Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-222

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 36 ans pendant son arrestation le 22 août 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 5 h 55, le 22 août 2017, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant durant sa mise sous garde.

Le SPRN a indiqué que le mardi 22 août 2017, vers 2 h 43, des agents de police ont vu le plaignant et lui ont parlé dans le secteur de la rue Niagara à St. Catharines. Une vérification dans l’ordinateur a révélé qu’un mandat d’arrestation non exécuté avait été lancé contre lui. Les agents de police l’ont arrêté et menotté, mais le plaignant s’est échappé d’eux et a tenté de fuir à pied. Alors qu’il courait, les shorts du plaignant sont tombés et il a perdu ses sandales, ce qui l’a fait trébucher. Le plaignant s’est blessé et a été transporté à l’hôpital. Après son examen médical, la police a été informée incorrectement que le plaignant avait une fracture à la rotule du genou. Par la suite, on a établi que cette information était inexacte, et que le plaignant avait plutôt subi une fracture légèrement déplacée à l’os nasal.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme de 36 ans, interviewé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoin civil (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A refusé d’être interviewé

Agents témoins (AT)

AT n° 1 Entrevue, notes reçues et examinées

AT n° 2 Entrevue, notes reçues et examinées

AT n° 3 Entrevue, notes reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Aux premières heures du 22 août 2017, le plaignant a été arrêté derrière un bâtiment situé au 43, rue Niagara, dans la ville de St. Catharines. Lorsque la police lui a demandé ce qu’il faisait dans un terrain de stationnement isolé, dans un secteur fréquenté par des consommateurs de drogue et des prostituées, le plaignant a initialement menti au sujet de son identité. Il a rapidement été établi qui il était en fait, et les agents ont découvert qu’il y avait un mandat d’arrestation non exécuté contre lui.

Le plaignant a été placé sous garde sur les lieux et on lui a passé les menottes, les mains derrière le dos. Du fait qu’il faisait chaud et humide, le plaignant portait uniquement une chemise, des shorts amples et des tongs.

Alors que l’agent impliqué (AI) amenait le plaignant à la voiture de patrouille, le plaignant a tenté de fuir et a traversé un terrain de stationnement en asphalte en courant, avec ses mains toujours attachées derrière le dos. L’AI l’a pris en chasse et alors qu’il courait, l’AI a vu que le plaignant perdait ses shorts et ses tongs. Lorsque l’AI a rattrapé le plaignant, il a essayé de le saisir, parce que le plaignant était en train de tomber du fait que ses shorts étaient abaissés. Le plaignant est tombé par terre sur le visage, qui a heurté la surface en asphalte.

Nature des blessures/traitement

Le plaignant a subi une fracture au nez. à l’hôpital, un membre du personnel médical pensait initialement que le plaignant s’était peut‐être fracturé la rotule du genou, et cet avis a été transmis au SPRN, qui a alors retransmis à l’UES cette information concernant la nature de la blessure.

Durant son entretien avec des enquêteurs de l’UES, le plaignant a indiqué clairement qu’il n’avait aucune blessure au genou ou à la jambe, et ce fait a été confirmé par la suite au moment de l’examen des dossiers médicaux. Ces dossiers ont confirmé que le plaignant avait subi une fracture à l’os nasal, qui est la blessure faisant l’objet de l’enquête décrite ici.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident est survenu dans un terrain de stationnement de bureau situé à l’arrière d’établissements commerciaux sur la rue Niagara à St. Catharines. Ce secteur est fréquenté le soir par des prostituées et des trafiquants de drogue quand toutes les unités commerciales sont fermées pour affaires. Dans ce secteur et jusqu’à l’arrière de la rue North, le sol est recouvert d’asphalte. Le soir, ce secteur est très mal éclairé.

Éléments de preuve médico-légaux

Aucun document ni élément n’a été soumis au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

On n’a trouvé aucune vidéo ou aucun enregistrement audio, ni des photographies.

