‐plein central et s’est retrouvé dans les voies en direction nord et a percuté un arbre qui se trouvait du côté est du chemin Weston.

Le TC a fui les lieux de l’incident. La plaignante était coincée dans le siège passager avant. Des pompiers l’ont extraite et elle a été amenée à l’hôpital. La plaignante avait une fracture à la cheville gauche.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène de la collision était un boulevard bordé d’herbe entre le côté est du chemin Weston et le stationnement d’un immeuble de bureaux situé au 7050, chemin Weston.

Ce secteur du chemin Weston entre l’avenue Steeles et la promenade Aviva Park est une chaussée asphaltée à deux voies pour la circulation en direction nord et à deux voies plus une voie de virage à gauche au chemin Old Weston, pour la circulation en direction sud. La limite de vitesse affichée est de 60 km/h et les marques sur la chaussée étaient en bon état au moment de la collision. Un îlot central surélevé sépare les voies nord et sud au nord de l’intersection du chemin Old Weston. À l’endroit où a commencé cette collision, le chemin Weston présente un virage descendant vers la droite lorsqu’on se dirige vers le sud.

Il y a eu de multiples impacts durant la collision. On a établi que le premier lieu d’impact était l’extrémité nord de l’îlot central du côté nord de l’intersection du chemin Weston et du chemin Old Weston, où l’Audi est passée sur l’îlot en se dirigeant vers le sud. Le véhicule a heurté et détaché à la base un panneau de danger noir et jaune à l’extrémité nord de l’îlot central.

Le deuxième impact a été établi comme s’étant produit du côté est du chemin Weston juste au sud de l’intersection quand l’Audi est montée sur la bordure est et a heurté de côté un petit arbre planté le long du boulevard et puis un deuxième petit arbre, le déracinant.

Le troisième lieu d’impact a été déterminé comme étant un arbre se trouvant au milieu d’une ligne de buissons et d’arbres de taille plus importante du côté est du trottoir et sur la limite de propriété entre le chemin Weston et l’immeuble de bureaux situé au 7050, chemin Weston. L’Audi a déraciné le gros arbre et s’est arrêtée contre un autre arbre de grande taille.

Schéma des lieux

Scene diagram

Témoignage d’expert

Rapport de reconstitution des collisions

D’après le rapport de reconstitution des collisions, le trajet de l’Audi dans le virage était celui d’un véhicule ayant dépassé la vitesse de courbe critique (VCC>)[1] de la route, dans les circonstances. On a calculé la VCC> en intégrant les données provenant de la scène des collisions à une formule de reconstitution des collisions. La formule a révélé que la VCC> était de 123 km/h, ce qui signifie que la vitesse de l’Audi était supérieure à 123 km/h lorsque le conducteur a perdu le contrôle sur le chemin Weston.

Preuves médicolégales

Données de localisation automatique du véhicule (LAV) provenant de la voiture de patrouille de l’AI

À 0 h 20 m 16 s :

  • La caméra à bord de la voiture de patrouille est activée lorsque les agents voient le TC conduire une Audi de façon imprévisible dans la direction est sur l’autoroute 7. Vitesse selon le système LAV : 93 km/h. (Limite de vitesse affichée : 60 km/h)
  • Voiture de patrouille se dirigeant sur l’autoroute 7 et s’approchant du chemin Weston : vitesse selon le système LAV : 95 km/h. ((Limite de vitesse affichée : 60 km/h)
  • Voiture de patrouille sur le boulevard Tall Grass : vitesse selon le système LAV : 34 km/h. (Limite de vitesse affichée : 40 km/h)
  • Voiture de police se dirigeant vers le sud sur la promenade Pine Valley : vitesse selon le système LAV : 87 km/h. (Limite de vitesse affichée : 40/km/h)
  • Voiture de patrouille sur la promenade Pine Valley à la rampe d’accès de l’autoroute 407 : vitesse selon le système LAV : 95 km/h. (Limite de vitesse affichée : 40 km/h)
  • Voiture de patrouille se dirigeant vers l’est sur l’autoroute 407 près de la rampe de sortie du chemin Weston : vitesse selon le système LAV :132 km/h. (Limite de vitesse affichée : 100 km/h)
  • Voiture de patrouille quittant l’autoroute 407 en empruntant la rampe de sortie au chemin Weston : vitesse selon le système LAV : 100 km/h
  • Voiture de patrouille se dirigeant vers le sud sur le chemin Weston : vitesse selon le système LAV : 82 km/h. (Limite de vitesse affichée : 50 km/h)
  • Voiture de patrouille se dirigeant vers le sud sur le chemin Weston et s’approchant de la scène des collisions : vitesse selon le système LAV : 88 km/h

