Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TVI-059

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 19 ans lors d’une collision de véhicules automobiles le 30 mars 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 mars 2017, à 3 h, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES d’une blessure survenue durant une collision de véhicules automobiles qui s’était produite juste après minuit ce même matin.

Le SPT a signalé qu’à 0 h 15, le 30 mars 2017, l’agent impliqué (AI) avait tenté d’immobiliser un véhicule sur le chemin Scarborough Golf Club. Le véhicule a pris la fuite, et l’AI a entamé une courte poursuite, qu’il a toutefois abandonnée.

Le véhicule, conduit par le plaignant, a poursuivi son chemin et est entré en collision avec un taxi sur l’avenue Lawrence Est. Le SPT a signalé que le conducteur du taxi et un passager qui se trouvait dans celui‐ci avaient subi de légères blessures. Le plaignant a été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic, il avait une fracture au fémur gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs judiciaires (EJ) de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Homme de 19 ans interrogé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

De plus, les notes de cinq autres agents non désignés ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Juste après minuit le 30 mars 2017, le plaignant conduisait une Infiniti noire, dont un phare seulement était allumé et dont les plaques d’immatriculation ne correspondaient pas au véhicule. L’AI a observé initialement le plaignant dans le secteur du chemin Kingston et de Fenwood Heights. L’AI a fait demi‐tour et a activé ses feux d’urgence, dans l’intention d’immobiliser le véhicule.

Cependant, le plaignant a immédiatement accéléré et s’est mis à rouler à un taux de vitesse élevé sur le chemin Kingston. Puis, le plaignant a tourné sur le chemin Scarborough Golf Club et s’est dirigé vers le nord, suivi de l’AI. Tant le plaignant que l’AI se déplaçaient à des vitesses nettement supérieures aux limites de vitesse affichées.

À l’intersection du chemin Scarborough Golf Club et de l’avenue Lawrence Est, le plaignant a traversé l’intersection en brûlant un feu rouge et a percuté la partie avant d’un taxi qui se dirigeait vers l’est sur l’avenue Lawrence Est. Le plaignant a été arrêté sur les lieux.

On a appelé une ambulance, et le plaignant a été transporté à l’hôpital, où l’on a déterminé qu’il avait une fracture au fémur gauche.

Preuve

Les lieux de l’incident

Voici une carte du secteur fournie par Google Maps, comprenant l’intersection du chemin Kingston et de Fenwood Heights, où l’AI a observé l’Infiniti noire se déplaçant avec un seul phare allumé.

La collision s’est produite à l’intersection du chemin Scarborough Golf Club et de l’avenue Lawrence Est, à une distance d’environ 4,3 kilomètres du chemin Kingston et de Fenwood Heights.

scene diagram

Vidéo de l’itinéraire filmée par les EJ

Les enquêteurs judiciaires (EJ) se sont rendus au secteur du chemin Kingston et de Fenwood Heights afin d’y filmer une vidéo de l’itinéraire.

La vidéo commence à l’intersection et continue vers l’est sur le chemin Kingston. Le chemin Kingston comporte trois voies marquées dans chaque direction et un îlot central surélevé. La limite de vitesse affichée est de 60 km/h. Des résidences (immeubles d’habitation et maisons en rangée) longent les deux côtés de la chaussée. Il y a également de nombreuses petites entreprises commerciales situées aux deux côtés du chemin.

La vidéo montre quatre intersections majeures (contrôlées par des feux de circulation) avant l’intersection avec le chemin Scarborough Golf Club. Il s’agit des intersections suivantes : chemin Bellamy Sud/promenade Ravine, promenade Parkcrest, chemin Markham et avenue Eglinton Est.

Puis les EJ ont tourné à gauche (direction nord) sur le chemin Scarborough Golf Club. La chaussée est pavée et étroite, le terrain est vallonné, il ventait, et il y a une voie dans chaque direction. On trouve des résidences unifamiliales des deux côtés du chemin. Le chemin Scarborough Golf Club a une limite de vitesse affichée de 50 km/h. La chaussée s’élargit et comporte deux voies dans chaque direction avant l’intersection avec l’avenue Lawrence.

Il y a une intersection majeure sur le chemin Scarborough Golf Club, comportant des feux de circulation, à la rue Marcella avant l’avenue Lawrence. La distance entre le chemin Kingston et Fenwood Heights et le chemin Scarborough Golf Club et l’avenue Lawrence Est est de 4,3 kilomètres.

Voiture de patrouille de l’AI

La voiture de patrouille de l’AI a été examinée sur place. On a constaté que les feux d’urgence et la sirène étaient en bon état de fonctionnement et qu’il n’y avait pas de dégâts à la voiture de patrouille qui pourraient être attribués à l’incident.

Schéma des lieux

schéma des lieux

Preuve matérielle

Données de localisation automatisée de véhicule (LAV) et itinéraire

La position de la voiture de patrouille conduite par l’AI, captée par le satellite de localisation mondiale (GPS), a été saisie dans le véhicule et transmise à un serveur du SPT tous les 125 mètres ou aux 4 minutes. La vitesse affichée à chaque point de données représentait la vitesse moyenne de la voiture de patrouille depuis le point de données précédent (la vitesse affichée ne correspond pas nécessairement à la vitesse de la voiture de patrouille exactement au point de données).

Les données LAV ont révélé qu’avant que l’AI aperçoive l’Infiniti noire, la voiture de patrouille se dirigeait sur l’avenue Eglinton, le chemin Markham et le chemin Kingston.

Les données correspondant à l’heure réelle où l’AI a observé et suivi l’Infiniti noire ont été copiées et collées dans Google Earth :

points lav dans google earth

Les données LAV provenant de la voiture de patrouille de l’AI ont révélé qu’à 0 h 11 min 34 s, la voiture de patrouille se dirigeait vers l’est sur le chemin Kingston et s’approchait de Fenwood Heights.

Au prochain point de données (point de données LAV 2), la voiture de patrouille se déplaçait vers l’est sur le chemin Kingston, à l’est de Fenwood Heights et avait accéléré pour atteindre la vitesse de 72 km/h. Puis, la voiture de patrouille a accéléré à 84 km/h (point de données LAV 3), tout en se dirigeant vers l’est sur le chemin Kingston.

