Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-PCI-084

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 29 ans lors de son arrestation le 20 avril 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 avril 2017, à 5 h 55, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a informé l’UES qu’un homme avait été mordu par un chien de police lors d’une arrestation dans la région de Strathroy durant la nuit.

La PPO a signalé qu’à 2 h 20, la police enquêtait sur un vol perpétré dans une installation d’Hydro et que l’agent de l’Unité canine [l’agent impliqué (AI)] avait suivi le suspect jusqu’à une adresse à proximité à Strathroy. L’AI était accompagné de l’agent témoin (AT) no 1. À 4 h 14, le plaignant a été mis en état d’arrestation. Durant son arrestation, il a été mordu à la tête et au visage par le chien de police. Ses lacérations ont été traitées dans un hôpital, et il a été ramené au détachement de Strathroy de la PPO, où il a été placé en détention en attendant son audience de libération sous caution.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant :

Homme de 29 ans interrogé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

Aucun

Employés de la police témoins

EPT N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration écrite et ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue.

AT n° 2 A participé à une entrevue.

AT n° 3 A participé à une entrevue.

AT n° 4 A participé à une entrevue.

AT n° 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

AT n° 6 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration écrite et ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

AT n° 8 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration écrite et ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

AT n° 10 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas participé à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Notes obtenues et examinées.

Description de l’incident

Tôt le matin du 20 avril 2017, la PPO a reçu un appel lui demandant de se rendre à une installation d’Hydro One à Strathroy du fait qu’une introduction par effraction s’y déroulait. Le service de sécurité d’Hydro One a indiqué qu’un caméra vidéo de surveillance avait permis de voir l’homme pénétrer subrepticement dans l’enclos clôturé où se trouvaient de nombreux rouleaux de cuivre (qui étaient souvent la cible de vols).

Les agents de la PPO ont fouillé l’installation à leur arrivée, mais le plaignant avait déjà fui les lieux. Cependant, on a découvert le véhicule du plaignant dans la voie d’entrée d’une ferme juste au nord de l’installation d’Hydro et on a trouvé quelques fils de cuivre à proximité. On a appelé l’unité canine et l’Équipe d’intervention d’urgence (EIU) pour qu’elles viennent et participent à la fouille autour de l’installation.

L’AI et son chien de police sont arrivés sur les lieux et ont trouvé le plaignant dans une rangée d’arbres à la limite d’un champ agricole se trouvant à proximité. Le chien a saisi et a tenu le plaignant par la tête jusqu’à ce que l’AI lui ordonne de le lâcher. Puis, le plaignant a tenté de s’enfuir à nouveau, mais a été plaqué au sol par l’AT no 1.

Le plaignant avait des blessures visibles à la tête et au visage et a été transporté par ambulance à l’hôpital. Il a reçu des points de suture et des agrafes en raison de plusieurs morsures de chien qu’il avait subies à l’arrière de la tête, à l’oreille et au menton.

Preuve

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques, mais n’a pas réussi à en trouver.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à obtenir et a examiné les éléments et documents suivants du détachement de Middlesex (Strathroy) de la PPO :

  • rapport d’arrestation
  • enregistrements des communications
  • photographies des lieux de l’incident de la PPO
  • rapport détaillé de l’événement
  • rapports généraux d’incident (infractions liées à la drogue et intervention de la police)
  • données téléchargées du Système mondial de localisation (GPS)
  • notes des AT nos1, 2, 4, 5, 6, 7, 9 et 10
  • notes de l’employé de la police témoin (EPT)
  • rapports d’incident
  • déploiements opérationnels avec le chien de police
  • manuel des instructions permanentes de la PPO - unité canine
  • rapport d’activité de l’unité canine de la PPO
  • curriculum vitae de la PPO – AI
  • ordres de police de la PPO – services canins
  • rapport d’incident supplémentaire
  • dossiers de formation (unité canine) – AI (février‐octobre 2016)
  • dossier de formation (cours de formation de base de chien d’assistance ordinaire) – chien de police
  • dossier de formation (obéissance) – chien de police
  • dossier de formation (appréhension par un chien de police) – chien de police
  • dossier de formation (recyclage 2) – chien de police
  • dossier de formation (recyclage) – chien de police
  • dossier de formation (pistage 1) – chien de police
  • dossier de formation (pistage 2) – chien de police
  • déclarations préparées de EPT, de l’AT no6 et de l’AT no

