Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-102

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 45 ans durant son arrestation le 5 février 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 4 mai 2017, vers 12 h 09, l’avocate du plaignant a signalé que son client avait subi une blessure durant sa mise sous garde. L’avocate a expliqué que le plaignant avait été arrêté dans le grenier du domicile d’un ami pour introduction par effraction par le Service de police de Windsor (SPW) le 5 février 2017. Elle a précisé que le plaignant était entré dans la résidence par une fenêtre, mais qu’il avait la permission de son ami de s’y trouver.

L’avocate a expliqué que le SPW avait envoyé son chien dans le grenier sans qu’il soit accompagné de son maître et que le chien avait attaqué le plaignant et ainsi avait causé de nombreuses plaies punctiformes et autres dommages à son bras. Par la suite, le plaignant avait été traité à l’hôpital et, selon le diagnostic, il avait des dommages permanents aux muscles du bras, et son bras était défiguré par les blessures.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 45 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 5 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 7 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 8 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A refusé de subir un entretien, mais ses notes et une déclaration écrite ont été obtenues et examinées.

Description de l’incident

Le 5 février 2017, une voisine d’une résidence a constaté qu’un homme était en train de pénétrer dans celle‐ci en grimpant par une fenêtre. Du fait que l’homme entrant ainsi dans la résidence ne ressemblait pas au propriétaire, la voisine a appelé le numéro 9‐1‐1. Des agents du SPW sont arrivés avec une unité canine et ont appelé le plaignant dans la résidence, mais il a refusé de sortir. Puis, la police est entrée de force dans le domicile dans l’intention de procéder à l’arrestation du plaignant pour introduction par effraction. Une fois à l’intérieur, la police a constaté qu’il y avait de l’isolant sur le sol en dessous du point d’accès au grenier et pensait que l’intrus se cachait au grenier. La police a dit au plaignant que s’il ne se montrait pas, on aurait recours à un chien de police. Le plaignant n’a pas répondu. On a soulevé le chien pour le placer dans le grenier, où il a affronté le plaignant tout seul, après quoi l’AI et un deuxième agent sont montés dans le grenier et ont arrêté le plaignant. Le plaignant avait été mordu par le chien avant que les agents entrent dans le grenier et retirent le chien de lui. La morsure du chien a causé une grave blessure au bras gauche du plaignant.

On a trouvé le propriétaire et durant l’entretien avec lui, on a appris qu’il avait donné au plaignant la permission d’entrer dans sa résidence, et le plaignant n’a donc pas été accusé d’introduction par effraction. Il a toutefois été arrêté et maintenu sous garde à cause de mandats d’arrestation en souffrance.

Nature des blessures/traitement

Le plaignant a été transporté à l’hôpital le 5 février 2017. D’après les notes de triage, le chien de police avait mordu le plaignant à l’avant‐bras gauche. Il avait sept plaies punctiformes au deltoïde, au biceps et au triceps. Il avait des marques de griffes du côté droit de sa tête, juste derrière l’oreille. Il avait de multiples lacérations à l’humérus, qui a été radiographié et qui ne présentait pas d’anomalies.

Ses plaies ont été nettoyées et méchées, et on l’a aiguillé vers une chirurgienne plasticienne. Toutes ses plaies ont été nettoyées et des médicaments ont été utilisés sur elles, mais on les a laissées à l’air libre à cause du risque d’infection élevé. Aucune des plaies n’a été cousue ou agrafée. La chirurgienne plasticienne a examiné le plaignant le lendemain (6 février 2017). Elle a retiré les mèches, et il n’y avait aucun signe d’infection.

Preuve

Les lieux de l’incident

Du fait que l’appel concernant l’incident a été reçu plusieurs mois après celui‐ci, les seules photographies des lieux de l’incident étaient celles prises par le SPW.

Accès au grenier dans le plafond

Accès au grenier dans le plafond

Preuve vidéo/audio/photographique

On n’a pas réussi à trouver des images filmées par des télévisions en circuit fermé (TVCF) à cause du temps qui s’était écoulé depuis l’incident.

