Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TVI-109

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 28 ans lors d’une collision impliquant un véhicule automobile le 12 mai 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 mai 2017, à 2 h 05, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant lors d’un accident de la route.

Le SPT a signalé que le 12 mai 2017, vers 23 h 47, des agents de police dans une voiture de patrouille ont vu le plaignant conduire un véhicule sans ses phares allumés se dirigeant vers l’est sur l’avenue McNicoll à partir du Chemin Markham. Les agents de police ont placé leur véhicule derrière celui du plaignant et ont allumé leur équipement d’urgence pour que le plaignant se range au bord de la route. Puis, le plaignant a accéléré et est tourné vers le sud sur l’avenue Morningside. À ce moment‐là, les agents de police ont reçu l’ordre de mettre fin à la poursuite, ce qu’ils auraient fait. Les agents de police ont continué à rouler sur l’avenue Morningside et quelques instants plus tard, ont entendu un appel radio signalant une collision durant laquelle un véhicule automobile aurait percuté une résidence dans le secteur de l’avenue Morningside et du chemin Staines.

Les agents de police se sont rendus à l’endroit de la collision et à leur arrivée, ont réalisé que le véhicule impliqué dans la collision était celui qu’ils avaient essayé d’immobiliser plus tôt. Le plaignant s’était enfui à pied et, après une courte poursuite à pied, a été mis en état d’arrestation.

À ce moment‐là, les agents de police se sont rendu compte que le plaignant était blessé et ils l’ont transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture à la cheville droite.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Nombre de spécialistes en reconstitution des collisions de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Homme de 28 ans, interrogé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Peu avant minuit le 12 mai 2017, le plaignant conduisait une Nissan louée dans le secteur des avenues McNicoll et Morningside. À l’époque, l’AI et l’AT no 3 se trouvaient à bord d’une voiture de patrouille identifiée du SPT, dans le stationnement d’un centre commercial sur l’avenue McNicoll. Ils ont remarqué que la Nissan se déplaçait à haute vitesse avec les feux arrière éteints, de sorte que l’AI a suivi le véhicule et a tenté de l’immobiliser en raison d’infractions au Code de la route. La Nissan est partie à toute vitesse, dans la direction sud sur l’avenue Morningside. L’AI a perdu de vue le véhicule.

Quand le plaignant a tenté de tourner à gauche sur le chemin Staines à partir de l’avenue Morningside à grande vitesse, il a perdu la maîtrise de la Nissan. Le véhicule a quitté la chaussée, a traversé une clôture et a heurté une résidence. Lorsque les agents sont arrivés sur les lieux, le plaignant était sorti de la Nissan; il a été retrouvé dans la cour arrière d’une maison à proximité.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital par ambulance, et selon le diagnostic, avait une fracture comminutive à l’extrémité du péroné droit (cheville fracturée).

Preuve

Les lieux de l’incident

L’avenue Morningside est une rue qui se dirige principalement dans la direction est‐ouest et où il y a une intersection où l’on trouve d’un côté le chemin Staines, vers le nord, et de l’autre, l’avenue Finch, vers le sud. Cette intersection est contrôlée par des feux de circulation, dont il a été déterminé qu’ils fonctionnaient correctement. La rue est éclairée à cet endroit. La chaussée était de niveau, sèche et en bon état. Les marques sur la chaussée étaient visibles. Il y avait des véhicules dans le coin nord‐est de l’intersection.

Véhicule no 1

Une Nissan faisait face au nord et était entrée en collision avec le bâtiment. L’entièreté du véhicule avait subi des dégâts importants. Les sacs gonflables avaient été déployés. Les marques de pneus commençaient à l’ouest de l’intersection et se dirigeaient vers l’est, en courbant vers la gauche et en se terminant à l’endroit où la Nissan avait fini par se reposer contre une maison.

Véhicule no 2

Une voiture de police entièrement identifiée, soit une Ford Crown Victoria, équipée de feux d’urgence et d’une sirène, dont il a été déterminé qu’ils fonctionnaient au moment de l’examen, était stationnée à l’est de l’intersection dans les voies ouest de l’avenue Morningside. La voiture de patrouille faisait face au nord‐ouest. La voiture de patrouille ne comportait aucun dégât qui aurait été causé par une collision.