Dispositions LÉgislatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Articles 219 et 221 du Code criminel - Négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 20 avril 2017, le détachement de Middlesex (Strathroy) de la PPO a reçu un appel durant lequel l’appelant l’a informé qu’une introduction par effraction et un vol se déroulaient à l’installation d’Hydro One dans l’ancienne ville de Strathroy, dans la municipalité de Strathroy‐Caradoc. Par conséquent, les AT nos 1 et 5 ont été dépêchés sur les lieux, suivis de l’AI et de son chien de police. Par la suite, on a trouvé le plaignant caché dans des buissons à l’extérieur de l’enclos d’Hydro One et il a été arrêté et transporté à l’hôpital, où il a reçu des soins parce qu’il avait été mordu à la tête par le chien.

Le plaignant, dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, a reconnu qu’il s’était rendu à l’installation d’Hydro One afin d’y voler des fils de cuivre. Il a toutefois allégué que, pendant qu’il se cachait dans un champ à proximité, le chien de police de l’AI n’était pas attaché à sa laisse et que tout à coup, sans aucun avertissement, avait saisi le côté droit de sa mâchoire derrière l’oreille. Puis, il a été jeté au sol par un agent de police qui lui a dit de ne pas bouger.

Durant son enquête, l’UES s’est entretenue avec quatre agents de police témoins. L’AI a refusé de subir un entretien, mais a fourni pour examen les notes qu’il avait inscrites dans son calepin. Il n’y avait aucun témoin civil de l’incident durant lequel le plaignant a été blessé. Le fait que le chien de police a mordu le plaignant et a causé sa blessure n’est aucunement contesté.

Dans sa déclaration, l’AI no 1 a indiqué que lui‐même et son partenaire, l’AT no 5, avaient répondu à l’appel à 2 h 21 et s’étaient rendus à l’installation d’Hydro One. L’information dont ils disposaient à l’époque était qu’un homme avait été filmé par une caméra vidéo de surveillance, alors qu’il pénétrait subrepticement dans l’enclos clôturé où se trouvaient les rouleaux de cuivre. L’AT no 1 est arrivé sur place à 2 h 35 et a appris que le suspect avait fui l’enclos juste au moment où il arrivait. D’autres agents sont arrivés peu après, et l’AT no 1 leur a demandé de boucler le périmètre autour de l’enclos. Après que les agents avaient découvert où se trouvait le véhicule automobile du plaignant et avaient trouvé certains fils de cuivre volés, l’AT no 1 a demandé que l’unité canine et l’EIU viennent pour fouiller le secteur.

À 3 h 47, l’AI et son chien de police sont arrivés. Le chien portait un harnais de poitrine attaché à une longue laisse. L’AI no 1 a expliqué qu’il avait assisté l’AI lorsque le chien avait commencé son pistage à partir du trou dans la clôture par lequel le plaignant était entré dans l’enclos et en était ressorti. Le chien s’est dirigé vers le nord, et puis s’est déplacé de l’est vers l’ouest, sans trouver une piste. L’AT no 1 a précisé qu’alors que le chien poursuivait son pistage autour d’un taillis étroit de pins séparant le champ et la chaussée, il a vu les AT nos 2 et 4, tous deux membres de l’Équipe d’intervention d’urgence (EIU) de la PPO, arriver et commencer à mettre leur équipement. L’AT no 1 se trouvait à environ deux ou trois mètres derrière et à droite de l’AI, et le chien se trouvait à 15 pieds [4,57 mètres] devant ce dernier, quand l’AT no 1 a vu le chien de police bondir soudainement vers la rangée d’arbres en bordure du champ, après quoi il a entendu un hurlement. L’AT no 1 est immédiatement entré dans le taillis, en suivant l’AI et le chien de police; il a constaté qu’à aucun moment, l’AI n’a lâché la laisse du chien pendant qu’il le suivait. Quand l’AT no 1 s’est approché du plaignant, il a observé que l’AI avait déjà éloigné son chien du suspect et qu’il criait : [traduction] « Ne te mets pas à courir ou je lâcherai le chien, arrête de résister! » L’AT no 1 estimait qu’environ deux secondes s’étaient écoulées entre le moment où le chien avait bondi dans le taillis et le moment où l’AI avait donné cet ordre au plaignant. Puis, l’AT no 1 a vu le plaignant se remettre debout et se mettre à courir, auquel moment l’AT no 1 s’est lancé vers lui, l’a attrapé et est tombé avec lui par terre. L’AT no 2 est arrivé sur ces entrefaites et a prêté main-forte à l’AT no 1, et le plaignant a été mis en état d’arrestation. L’AT no 1 a indiqué que pendant sa lutte avec le plaignant, son uniforme avait été déchiré et qu’il s’était fait mal au genou, alors que le plaignant avait du sang sur la joue, l’oreille et le menton du côté droit et à l’arrière de la tête, également du côté droit.

