Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-106

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 28 ans aurait subie lors de son arrestation, le 8 mai 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le mardi 9 mai 2017, à 8 h 30, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant lors de sa mise sous garde. Le SPT a déclaré que des agents de police sont intervenus relativement à un appel au 9-1-1 concernant un homme [plus tard identifié comme étant le plaignant] qui marchait sur la rue Yonge en brandissant deux couteaux.

Plusieurs agents de police ont été envoyés sur les lieux et des projectiles « sacs de plomb » tirés d’un fusil moins létal[1] ont été projetés sur le plaignant.

Le plaignant a été maîtrisé par les policiers, puis a été ultérieurement transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture à la main.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Homme âgé de 28 ans; interrogé; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 7 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 8 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le lundi 8 mai 2017, vers 23 h 20, un agent de sécurité du centre commercial College Park a appelé le 9-1-1 pour signaler un homme [ultérieurement identifié comme étant le plaignant] qui marchait le long de la rue Yonge en brandissant ouvertement deux couteaux.

Des agents de police ont alors été envoyés sur place. Les agents ont localisé le plaignant, qui marchait en direction nord sur la rue Yonge. Ils lui ont crié de laisser tomber les couteaux, mais le plaignant a refusé.

L’un des policiers a tiré sur le plaignant plusieurs projectiles « sacs de plomb » en utilisant un fusil moins létal. Les projectiles de « sacs de plomb » n’ont eu que de peu ou pas d’effet sur le plaignant. Les agents de police ont frappé le plaignant plusieurs fois avec leurs matraques télescopiques pour lui faire lâcher les couteaux. Le plaignant a fui les policiers en tenant toujours les couteaux dans ses mains.

Les policiers ont couru après le plaignant et ont fini par le maîtriser. Le plaignant saignait au visage et a été transporté à l’hôpital par ambulance.

À l’hôpital, le plaignant a d’abord refusé de recevoir un traitement. Plus tard, on lui a diagnostiqué des poignets fracturés.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène de l’incident était située devant l’Hôtel Courtyard, de la chaîne d’hôtels Marriott, situé au 475, rue Yonge. Le SPT a sécurisé, examiné et photographié les lieux.

L’UES a examiné les photographies de la scène prises par le SPT. Deux lames de couteau de quatre pouces et deux poignées de couteau ont été trouvées sur les lieux et ont été photographiées par l’EJ du SPT.

Les enquêteurs de l’UES ont cherché des témoins et des images de télévision en circuit fermé (TVCF) dans le secteur.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Enregistrements de TVCF du centre commercial College Park et de l’hôtel Courtyard by Marriott

Les enquêteurs de l’UES ont cherché à obtenir des séquences de TVCF et ont obtenu des images de TVCF du centre commercial College Park et de l’hôtel Courtyard by Marriott. Les enregistrements vidéo de TVCF ne contenaient aucun renseignement permettant d’approfondir cette enquête, si ce n’est ce qui suit :

  • De 23 h 25 m 54 s à 23 h 26 m 01 s

    Le plaignant est sorti du centre commercial College Park sur la rue Yonge. Il avait un objet inconnu dans la main droite. Un agent de sécurité a suivi le plaignant sur la rue Yonge.

  • De 23 h 52 m 13 s à 23 h 53 m 41 s

    Le plaignant a été observé en train de courir devant l’hôtel Courtyard by Marriott. L’AI, l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3 ont suivi le plaignant.

Enregistrements des communications

Enregistrements audio des appels au 9-1-1

L’UES a reçu et écouté les enregistrements des appels au 9-1-1 pertinents à cette enquête. Les enregistrements ont révélé ce qui suit :

  • De 23 h 27 m 54 s à 23 h 30 m 13 s

    Le TC no 1 a appelé le 9-1-1 et a dit au standardiste qu’un homme [ultérieurement identifié comme étant le plaignant] marchait en direction nord sur la rue Yonge en agitant deux couteaux qu’il avait dans la main. Le TC no 1 a fourni une description du plaignant au répartiteur.

  • De 23 h 29 m 29 s à 23 h 30 m 40 s

    Le répartiteur a transmis la description et l’emplacement du plaignant.

  • De 23 h 45 m 34 s à 23 h 47 m 38 s

    L’AT no 3 a transmis par radio l’instruction d’utiliser un fusil moins létal.