À 0 h 12 m 09 s, la voiture de patrouille avait accéléré à une vitesse de 126 km/h (point de données LAV 4) et se trouvait à approximativement 85 mètres à l’ouest de l’intersection du chemin Bellamy Sud et de la promenade Ravine. La voiture de patrouille a traversé l’intersection.

À 0 h 12 m 18 s, à environ 50 mètres à l’est du centre de l’intersection, la voiture de patrouille se déplaçait à une vitesse de 137 km/h (point de données LAV 5).

La voiture de patrouille se déplaçait à 129 km/h (point de données LAV 6) alors qu’elle passait devant un gros immeuble d’habitation au 3311, chemin Kingston. Elle a continué vers l’est à des vitesses de 130 km/h (point de données LAV 7), de 142 km/h dans le secteur de la promenade Parkcrest (point de données LAV 8) et de 130 km/h (point de données LAV 9), à l’ouest du chemin Markham. À l’intersection du chemin Kingston et du chemin Markham contrôlée par des feux de circulation, la voiture de patrouille a traversé l’intersection en se dirigeant vers l’est à un taux de vitesse d’environ 130 km/h (point de données LAV 10). À l’est du chemin Markham, la voiture de patrouille a continué à se déplacer à des vitesses de 134 km/h (point de données LAV 11), de 138 km/h (point de données LAV 12) et de 145 km/h (point de données LAV 13).

Alors que la voiture de patrouille s’approchait de l’intersection du chemin Kingston et de l’avenue Eglinton contrôlée par des feux de circulation, elle se déplaçait vers l’est à approximativement 142 km/h (point de données LAV 14). Juste après l’intersection, elle roulait à environ 137 km/h et, alors qu’elle s’approchait de l’intersection du chemin Kingston et du chemin Scarborough Golf Club contrôlée par des feux de circulation, elle se déplaçait à environ 119 km/h (point de données LAV 16).

Ensuite, la voiture de patrouille s’est dirigée vers le nord sur le chemin Scarborough Golf Club et a accéléré à 64 km/h (point de données LAV 17) et puis à 106 km/h (point de données LAV 18). La voiture de patrouille a continué son chemin vers le nord à une vitesse de 87 km/h (point de données LAV 19), de 108 km/h (point de données LAV 20) et de 92 km/h (point de données LAV 21).

Dans le secteur du chemin Scarborough Golf Club et de la promenade Confederation, la voiture de patrouille a accéléré à 113 km/h (point de données LAV 22) et dans le secteur de l’intersection avec la rue Marcella contrôlée par des feux de circulation, elle se déplaçait à 121 km/h (point de données LAV 23). Au nord de la rue Marcella, la voiture de patrouille a accéléré à 129 km/h (point de données LAV 24).

À 0 h 14 m 08 s, dans le secteur de Holmfirth Terrace et alors que l’avenue Lawrence Est était visible, la voiture de patrouille a ralenti à 106 km/h (point de données LAV 25). Au prochain point de données, la voiture de patrouille avait traversé l’intersection et était presque immobile.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné le secteur à la recherche d’enregistrements vidéo ou audio ainsi que de preuves photographiques et a obtenu des enregistrements de télévisions en circuit fermé (TVCF) de sept entreprises et résidences avoisinantes, une vidéo d’un téléphone cellulaire filmée par le TC no 4, ainsi que l’enregistrement vidéo de la caméra dans la voiture de patrouille de l’AI.

Enregistrement vidéo de la caméra dans la voiture de patrouille de l’AI

L’UES a reçu trois enregistrements audio/vidéo. Deux des enregistrements étaient pertinents aux fins de l’enquête.

Dans les deux cas, l’activation par l’AI de ses feux d’urgence a activé la caméra dans le véhicule, qui a commencé à enregistrer 30 secondes avant que l’AI appuie sur l’interrupteur. Le premier enregistrement dans le secteur du chemin Kingston et de Fenwood Heights montre l’Infiniti noire qui s’approche de la direction opposée, le demi‐tour effectué par l’AI, la tentative de ce dernier d’arrêter l’Infiniti noire, le refus du conducteur de celle‐ci de se ranger sur le côté, et l’Infiniti noire qui quitte les lieux en accélérant.

Le deuxième enregistrement, apparemment déclenché quand l’AI a activé ses feux d’urgence au moment où il s’apprêtait à entrer dans l’intersection du chemin Scarborough Golf Club et de l’avenue Lawrence Est avant la collision, montre l’Infiniti noire qui s’approche de l’intersection, la collision, la voiture de patrouille de l’AI s’approchant de l’intersection et la voiture de patrouille entrant dans celle‐ci et la traversant après la collision.

Lorsqu’on analyse les données LAV et les données provenant de la caméra dans le véhicule de police, il semble que les heures indiquées dans les images fournis par la caméra du véhicule accusent un retard d’environ deux secondes comparativement aux données LAV.

Vidéo de surveillance provenant de la station d’essence[1]

Cette caméra était située à l’intersection du chemin Kingston et du chemin Bellamy Sud et de la promenade Ravine. À 0 h 12 m 05 s, on voit l’Infiniti noire se diriger vers l’est. Elle est suivie par la voiture de patrouille. La voiture de patrouille se trouve à environ 30 mètres derrière l’Infiniti noire, et ses feux d’urgence sont activés. L’Infiniti noire semble se déplacer plus rapidement que la voiture de patrouille et tous deux se déplacent plus vite que les autres véhicules se dirigeant vers l’est. Il n’était pas possible de déterminer de façon fiable en examinant simplement la vidéo la vitesse de l’un ou l’autre des véhicules alors qu’ils passaient par la station d’essence.

Vidéo de surveillance provenant d’un restaurant de mets à emporter[2]

Cette caméra se trouvait dans le coin sud‐ouest d’un centre commercial sur le chemin Scarborough Golf Club et l’avenue Lawrence Est. La caméra faisait face au chemin Scarborough Golf Club, juste au sud de l’intersection.

À 0 h 19 m 30 s, on peut voir l’Infiniti noire se diriger vers le nord sur le chemin Scarborough Golf Club, passer devant la voie d’accès au centre commercial et entrer dans l’intersection alors que le feu est rouge. À peu près au même moment, un taxi se dirige vers l’est sur l’avenue Lawrence Est juste avant l’intersection et puis entre dans celle‐ci en suivant un véhicule inconnu.

À 0 h 19 m 32 s, on peut voir en partie l’impact entre l’Infiniti noire et le taxi.