0 h 27 m 50 s : on voit le TC s’enfuir de la scène de la collision.

Durée de la prise en chasse et poursuite stratégique : 7 minutes au minimum.

Itinéraire de la prise en chasse et de la poursuite stratégique :

  • Direction est sur l’autoroute 7
  • Direction sud sur la promenade Pine Valley
  • Direction est sur le boulevard Tall Grass
  • Direction ouest sur le boulevard Tall Grass (le boulevard Tall Grass fait une boucle dans un sens et puis dans l’autre)
  • Direction sud sur la promenade Pine Valley
  • Direction est sur l’autoroute 407
  • Direction sud sur le chemin Weston jusqu’à la scène des collisions

Preuve vidéo/audio/photographique

Vidéo prise par la caméra dans le véhicule

Les voitures de patrouille de la Police régionale de York (PRY) sont équipées de caméras. On a examiné les vidéos enregistrées par les caméras dans les voitures de patrouille en cause et un rapport a été soumis en ce qui concernait la voiture de patrouille occupée par l’AI et l’AT no 1. Les autres voitures de patrouille en cause sont arrivées après la collision, et leurs vidéos ne présentaient aucune valeur probante.

La caméra de l’AI et de l’AT no 1 a été activée à 0 h 12 m 20 s et montre l’Audi se dirigeant sur l’autoroute 7 à l’avenue Islington. La circulation est dense, et il pleut légèrement.

Les agents suivent l’Audi sur une distance considérable jusqu’à ce qu’elle s’arrête en bordure de la rue dans une zone résidentielle. Les agents allument les feux d’urgence de leur voiture de patrouille et se placent du côté du conducteur de l’Audi. L’Audi bondit immédiatement vers l’avant et tourne dans le stationnement d’un centre commercial. L’AI et l’AT no 1 entrent dans le chemin qui longe l’aire de stationnement et perdent de vue l’Audi. Les feux d’urgence sont toujours activés.

On voit l’Audi quitter le stationnement à une vitesse élevée, et elle manque de justesse une autre voiture et quitte les lieux en accélérant. La sirène de la voiture de patrouille est activée pendant six secondes avant que tout l’équipement d’urgence soit éteint et que l’Audi disparaisse dans un lotissement.

On voit les feux arrière d’un véhicule [dont on croit qu’il s’agit de l’Audi] quitter le lotissement, et la voiture de patrouille suit à une distance qui ne permet pas de voir l’Audi. La voiture de police se rend sur l’autoroute 407 en direction est et quitte l’autoroute au chemin Weston. L’Audi réapparaît à ce moment-là et brûle un feu rouge avant de tourner vers le sud sur le chemin Weston. Vingt‐sept secondes plus tard, on voit l’Audi traverser le terre‐plein au centre et se retrouver dans les voies en direction nord.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRY les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Relevé des appels
  • Résumés détaillés des appels
  • Registre de divulgation
  • Notes – agent non désigné
  • Notes des AT nos 1, 2 et 3
  • Procédure – prises en chasse visant l’appréhension de suspects

Dispositions législatives pertinentes

Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; […]

Paragraphe 249(3) du Code criminel - Conduite dangereuse causant ainsi des lésions corporelles

249 (3) Quiconque commet une infraction prévue au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Article 219 du Code criminel - Négligence criminelle

  • Est coupable de négligence criminelle quiconque :
    1. soit en faisant quelque chose
    2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