  • De 23 h 49 m 12 s à 23 h 50 m 59 s

    Un homme [plus tard identifié comme étant le TC no 3] a communiqué avec le 9‐1‐1 et a dit au standardiste que des agents de police avaient crié à plusieurs reprises à un homme [ultérieurement identifié comme étant le plaignant] de déposer un couteau. Les policiers ont frappé plusieurs fois le plaignant avec leurs matraques télescopiques et l’un des agents [ultérieurement identifié comme étant l’AT no 2] a tiré deux fois sur le plaignant.

    Le préposé au numéro 9-1-1 a indiqué que les agents de police ont utilisé un fusil moins létal sur un homme armé [plus tard identifié comme étant le plaignant].

  • De 23 h 56 m 59 s à 23 h 57 m 50 s

    Un homme [ultérieurement identifié comme étant le mari de la TC no 2] a communiqué avec le service 9-1-1 et a dit au standardiste qu’il avait entendu plusieurs coups de feu. Le standardiste a indiqué que les agents de police avaient utilisé un fusil moins létal sur un homme armé [plus tard identifié comme étant le plaignant].

  • De 00 h 06 m 57 s à 00 h 08 m 10 s

    Une ambulance a été appelée sur les lieux.

  • De 00 h 33 m 48 s à 00 h 34 m 04 s

    L’AT no 2 a transmis par radio qu’elle escortait le plaignant à l’hôpital à bord d’une ambulance.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT puis obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • rapport sur les détails de l’événement
  • rapport d’incident général
  • notes des AT nos 1 à 7 et de l’AI
  • procédure 15-01 : Annexe A – Modèle provincial de recours à la force
  • procédure 15-01 : Annexe B – Modèle provincial de recours à la force;– emploi de la force
  • procédure 15-01 : Recours à la force et utilisation de l’équipement
  • enregistrements audio des appels au 9-1-1
  • enregistrements des transmissions radio de la police
  • résumé des conversations

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 88(1) du Code criminel – Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 8 mai 2017, vers 23 h 20, le TC no 1 a observé le plaignant qui marchait à l’intérieur du centre commercial College Park, dans la ville de Toronto, avec deux couteaux à la main; il a vu que les lames des couteaux étaient pointées vers le haut. Le TC no 1 s’est approché du plaignant et lui a demandé s’il allait bien, et le plaignant a répondu qu’il quittait le centre. Le TC no 1 a ensuite suivi le plaignant à l’extérieur du centre commercial, vers la rue Yonge. Lorsque le plaignant s’est retourné et a commencé à marcher en direction du TC no 1, ce dernier a appelé le 9-1-1. L’appel a été reçu par le préposé au 9-1-1 à 23 h 27 m 54 s, et l’enregistrement des appels au 9-1-1 révèle que le TC no 1a indiqué qu’un homme était en train d’agiter deux couteaux, alors qu’il marchait en direction nord sur la rue Yonge. Le TC no 1 a également fourni une description du plaignant. À 23 h 29 m 29 s, le répartiteur du Service de police de Toronto (SPT) a transmis un appel à toutes les unités disponibles et a relayé les renseignements fournis par le TC no 1. Des agents du SPT, l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 3 ont répondu à l’appel. À 23 h 45 m 34 s, l’AT no 3 a demandé à ce qu’un agent équipé d’un fusil moins létal intervienne dans cet appel, et l’AT no 2 a répondu, ainsi que sa partenaire, l’AT no 5, et les AT nos 4 et 6. Le plaignant a ensuite été arrêté et transporté à l’hôpital, où l’on a découvert qu’il avait subi trois fractures aux métacarpes de la main droite et une fracture à la phalange proximale de la main gauche.

Le plaignant se souvenait qu’un agent de police, muni d’un fusil, a tiré sur lui environ cinq fois et que des projectiles de sacs de plomb l’ont atteint au dos, aux bras et aux jambes, à la suite de quoi un policier l’a frappé aux mains avec une matraque télescopique. Il a alors été arrêté et transporté à l’hôpital.

Au cours de cette enquête, quatre témoins civils ont été questionnés, en plus du plaignant, ainsi que huit agents de police, dont l’agent impliqué. Tous les agents ont également remis aux enquêteurs les notes qu’ils avaient consignées dans leur calepin de service pour examen. De plus, les enquêteurs de l’UES ont écouté l’enregistrement des appels au 9-1-1 ainsi que les enregistrements audio des communications radio de la police et ont visionné les images de télévision en circuit fermé (TVCF) provenant du centre College Park.