Enregistrements des communications

Rapport des communications

L’appelante au numéro 9‐1‐1 a signalé qu’un homme grimpait dans une fenêtre d’un domicile situé sur la rue York. Elle ne savait pas s’il s’agissait d’une introduction par effraction ou si cet homme habitait à cette adresse, mais elle a précisé qu’un homme de grande taille était simplement entré par la fenêtre et qu’il ne ressemblait pas au propriétaire de la maison. Elle ne connaissait pas l’adresse exacte, mais a précisé que la personne qui entrait dans la maison était un homme plus grand et que le propriétaire du domicile était plus petit.

Initialement, une grande partie de l’appel au numéro 9‐1‐1 a été consacrée à déterminer la maison exacte où se déroulait apparemment une introduction par effraction. L’appelante au numéro 9‐1‐1 refusait de donner son nom et était seulement en mesure de préciser le pâté de maisons sur la rue York où était située la maison. Une fois qu’on a déterminé de quelle maison il s’agissait, le SPW est intervenu et a trouvé le suspect au grenier.

L’enregistrement n’était pas horodaté, mais l’intervention a duré au total 11 minutes et 43 secondes entre l’appel initial au numéro 9‐1‐1 et la vérification visant à déterminer si le plaignant était visé par des mandats d’arrestation. Le plaignant était déjà sous garde lorsque la police a vérifié si des mandats avaient été lancés contre lui.

Dossiers obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPW les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • feuille de mise en détention
  • registre des appels du Système de répartition assistée par ordinateur (SRAO)
  • CV de l’AI et de son chien de police
  • notes des AT nos 1 à 8 et de l’AI
  • copie papier de la fiche d’une personne ‐ plaignant
  • photographies des lieux de l’incident et des blessures subies par le plaignant
  • feuille d’inspection du prisonnier
  • procédure 782‐09 – déploiement de l’unité canine
  • procédure 811‐02 – intervention en réponse à une prise d’otages et à des personnes armées barricadées
  • dossier de formation – AI
  • déclarations écrites des AT nos 1 à 7 et de l’AI
  • manuel des procédures du SPW – Unité canine
  • enregistrement des appels au numéro 9‐1‐1
  • enregistrements des transmissions radio de la police
  • vérification du lieu au SPW
  • déclaration de témoin civil obtenue par le SPW le 5 février 2017

L’UES a également obtenu et examiné les documents et éléments suivants provenant d’autres sources :

  • documents médicaux du plaignant
  • rapport de l’appel au service d’ambulance
  • photos des blessures subies par le plaignant

Lois pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel - Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 348(1) du Code criminel – Introduction par effraction dans un dessein criminel

348 (1) Quiconque, selon le cas :

  1. s’introduit en un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un acte criminel
  2. s’introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel
  3. sort d’un lieu par effraction après :
    1. soit après y avoir commis un acte criminel
    2. soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel
    3. est coupable :
  4. soit d’un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité, si l’infraction est commise relativement à une maison d’habitation
  5. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si l’infraction est commise relativement à un endroit autre qu’une maison d’habitation

Article 349 du Code criminel – Présence illégale dans une maison d’habitation

349 (1) Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité quiconque, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, s’introduit ou se trouve dans une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel.

(2) Aux fins des poursuites engagées en vertu du présent article, la preuve qu’un prévenu, sans excuse légitime, s’est introduit ou s’est trouvé dans une maison d’habitation fait preuve, en l’absence de toute preuve contraire, qu’il s’y est introduit ou s’y est trouvé avec l’intention d’y commettre un acte criminel.

Analyse et décision du directeur

Le 5 février 2017, vers 11 h 11, le Service de police de Windsor (SPW) a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 d’une personne qui a demandé l’aide de la police et a dit ceci : [traduction] « Un gars vient tout juste de grimper dans une fenêtre sur la rue York. Je ne sais pas si c’est une introduction par effraction ou s’il habite là, mais il est monté dans la fenêtre – un grand gars – il ne ressemble pas au propriétaire de la maison… c’est un gars plus grand, le gars qui y habite est plus petit. » Par conséquent, l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 5 et l’AI, ainsi que son chien de police, ont été dépêchés dans le secteur et ont trouvé la résidence dans la ville de Windsor. Une fois sur les lieux, le service de police a découvert le plaignant qui se cachait au grenier et le chien l’a affronté, l’a mordu au bras gauche, après quoi il a été arrêté et transporté à l’hôpital, où il a reçu un traitement parce qu’il avait sept plaies punctiformes profondes au deltoïde, au biceps et au triceps. Il avait également des marques superficielles de griffes au côté droit de la tête, juste derrière l’oreille.