Enregistrements des communications

Les enquêteurs ont obtenu et examiné les enregistrements des communications de la police, ainsi que le registre connexe.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPRN les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • mandat d’arrestation (signé)
  • résumé des données de répartition assistée par ordinateur
  • enregistrement des communications de la police
  • notes des AT nos 1 à 3
  • profil du sujet – plaignant

L’UES a également obtenu les dossiers médicaux du plaignant.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 129 du Code criminel – Infractions relatives aux agents de la paix

129 Quiconque, selon le cas :

  1. volontairement entrave un fonctionnaire public ou un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions ou toute personne prêtant légalement main-forte à un tel fonctionnaire ou agent, ou lui résiste en pareil cas;
  2. omet, sans excuse raisonnable, de prêter main-forte à un fonctionnaire public ou à un agent de la paix qui exécute ses fonctions en arrêtant quelqu’un ou en préservant la paix, après un avis raisonnable portant qu’il est requis de le faire;
  3. résiste à une personne ou volontairement l’entrave dans l’exécution légitime d’un acte judiciaire contre des terres ou biens meubles ou dans l’accomplissement d’une saisie légale,

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans;
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 22 août 2017, l’agent témoin (AT) no 2 du SPRN enquêtait sur un véhicule automobile arrêté dans le stationnement d’un établissement commercial fermé. Le véhicule automobile avait trois personnes à son bord et était stationné dans un secteur réputé d’être fréquenté par des prostituées et des consommateurs de drogue. L’AI et l’AT no 1 sont venus aider l’AT no 2. L’AT no 2 a demandé que les trois occupants du véhicule automobile s’identifient, et le passager assis à l’arrière, le plaignant, a donné une fausse identité en se faisant passer pour son frère. Lorsque le nom donné a été vérifié dans l’ordinateur de la police, il a été déterminé que non seulement le passager n’était pas le frère, mais que ce passager, le plaignant, était recherché par la police en raison de mandats d’arrestation non exécutés lancés contre lui, et il a été mis en état d’arrestation, menotté les mains dans le dos, et fouillé. Après la fouille, il a été remis à l’AI, qui l’a alors escorté jusqu’à sa voiture de patrouille afin de le transporter au poste de police.

Alors que l’AI ouvrait la portière de la voiture de patrouille, le plaignant a décidé de profiter de l’occasion et de fuir à la police, en dépit du fait qu’il portait des menottes dans le dos. L’AI a immédiatement crié contre le plaignant de s’arrêter, puisqu’il était en état d’arrestation, et a commencé à le suivre à pied. Durant la poursuite à pied, le plaignant est tombé au sol; puis, il a été transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture à l’os nasal.

Durant l’enquête, les enquêteurs se sont entretenus avec deux témoins civils, dont le plaignant, et quatre agents de police témoins, dont l’agent impliqué; le troisième passager dans le véhicule automobile a refusé de fournir une déclaration. Bien qu’il y ait une divergence d’opinions quant à la question de savoir si le plaignant était tombé parce qu’il avait trébuché et avait fait une chute pendant qu’il tentait de s’enfuir ou si l’AI l’avait plaqué au sol, également lorsqu’il tentait de fuir, la preuve fournie par l’ensemble des témoins est cohérente en ce qui concerne les faits qui ont mené à la chute du plaignant et il n’y a aucune allégation selon laquelle l’un ou l’autre des agents aurait frappé le plaignant ou lui aurait donné des coups de pied ou qu’une option de recours à la force aurait été utilisée.

Le plaignant était d’avis qu’alors qu’il s’enfuyait en courant, un agent de police l’avait plaqué au sol et qu’il s’était heurté le visage sur l’asphalte durant sa chute, ce qui avait causé sa blessure. L’AI, dans sa déclaration, a expliqué qu’alors que le plaignant courait avec les mains derrière le dos, il avait tenté de saisir le plaignant, juste au moment où celui‐ci commençait à tomber du fait que ses shorts étaient tombés autour de ses genoux et qu’il perdait ses tongs. L’AI a ajouté qu’il tenait le plaignant au côté droit lorsqu’ils étaient tous deux tombés au sol, l’AI étant tombé à la gauche du plaignant et le plaignant étant tombé le visage d’abord sur l’asphalte, du fait qu’il n’avait pas pu amortir sa chute puisque ses mains étaient menottées dans le dos.

Dans l’ensemble, je vois très peu de différence entre la déclaration du plaignant et celle de l’AI; les distinctions sont dues plutôt à une question de perspective et à la difficulté de comprendre entièrement ce qui s’est passé dans une situation qui évoluait très vite, surtout que le plaignant se dirigeait vers l’avant et n’était probablement pas en mesure de voir exactement ce que faisait l’AI derrière lui.