Résumé de l’itinéraire

Le trajet de la voiture de patrouille de l’AI avait commencé près de l’intersection du chemin Markham et de l’avenue McNicoll. La voiture de patrouille de l’AI s’est dirigée vers l’est sur l’avenue McNicoll et a tourné à gauche sur l’avenue Morningside; puis, elle a continué vers le sud sur l’avenue Morningside au‐delà du chemin Staines. La distance parcourue était de 2,4 kilomètres.

Il n’y avait pas de panneaux de limite de vitesse dans la direction est, de l’avenue McNicoll jusqu’à l’avenue Morningside. La limite de vitesse indiquée dans la direction sud sur l’avenue Morningside était de 60 km/h (le panneau de limite de vitesse se trouvait immédiatement après le point d’accès à l’avenue Morningside). Un panneau de limite de vitesse de 60 km/h se trouvait au sud du chemin Neilson.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve médico-légaux

Sommaire des données du système mondial de localisation (GPS)

Le 13 mai 2017, à 23 h 36 m 48 s, la vitesse de la voiture de patrouille de l’AI était de 0 km/h. Elle était immobile à l’arrière d’un centre commercial sur l’avenue McNicoll.

Entre 23 h 40 m 18 s et 23 h 40 m 34 s, sa vitesse est passée de 101,3 km/h (en direction sud sur l’avenue Morningside à la promenade Legends, à quelque 900 mètres au nord‐ouest du chemin Staines) à 133 km/h (direction sud sur l’avenue Morningside à l’avenue Bobolink, à environ 357 mètres au nord‐ouest du chemin Staines).

Entre 23 h 40 m 39 s et 23 h 40 m 52 s, la vitesse est tombée de 112 km/h (vers l’est sur l’avenue Morningside, à environ 175 mètres au nord‐ouest du chemin Staines) à 65,9 km/h (direction est sur l’avenue Morningside, à environ 80 mètres à l’est du chemin Staines).

À 23 h 41 m 09 s, la voiture de patrouille de l’AI se déplaçait à 40,2 km/h (direction sud sur l’avenue Morningside à l’avenue Old Finch, à quelque 480 mètres au sud‐est du chemin Staines).

Témoignage d’expert

Conclusions du spécialiste en reconstitution des collisions de l’UES

Le 12 mai 2017, vers 23 h 37, le plaignant conduisait une Nissan vers l’est sur l’avenue Morningside à grande vitesse. La limite de vitesse affichée sur l’avenue Morningside est de 60 km/h. L’AI était au volant d’une voiture de patrouille identifiée du SPT et poursuivait le plaignant.

Le plaignant s’est approché du chemin Staines en roulant à 126 km/h dans la voie qui sépare la voie de virage à gauche vers l’est de la voie de dépassement en direction est. Dans l’intersection, le plaignant a appuyé continuellement sur ses freins et a ralenti tout en faisant un virage sec vers la gauche, mais il se déplaçait toujours trop rapidement pour bien négocier le virage.

La Nissan est montée sur le trottoir nord de l‘avenue Morningside et s’est dirigée vers le nord et a traversé une clôture en bois. Le véhicule a poursuivi sa course sur 5,2 mètres à une vitesse de 45 km/h. Le coin avant gauche du véhicule est entré en collision avec le mur en briques du côté sud et les conduits de gaz naturel d’une résidence sur l’avenue Morningside, ce qui a eu pour effet de faire tourner légèrement la Nissan vers l’ouest et de la faire reculer dans cette direction contre une clôture avant de s’immobiliser.

La voiture de patrouille de l’AI se déplaçait à une vitesse moyenne de 97 km/h, comprenant l’accélération et la décélération, de l’avenue McNicoll jusqu’au chemin Staines sur l’avenue Morningside, alors qu’elle poursuivait la Nissan. La sirène n’était pas activée, mais les feux d’urgence l’étaient.

La voiture de patrouille de l’AI se déplaçait en direction est sur l’avenue Morningside, et est passée près de la scène de la collision peu après qu’elle s’était produite.