Le plaignant a indiqué qu’il avait entendu quelqu’un crier [traduction] « Sors de là! » et qu’il avait réalisé que la police était à l’extérieur. Le plaignant s’était alors caché dans le grenier, sous de l’isolant injecté. Le plaignant a indiqué que le chien était entré dans le grenier, sans laisse, et avait saisi sa tête du côté droit et puis son épaule gauche et son biceps. Puis, l’AI était monté et avait saisi le chien par son collier, mais avait permis au chien de le mordre à nouveau.

Durant l’enquête, le seul témoin civil que l’on a trouvé et avec lequel on s’est entretenu était le plaignant lui‐même, puisque personne d’autre n’avait observé l’interaction entre lui, le chien de police et les agents de police. Les enquêteurs se sont entretenus avec quatre AT, qui ont fourni leurs notes pour examen, tandis que trois agents additionnels ont fourni leurs notes et tous les agents, qui étaient au nombre de sept, ont fourni des déclarations préparées. L’AI a refusé de subir un entretien, mais a fourni ses notes et une déclaration préparée. Le maître‐chien principal au SPW a également passé en revue cet incident, comme il le fait pour tous les incidents où l’on a recours à un chien de police et/ou un chien a mordu quelqu’un et il a fait part de ses observations aux enquêteurs de l’UES. Les enquêteurs avaient accès aussi aux enregistrements de l’appel au numéro 9‐1‐1 et des transmissions de la police, ainsi qu’à des photographies du lieu de l’incident et aux dossiers médicaux et photographies des blessures du plaignant.

Il y a très peu d’écarts dans les versions des faits tels que rapportés par le plaignant et les agents de police sur les lieux de l’incident, les principales différences ayant trait non pas à ce qui s’est produit, mais remettant plutôt en question le caractère approprié et justifié des actions de l’AI dans les circonstances.

Les notes de l’AI indiquent que lui‐même et son chien de police avaient été envoyés sur place à la suite d’un appel signalant une introduction par effraction. Il a précisé que le chien était attaché à une laisse de 12 pieds. Selon les notes, l’AI s’est rendu à la fenêtre soupçonné d’être celle par laquelle le suspect avait pénétré dans la maison et a crié ceci : [traduction] « Unité canine de la police de Windsor, montrez‐vous – vous êtes en état d’arrestation. » Puis, il a vu un homme à la fenêtre, qui a dit [traduction] « C’est qui » et l’AI a de nouveau répondu qu’il faisait partie de la police de Windsor, qui enquêtait sur une introduction par effraction, que le plaignant était en état d’arrestation et qu’il devait se rendre à la porte avant pour parler à la police. Au lieu de cela, le plaignant a d’abord dit qu’il devait enfiler son pantalon et puis qu’il s’apprêtait à prendre une douche. L’AI a alors vu le plaignant courir dans la résidence jusqu’à l’arrière de la maison et a noté qu’il portait en réalité déjà un pantalon.

Puis, l’AI a entendu des objets qu’on déplaçait ou jetait dans la maison et il a de nouveau déclaré qu’il faisait partie de l’unité canine de la police de Windsor et que le plaignant était en état d’arrestation et qu’il devait se rendre à la porte. Le plaignant n’a pas répondu.

L’AT no 2 a expliqué que lorsqu’il avait entendu des coups venant de l’intérieur de la résidence et puis un silence total, il a commencé à se demander s’il s’agissait en fait d’un braquage de domicile.

L’AI s’est alors rendu à l’arrière de la maison et a continué de répéter la même information et les mêmes instructions. Les trois agents de police présents, ainsi que le plaignant, ont rapporté la même chose.