Article 221 du Code criminel - Causer des lésions corporelles par négligence

220 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du Directeur

Le 24 novembre 2016, vers 0 h 20 et par la suite, l’AI et l’AT no 1 ont observé un véhicule à moteur conduit par le TC contrevenir à diverses dispositions du Code de la route et ont tenté d’immobiliser ce véhicule. Le TC ne s’est par arrêté et au lieu de cela, a fui à une vitesse élevée. Après avoir quitté l’autoroute 407 et tout se dirigeant vers le sud sur le chemin Weston dans la région de York, le véhicule à moteur du TC a été impliqué dans une collision et sa passagère, la plaignante, est restée coincée dans le véhicule. Après son transport à l’hôpital, on a déterminé qu’elle avait une fracture à la cheville gauche.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je suis convaincu que l’AI et l’AT no 1 ont vu un véhicule à moteur se déplacer à un taux de vitesse excessif et que le conducteur était distrait en raison de l’utilisation d’un dispositif électronique portatif, ce qui a incité l’AI à se placer à côté de l’Audi tandis que l’AT no 1 faisait un signe de la main au TC lui demandant de s’arrêter en bordure de la route. Le TC a commencé à accélérer, et l’AI a activé les feux d’urgence de la voiture de patrouille. Puis, les agents de police ont vu le TC jeter quelques objets hors de son véhicule et presque entrer en collision avec un autre véhicule à moteur au moment de quitter le centre commercial. Sur la foi de cette preuve, il y avait amplement de motifs de croire que le conducteur de l’Audi avait à tout le moins commis plusieurs infractions au Code de la route et, si l’on se fond sur le comportement du conducteur lorsqu’il a jeté des biens de son véhicule, peut-être d’autres infractions, et les policiers n’auraient pas accompli leur devoir s’ils n’avaient pas tenté d’immobiliser et d’examiner le véhicule.

En raison de ces observations, l’AT no 1 a activé la sirène de sa voiture de patrouille, mais dès que le TC a omis de s’arrêter à un panneau d’arrêt et a disparu dans un lotissement, tout l’équipement d’urgence a été désactivé et les agents de police se sont arrêtés et ont attendu de voir si le TC reviendrait. La vidéo prise par la caméra dans le véhicule révèle que la sirène a été activée pendant seulement six secondes, avant que tout l’équipement d’urgence soit désactivé.

Il ressort clairement du témoignage de la plaignante et du TC qu’ils savaient qu’un véhicule de police avait tenté d’immobiliser leur véhicule et que le TC avait consciemment décidé de fuir dans l’espoir d’échapper à la police. L’affirmation faite par l’AT no 1 que les agents avaient alors ralenti et avaient « suivi stratégiquement » le véhicule, sans jamais le prendre en chasse, est confirmée non seulement par l’enregistrement des communications et la caméra dans le véhicule de patrouille, mais également par la plaignante et le TC.

J’estime que l’AI et l’AT no 1 avaient des motifs raisonnables de tenter d’arrêter l’Audi noire et d’enquêter, en raison d’un certain nombre d’infractions au Code de la route et que le TC a activement tenté d’échapper aux agents de police. Je conclus cependant qu’une fois que l’Audi a accéléré rapidement et est entrée dans un lotissement résidentiel, l’AI n’a pas entamé une prise en chasse. Il se peut qu’il s’agisse simplement d’une question de sémantique, mais j’estime que, bien que les policiers aient suivi l’Audi à une vitesse supérieure à la limite de vitesse permise, ils ont roulé à une vitesse qui était nettement inférieure à celle de l’Audi, qu’ils ne pouvaient plus voir l’Audi et qu’ils ne pourchassaient pas activement l’Audi dans une tentative de l’immobiliser après l’activation initiale de la sirène pendant six secondes et l’utilisation des feux d’urgence. Je suis d’avis que cette interprétation des événements est confirmée par les deux témoins civils ainsi que par la vidéo prise par la caméra dans le véhicule de patrouille et les enregistrements des communications.