Dans sa déclaration, l’AT no 3 a indiqué qu’on l’avait envoyé au centre commercial College Park en réponse à un appel au sujet d’un homme qui marchait sur la rue Yonge en agitant une paire de couteaux. L’AT no 3 a indiqué que, pendant qu’il conduisait dans le secteur, il a vu le plaignant qui marchait en direction sud sur la rue Yonge, vers la rue Alexander, avec deux couteaux à steak à la main qu’il pointait vers l’extérieur. L’AT no 3 a indiqué qu’il a alors transmis par radio l’emplacement du plaignant puis a conduit son autopatrouille vers lui. Lorsqu’il s’est trouvé à environ six pieds du plaignant, il lui a crié de laisser tomber les couteaux, mais le plaignant ne lui a pas prêté attention et a continué de marcher.

Dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, l’AI a indiqué que lui et son partenaire, l’AT no 1, s’étaient rendus au centre commercial College Park lorsqu’ils ont reçu une transmission radio émanant de l’AT no 3 qui indiquait que l’homme, le plaignant, se trouvait maintenant près de l’intersection des rues Yonge et Wood, de sorte qu’il a fait demi‐tour avec son autopatrouille et a conduit dans cette direction. Il a vu le plaignant qui marchait sur le trottoir de la rue Yonge en tenant de la main gauche deux couteaux qui avaient chacun une lame d’environ quatre pouces.

L’AT no 3 a indiqué qu’il a arrêté son véhicule de police en travers du chemin du plaignant pour tenter de lui bloquer le passage, mais que le plaignant a contourné l’avant de son autopatrouille et a poursuivi son chemin. L’AT no 3 a alors appelé l’AT no 2, dont il savait qu’elle était équipée d’un fusil moins létal, pour lui demander d’intervenir. L’AT no 3 a indiqué que, selon lui, avec l’utilisation d’un fusil moins létal, le plaignant laisserait tomber les couteaux et se rendrait. L’AT no 3 a alors conduit son autopatrouille jusqu’à environ 25 mètres devant le plaignant, où il a immobilisé son véhicule de police pour bloquer les voies de circulation en direction nord sur la rue Yonge, est sorti de son autopatrouille et a pris son fusil d’assaut C8 dans le coffre de sa voiture. L’AT no 3 a pointé le laser de l’arme sur le plaignant et lui a crié de laisser tomber les couteaux. Le plaignant s’est arrêté mais n’a pas déposé les couteaux. L’AT no 3 a indiqué que l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont alors arrivés sur les lieux et ont encerclé le plaignant, puis ont aussi commencé à lui crier de laisser tomber les couteaux.

L’AT no 2 a indiqué qu’elle avait entendu la transmission radio demandant la présence d’un agent muni d’une arme moins meurtrière et qu’elle et son partenaire, l’AT no5, se sont rendus sur les lieux en voiture. L’AT no 2 a vu le plaignant marcher avec deux couteaux tenus fermement dans la main et les agitant pendant qu’il marchait en direction nord sur la rue Yonge, vers la rue Alexander; elle a décrit les couteaux comme ressemblant à des couteaux à steak. L’AT no 2 a indiqué qu’elle a vu l’AI et l’AT no 1 arriver et crier au plaignant de laisser tomber les couteaux, mais que le plaignant n’a pas obtempéré. Elle est alors sortie de son autopatrouille et a pris son fusil moins létal dans le coffre arrière de son autopatrouille puis a marché vers le plaignant, où elle a observé l’AT no 3 avec son fusil C8 dans les mains. L’AT no 2 a alors crié au plaignant de laisser tomber les couteaux; elle l’a observé agité et en sueur et, lorsqu’il a commencé à marcher vers elle, elle a tiré sur lui deux fois avec son fusil moins létal à une distance d’environ cinq pieds. Les sacs de plomb ont atteint le plaignant sur le haut du torse; il s’est alors arrêté, s’est retourné et a couru en direction nord sur la rue Yonge. L’AT no 3 a indiqué que lorsque le plaignant a commencé à s’avancer vers l’AT no 2, il a dégainé son arme à feu, mais que lorsque l’AT no 2 a tiré avec son fusil moins létal, il a vu le plaignant faire un mouvement de recul puis se remettre à courir. L’AT no 2 a indiqué que l’AT no 3, l’AI et l’AT no 1 se sont tous lancés à la poursuite du plaignant et qu’elle a suivi derrière eux.