L’AI, dans ses notes, a indiqué qu’il avait des motifs de croire que le plaignant s’était introduit dans la maison par effraction et qu’il refusait d’obéir aux ordres que lui donnait la police.

L’AT no 1 a indiqué que tous les agents présents ont alors décidé qu’ils entreraient dans la résidence pour appréhender le plaignant pour introduction par effraction et lui, l’AT no 1, a forcé la porte arrière.

Les notes de l’AI précisent qu’il a alors donné l’ordre au chien de japper afin d’inciter le plaignant à se montrer. De nouveau, le plaignant n’a pas répondu. L’AI a alors détaché la laisse du chien et lui a ordonné de fouiller le rez‐de‐chaussée et le sous‐sol, mais le chien n’a trouvé personne. Tous les agents de police présents corroborent cet élément de preuve.

Puis, l’AI a constaté qu’il y avait des particules d’isolant sur le plancher de la salle de bain directement en dessous de la trappe d’accès au grenier et il a utilisé son bâton pour lever la trappe et de nouveau a crié pour s’identifier comme faisant partie de l’unité canine et pour informer l’homme qu’il était en état d’arrestation et qu’il devait se montrer. Il n’y avait pas de réponse et aucun son de mouvement venant du grenier.

L’AT no 1 a expliqué que les agents avait alors décidé qu’il serait dangereux d’envoyer l’un d’eux dans le grenier pour essayer de trouver l’intrus sans savoir ce qui l’attendait et que la méthode la plus sécuritaire serait d’envoyer le chien dans le grenier, après avoir donné au plaignant d’autres occasions de se livrer à la police en lui fournissant des instructions à cet effet, mais il n’y avait toujours pas de réponse.

Les notes de l’AI précisent que celui‐ci avait alors remis la laisse au chien et l’avait levé dans le grenier. Cela va dans le sens des déclarations de l’AT no 2, tandis que l’AT no 1 a indiqué qu’il pensait que le chien avait été levé dans le grenier sans sa laisse. Le raisonnement de l’AI était qu’il serait dangereux pour un agent d’entrer dans le grenier, puisque le plaignant faisait des efforts pour se cacher et parce qu’on ne savait pas s’il était armé.

Toujours selon les notes de l’AI, celui‐ci a continué de crier dans le grenier, tout en ordonnant à son chien de fouiller. L’AI a tenu le bout de la laisse pendant que le chien était au‐dessus de lui dans le grenier à la recherche de l’intrus. L’AT no 1 a expliqué qu’en l’espace de 30 à 45 secondes après qu’il l’avait placé dans le grenier, le chien a commencé à aboyer. L’AT no 1 a conclu que le chien avait trouvé l’intrus, et l’AI et AT no 2 sont alors montés au grenier.

L’AT no 2 a indiqué qu’il avait entendu le chien aboyer pendant environ 90 secondes après qu’il était entré dans le grenier et qu’il avait également entendu le son étouffé d’une voix. L’AT no 2 avait alors poussé l’AI dans le grenier et il l’avait entendu dire [traduction] « je vous arrête pour introduction par effraction, placez vos mains derrière le dos », après quoi il avait entendu une lutte dans le grenier et il s’était hissé tout seul dans le grenier pour aider l’AI. L’AT no 2 a expliqué qu’une fois qu’il était dans le grenier, il avait observé que l’AI maîtrisait son chien et l’avait entendu dire au plaignant de rester couché. Puis, on avait passé les menottes au plaignant sans incident.

L’AI a précisé que lorsque le chien avait commencé à aboyer, l’AI avait mis sa tête dans le grenier et avait vu le plaignant caché sous de l’isolant, alors que le chien se trouvait à côté de lui et aboyait. L’AI avait de nouveau crié qu’il était membre de l’unité canine et avait ordonné au plaignant de se montrer. Quand le plaignant refusait toujours de bouger, l’AI avait ordonné au chien de saisir (mordre) le plaignant.