En réalité, non seulement l’AI n’a pas entamé une prise en chasse, mais tant l’AI que l’AT no 1 ont respecté toutes les exigences de la Loi sur les services policiers de l’Ontario en ce sens qu’ils ont informé immédiatement le répartiteur du refus du conducteur de s’arrêter, qu’ils ont continuellement mis le répartiteur au courant en lui transmettant tous les renseignements requis, qu’ils ont ralenti et ont suivi stratégiquement le véhicule, qu’ils ont demandé que d’autres véhicules identifiés viennent leur fournir de l’aide et qu’ils ont formulé un plan de rechange à une prise en chasse, consistant à devancer le véhicule pour le surveiller ainsi.

Les infractions à examiner dans cette affaire incluent une conduite dangereuse causant des lésions corporelles et de la négligence criminelle causant des lésions corporelles en contravention des articles 249 et 221 du Code criminel, respectivement. Pour que ces infractions s’appliquent, la conduite du véhicule doit représenter un écart marqué par rapport à la norme de diligence dans les circonstances.

Selon la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu »; de plus, la conduite doit être telle qu’elle équivaut « à un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ». Pour que l’art. 221 s’applique, il faut qu’il y ait un [traduction] « écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les circonstances » où l’accusé [traduction] « a manifesté un mépris téméraire pour la vie et la sécurité d’autrui » (R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 426 (C. A. de l’Ont.)).

Quand j’examine le dossier devant moi, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que la façon de conduire de l’AI a créé un danger pour les autres utilisateurs de la chaussée. À aucun moment n’a‐t‐il gêné d’autres véhicules, les conditions environnementales étaient raisonnables et il s’est servi de son équipement d’urgence avec prudence, ayant activé les feux sur le toit et sa sirène pendant seulement quelques secondes, avant de les désactiver dans l’intérêt de la sécurité publique; il a également maintenu une distance considérable à tout moment pendant qu’il suivait l’Audi, comme le montrent les images captées par la caméra dans la voiture de patrouille. L’agent de police n’a rien fait pour exacerber la conduite dangereuse du conducteur de l’Audi.

En fin de compte, je conclus que le TC a malheureusement décidé de tenter de fuir la police et, ce faisant, a roulé à une vitesse dangereuse et a continué de le faire sans tenir compte des autres personnes utilisant la route. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que le TC a décidé de négocier un virage à une vitesse estimée à plus de 123 km/h dans une zone où la limite de vitesse est de 50 km/h et qu’il a ensuite perdu le contrôle de son véhicule tout en essayant de s’échapper.

Me fondant sur ces éléments de preuve, je conclus que la conduite des agents de police en cause dans leur tentative d’arrêter le TC ne constitue pas le genre de conduite correspondant à « un écart marqué de la norme » et encore moins à « un écart marqué et important de la norme » et je ne parviens à trouver aucune raison m’amenant à croire qu’il y a un lien de causalité entre les actions des policiers qui suivaient stratégiquement le TC et la collision du véhicule à moteur qui a causé la blessure subie par la plaignante. Par conséquent, je conclus aussi qu’il n’y a aucune raison de conclure qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise et qu’il n’y a aucune raison de porter des accusations en l’espèce.

En dernière analyse, je suis convaincu, à la lecture de ce dossier, que l’AI et l’AT no 1 agissaient légalement lorsqu’ils ont tenté d’immobiliser l’Audi pour enquêter sur un certain nombre d’infractions évidentes au Code de la route et que leur conduite subséquente s’inscrivait dans les limites de la prudence exigée par le droit criminel. Non seulement ont‐ils entièrement suivi la lettre de la loi en ce qui concerne les prises en chasse visant l’appréhension de suspects, mais ils ont scrupuleusement respecté l’esprit de la loi. Par conséquent, il n’y a aucun motif de porter des accusations contre ces agents de police.

Date : 30 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] La vitesse de courbe critique (VCC>) est la vitesse au‑delà de laquelle un véhicule ne pourra maintenir sa traction sur la surface de la route et commencera à sortir de la courbe. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.