À 0 h 19 m 34 s, à peu près quatre secondes après qu’on voit l’Infiniti noire se diriger vers le nord, on aperçoit la voiture de patrouille s’approcher de l’intersection, en se dirigeant vers le nord sur le chemin Scarborough Golf Club. Les feux d’urgence de la voiture de patrouille ne sont pas activés.

À 0 h 19 m 42 s, la voiture de patrouille s’arrête au côté sud de l’intersection, six secondes après avoir passé la voie d’accès et environ huit secondes après que l’Infiniti noire est entrée dans l’intersection.

Analyse de la vitesse à l’aide de la vidéo de surveillance provenant du restaurant de mets à emporter

En utilisant Google Maps, on a pu déterminer que la distance entre la voie d’accès au centre commercial au coin sud‐ouest de l’intersection et le lieu de la collision dans l’intersection était d’environ 53 mètres. L’Infiniti noire a parcouru les 53 mètres en environ deux secondes. Par conséquent, Infiniti noire se déplaçait à environ 95 km/h lorsqu’elle est entrée dans l’intersection et a percuté le taxi.

Lorsqu’elle s’approchait de l’intersection, la voiture de patrouille se déplaçait à moins de la moitié de la vitesse de l’Infiniti noire. L’AI a freiné et la voiture de patrouille s’est arrêtée à l’intersection avant que le conducteur active les feux d’urgence et la traverse.

Vidéo de surveillance provenant d’un magasin de détail[3]

Le magasin était situé au coin nord‐est de l’intersection du chemin Scarborough Golf Club et de l’avenue Lawrence Est et la caméra se trouvait aux portes avant. La vidéo montre surtout le stationnement, tandis que l’intersection de l’avenue Lawrence Est et du chemin Scarborough Golf Club est visible tout à fait en haut dans le coin gauche de l’écran. La voiture de patrouille est arrivée à l’intersection environ huit secondes après l’Infiniti noire.

Enregistrements des communications

Enregistrement des transmissions radio de la police

À 0 h 12 m 54 s, l’AI a communiqué avec le répartiteur en utilisant sa radio de police. Il a dit ceci : [traduction] « Il y a un véhicule ici qui prend la fuite. Il ne s’agit pas d’une poursuite. » Il a fourni la plaque d’immatriculation du véhicule et a dit que celui-ci se déplaçait vers le nord sur le chemin Scarborough Golf Club à partir du chemin Kingston. Il a décrit le véhicule comme étant une Infiniti de couleur noire. Le répartiteur a demandé combien de personnes se trouvaient à bord du véhicule.

À 0 h 13 m 28 s l’AI a répondu [traduction] « une » et puis a dit ceci : [traduction] « Nous roulons à environ 80 km/h. Comme je l’ai dit, je n’ai pas entamé une poursuite, le véhicule est nettement plus loin devant moi, je veux dire qu’il s’approche de Lawrence maintenant. » Puis, il a demandé : [traduction] « Y a-t-il de l’information concernant la plaque? »

À 0 h 13 m 58 s, le répartiteur a informé l’AI que le numéro de plaque d’immatriculation qu’il avait fourni n’était pas [traduction] « relié à un véhicule » et a fourni le nom et l’adresse du propriétaire de la plaque d’immatriculation.

À 0 h 14 m 11 s, l’AI a fait savoir au répartiteur qu’il y avait eu une collision.

Documents et éléments obtenus du Service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • historique de l’unité extrait du système de répartition assistée par ordinateur (RAO)
  • rapport des détails de l’incident
  • rapport d’incident général
  • données et tableau de données LAV du GPS
  • enregistrements vidéo de la caméra dans le véhicule de l’AI
  • rapport sur un accident de la route
  • notes de l’AT no1 et de l’AT no 2
  • notes de cinq agents non désignés
  • rapport des fiches de service
  • procédure – poursuites visant l’appréhension de suspects
  • fiche sommaire du système automatisée de répartition (SAR) – résumé des conversations
  • rapport du SPT sur le refus de s’arrêter

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 62(1) du Code de la route - Feux requis sur les véhicules automobiles sauf les motocyclettes

62 (1) Au cours de la période comprise entre une demi-heure avant le coucher du soleil et une demi-heure après le lever du soleil, et à un autre moment lorsque, à cause de la lumière insuffisante ou de conditions atmosphériques défavorables, des personnes et des véhicules qui se trouvent sur la voie publique ne sont pas nettement visibles à une distance de 150 mètres ou moins, les véhicules automobiles autres que les motocyclettes doivent être munis de trois feux allumés à un endroit bien visible, un de chaque côté à l’avant du véhicule et émettant une lumière blanche ou jaune seulement, et un autre à l’arrière du véhicule et émettant une lumière rouge seulement.

Articles 1 à 3 du Règlement de l’Ontario 266/10 (intitulé « Poursuites visant l’appréhension de suspects ») pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario

(1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule

(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.

(1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

  1. Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects
  2. Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.

Articles 219 et 221 du Code criminel – Négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 est coupable d’un acte criminel est passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Article 249 du Code criminel – Véhicules à moteur, bateaux et aéronefs - Conduite dangereuse

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule automobile d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Analyse et décision du directeur

Le 30 mars 2017, le plaignant conduisait son véhicule automobile sans plaques d’immatriculation adéquates sur le chemin Kingston dans la Ville de Toronto, lorsqu’il a attiré l’attention de l’AI, qui a tenté d’immobiliser son véhicule. Le plaignant n’a pas arrêté son véhicule, mais au lieu de cela, a continué à le conduire, en tournant d’abord sur le chemin Scarborough Golf Club et puis en continuant jusqu’à l’intersection avec l’avenue Lawrence Est, où il a brûlé un feu rouge et a percuté un taxi qui traversait légalement l’intersection. Puis, le plaignant a été arrêté et transporté à l’hôpital, où l’on a déterminé qu’il avait subi une fracture au fémur gauche et où il a également reçu des points de suture pour fermer une entaille au front.

Le plaignant, dans sa déclaration aux enquêteurs, a reconnu que les plaques d’immatriculation sur l’Infiniti noire n’étaient pas celles du véhicule. Le plaignant était toutefois d’avis qu’il n’avait rien fait de mal durant l’incident et a nié qu’il se déplaçait à des vitesses nettement au‐delà de la limite de vitesse. Il ne se souvenait pas d’avoir vu des feux ou panneaux de circulation, comme des feux rouges ou des panneaux d’arrêt, et ne se souvenait pas d’avoir désobéi à ces dispositifs de contrôle de la circulation.