Environ cinq minutes après la collision, la voiture de patrouille de l’AI est revenue sur les lieux de l’accident, en se déplaçant vers l’ouest sur l’avenue Morningside. La voiture de patrouille de l’AI s’est arrêtée et s’est garée au milieu des voies ouest de l’avenue Morningside, juste à l’est de la scène de la collision.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a inspecté les alentours pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques. L’UES a obtenu des enregistrements de télévisions en circuit fermé (TVCF) d’une station à essence et d’un Tim Horton’s à proximité, ainsi que de deux autobus de la Commission de transport de Toronto (TTC) et de quatre résidences dans les environs. Le SPT a également fourni des enregistrements vidéo provenant des caméras dans la voiture de patrouille conduite par l’AI (l’AT no 3 était son passager) et dans la voiture de patrouille utilisée par l’AT no 5 et l’AT no 7.

Résumé de la vidéo de la TTC

Un autobus de la TTC se déplaçait vers le nord sur l’avenue Morningside et s’est rangé dans la voie de bordure au coin sud‐est de l’avenue Morningside et du chemin Staines.

On peut voir le véhicule conduit par le plaignant se déplacer à haute vitesse du nord‐ouest vers le sud‐est dans l’intersection, passer à côté de l’autobus arrêté, monter sur le trottoir, et puis poursuivre son chemin vers le sud‐est hors du plan de la caméra.

Résumé des séquences provenant d’une résidence sur Polarlights Way

On voit l’autobus de la TTC qui se dirige vers le nord sur l’avenue Morningside. Un véhicule [dont on croit qu’il s’agit de la Nissan impliquée dans la collision] se déplace vers le sud sur l’avenue Morningside à grande vitesse, et dépasse un véhicule de couleur blanche. Puis, on voit une voiture de patrouille de la police se déplacer vers le sud sur l’avenue Morningside, avec les feux d’urgence allumés.

Résumé des séquences provenant de Tim Horton’s

Le Tim Horton’s est situé dans un centre commercial à l’intersection du chemin Markham et de l’avenue McNicoll. Un véhicule du SPT [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de la voiture de patrouille de l’AI] entre dans la voie d’accès au guichet extérieur et l’agent de police passe une commande et puis se rend au guichet. Ensuite, le véhicule de police repart et disparaît.

Résumé des séquences filmées à des résidences sur l’avenue Flycatcher

L’avenue Flycatcher est parallèle à l’avenue Morningside. Cette partie de l’avenue Morningside est en direction nord/sud. La première vidéo montre un véhicule qui se déplace à haute vitesse et qui est suivi d’une voiture de patrouille de la police, cinq minutes après. La deuxième vidéo montre un véhicule se déplaçant à haute vitesse, suivi d’une voiture de patrouille de la police, six secondes après le premier véhicule. La troisième et dernière vidéo montre un véhicule se déplaçant à grande vitesse, suivi d’une voiture de patrouille de la police, sept secondes plus tard.

Résumé de la vidéo filmée par la caméra dans le véhicule de l’AI

12 mai 2017 – 23 h 38 m 25 s – 23 h 41 m 57 s

À 23 h 38 m 25 s, la caméra dans le véhicule de la police est activée et la vidéo commence à s’enregistrer. La voiture de patrouille de l’AI est immobile dans le stationnement du centre commercial de l’avenue McNicoll. Il y a un panneau d’arrêt pour les véhicules qui quittent le stationnement du centre commercial pour se rendre sur l’avenue McNicoll.

À 23 h 38 m 47 s, on voit la Nissan se diriger vers l’est sur l’avenue McNicoll à grande vitesse. Il semble que les phares du véhicule soient éteints.

À 23 h 38 m 50 s, la voiture de patrouille de l’AI quitte le stationnement du centre commercial et tourne vers la droite et vers l’est sur l’avenue McNicoll. La voiture de patrouille de l’AI ne s’arrête pas ou ne ralentit pas au panneau d’arrêt (les feux d’urgence et les sirènes ne sont pas activés).

À 23 h 38 m 57 s, la voiture de patrouille de l’AI se dirige vers l’est sur l’avenue McNicoll, en roulant pendant approximativement deux secondes sur la ligne solide au centre séparant la circulation vers l’est de celle vers l’ouest.