La déclaration de l’AT no 1 est corroborée par celle de l’AT no 2, qui a indiqué qu’après être arrivé sur les lieux, il a reçu un signal d’une lampe de poche indiquant l’endroit où se trouvait l’unité canine et puis, juste au moment où il fermait le hayon de son véhicule de police, il a entendu une voix crier [traduction] « police, ne bougez pas » et a entendu un agent crier [traduction] « nous l’avons ici ». Lorsque l’AT no 2 est arrivé au taillis au bord du champ, l’AI et son chien avaient déjà quitté le secteur et il a vu l’AT no 1 maintenir le plaignant sur le sol. Le plaignant s’est plaint à lui que sa tête faisait mal à cause de la morsure d’un chien.

Le témoignage de l’AT no 4 rejoint également celui de l’AT no 1, en ce sens qu’il a indiqué qu’à son arrivée à l’installation, l’AI lui a envoyé un signal avec sa lampe de poche pour lui faire savoir qu’il était dans le champ. Alors que l’AT no 4 était en train de mettre son équipement, il a entendu l’AI crier [traduction] « police, ne bougez pas », ce qui a été immédiatement suivi d’un hurlement. Puis, il a entendu le message suivant à la radio [traduction] « nous l’avons ici ».

Dans les notes entrées dans son calepin, l’AI a indiqué que lui et son chien de police fouillaient le secteur et que le chien pistait à 20 pieds [6,1 mètres] devant lui et accomplissait son rôle tel que prévu et avec constance. Les notes indiquent que lorsqu’ils se sont approchés de la limite d’une rangée d’arbres, le chien avait la tête levée et semblait avoir perdu la piste et n’avançait pas. Ils se sont ensuite déplacés vers le sud, contournant la rangée d’arbres pour se rendre à l’extrémité ouest de celle-ci, lorsque l’AI a constaté que les membres de l’EIU étaient sur les lieux et il les a informés de l’endroit où il se trouvait. Il a alors observé le chien couper abruptement à gauche et entrer dans une zone où les arbres étaient denses, lorsqu’il a entendu un homme crier. Il a pénétré entre les arbres en criant « police! » et a vu l’homme et le chien, qui avait saisi l’homme à l’épaule gauche ou à la tête. L’AI a immédiatement ordonné au chien de lâcher prise en utilisant le mot utilisé à cette fin, et le chien a lâché l’homme [traduction] « entièrement et immédiatement ». Puis, il a constaté que l’homme s’écartait rapidement d’eux afin de prendre la fuite en courant et il lui a ordonné d’arrêter. L’AT no 1 est arrivé dans le secteur à ce moment‐là et a pris le contrôle de l’homme, tandis que l’AI et son chien se sont éloignés du lieu d’arrestation et ont quitté la zone.

Dans les dossiers médicaux, on lit que le plaignant a informé le personnel médical que le chien de police l’avait saisi au côté droit du menton et derrière l’oreille droite. Il n’a pas indiqué qu’il y avait plus d’une morsure. Il avait aussi des abrasions sous le lobe de l’oreille droite, qui ont été nettoyées. Apparemment, il a reçu quatre points de suture à son menton et deux devant son oreille, cinq agrafes à l’arrière de la tête et un antibiotique, et il a été libéré de l’hôpital.