L’AT no 3 a indiqué que lorsqu’ils sont arrivés sur la rue Alexander, il a donné un coup de pied au pied droit du plaignant pour qu’il arrête de courir et que le plaignant est tombé sur le trottoir, qu’il s’est immédiatement remis debout et a continué de courir en tenant toujours fermement les couteaux dans la main. Alors que le plaignant courait vers l’entrée de l’hôtel Courtyard, l’AT no 3 lui a de nouveau donné un coup de pied, cette fois à l’arrière, et le plaignant est tombé au sol, atterrissant sur le côté droit de son corps. L’AT no 3 a décidé de ne pas intervenir physiquement sur le plaignant à ce moment-là, car il avait toujours dans les mains son fusil d’assaut C8. Pendant que le plaignant était au sol, l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont arrivés et ont crié plusieurs fois au plaignant de déposer les couteaux, mais il ne l’a pas fait.

L’AI a indiqué qu’il s’est alors approché du plaignant et a frappé sa main gauche à plusieurs reprises avec sa matraque télescopique en créant des étincelles, ce qui, selon lui, pouvait être une indication que les lames des couteaux avaient été brisées, mais le plaignant a continué de saisir fermement les poignées des couteaux et de les agiter en direction de l’AI. L’AT no 1 a indiqué que lorsqu’il s’est approché du plaignant qui était au sol, il a vu l’AT no 3 tenir son fusil C8, l’AI qui avait sorti sa matraque télescopique et le plaignant qui continuait d’agiter son couteau[2]. L’AT no 1 a vu l’AI frapper le plaignant environ six fois avec sa matraque pendant que le plaignant continuait de tenir le couteau et de bouger en direction de l’AT no 1. L’AT no 1 a indiqué qu’il a alors frappé une fois le couteau avec son bâton télescopique, étant ensuite limité dans cette manœuvre par l’AI. L’AT no 1 croyait que la lame du couteau s’était brisée après avoir été frappé par la matraque de l’AI. Le plaignant a toutefois continué de tenir fermement le couteau et de l’agiter en direction des agents.

L’AT no 1 a alors entendu l’AT no 2 recharger son fusil moins létal et il s’est alors écarté. L’AT no 2 a indiqué qu’elle a alors couru vers l’AI et lui a demandé de s’écarter lui aussi du plaignant, et que, lorsqu’elle s’est trouvée à trois pieds du plaignant, elle a tiré sur lui avec son arme et que les sacs de plomb l’ont atteint sur le côté droit du corps, entre sa hanche et ses côtes. Le plaignant a immédiatement réagi en se levant du sol et en courant vers la rue Wood, tenant toujours les couteaux dans ses mains, et l’AT no 2 a vu l’AT no 3 et l’AI se mettre à courir après le plaignant et le faire tomber au sol.

L’AI a indiqué que tandis que le plaignant courait vers l’entrée de l’hôtel, il a craint pour la sécurité des clients et il a dégainé son arme à feu et a crié au plaignant d’arrêter. Le plaignant a continué de courir, dépassant l’entrée de l’hôtel, vers la rue Wood, et l’AI a rengainé son arme à feu. Lorsque l’AT no 5 s’est approché de son autopatrouille et que le plaignant a ralenti, l’AI en a profité pour courir vers le plaignant, l’agripper par derrière et le plaquer au sol. L’AI a couru après lui, suivi de l’ l’AT no 1, de l’AT no 2 et de l’AT no 3. Tandis que l’AI se rapprochait du plaignant, l’AT no 3 l’a vu envelopper le plaignant de ses bras par derrière et le mettre au sol.

Le témoignage des agents de police impliqués dans le désarmement et l’arrestation du plaignant est largement confirmé par les trois témoins civils de l’incident, ainsi que par les séquences de TVCF du centre commercial College Park et les enregistrements des transmissions radio.