À 23 h 38 m 59 s, la voiture de patrouille de l’AI se place dans la voie est gauche alors que des véhicules se dirigeant vers l’est s’approchent et puis se place dans la voie est droite, alors qu’elle s’approche d’un VUS noir dans la voie est gauche.

À 23 h 39 m 07 s, la voiture de patrouille de l’AI se rend dans la voie est droite et traverse l’intersection du chemin Tapscott et de l’avenue McNicoll. Le feu de circulation est vert.

À 23 h 39 m 23 s, la voiture de patrouille de l’AI s’approche de la Nissan et active ses feux d’urgence (les sirènes ne sont pas activées). Les agents obtiennent la plaque d’immatriculation de la Nissan (transmise par radio). La Nissan vire dans la voie est droite.

À 23 h 39 m 43 s, tous les véhicules ralentissent alors qu’ils s’approchent de l’avenue Morningside. La voiture de patrouille de l’AI active sa sirène pendant une seconde. La Nissan poursuit sa route, met son clignotant droit et tourne vers la droite sur l’avenue Morningside.

À 23 h 40 m 15 s, la voiture de patrouille de l’AI traverse l’intersection du chemin Neilson et de l’avenue Morningside. Le feu de circulation est vert.

12 mai 2017 - 23 h 46 m 24 s – 23 h 47 m 04 s

À 23 h 46 m 24 s, la vidéo commence et montre la voiture de patrouille de l’AI se diriger vers le nord‐est sur le chemin Sewells. Les feux d’urgence ne sont pas activés.

À 23 h 46 m 46 s, la voiture de patrouille de l’AI s’approche de l’intersection du chemin Sewells et de l’avenue Morningside. Le feu de circulation est rouge.

À 23 h 46 m 55 s, les feux d’urgence et l’audio sont activés. La voiture de patrouille de l’AI traverse lentement l’intersection tandis que le feu est toujours rouge. La voiture de patrouille de l’AI fait entendre sa sirène pendant une seconde, tout en tournant vers la gauche sur l’avenue Morningside, et puis se dirige vers le nord.

À 23 h 47 m 03 s, les feux d’urgence sont désactivés.

Enregistrements des communications

Résumé de l’enregistrement des communications

L’AI a informé le répartiteur qu’un véhicule dont les feux étaient éteints avait fortement accéléré et roulait à grande vitesse en direction sud sur l’avenue Morningside. L’AI a indiqué que le véhicule se déplaçait à 130 km/h et qu’il l’avait vu pour la dernière fois à l’intersection des avenues Morningside et Old Finch. L’AI a informé le répartiteur que lui et son collègue avaient pris en chasse le véhicule pendant une courte période et qu’ensuite ils avaient mis fin à la poursuite.

Le superviseur des communications a parlé avec l’AI par téléphone. L’AI a déclaré qu’il avait essayé d’immobiliser un véhicule, mais que le véhicule avait pris la fuite. L’AI avait mis fin à la poursuite une fois qu’il avait perdu de vue le véhicule. Le superviseur a demandé la raison de la poursuite et l’AI a répondu que c’était en raison d’infractions au Code de la route : conduite avec les feux éteints et taux de vitesse élevé. Le superviseur a rappelé à l’AI qu’il ne pouvait entamer une poursuite pour des infractions au Code de la route. L’AI a répondu qu’il avait essayé d’arrêter le véhicule, mais que le conducteur avait refusé de s’arrêter et qu’il l’avait poursuivi. Il l’avait perdu de vue et avait cessé la poursuite. La poursuite avait duré une vingtaine de secondes et l’AI avait activé son équipement d’urgence.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • données du système de localisation automatisée des véhicules (LAV)
  • enregistrements des communications
  • rapport des détails de l’événement
  • rapport général d’incident
  • registre des terminaux de données mobiles (TDM)
  • TDM – Rapport des messages courants
  • notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7
  • fiche de service et rapport de la fiche de service
  • procédure – poursuites visant l’appréhension de suspects
  • rapport d’interrogation au sujet du véhicule
  • feuille sommaire du Système automatisé de répartition (SAR) – Sommaire de la conversation
  • déclarations supplémentaires de témoin – AT no5
  • déclarations supplémentaires de témoin – AT no6
  • dossier de formation (conduite) – AI
  • vidéos des caméras – voiture de patrouille de l’AI et voiture de patrouille de l’AT no5
  • historique de l’unité – voiture de patrouille de l’AI

Dispositions législatives pertinentes

Articles 1-3, Règlement de l’Ontario 266/10, Loi sur les services policiers – Poursuites visant l’appréhension de suspects

(1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule

(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.