L’AI a expliqué qu’il conduisait sa voiture de patrouille entièrement identifiée vers l’ouest sur le chemin Kingston le 30 mars 2017, lorsqu’à 0 h 11, il a observé le véhicule automobile conduit par le plaignant, qui se dirigeait vers l’est sur le chemin Kingston et dont un des phares était brûlé. L’AI a fait demi‐tour à l’intersection avec Fenwood Heights dans l’intention d’immobiliser le plaignant du fait qu’il contrevenait au Code de la route (par. 62 (1). Au cours de la période comprise entre une demi-heure avant le coucher du soleil et une demi-heure après le lever du soleil, […] les véhicules automobiles autres que les motocyclettes doivent être munis de trois feux allumés, […]). L’AI a indiqué qu’il avait accéléré et qu’il s’était approché de 60 à 70 pieds [de 18,29 mètres à 21,34 mètres] du véhicule du plaignant, mais qu’il lui était impossible de lire la plaque d’immatriculation. L’AI a indiqué qu’il y avait peu de circulation et qu’il avait estimé que le plaignant maintenait une vitesse entre 65 et 70 km/h. Puis, l’AI a activé ses feux d’urgence, après quoi le véhicule du plaignant est immédiatement parti en accélérant. L’AI a précisé qu’il était convaincu que le véhicule essayait de fuir et qu’il l’avait suivi en roulant à la même vitesse que lui pendant quelques secondes avant de désactiver son équipement d’urgence et sa caméra dans le véhicule et de mettre fin à sa tentative d’immobiliser le véhicule. L’AI a précisé que c’était à cause de « mémoire musculaire » qu’il avait automatiquement mis fin à l’enregistrement de la caméra dès qu’il avait désactivé ses feux d’urgence, ce que j’interprète comme voulant dire qu’il l’avait fait automatiquement, sans réfléchir à ce qu’il faisait. Selon l’AI, il avait seulement poursuivi le véhicule sur environ 200 mètres.

L’AI a indiqué qu’une fois qu’il avait franchi la crête du chemin Kingston au boulevard Whitecap, il avait une vue vers le bas sur le chemin Kingston jusqu’au chemin Scarborough Golf Club et avait observé que le véhicule du plaignant se déplaçait à des vitesses supérieures à 100 km/h dans une zone où la limite de vitesse était de 60 km/h. L’AI a indiqué qu’il s’était brièvement déplacé à la même vitesse que le véhicule du plaignant afin de « lui donner le bénéfice du doute » et la possibilité de s’arrêter, mais que le plaignait avait accéléré encore plus et à son avis, atteignait des vitesses de plus de 160 km/h tout en augmentant la distance entre eux.

L’AI a précisé qu’il avait vu, depuis une certaine distance, le véhicule du plaignant traverser l’intersection des chemins Markham et Kingston. L’AI lui‐même se déplaçait à des vitesses entre 90 et 100 km/h et atteignait des vitesses [traduction] « nettement supérieures à 100 km/h ». L’AI a expliqué qu’il se sentait à l’aise de conduire à des vitesses de 110 ou même de 120 km/h en raison de son expérience en tant que conducteur, sa capacité à maintenir le contrôle de son véhicule de police et son expérience en tant qu’agent de police. L’AI faisait confiance à sa capacité de conduire sa voiture de patrouille à ces vitesses sur le chemin Kingston. L’AI a indiqué qu’il y avait très peu de circulation sur la route à ce moment‐là et qu’il n’avait peut‐être vu qu’un seul véhicule automobile se dirigeant vers l’ouest. L’AI a indiqué que ni lui ni le plaignant ont brûlé de feux rouges pendant qu’ils conduisaient sur le chemin Kingston et a précisé qu’il « suivait stratégiquement » plutôt que de « poursuivre stratégiquement » le véhicule puisqu’il n’avait pas activé son équipement d’urgence. L’AI a décrit ses propres actions comme consistant simplement à observer la conduite du plaignant, en précisant qu’en tant qu’agent de police, il était obligé de suivre le véhicule pour voir si le conducteur [traduction] « jetait une arme à feu par la fenêtre ». Il a ajouté ceci : [traduction] Il se pouvait qu’il venait de tuer trois personnes, il avait peut‐être une grande quantité de drogue dont il essayait de se débarrasser, il se pouvait qu’il essaye de trouver une entrée où se défaire de son véhicule afin qu’il puisse en sortir et prendre la fuite en courant. Dans mon esprit, en tant qu’agent de police, il est nécessaire pour moi de voir ce qu’il fait. »

En ce qui concerne l’omission de l’AI d’aviser le Centre de communications qu’il avait entamé une poursuite, la réponse de l’AI était [traduction] « Cela n’est rien. Je conduis un véhicule. Il conduit un véhicule. C’est tout ce qui se passait à ce moment‐là. » L’AI a expliqué qu’il avait été dans des situations nettement plus stressantes sans avoir dit quoi que ce soit au répartiteur et que dans cette situation particulière, il n’avait aucune crainte pour la sécurité du public puisque l’incident ne s’était pas produit durant la journée et parce qu’il n’y avait personne d’autre aux alentours – le seul danger qu’il y avait était celui auquel le plaignant décidait de s’exposer.