L’AI a indiqué dans ses notes qu’il avait donné l’ordre au chien de mordre parce que le plaignant cachait ses mains, et il ne savait toujours pas s’il était armé ou s’il avait accès à des armes. Le chien avait mordu la région du biceps gauche du plaignant, qui avait crié pour qu’on enlève le chien de lui. Le plaignant avait ensuite reçu l’ordre de ramper vers l’AI et de se coucher sur le ventre tout en montrant ses mains, et le plaignant avait obtempéré. Une fois qu’il était clair que le plaignant n’était pas armé, l’AI était entré dans le grenier et avait maîtrisé le plaignant et lui avait dit une fois de plus qu’il était en état d’arrestation pour introduction par effraction. Puis, AT no 2 était monté au grenier pour aider son collègue et menotter le plaignant dans le dos, tandis que l’AI avait ordonné au chien de relâcher le plaignant.

L’AT no 1 a expliqué qu’alors que l’AI et l’AT no 2 descendaient le plaignant du grenier, le plaignant avait dit [traduction] « C’est ma faute, je n’aurais pas dû me cacher ».

Les seuls deux écarts que je puis voir entre la déclaration du plaignant et celle de l’AI est que le plaignant pensait que le chien n’était pas attaché à sa laisse lorsqu’il est entré dans le grenier, tandis que l’AI a indiqué qu’il l’était au contraire, et l’assertion du plaignant qu’il avait été mordu deux fois par le chien.

Du fait que le plaignant se cachait sous de l’isolant, que la laisse était très longue et que l’AI en tenait l’autre bout en bas à un endroit que ne pouvait voir le plaignant, il est facile pour moi de comprendre comment le plaignant aurait pu penser que le chien n’était pas attaché à sa laisse. Mais puisque l’AI et l’AT no 2 ont indiqué que le chien était attaché à sa laisse lorsqu’il est entré dans le grenier et que l’AT no 1 et le plaignant ont dit le contraire, je ne puis établir de façon définitive si le chien était attaché ou non à sa laisse lorsqu’il était entré dans le grenier. Je conclus toutefois que ce détail n’est pas pertinent lorsque je dois déterminer si j’ai des motifs raisonnables de penser que l’AI a eu recours à une force excessive dans ces circonstances puisque de toute façon, dans les deux scénarios, l’AI n’aurait pas été en mesure de contrôler le chien en utilisant la laisse alors qu’il se trouvait en bas et la tenait, sans pouvoir voir ce que faisait le chien dans le grenier.

À mon avis, le deuxième écart, c’est‐à‐dire l’assertion du plaignant que le chien de police l’avait saisi initialement à la tête et qu’une fois que l’AI était entré dans le grenier, il avait permis au chien de le mordre une deuxième fois, n’est pas corroboré par la preuve médicale. En effet, la preuve médicale montre clairement que les blessures à la tête du plaignant étaient des marques superficielles de griffes et n’étaient pas dues à une morsure. Je soupçonne que le plaignant a été griffé quand le chien fouillait dans l’isolant en pensant que le plaignant s’y trouvait peut-être et que ses griffes sont entrées en contact avec la tête de ce dernier; ces traces sont totalement différentes de celles d’une morsure.

La seule marque de morsure découverte était les sept profondes plaies punctiformes à l’avant‐bras gauche du plaignant, ce qui correspond à une morsure et à sept dents pénétrant sa chair. Je conclus que la preuve médicale confirme la déclaration de l’AI selon laquelle le chien a mordu le plaignant une seule fois, après qu’il l’avait trouvé et avait commencé à aboyer et après que l’AI avait mis sa tête dans le grenier et avait à nouveau donné plusieurs avertissements au plaignant de montrer ses mains. Quand le plaignant continuait de refuser d’obéir, l’AI avait ordonné à son chien de le saisir, et le chien l’avait mordu à l’avant‐bras et l’avait tenu jusqu’à ce que l’AI lui dise de le relâcher, ce qui s’est produit uniquement après que l’AI était parvenu à se hisser dans le grenier et avait déterminé que le plaignant n’avait aucune arme à la main et n’avait pas accès à des armes.