(1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

(1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects

(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.

Articles 219 et 221 du Code criminel - Négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule automobile d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Analyse et décision du directeur

Vers 23 h 47, le 12 mai 2017, l’AI et l’AT no 3 étaient à bord de leur voiture de patrouille qui était stationnée sur la propriété de la station à essence au coin sud‐est de la rue Markham et de l’avenue McNicoll, à Toronto, lorsqu’ils ont observé un véhicule automobile, une Nissan, se déplaçant vers l’est sur l’avenue McNicoll à un taux de vitesse élevé et avec ses phares éteints. L’AI, qui était le conducteur de la voiture de patrouille, a quitté le stationnement et s’est rendu vers l’est à la poursuite du véhicule automobile, mais n’a pas activé ses feux d’urgence à ce moment‐là. L’AT no 3 a activé la caméra dans le véhicule. L’AI avait l’intention d’immobiliser le véhicule et d’enquêter sur le conducteur de celui‐ci en raison d’infractions au Code de la route. L’AI a tenté d’arrêter le véhicule, qui s’est enfui à grande vitesse et qui a fini par quitter la chaussée et est entré en collision avec une maison. Le conducteur du véhicule automobile, désigné ultérieurement comme le plaignant, a été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic, il avait une fracture comminutive au péroné distal droit (cheville fracturée).

Le plaignant n’a pas déclaré avoir vu des véhicules de police derrière lui, ni des feux d’urgence, ou avoir entendu des sirènes, avant la collision, ou qu’un agent de police aurait fait quoi que ce soit pour lui causer du préjudice.

Les dossiers médicaux du plaignant confirment qu’il avait des fractures aux os de la cheville. Une analyse toxicologique a révélé que le taux d’alcoolémie du plaignant était de 49 millimoles/litre ou l’équivalent de 226 milligrammes d’alcool éthylique dans 100 millilitres de sang, soit près de trois fois la limite à laquelle on peut légalement conduire un véhicule automobile au Canada. Ce résultat ne correspond pas à la consommation d’alcool rapportée par le plaignant. Les dossiers médicaux ont qualifié son taux d’alcoolémie de « critique ».

Si l’on se fie à la déclaration du plaignant, si elle est acceptée, il est clair qu’il conduisait la Nissan sans savoir que sa conduite avait attiré l’attention de la police ou que l’AI faisait activement des efforts pour immobiliser son véhicule. Ainsi, il est évident que, du fait que le plaignant n’avait pas conscience de cela, la conduite de son véhicule n’a d’aucune façon été déclenchée, influencée ou exacerbée par les actions de l’AI et que sa conduite était plutôt le résultat direct de sa propre volonté de conduire son véhicule à des vitesses très excessives, en étant sous l’effet d’une quantité illégale d’alcool, que la collision et les graves blessures subies par le plaignant ont été le résultat direct des choix qu’il a faits quant à sa manière de conduire son véhicule et que lui seul est responsable des malheureuses conséquences. En résumé, si l’on se fonde sur la déclaration du plaignant, il n’y a aucune preuve qui puisse de quelque façon que ce soit être interprétée comme établissant un lien causal entre la conduite de la voiture de patrouille de l’AI et les blessures subies par le plaignant. Et bien qu’il puisse sembler étonnant que le plaignant était totalement inconscient de la présence d’agents de police qui le suivaient étant donné l’activation des feux d’urgence sur le toit et de la sirène, ce n’est pas tout à fait impossible, étant donné le grave état d’ivresse du plaignant, comme en ont attesté sa très mauvaise conduite, les efforts qu’il a fait pour quitter le lieu de l’accident avec une cheville gravement fracturée et son taux d’alcoolémie élevé, tel qu’indiqué dans les documents médicaux.