Une fois qu’il se trouvait sur le chemin Scarborough Golf Club, l’AI a rattrapé le véhicule automobile du plaignant et s’en est approché de moins de 50 mètres, ce qui lui a permis de lire la plaque d’immatriculation avant que le plaignant réaccélère fortement. C’est à ce moment‐là que l’AI a envoyé sa première transmission radio et a fourni au répartiteur le numéro de la plaque d’immatriculation, en précisant que le véhicule avait déjà pris la fuite auparavant et se dirigeait maintenant vers le nord sur le chemin Scarborough Golf Club. L’AI a expliqué qu’il n’avait pas communiqué avec le répartiteur avant cela parce qu’il n’avait pas le numéro de la plaque d’immatriculation et qu’il était occupé à observer les réactions du plaignant à bord de son véhicule. L’AI a indiqué qu’il avait envisagé de prendre en chasse le véhicule à ce moment‐là, mais qu’il avait décidé au lieu de cela de simplement le surveiller. L’AI a observé qu’il y avait un autre véhicule sur le chemin Scarborough Golf Club. L’AI a indiqué que quand il était arrivé à la section à quatre voies du chemin Scarborough Golf Club, il n’était toujours pas sûr s’il poursuivrait le véhicule ou non. L’AI a alors appris que la plaque d’immatriculation sur le véhicule du plaignant n’était reliée à aucun véhicule. L’AI a indiqué que l’Infiniti noire se déplaçait deux fois plus vite que son propre véhicule et qu’il créait une certaine distance entre eux et il a décrit ses propres actions comme abandonnant la poursuite et comme suivant stratégiquement le véhicule. En l’espace de cinq secondes, il a vu le véhicule du plaignant s’approcher de l’intersection de l’avenue Lawrence Est et du chemin Scarborough Golf Club alors que le feu était rouge, et l’AI est resté plus loin en arrière. C’était la première fois que l’AI avait des préoccupations concernant la sécurité du public. Il a indiqué qu’il était à environ 250 mètres de l’intersection, lorsque le véhicule du plaignant a brûlé le feu rouge et a percuté le taxi qui se dirigeait vers l’est et qui était conduit par le TC no 1. À ce moment‐là, l’AI a activé son équipement d’urgence et a allumé sa caméra dans le véhicule.

Pour conclure, l’AI a déclaré qu’à aucun moment il avait provoqué ou entamé une poursuite visant l’appréhension du suspect et il a répété qu’il n’avait pas de préoccupation concernant la sécurité du public avant de voir le véhicule du plaignant pénétrer dans l’intersection à l’avenue Lawrence Est en brûlant un feu rouge.

L’AT no 1 a indiqué qu’il s’était rendu sur les lieux de l’accident et avait parlé à l’AI qui lui avait dit qu’il avait constaté que l’un des phares du véhicule automobile du plaignant ne fonctionnait pas et qu’il avait fait demi‐tour pour suivre le véhicule. L’AI a également expliqué à l’AT no 1 que lorsqu’il avait activé ses feux d’urgence, le plaignant avait pris la fuite et l’AI n’avait pas entamé une poursuite. L’AT no 1 a précisé que les agents de police ne sont pas autorisés à suivre stratégiquement un véhicule tout en ayant les feux sur le toit allumés, mais que l’AI n’avait pas mentionné que c’était ce qu’il avait fait. Malgré ce que lui a dit l’AI, l’AT no 1 a noté dans son calepin qu’il semblait y avoir eu une poursuite, mais il a fait la distinction entre les actions originales de l’AI lorsqu’il avait activé son équipement d’urgence et avait tenté d’amener le plaignant à se ranger au bord de la route, ce que l’AT no 1 a décrit comme une poursuite, et la deuxième phase, qui concernait les actions de l’AI lorsqu’il avait désactivé ses feux d’urgence et durant laquelle il aurait suivi stratégiquement le plaignant, puisqu’il avait ralenti. Plus tard, l’AT no 1 a parlé avec le sergent des services par intérim et lui a dit qu’il y avait eu une poursuite. L’AT no 1 a également demandé à l’AI de remplir un formulaire interne sur la poursuite.

Un examen subséquent des séquences filmées par les diverses TVCF le long de l’itinéraire suivi par le plaignant et l’AI, ainsi que des séquences filmées par la caméra dans le véhicule de police (durant les périodes où elle était activée) et des données LAV provenant de la voiture de patrouille de l’AI a mis en lumière les faits saillants suivants :

La caméra dans la voiture de patrouille de l’AI a été activée automatiquement lorsque l’AI a allumé ses feux d’urgence au moment où il a tenté initialement d’immobiliser le véhicule du plaignant et lorsqu’il est arrivé sur les lieux de la collision. L’AI a désactivé manuellement la caméra dans son véhicule lorsqu’il a éteint ses feux d’urgence la première fois, et par conséquent le reste du trajet allant du chemin Kingston et du chemin Bellamy au chemin Scarborough Golf Club et à l’avenue Lawrence Est n’a pas été enregistré.

À partir du moment où l’AI a fait demi‐tour pour tenter d’immobiliser le véhicule automobile conduit par le plaignant jusqu’à ce qu’il ait mis fin à sa poursuite initiale, l’AI a parcouru une distance de 550 mètres pendant 19 secondes, alors que ses feux d’urgence étaient activés et il a roulé à des vitesses allant jusqu’à 137 km/h sans jamais informer le service de répartition qu’il avait entamé la poursuite d’un véhicule.

Après que l’AI a éteint ses feux d’urgence et a commencé à « suivre », comme il l’a dit, le véhicule du plaignant, sans toutefois le poursuivre, la voiture de patrouille de l’AI a atteint des vitesses allant jusqu’à 145 km/h.

La longueur totale du trajet, du moment où l’AI a fait demi‐tour jusqu’au moment de la collision du véhicule automobile du plaignant et du taxi, était de 4,3 kilomètres.

La vidéo provenant de la TVCF de la station d’essence à l’intersection du chemin Kingston et du chemin Bellamy Sud et de la promenade Ravine montre l’AI poursuivant le véhicule du plaignant, la distance entre les deux véhicules n’étant que de 30 mètres; les feux d’urgence de la voiture de patrouille sont allumés et les deux véhicules se déplacent à des vitesses supérieures à celles des autres véhicules qui se dirigent également vers l’est.

L’AI a seulement ralenti son véhicule au moment où l’intersection du chemin Scarborough Golf Club et de l’avenue Lawrence est devenue visible; sa vitesse est tombée à 106 km/h alors qu’il s’approchait du croisement. Or, dans la vidéo de la TVCF provenant du restaurant de mets à emporter, on voit la voiture de patrouille de l’AI s’approcher de l’intersection à peine quatre secondes après le passage du véhicule automobile du plaignant. À ce moment‐là, la voiture de patrouille ne se déplaçait pas avec les feux d’urgence allumés.

Bien que la vidéo de la TVCF provenant du restaurant des mets à emporter montre la voiture de patrouille de l’AI freiner avant d’entrer dans l’intersection, la vidéo provenant de la TVCF du magasin de détail montre qu’en réalité, il est entré dans l’intersection à peine huit secondes après le véhicule automobile du plaignant.