D’après la preuve, il est clair que l’AI n’a jamais ordonné à son chien de se ruer sur le plaignant, mais que le rôle du chien était plutôt de trouver le plaignant lorsque celui‐ci, de son propre aveu, a levé la tête et le corps de l’herbe et des buissons dans lesquels il se trouvait et a immédiatement été saisi par le chien. Le plaignant a confirmé que le chien l’avait saisi sans avertissement. De toute évidence, si l’AI avait commandé ou ordonné à son chien de le mordre, le plaignant l’aurait entendu et aurait interprété cela comme un avertissement qu’il était en danger. Sur la foi des témoignages de l’AT no 1 et du plaignant, je conclus que le chien de police fouillait la zone lorsque le plaignant est soudainement apparu dans les buissons et que le chien, de sa propre initiative, l’a saisi comme il avait longuement été entraîné à le faire. Lorsque, comme c’est le cas ici, il est clair que l’AI n’avait aucun moyen de savoir que le plaignant était même présent, et encore moins où il se trouvait exactement, il aurait été absurde pour l’AI d’annoncer constamment la présence d’un chien de police dans le secteur, ce qui aurait certainement prévenu tout suspect de l’endroit exact où se trouvait la police à tout instant, lui donnant ainsi la possibilité de réussir à s’échapper et d’éviter son appréhension. En outre, dans la mesure où la politique de la police exige qu’un suspect soit prévenu avant que l’on donne l’ordre à un chien de police de se lancer sur lui, dans ce cas particulier, où aucun ordre de ce genre n’a jamais été donné, je ne peux voir comment cette politique est pertinente. J’accepte toutefois la preuve fournie par l’AI que dès que son chien a bondi dans les sapins et qu’il a entendu un homme hurler, il a crié « police ». J’estime que ce témoignage concorde avec les témoignages des AT nos 2 et 4, qui ont tous deux entendu un agent crier [traduction] « police, ne bougez pas », ordre que l’AT no 4 aurait entendu en même temps qu’un hurlement, et puis avec le message radio selon lequel que les agents avaient appréhendé le suspect.

De plus, alors que le plaignant, dont une partie de la tête se trouvait à l’intérieur de la gueule du chien de police, peut avoir eu l’impression que le chien l’avait saisi pendant longtemps, j’accepte les éléments de preuve fournis par l’ensemble des agents de police qui se trouvaient dans le secteur selon lesquels l’entière interaction n’a en fait duré que quelques secondes. L’AT no 1 a expressément indiqué que seulement deux secondes s’étaient écoulées entre le moment où le chien a bondi dans la zone boisée où le plaignant s’était caché, ce qui a immédiatement été suivi du hurlement du plaignant, ce que je présume était une indication que le chien l’avait saisi, et le moment où l’AT no 1 a aperçu le plaignant après qu’il avait été relâché par le chien. Cela est étayé en outre par les notes entrées par l’AI dans son calepin, où il précise que, dès qu’il avait constaté que le chien avait solidement saisi l’homme, il [traduction] « a immédiatement ordonné le relâchement du suspect en utilisant la commande utilisée à cette fin par le chien maître et [le chien] a lâché prise entièrement et immédiatement. Cet élément de preuve semblait également concorder avec les témoignages des AT nos 2 et 4.

En ce qui a trait à l’impression du plaignant que le chien n’était pas attaché à sa laisse au moment où il l’a saisi, je conclus qu’il n’y a aucune preuve dans ce sens. Le plaignant, qui était couché sur le ventre dans la zone boisée, n’aurait pas pu voir si le chien était attaché à sa laisse ou non de l’endroit où il se trouvait, et tant l’AT no 1 que l’AI ont clairement indiqué que le chien était attaché à sa laisse pendant l’entière période où il était sur les lieux et que l’AI ne l’avait jamais détaché de sa laisse ni enlevé son harnais. Par ailleurs, il est difficile d’imaginer que l’AI aurait pu rapidement faire lâcher prise au chien si celui‐ci n’avait pas été attaché à une laisse et n’avait pas porté de harnais.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’information fournie par le personnel de sécurité d’Hydro One que quelqu’un venait tout juste d’entrer par effraction dans l’installation de l’entreprise et qu’il y volait des fils de cuivre.