Après avoir évalué l’ensemble des éléments de preuve, qui comme je l’ai indiqué plus haut diffèrent uniquement sur des aspects mineurs, je n’accepte pas non plus que le chien de police est entré dans le grenier et a immédiatement saisi le plaignant, comme celui‐ci le prétend, puisque les trois agents de police qui se trouvaient en bas avaient entendu le chien aboyer pendant un certain temps avant qu’il y ait un silence. Clairement, le chien n’aurait pas pu aboyer si ses dents étaient enfoncées dans le bras du plaignant et, une fois qu’il aurait saisi le plaignant, il y aurait eu du silence, comme l’ont expliqué les agents.

J’accepte, en me basant sur l’ensemble de la preuve, que la police avait donné au plaignant amplement l’occasion de venir à la porte, pendant que les agents se trouvaient toujours à l’extérieur de la maison, et de se montrer et de sortir de sa cachette, quand ils étaient à l’intérieur de la maison. J’accepte également entièrement, toujours sur la base de la preuve, y compris le témoignage du plaignant, que celui‐ci savait que les agents de police étaient présents, qu’ils lui ordonnaient de se montrer et que le chien de police était présent également. Je conclus aussi que l’AI a prévenu le plaignant à maintes reprises en disant que s’il ne descendait pas du grenier, le chien s’y rendrait. Il apparaît clairement du témoignage du plaignant lui‐même qu’en dépit d’en être conscient, il était disposé à tenter sa chance en pensant que le chien ne serait pas en mesure de venir dans le grenier et qu’il n’a pas envisagé que la police lèverait le chien jusqu’au grenier.

J’ai également pris en considération l’opinion du TC no 8, le maître‐chien et entraîneur principal du SPW. Le TC no 8 passe en revue tous les cas où un chien de police est utilisé et/ou mord quelqu’un et il a examiné l’incident dont il est question ici. Le TC no 8, après avoir examiné tous les faits, était d’avis que l’AI et son chien avaient fait tout ce qu’ils avaient été entraînés à faire et a précisé que ni l’utilisation du chien de police ni les actions de l’AI ne suscitaient de préoccupations pour lui. Tandis que cette opinion n’est évidemment pas concluante, j’en ai tenu compte pour en arriver à ma décision.

En vertu du par. 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont protégés contre des poursuites s’ils agissent conformément à leurs fonctions légitimes et s’ils n’utilisent que la force nécessaire à cette fin légitime. Dans le dossier devant moi, il est clair, d’après les renseignements fournis à la police lors de l’appel au numéro 9‐1‐1, que les agents de police avaient des motifs raisonnables de croire qu’une introduction par effraction en contravention du par. 348 (1) du Code criminel était en cours et qu’ils agissaient légalement pour enquêter sur cette allégation. De plus, je n’ai aucun doute que les actions du plaignant en refusant de parler à la police, à la suite des demandes répétées par les agents, et en se cachant plutôt dans le grenier, auraient renforcé la croyance des agents de police que le plaignant commettait une infraction criminelle. Par conséquent, il est clair à la lumière de ces faits que les agents de police agissaient dans le cadre de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils sont entrés et ont tenté d’appréhender le plaignant et que leurs actions étaient justifiées, à condition de ne pas recourir à de la force excessive.

En ce qui concerne le degré de force utilisé durant l’appréhension du plaignant, il est clair qu’aucun agent de police n’a usé de force physique directement contre le plaignant, autre que le minimum requis pour le menotter et le remettre debout et le descendre du grenier, et il n’y a pas eu d’allégations disant le contraire. Tandis que le chien de police était clairement une extension des agents de police et constituait en réalité une option de recours à la force, dans cette situation, où le plaignant était soupçonné d’être entrée illégalement dans la résidence et, plutôt que de sortir et de parler à la police, il avait opté pour la solution extrême de se hisser au grenier, et en raison de l’absence d’information indiquant si le plaignant était armé ou non, je suis d’accord avec l’évaluation de l’AT no 1 qu’il aurait été dangereux d’envoyer aveuglement un agent de police dans le grenier pour essayer de trouver l’intrus et qu’il était plus sûr d’envoyer le chien à cet endroit, après avoir donné d’amples avertissements et occasions de se livrer au plaignant. Bien que je ne sois pas d’accord avec l’évaluation des agents de police qu’il fallait agir immédiatement parce que le plaignant se cachait dans le grenier et que j’aurais préféré qu’ils appellent un superviseur, à mes yeux, il n’y aucun lien entre leur conduite et un quelconque acte criminel ou une quelconque intention criminelle.