Un examen plus approfondi des données ayant trait à la voiture de patrouille de l’AI a confirmé qu’à aucun moment, son véhicule n’est entré en contact physique avec le véhicule du plaignant.

En examinant la déclaration de l’AI, je trouve qu’elle est remplie d’hypothèses, de déclarations servant ses propres intérêts et de justifications qui ne reposent aucunement sur les faits. Bien que l’AI ait peut‐être eu confiance, possiblement à excès, dans sa capacité de conduire son véhicule sans danger à des vitesses atteignant 145 km/h dans une zone où la limite de vitesse était de 60 km/h, et puis à des vitesses allant jusqu’à 130 km/h dans une zone résidentielle où la limite de vitesse était de 50 km/h, j’ai une certaine difficulté à accepter que le public partagerait sa confiance. Tandis que l’AI a supposé qu’il était nécessaire pour lui de suivre le véhicule du plaignant en réponse à divers scénarios criminels qu’il imaginait, dont la possibilité de multiples homicides et dont aucun ne correspondait à des faits réels, ce qu’il a fait en réalité a été d’amorcer la poursuite d’un véhicule automobile à des vitesses allant jusqu’à 145 km/h dans des rues de la ville situées dans des zones résidentielles pour une infraction mineure au Code de la route, soit un phare brûlé. Même si fort heureusement personne autre que le plaignant n’a été grièvement blessé dans la collision qui s’est ensuivie et même si le plaignant est certainement responsable pour ses propres gestes et la collision qui a suivi, dans cette affaire, le risque d’une catastrophe l’emportait nettement sur le besoin de poursuivre ou de suivre un véhicule automobile en raison d’une infraction mineure au Code de la route.

Conformément au Règlement de l’Ontario 266/10 pris en application de la Loi sur les services policiers de l’Ontario (LSPO), intitulé « Poursuites visant l’appréhension de suspects »,

2(1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues […]

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects

La politique du SPT adoptée en vertu de la LSPO prévoit ce qui suit :

[traduction]

Responsabilité pour l’exécution sécuritaire

La responsabilité pour l’exécution sécuritaire d’une poursuite incombe à l’agent de police individuel, au préposé aux communications - Services des communications, au superviseur des poursuites et à toute autre personne autorisée qui surveille la poursuite.

Restrictions relatives à la poursuite visant l’appréhension de suspects

  1. Seul un agent de police qui est au volant d’un véhicule automobile identifié peut amorcer et continuer une poursuite à moins qu’un véhicule automobile identifié ne soit pas facilement disponible et que le policier estime qu’il est nécessaire d’appréhender immédiatement un individu dans le véhicule automobile en fuite ou d’identifier ce véhicule automobile ou une personne qui se trouve à son bord; […]
  2. Tout au plus deux véhicules automobiles devraient participer directement à une poursuite, sauf si le superviseur des poursuites l’autorise

Du fait que, comme c’était le cas ici, l’agent ayant amorcé la poursuite n’en a jamais informé le préposé aux communications, il est évident que le préposé aux communications, le superviseur des poursuites et toute autre personne autorisée qui est censée surveiller la poursuite n’ont aucunement participé à la gestion de la poursuite, étant donné qu’il est clair que personne ne savait qu’une poursuite avait lieu.

L’AI a vu qu’un véhicule automobile avait un phare brûlé et a fait demi‐tour pour le suivre et pour tenter de l’immobiliser. À aucun moment n’avait‐il des motifs de croire qu’une infraction criminelle avait été commise – il s’agissait du mauvais fonctionnement d’équipement en contravention du Code de la route. Compte tenu des obligations imposées à un agent de police d’évaluer le risque pour la sécurité du public, il est difficile de comprendre comment la conduite d’un véhicule automobile avec un phare brûlé pourrait être considéré comme une situation qui équivalait à un « besoin immédiat d’appréhender un particulier ».

Pour évaluer les actions de l’AI, j’adopterai l’approche de l’AT no 1 quand il a scindé la séquence des événements en deux catégories distinctes, soit les actions de l’AI après qu’il a fait demi‐tour, a allumé ses feux d’urgence et a suivi le véhicule du plaignant sur 550 mètres pendant 19 secondes, que je nommerai la première phase de l’incident, et la période allant du moment où l’AI a éteint ses feux d’urgence jusqu’à la collision à l’intersection du chemin Scarborough Golf Club et de l’avenue Lawrence Est, que j’appellerai la deuxième phase de l’incident.

Bien que l’AI, lorsqu’il a informé l’AT no 1 des détails de l’incident ayant mené à la collision du véhicule automobile du plaignant, ait déclaré qu’il n’avait jamais entamé de poursuite durant la première phase ou la deuxième phase de l’incident, je n’ai absolument aucune difficulté à accepter l’évaluation de l’AT no 1 qu’à tout le moins durant la première phase de l’incident, il s’agissait d’une poursuite active de la police et que, par conséquent, cette activité était visée par les obligations énoncées dans la LSPO et dans la politique du SPT qui en découle et qui exigent que l’AI informe immédiatement le répartiteur qu’il avait entamé une poursuite, afin que le superviseur des communications puisse décider s’il y avait lieu ou non d’y mettre fin. Tandis que la première phase de l’incident était une poursuite qui a duré 19 secondes et durant laquelle des vitesses allant jusqu’à 137 km/h ont été atteintes, il n’y a aucun doute que l’AI avait amplement l’occasion d’appeler le répartiteur, comme il était obligé de le faire. Peu importe la terminologie utilisée, il ne peut y avoir aucun doute qu’une voiture de patrouille qui se déplace à cette haute vitesse en suivant un véhicule, tout en ayant ses feux d’urgence allumés, se livre à une poursuite. L’AI avait l’obligation de signaler au répartiteur qu’il avait amorcé une poursuite dès qu’elle avait commencé, et l’affirmation de l’AI selon laquelle il suivait simplement le suspect à la vitesse de 137 km/h est une déformation du sens de la législation. L’AI avait amplement l’occasion d’informer le service de répartition qu’il poursuivait le véhicule du plaignant durant les 19 secondes où ses feux d’urgence étaient activés et par la suite, lorsqu’il a parcouru les 4,3 kilomètres restants jusqu’à la scène de l’impact. Or, l’AI a seulement contacté le service de répartition lorsqu’il était déjà sur le chemin Scarborough Golf Club, après avoir roulé à des vitesses atteignant 145 km/h et après avoir traversé un certain nombre d’intersections majeures, et à ce moment‐là, uniquement pour indiquer qu’un véhicule avait pris la fuite et qu’il ne le poursuivait pas.