Puis, on a vu le plaignant sortir de l’enclos en passant par le trou dans la clôture et on a découvert son véhicule automobile et des tuyaux de cuivre volés dans le secteur. Ainsi, la police avait très certainement des motifs raisonnables de croire qu’une introduction par effraction et un vol étaient en cours et que le sujet se trouvait proche de l’installation d’Hydro One et la police avait le droit de chercher et d’appréhender cette personne. Pour ce motif, la recherche et l’arrestation du plaignant étaient légitimes dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisée par les agents dans leurs tentatives de retrouver et d’appréhender le plaignant, alors que l’utilisation d’un chien de police est considérée comme un recours à la force moins létale, je ne suis pas d’avis que l’AI l’a utilisé comme option de recours à la force au moment de l’événement. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que le rôle du chien se limitait strictement à la recherche du suspect qui s’était introduit par effraction dans l’installation au moment où le plaignant a soudainement levé la tête et le corps dans les buissons où il se cachait et a semblé avoir surpris le chien, qui l’a immédiatement saisi sans avoir reçu un ordre ou une instruction à cet égard de l’AI. J’accepte, en me fondant sur la preuve fournie par l’AT no 1 et les notes de l’AI, telles qu’appuyées par les déclarations de l’AT no 2 et de l’AT no 4, que l’AI, dès qu’il avait rattrapé son chien, lui a donné l’ordre de lâcher prise. Même si l’AI aurait pu décider de donner l’ordre à son chien de saisir le plaignant si celui‐ci avait continué à tenter d’échapper à la police ou avait résisté, il est clair qu’au moment où le chien a bondi sur lui, l’AI n’avait pas donné un tel ordre et que le chien a agi de son propre chef dans une situation qu’on ne peut qu’imaginer comme présentant un danger selon lui ou l’ayant surpris. En fait, lorsque le plaignant a de nouveau tenté de prendre la fuite en courant, l’AT no 1 l’a amené au sol et on ne s’est pas servi du chien pour maîtriser le plaignant. Je conclus également, sur la foi du témoignage du plaignant, tel que confirmé par la nature de sa blessure à la tête et à la mâchoire, et par les témoignages de l’AT no 1 et l’AI quant à la période extrêmement brève entre le moment où le plaignant a hurlé et où l’AI a ordonné à son chien de lâcher prise, que le chien n’a saisi le plaignant qu’une seule fois et a continué de le tenir jusqu’à ce qu’il reçoive presque immédiatement l’ordre de lâcher prise[1] et qu’à aucun moment le chien n’a reçu l’ordre de mordre le plaignant ou de l’attaquer de quelque façon que ce soit. Compte tenu de ces faits, je conclus que l’AI n’a pas eu recours à une quelconque force pour appréhender le plaignant. La seule force utilisée était celle de l’AT no 1, lorsqu’il a plaqué le plaignant au sol, alors que celui‐ci tentait de fuir en courant.

Dans le cadre de l’entraînement des chiens de police de la PPO, on apprend à un chien qu’une fois qu’il a affronté ou mordu un suspect, il ne doit pas lâcher prise avant que le suspect soit contrôlé. Une fois que le suspect est contrôlé, la commande de cessation est censée forcer le chien à lâcher le suspect. Les dossiers de formation de ce chien de police en particulier montrent qu’il a suivi un entraînement poussé et avait satisfait à toutes les conditions pour devenir un chien de police. Dans ce cas particulier, le chien a agi comme il avait été entraîné à le faire. Bien que le chien n’ait pas reçu l’ordre de se lancer vers le suspect, il est clair qu’un chien peut réagir et réagira à ce qu’il perçoit comme une situation dangereuse. Durant cet incident, le plaignant est soudainement apparu dans les buissons, dans la noirceur, devant le chien, et celui‐ci a réagi. Par la suite, il a suivi les procédures et a obéi aux ordres comme il avait été entraîné à le faire.