Deux lames de couteau de quatre pouces et deux poignées de couteau ont ultérieurement été trouvées sur les lieux; un autre couteau a été retiré du sac à dos du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. S’agissant tout d’abord de la légalité de l’appréhension du client, il en sort clairement de l’appel au 9-1-1 que le TC no 1 a fait, ainsi que le confirment les observations des policiers eux-mêmes, que le plaignant se trouvait dans un endroit public, armé de deux armes potentielles, et que, par conséquent, il constituait un danger pour le public et pouvait causer de sérieuses blessures à lui-même ou à autrui. Par conséquent, il pouvait être arrêté en vertu de l’article 88 (port d’arme dans un dessein dangereux) du Code criminel et sa poursuite et son arrestation étaient donc légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne la force employée par les agents dans leur tentative de désarmer et d’arrêter le plaignant, je conclus que leur comportement était justifié dans les circonstances et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire dans les circonstances. Les actions des agents de police impliqués sont progressivement passées de la commande verbale de laisser tomber les couteaux, à la tentative de mettre le plaignant au sol en utilisant que leur propre force physique, à l’utilisation en deux occasions différentes d’un fusil moins létal sur le plaignant, en l’atteignant chaque fois au torse, sans que cela ait sur lui d’effet notable, aux manÅ“uvres où l’AI et l’AT no 1 ont frappé les mains du plaignant avec leur matraque télescopique pour le forcer à lâcher ses armes, et, finalement, à la manÅ“uvre dans laquelle l’AI a plaqué au sol le plaignant, lequel a finalement été désarmé et menotté. S’il est clair que les mains du plaignant ont vraisemblablement été fracturées lorsque l’AI et l’AT no 1 les ont frappées avec leur matraque télescopique, je ne saurais conclure pour autant qu’il s’agissait là d’un recours excessif à la force, car les agents n’ont recouru à cet emploi de la force que lorsque toutes les autres options avaient échoué et que le plaignant continuait de représenter un danger pour la collectivité et les agents eux‐mêmes. À l’évidence, on ne pouvait laisser le plaignant poursuivre ainsi son chemin dans un secteur achalandé du centre-ville, alors qu’il était armé de deux couteaux qu’il continuait d’agiter. Tant que le plaignant était en liberté et armé de ses armes, il continuait d’être une menace et il incombait aux agents de police d’éliminer cette menace. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est clair que les agents de police en cause avaient toutes les intentions d’appréhender le plaignant sans recourir à une force meurtrière et, bien qu’en plusieurs occasions, un agent ait dégainé son arme à feu, chaque fois, cette arme a été rengainée en faveur d’une option de recours à la force moins meurtrière, laquelle a finalement permis de désarmer et d’appréhender le plaignant. Dans ce dossier, il est clair que la force employée par tous les agents de police en cause, mais plus particulièrement par l’AI et l’AT no 1 lorsqu’ils ont utilisé leur matraque télescopique pour désarmer le plaignant, a progressé de façon mesurée et proportionnée pour neutraliser et vaincre la résistance et l’étonnante résilience du plaignant et qu’elle était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour le désarmer et procéder à sa mise en détention légale.

Par conséquent, même si je conclus que les os des mains du plaignant ont été fracturés lorsque l’AI et l’AT no 1 ont utilisé leur matraque télescopique pour forcer le plaignant à laisser tomber les armes qu’il serrait dans ses mains, je ne puis conclure qu’il s’agissait d’un recours excessif à la force. Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell(1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C. A. C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai tenu compte de la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’affaire R. v. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans ce dossier, il est clair que la force employée par les agents de police dans leur tentative de désarmer le plaignant était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour le désarmer et éliminer le risque qu’il continuait de causer tant qu’il était en possession de ses armes.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que le désarmement du plaignant, sa mise en détention subséquente et la manière dont cela a été exécuté étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions exercées par les agents étaient conformes aux limites prescrites pas le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 1er mars 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Le fusil moins létal est une arme intermédiaire à portée accrue qui procure aux agents de police la possibilité de résoudre des situations potentiellement violentes à une plus grande distance, avec moins de risque de causer des lésions corporelles graves ou la mort que d’autres options de recours à la force. Les munitions d’impact fonctionnent sur le principe de la neutralisation ou contrainte par la douleur, en sorte que l’on puisse établir le contrôle du sujet. [Retour au texte]
  • 2) [2] L’AT no 1 n’a vu qu’un couteau, bien que les enquêteurs de l’UES aient récupéré deux couteaux avec des lames brisées et un troisième (trouvé dans le sac à dos du plaignant). [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.