Je ne puis accepter qu’une personne raisonnable pourrait croire que la délivrance d’une contravention en vertu du Code de la route pour un phare brûlé l’emportait sur le risque que posait pour le public le fait de continuer la poursuite d’un véhicule automobile aux vitesses auxquelles l’AI l’a fait, surtout lorsqu’on considère que l’infraction pour laquelle l’AI a indiqué initialement qu’il voulait immobiliser le véhicule était insignifiante, lorsqu’on la compare aux vitesses atteintes par le plaignant et l’AI durant la poursuite.

Les affirmations « je suis stratégiquement » ou « je ne tente pas d’arrêter le véhicule » ne sont pas des mots magiques qui d’une manière ou d’une autre transforment ce qui était manifestement une poursuite en quelque chose d’autre qui permet de contourner les obligations de la police lorsqu’elle entame une poursuite, lesquelles obligations sont énoncées dans un texte législatif pris en application de la LSPO. En vertu de ce règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite dans l’intention de l’immobiliser. À la lumière de ces éléments de preuve, il est clair qu’à tout le moins la première phase de l’incident était une poursuite policière active au sens de la loi et que l’AI a manqué à ses obligations de déclarer ce qui se passait. Une fois que le plaignant a pris la fuite en accélérant et que l’AI a lui aussi accéléré pour le suivre, il aurait dû aviser le répartiteur qu’il avait entamé une poursuite et qu’il avait atteint des vitesses allant jusqu’à 137 km/h dans des rues de la ville situées dans une zone résidentielle, afin que le sergent aux communications puisse déterminer s’il y avait lieu ou non de continuer la poursuite. En omettant de faire cela, l’AI a miné l’entière législation et a nui à la sécurité du public qu’il est censé protéger.

En ce qui concerne la deuxième phase de l’incident, même si l’AI a prétendu qu’il n’avait jamais poursuivi le véhicule durant aucune des deux phases de l’incident, et qu’après 19 secondes, il avait désactivé son équipement d’urgence, je ne peux voir aucune raison de suivre/poursuivre un véhicule à 147 km/h pour n’importe quelle autre raison que de tenter de l’arrêter. Non seulement le message de l’AI au répartiteur aurait dû être transmis beaucoup plus tôt, c’est‐à‐dire durant la première phase de l’incident lorsqu’il accélérait pour prendre en chasse le véhicule automobile du plaignant avec son équipement d’urgence activé, mais il aurait dû préciser à ce moment-là qu’il avait entamé une poursuite dès que le véhicule automobile du plaignant avait pris la fuite en accélérant et que lui aussi avait accéléré pour atteindre des vitesses allant jusqu’à 137 km/h et, après avoir désactivé son équipement d’urgence, jusqu’à 145 km/h. Le fait de dire, comme l’a fait l’AI dans sa déclaration, qu’il avait été dans des situations plus stressantes par le passé sans dire quoi que ce soit au répartiteur et que [traduction] « Cela n’est rien. Je conduis un véhicule, il conduit un véhicule. Et c’est tout ce que se passait à ce moment‐ci » révèle un manque de compréhension fondamental chez l’AI de la LSPO et de ses obligations en vertu de cette législation pour assurer la sécurité du public. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on examine le commentaire de l’AI que si les données LAV montraient que sa voiture de patrouille se déplaçait à des vitesses entre 135 et 140 km/h, alors le véhicule du plaignant se déplaçait à des vitesses entre 180 et 190 km/h, ce qui est loin d’être « rien ». J’ai d’autres préoccupations concernant les commentaires de l’AI selon lesquels il n’avait aucune préoccupation liée à la sécurité pendant la poursuite, puisqu’il faisait nuit et qu’il n’y avait aucun risque pour le public du fait qu’il n’y avait personne aux alentours. La supposition qu’il n’y aurait pas de piétons ou de véhicules dans une grande ville métropolitaine à minuit me semble extrêmement mal informée et est en fait contredite non seulement par la présence du taxi que le plaignant a percuté, mais par la présence d’autres véhicules se dirigeant vers l’est sur le chemin Kingston, comme le montre la vidéo de la TVCF fournie par la station d’essence et par la présence de l’autre véhicule automobile sur les lieux de la collision.

De plus, j’ai de sérieuses réserves quant aux multiples divergences entre le témoignage de l’AI et les images fournies par les vidéos. Selon l’AI, il n’avait pas informé le répartiteur de la fuite du véhicule parce qu’il n’avait pas encore obtenu le numéro de la plaque d’immatriculation, qu’il a seulement réussi à lire lorsqu’il se trouvait sur le chemin Scarborough Golf Club et qu’il s’était rapproché à moins de 50 mètres du véhicule du plaignant, ce qui lui a permis de lire la plaque pour la première fois. Toutefois, les images de la TVCF provenant de la station d’essence sur le chemin Kingston ont révélé que la voiture de patrouille de l’AI se trouvait à seulement une trentaine de mètres derrière le véhicule automobile du plaignant, déjà à l’intersection du chemin Bellamy et de la promenade Ravine, qui était un secteur nettement mieux éclairé que celui du chemin Scarborough Golf Club, que l’AI a décrit comme sombre, vallonné et venteux et qui était l’endroit où il s’était finalement approché de moins de 50 mètres du véhicule du plaignant et avait pu lire sa plaque d’immatriculation[4]. Cela revêt une importance particulière puisque, si l’AI était si proche que cela du véhicule automobile du plaignant déjà sur le chemin Bellamy et le chemin Kingston, ce n’était pas nécessaire pour lui de poursuivre le véhicule automobile du plaignant pour une infraction à caractère non criminelle, puisqu’il aurait pu facilement lire la plaque d’immatriculation du véhicule et que, conformément à la loi, aurait alors été tenu de mettre fin à la poursuite.