Bien qu’il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que le chien de police a mordu le plaignant et a causé ses blessures, il est tout aussi clair que si le plaignant n’avait pas pris des mesures pour se cacher à la police, il n’aurait pas été mordu. Le chien de police a agi exactement comme il avait été entraîné à le faire, en ce sens qu’au moment de la découverte du plaignant, il avait d’abord aboyé pour l’avertir et pour informer son maître‐chien et puis, lorsque le plaignant avait continué de refuser de sortir de sa cachette et de montrer ses mains, il a réagi à l’ordre donné par l’AI d’affronter le plaignant et c’est alors qu’il l’a mordu. Avant que le chien n’affronte le plaignant, il n’était pas sécuritaire pour l’AI ou pour n’importe quel autre agent de police d’entrer au grenier pour s’occuper du plaignant, qui à ce moment‐là était un intrus inconnu, qui ne réagissait pas et qui était peut‐être armé. Le chien de police a saisi le plaignant comme il avait été entraîné à le faire et en suivant l’ordre qui lui avait été donné et n’a pas lâché prise jusqu’au moment où le maître-chien lui a dit de le relâcher. Il se peut bien que le temps qu’a mis l’AI à se hisser dans le grenier et à s’approcher du plaignant et à l’appréhender ait repoussé le moment où il pouvait ordonner au chien de lâcher prise et il se peut donc qu’à cause de ce facteur, le chien de police ait continué à tenir le plaignant pendant plus longtemps que cela n’aurait été le cas dans d’autres circonstances. Toutefois, je ne puis faire autrement que de conclure que cette situation avait été créée par le plaignant lui‐même et qu’elle aurait pu être évitée facilement s’il était simplement sorti et s’il s’était expliqué à la police, plutôt que de se cacher sous de l’isolant dans le grenier.

En arrivant à la conclusion que l’intervention n’était pas accompagnée d’un recours excessif à la force, je suis conscient de la loi telle qu’exposée dans R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention et qu’on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206). En dernière analyse, je suis d’avis que c’était les actions du plaignant qui ont forcé la police à utiliser un chien et que c’était d’autres actions du plaignant, en refusant de sortir et de montrer ses mains, qui ont forcé l’AI à utiliser son chien et qui ont causé les blessures qu’a subies le plaignant.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que le plaignant, de sa propre initiative, a décidé d’ignorer les nombreux ordres de la police l’enjoignant à sortir et à parler avec elle et qu’il a décidé au lieu de cela de se dissimuler dans un grenier sombre en espérant qu’on ne le trouverait pas ou que la police renoncerait simplement et quitterait. Je conclus, en me fondant sur le témoignage du plaignant lui‐même, qu’il avait décidé de tenter sa chance et d’ignorer les avertissements répétés que le chien de police serait envoyé dans le grenier pour l’appréhender; il est clair qu’il a fait le mauvais choix.

Il incombait à la police d’enquêter après avoir reçu de l’information au sujet d’une introduction par effraction qui était en cours dans une résidence. Si le plaignant était simplement venu vers la police et s’était identifié et avait donné le nom du propriétaire, qui aurait alors pu confirmer qu’il se trouvait légalement dans la résidence, il n’aurait pas été nécessaire de recourir au chien de police. Le plaignant a tenté sa chance et a perdu. Ces décisions il les a prises tout seul, alors qu’il savait très bien, après avoir reçu de nombreux avertissements, que le chien serait envoyé vers lui s’il n’obtempérait pas.

En conclusion, compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, je statue que je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a eu recours à une force excessive lorsqu’il a utilisé son chien dans les circonstances et par conséquent, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire qu’il a commis une quelconque infraction criminelle et aucune accusation ne sera portée contre lui.

Date : 20 mars 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.