D’après l’enregistrement vidéo provenant de la caméra dans la voiture de patrouille, à 23 h 38 m 25 s, la voiture, conduite par l’AI, était immobile dans le stationnement sur l’avenue McNicoll. At 23 h 38 m 47 s, on voit la Nissan se diriger vers l’est sur l’avenue McNicoll à un taux de vitesse élevé sans que ses phares soient allumés. À 23 h 38 m 50 s, la voiture de patrouille a quitté le stationnement et a tourné à droite sur l’avenue McNicoll; à ce moment‐là, ses feux et ses sirènes n’étaient pas activés. À 23 h 38 m 57 s, la voiture de patrouille a roulé sur la ligne solide au centre séparant la circulation vers l’est et vers l’ouest pendant approximativement deux secondes avant de retourner dans les voies est. À 23 h 39 m 43 s, la voiture de patrouille s’est approchée de la Nissan et a activé ses feux d’urgence (mais non pas sa sirène) et les agents ont pris note de la plaque d’immatriculation et l’ont transmise au répartiteur. À 23 h 39 m 43 s, les deux véhicules ont ralenti alors qu’ils s’approchaient de l’avenue Morningside et la voiture de patrouille a activé sa sirène pendant une seconde alors que la Nissan tournait à droite sur l’avenue Morningside.

Les vidéos provenant de TVCF installés à différents endroits le long du trajet sur l’avenue Morningside confirment que la voiture de patrouille de l’AI poursuivait la Nissan à ce moment‐là. Les TVCF ont filmé la Nissan alors qu’elle se déplaçait sur l’avenue Morningside à grande vitesse et était suivie d’une voiture de patrouille dont les feux d’urgence étaient activés, couvrant une distance de 1,2 km à partir de l’intersection des avenues McNicoll et Morningside, où l’AI avait signalé la tentative échouée d’immobilisation du véhicule et le début évident d’une poursuite policière.

Les données de LAV de la voiture de patrouille de l’AI ont révélé qu’entre 23 h 40 m 18 s et 23 h 40 m 34 s, la voiture de patrouille a accéléré de 101,3 km/h à 133 km/h. Elle se trouvait dans une zone où la limite de vitesse affichée était de 60 km/h. Selon ces mêmes données, entre 23 h 40 m 39 s et 23 h 40 m 52 s, la vitesse de la voiture de patrouille de l’AI est tombée à 112 km/h à environ 175 mètres au nord‐ouest du chemin Staines et puis à 65,9 km/h après qu’elle avait passé le chemin Staines et que le plaignant avait déjà quitté la chaussée et avait heurté le domicile. À 23 h 40 m 43 s, on entend l’AI dire à la radio qu’un véhicule sans ses phares allumés était parti à haute vitesse en direction sud sur l’avenue Morningside. L’AI a indiqué que la vitesse du véhicule était d’environ 130 km/h et qu’il avait vu le véhicule pour la dernière fois à l’intersection des avenues Morningside et Old Finch.

Il est clair lorsqu’on examine la vidéo provenant de la caméra dans le véhicule de police, les données de LAV, les images filmées par les TVCF et les enregistrements des communications que l’AI avait tenté d’arrêter la Nissan à l’intersection des avenues McNicoll et Morningside et avait continué la poursuite jusqu’au secteur où se croisent l’avenue Morningside et l’avenue Finch Est/le chemin Staines et où il avait perdu de vue le véhicule, avant qu’il envoie son premier message au répartiteur à 23 h 40 m 43 s, dans lequel il a précisé que lui et l’AT no 3 avaient perdu de vue le véhicule à l’intersection du chemin Old Finch et de l’avenue Morningside, ce qui était en réalité à 550 mètres au‐delà de l’endroit où la Nissan avait déjà quitté la chaussée et avait heurté la résidence.

À 23 h 41 m 57 s, la caméra dans le voiture de patrouille a été désactivée. Lorsqu’elle a été réactivée à 23 h 46 m 24 s, la voiture de patrouille se dirigeait vers le nord‐est sur le chemin Sewells; les feux d’urgence n’étaient plus activés. À 23 h 43 m 38 s, on entend l’AI dire dans la radio que lui et l’AT no 3 avaient pris en chasse un véhicule pendant une courte période, mais qu’ils avaient mis fin à la poursuite.