La question à trancher ici est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle, plus précisément, si ses actes lorsqu’il contrôlait son chien de police constituaient de la négligence criminelle en contravention de l’art. 221 du Code criminel, et ainsi a causé des lésions corporelles au plaignant. Dans sa décision rendue dans l’affaire R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 428 (C.A. de l’Ont.), la Cour d’appel de l’Ontario définit l’infraction de négligence criminelle comme nécessitant « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation » où l’accusé « a manifesté un mépris téméraire pour la vie et la sécurité d’autrui ».

Dans ce cas particulier, l’AI utilisait son chien de police pour essayer de trouver un suspect à la suite d’une introduction par effraction et un vol et le chien était attaché à une laisse de pistage de 20 pieds [6,1 mètres]. Le chien avait suivi un long entraînement et ses dossiers indiquent qu’il avait excellé en tant que chien de police et que l’AI avait le droit de se fier à cet entraînement et de croire que le chien se comporterait tel qu’il avait appris à le faire. Le chien avait reçu la formation nécessaire pour pister les suspects et pour les « saisir et retenir », ce qui consistait à utiliser son museau pour saisir et retenir un suspect jusqu’à ce que son maître lui donne l’ordre de lâcher prise. Dans ce cas précis, malgré le fait qu’il n’avait pas reçu l’ordre d’affronter le suspect, le chien a agi conformément à son entraînement et a saisi et retenu le plaignant jusqu’à ce qu’il reçoive l’ordre de l’AI de le relâcher. La preuve démontre clairement que l’Ai a immédiatement couru après son chien dès qu’il avait bondi dans les sapins et a tout de suite ordonné au chien de lâcher prise, et que le chien a obéi. Selon le témoignage de l’AT no 1, le chien a saisi le plaignant pendant au plus deux secondes. Même si l’AI avait ordonné au chien d’affronter le plaignant, je ne peux conclure qu’il s’agissait d’un recours excessif à la force. Les chiens de police sont entraînés et utilisés dans ce dessein. Le plaignant a décidé de s’échapper à la police et de se cacher dans des buissons, et le rôle du chien était de suivre sa trace et de le saisir et de le retenir, ce qu’il a fait. Bien que normalement, un avertissement soit donné avant qu’un chien de police reçoive l’ordre d’attaquer, dans ce cas‐ci, lorsque le chien a trouvé la piste et qu’il a probablement été surpris quand la tête et la partie supérieure du corps du plaignant sont apparues dans les buissons, l’AI n’avait que peu de temps pour donner un avertissement de vive voix, bien qu’on ait entendu l’AI crier l’avertissement annonçant la présence de la police presque immédiatement après qu’il a constaté que le plaignant avait été trouvé.

En conclusion, bien que l’utilisation d’un chien de police soit une option de recours à la force, il semble qu’il n’ait pas été utilisé délibérément comme tel. Dans ce dossier, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que l’AI s’est servi du chien de police pour trouver le plaignant et que lorsque le chien, de sa propre initiative, probablement parce qu’il avait été surpris, a saisi le plaignant, l’AI lui a donné l’ordre de lâcher prise presque immédiatement. De plus, j’estime que la blessure causée par le chien n’était pas le résultat de négligence criminelle de la part de l’AI, puisque le fait pour le plaignant de surgir des buissons et la réaction du chien étaient totalement imprévisibles et qu’une fois que le chien a attrapé le suspect, l’AI est intervenu immédiatement pour faire lâcher prise au chien. Dans l’ensemble, les éléments de preuve indiquent que le chien de police a saisi le plaignant à la tête pendant environ deux secondes et qu’il n’a pas mordu de nouveau après « la prise et la retenue » initiales. Pour ce motif, je ne puis conclure que les actions de l’AI constituaient « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation » où l’accusé « a manifesté un mépris téméraire pour la vie et la sécurité d’autrui ». Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans cette affaire, que le geste posé par l’AI était dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles en l’espèce.

Date : 22 février 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Et en réalité, selon l’AT no 1, on avait tiré sur la laisse pour éloigner le chien. [Retour au texte]

Note:

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