Quoi qu’il en soit, même si le besoin d’identifier l’autre véhicule automobile était un facteur qui a contribué à la décision de l’AI de continuer ou non la poursuite, elle n’avait aucune pertinence du point de vue de ses obligations de communiquer avec le centre des communications et d’indiquer qu’il avait activement entamé une poursuite. J’ai également des préoccupations au sujet de l’omission de l’AI d’activer sa caméra dans son véhicule, en dehors des périodes où elle a été activée automatiquement lorsqu’il a allumé ses feux d’urgence, malgré le fait qu’il « suivait » un véhicule à 145 km/h, et au sujet de sa décision de désactiver manuellement la caméra lorsqu’il a éteint les feux d’urgence.

Finalement, je conclus que les images filmées par la TVCF au restaurant de mets à emporter, qui ont révélé que l’AI était seulement quatre secondes derrière le plaignant alors qu’il s’approchait de l’intersection du chemin Scarborough Golf Club et de l’avenue Lawrence Est, n’appuient pas l’affirmation de l’AI qu’il avait permis à l’écart de grandir entre lui‐même et le véhicule automobile du plaignant et qu’ainsi, il le « suivait stratégiquement » et ne le poursuivait pas activement.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve et en m’appuyant fortement sur la déclaration de l’AI lui‐même, je n’ai aucune difficulté à conclure que l’AI se livrait activement à une poursuite durant la première phase de l’incident et qu’il a continué à le faire durant la deuxième phase, et presque jusqu’au moment de l’impact entre le véhicule du plaignant et le taxi. Je conclus également que l’AI a non seulement manqué à ses obligations d’informer le répartiteur et de le tenir au courant des détails de la poursuite, de l’endroit où il se trouvait et des vitesses auxquelles il se déplaçait, mais qu’il a manqué à son obligation d’évaluer le facteur de la sécurité publique et de cesser toute poursuite, en décidant que le besoin d’identifier le conducteur d’un véhicule automobile ayant un phare brûlé ne l’emportait pas sur le risque pour le public d’entamer une poursuite dans des rues de la ville se trouvant dans une zone résidentielle à des vitesses allant jusqu’à 145 km/h.

Cela dit, le non-respect de la LSPO ou de la politique complémentaire du SPT n’équivaut pas à des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise.

La question à trancher est de savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle et plus particulièrement si sa conduite est devenue dangereuse et, par conséquent, était en contravention du paragraphe 249(1) du Code criminel et a ainsi causé des lésions corporelles contraires au paragraphe 249(3) ou s’il s’agissait d’une négligence criminelle contraire à l’article 219 du Code criminel et a ainsi causé des lésions corporelles en contravention de l’art. 221.

Selon la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 s’applique, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu »; de plus, la conduite doit être telle qu’elle équivaut à « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ». De plus, pour que l’art. 221 s’applique, il faut qu’il y ait un [traduction] « écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les circonstances » où l’accusé [traduction] « a manifesté un mépris téméraire pour la vie et la sécurité d’autrui » (R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 426 (Cour d’appel de l’Ont.)).

À la lumière de l’ensemble de la preuve, il est clair que l’AI se déplaçait probablement à un taux de vitesse allant jusqu’à 95 km/h au‐delà de la limite de vitesse quand il poursuivait le véhicule automobile du plaignant. Je conclus toutefois qu’il n’y a aucune preuve que la conduite de l’AI en particulier a créé un danger pour les autres utilisateurs de la route ou qu’à un moment ou un autre, il a entravé la circulation. De plus, le soir en question, les conditions environnementales étaient bonnes et les routes étaient sèches. De plus, hormis son excès de vitesse, l’AI n’a pas enfreint d’autres dispositions du Code de la route; par exemple, il n’a pas brûlé des feux rouges ou omis de s’arrêter à des panneaux d’arrêt. Ceci dit, il me semble cependant que le taux de vitesse excessif de l’agent durant sa poursuite du véhicule du plaignant a exacerbé la façon de conduire du plaignant, l’incitant apparemment à accélérer encore plus pour éviter l’AI. En fin de compte, je conclus toutefois que malheureusement, le plaignant a pris la décision d’essayer de semer la police et, ce faisant, s’est enfui à une vitesse dangereuse et a fait des manÅ“uvres imprudentes sans égard aux autres personnes sur la route. Finalement, le plaignant a décidé d’entrer dans une intersection alors que le feu était rouge et est entré en collision avec un véhicule automobile qui se trouvait également dans cette intersection, ce qui a causé des blessures au plaignant, simplement parce qu’il essayait de s’échapper et voulait éviter de recevoir une contravention pour un phare brûlé, ce qui constituait une infraction au Code de la route[5].

Je conclus en me fondant sur ces éléments de preuve que la façon de conduire de l’AI, lorsqu’il suivait le véhicule automobile du TC no 9, même si elle n’était certainement pas conseillé, n’était pas grave au point de constituer un « écart marqué par rapport à la norme » et encore moins « un écart marqué et important de la norme » et je ne suis pas en mesure d’établir qu’il y avait un lien causal entre les actions de l’AI et la collision des véhicules à moteur à l’origine des blessures du plaignant. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour en arriver à des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise, de sorte qu’il n’y aucun fondement pour apporter des accusations en l’espèce.

Date : 19 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Il y a un léger écart dans les heures indiquées. [Retour au texte]
  • 2) [2] Les heures indiquées semblaient devancer de cinq ou six minutes l’heure normale de l’est (HNE). [Retour au texte]
  • 3) [3] Les heures indiquées semblent devancées de cinq à six minutes l’heure normale de l’est (HNE). [Retour au texte]
  • 4) [4] Autre aspect intéressant, l’AI a indiqué que juste avant qu’il prenne en chasse le plaignant près de Fenwood Heights et du chemin Kingston, il s’était rapproché de moins de 60 à 70 pieds [18,29 à 21,34 mètres] du véhicule noir et n’avait pas pu voir la plaque d’immatriculation, en dépit du fait que l’éclairage était meilleur le long du chemin Kingston et qu’il était plus proche du véhicule qu’il n’avait réussi à le faire sur le chemin Scarborough Golf Club. [Retour au texte]
  • 5) [5] Étant donné qu’il s’agissait du premier feu rouge que brûlait le plaignant, on ne peut supposer que l’AI aurait dû prévoir que le plaignant traverse l’intersection et expose tout le monde au risque de graves blessures corporelles simplement parce qu’il était suivi par la police. S’il avait brûlé un feu rouge à une autre occasion durant la poursuite, j’en serais probablement arrivé à une conclusion différente. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.