Je conclus que l’ensemble des données et éléments de preuve matériels révèle que l’AI et l’AT no 3 étaient en fait toujours à la poursuite de la Nissan quand elle a quitté la chaussée. Du fait qu’ils se trouvaient cependant de l’autre côté du virage dans la route, ils n’ont pas pu voir la voiture quitter la chaussée et ils ont poursuivi leur course dans l’espoir d’appréhender le conducteur. Ce qui appuie cette conclusion, à mon avis, est la transmission par l’AI selon laquelle lui et l’AT no 3 avaient interrompu la poursuite aux alentours du chemin Old Finch et de l’avenue Morningside, soit à un endroit qui se trouvait nettement au-delà de celui où le plaignant avait quitté la chaussée, et le fait que les données de LAV ont révélé qu’à 23 h 40 m 39 s, la voiture de patrouille avait commencé à ralentir et que sa vitesse était tombée d’abord à 112 km/h et puis à 65,9 km/h seulement après que le premier appel au numéro 9‐1‐1 signalant la collision avait déjà été reçu à 23 h 43 m 05 s, bien avant que l’AI a finalement appelé pour indiquer qu’ils avaient entamé une poursuite mais qu’ils avaient perdu de vue le véhicule. Je conclus qu’il s’agit moins d’une situation où l’AI a mis fin volontairement à la poursuite que d’une situation où il n’avait simplement plus de véhicule à poursuivre.

Le Règlement de l’Ontario 266/10 pris en application de la Loi sur les services de police (LSP) de l’Ontario intitulée « Poursuites visant l’appréhension de suspects » décrit les obligations d’un agent de police entamant une poursuite comme suit :

Par. 2 (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues […]

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

La politique de SPT mise en place aux termes de la Loi sur les services policiers de l’Ontario (LSPO) se lit comme suit :

Responsabilité pour l’exécution sécuritaire

La responsabilité pour l’exécution sécuritaire d’une poursuite incombe à l’agent de police individuel, au préposé aux communications - Services des communications, au superviseur des poursuites et à toute autre personne autorisée qui surveille la poursuite.

La politique du SPT oblige également le policier à se conformer à ce qui suit :

[traduction]

Agent de police

  1. Lorsque le conducteur d’un véhicule automobile qui fuit refuse de s’arrêter et qu’une poursuite est entamée, [l’agent de police] doit
  • informer immédiatement le préposé aux communications du refus du conducteur
  • évaluer les facteurs de sécurité publique et mettre à jour constamment le préposé aux communications en lui fournissant
    • la description du véhicule automobile qui fuit, sa vitesse, l’endroit où il se trouve et la direction dans laquelle il se déplace
    • la nature et la gravité de l’infraction
    • la présence de piétons ou de véhicules
    • les conditions routières et météorologiques
    • la façon dont le véhicule automobile qui fuit est conduit
    • tous les autres facteurs ayant un lien avec la sécurité publique
  • activer les feux et la sirène d’urgence, si le véhicule en est équipé
  • activer la caméra dans le véhicule, s’il en est équipé

Lorsque, comme dans la situation décrite ici, l’agent qui a entamé la poursuite n’en a pas informé le préposé aux communications avant d’avoir perdu de vue le véhicule automobile, qui apparemment et sans que les agents en cause en avaient connaissance avait quitté la chaussée et avait été impliqué dans une collision, cela a évidemment comme effet d’éliminer la participation « du préposé aux communications, du superviseur des poursuites et de toute autre personne autorisée qui surveille la poursuite », puisqu’il est clair que personne ne surveille la poursuite.

En me fondant sur l’ensemble de la preuve, j’ai de graves préoccupations quant au comportement de l’AI et de l’AT no 3 pendant qu’ils poursuivaient le véhicule du plaignant, dans une situation où il n’est pas allégué que le plaignant venait de commettre une infraction criminelle, ni qu’une infraction criminelle était sur le point d’être commise, lorsqu’ils avaient identifié le véhicule automobile que conduisait le plaignant et où leur seul but était d’enquêter sur deux infractions au Code de la route dans des circonstances où ces policiers croyaient que cela équivalait à une situation où « afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite […] l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique ». Ni puis‐je comprendre comment la situation aurait pu être évaluée comme justifiant la continuation de la poursuite du véhicule dans une zone résidentielle à plus de deux fois la limite de vitesse affichée, plutôt que la cessation de la poursuite[1]. Fort heureusement, à cette heure de la nuit, il n’y avait pas de piétons dans le secteur et aucun des résidents étaient dans leur cour, car sinon l’issue de cette affaire aurait pu être nettement pire, voire mortelle.

Cela dit, le non-respect de la LSPO ou de la politique du SPT n’équivaut pas à des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise.

Au bout du compte, la question à trancher est de savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle lorsqu’il poursuivait le véhicule automobile du plaignant et plus particulièrement si la conduite était dangereuse à tel point d’être en contravention du paragraphe 249(1) du Code criminel et a ainsi causé des lésions corporelles contraires au paragraphe 249(3), ou s’il s’agissait d’une négligence criminelle contraire à l’article 219 du Code criminel et a ainsi causé des lésions corporelles contraires à l’article 221.

Dans la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 s’applique, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu »; de plus, la conduite doit être telle qu’elle équivaut « à un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ». De plus, pour que l’art. 221 s’applique, il faut qu’il y ait un [traduction] « écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les circonstances » où l’accusé [traduction] « a manifesté un mépris téméraire pour la vie et la sécurité d’autrui » (R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 428 (Cour d’appel de l’Ont.)).

Il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que l’AI se déplaçait à des taux de vitesse excessifs lorsqu’il poursuivait le véhicule automobile du plaignant, et qu’à une occasion, il a conduit sur la ligne solide au centre qui séparait les voies de circulation est et ouest. Je conclus toutefois qu’il n’y a aucune preuve que sa conduite à cette heure de la nuit créait un danger pour les autres utilisateurs de la chaussée ou qu’à un moment ou à un autre, il a gêné la circulation; apparemment, les conditions environnementales étaient bonnes et les routes étaient sèches. De plus, si j’accepte la déclaration du plaignant, il est clair que le taux de vitesse excessif de la voiture de patrouille de l’AI n’a pas semblé exacerber le style de conduite du plaignant, puisqu’il ignorait totalement que la police le poursuivait.

Dans ce dossier, il est établi que le 12 mai 2017, vers 23 h 38, le plaignant conduisait un véhicule automobile à un taux de vitesse excessif, qu’il était sous l’influence d’alcool, que son taux d’alcoolémie était près de trois fois la limite légale et qu’il a perdu le contrôle de son véhicule, qui a quitté la chaussée, a traversé une clôture et a heurté une résidence. En outre, le plaignant n’a pas indiqué qu’il était conscient de la présence de la police pendant qu’il conduisait son véhicule automobile. À la lumière de cette preuve, il est clair que la collision dans laquelle le plaignant a été blessé est entièrement imputable à ses propres actes et se serait produite que l’AI ait tenté ou non d’appréhender le plaignant, vu que la présence de l’AI n’a eu aucun effet sur la conduite du plaignant.

Compte tenu de cette preuve, j’estime que la conduite de l’AI durant sa poursuite et sa tentative d’immobilisation du plaignant ne constituait pas « un écart marqué par rapport à la norme » et, encore moins « un écart marqué et important par rapport à la norme » et je suis dans l’impossibilité d’établir qu’il y avait un lien causal entre les actions des agents exécutant la poursuite et la collision du véhicule automobile à l’origine de la blessure du plaignant. Par conséquent, même si l’AI a clairement enfreint le règlement exigeant qu’il avise immédiatement le préposé aux communications du défaut du véhicule de s’arrêter et qu’il le tienne au courant et a décidé de ne pas laisser sa sirène allumée pendant l’entière poursuite, je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve qui m’amèneraient à avoir des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise et il n’y a donc pas de fondement pour porter des accusations dans cette affaire.

Date : 9 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Étant donné qu’il incombait à chacun de ces agents de réévaluer constamment la situation et « d’interrompre la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ». [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.