Quoi qu’il en soit, que les actions de l’AI puissent être décrites comme un placage au sol ou non, à mon avis, cette distinction n’est pas très pertinente, puisque dans chacun des scénarios, les gestes de l’AI auraient été entièrement justifiés dans les circonstances, puisque le plaignant tentait de fuir à la police après avoir été arrêté et menotté et que l’AI avait l’obligation de l’appréhender.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je n’ai aucune difficulté à accepter que, selon toute vraisemblance, les événements réels se situent quelque part entre la perception du plaignant et celle de l’AI. J’accepte que le plaignant, en raison de ses tentatives de courir tout en portant des vêtements amples et des tongs offrant peu de stabilité, tout en ayant les mains menottées derrière le dos, soit avait commencé à tomber juste avant, soit était tombé pendant que l’AI tentait de le saisir et était tombé durement sur le sol le visage d’abord parce qu’il lui était impossible d’amortir sa chute, du fait qu’il avait les mains menottées derrière le dos.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de la poursuite et de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la preuve que l’AT no 2 accomplissait ses fonctions lorsqu’il a décidé d’enquêter sur un véhicule automobile avec trois occupants à son bord, qui était stationné sur la propriété d’un bâtiment commercial dont les établissements étaient fermés dans un secteur réputé pour son activité de drogue et de prostitution. Tandis que le plaignant, en tant que passager du véhicule automobile, n’avait pas l’obligation de s’identifier à l’AT no 2 à la demande de celui‐ci, en décidant de lui fournir une fausse identité, entravait alors activement une enquête policière en contravention de l’art. 129 du Code criminel.

Par ailleurs, une fois qu’il avait été déterminé qu’il y avait des mandats d’arrestation en souffrance à l’égard du plaignant, la police avait entièrement le droit d’exécuter ces mandats et de mettre le plaignant en état d’arrestation. Lorsque le plaignant a décidé de fuir à la police après avoir été mis légalement en état d’arrestation, il incombait évidemment à la police de l’appréhender non seulement parce qu’il s’échappait, mais aussi parce qu’il le faisait tout en ayant en sa possession des menottes appartenant à la police. Ainsi, la poursuite et l’appréhension du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisé par l’AI au moment de l’appréhension du plaignant, qui avait été arrêté et qui tentait activement de s’échapper à la police, peu importe que le plaignant soit tombé tout seul ou que l’AI se soit étiré vers lui et l’ait saisi alors qu’il tombait et qu’ils soient tombés tous deux ensemble ou que l’AI se soit lancé sur le plaignant en le saisissant et en le plaquant au sol, je ne puis conclure que les actions de l’AI constituaient un recours excessif à la force. Bien que d’autres témoins fussent trop éloignés et qu’il fît trop sombre pour qu’ils puissent voir exactement comment le plaignant et l’AI en étaient venus à tomber au sol, toutes les personnes qui ont fourni des déclarations étaient cohérentes dans leurs propos et ont dit que l’AI n’avait jamais donné des coups de poing ou de pied au plaignant et ne l’avait frappé d’aucune autre manière, et qu’à part le fait de le saisir et de tomber au sol, il n’y avait eu aucun recours à la force.

En faisant preuve de bon sens pratique, j’accepte qu’il aurait été difficile dans le meilleur des cas de garder son équilibre tout en courant et en portant des shorts qui n’étaient pas de la bonne taille et des tongs, mais lorsqu’on combine cela à la perte d’équilibre causée par le fait d’être menotté les mains dans le dos tout en courant dans un secteur non familier dans la noirceur, je n’ai aucune difficulté à accepter que lorsque l’AI s’est étiré et a saisi le plaignant, celui-ci a complètement perdu l’équilibre et qu’ils sont tous deux tombés par terre. Je suis conforté dans cette version des événements par le fait que l’AI est tombé à côté du plaignant, plutôt que sur lui, ce qui d’après moi se serait passé si l’AI avait plaqué le plaignant au sol. Toutefois, même si j’en venais à accepter que l’AI a plaqué intentionnellement le plaignant pour éviter sa fuite, je conclurais qu’il ne s’agirait pas là d’un recours excessif à de la force, en dépit de la blessure subie par le plaignant.

Pour arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit énoncé par la Cour suprême du Canada dans R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Compte tenu de toutes les circonstances, l’option que l’AI a choisie pour appréhender le plaignant a été plus que raisonnable dans les circonstances et, si ce n’est que d’avoir permis au plaignant de s’évader en courant avec les menottes de la police, était en fait la seule option que l’AI avait à sa disposition au moment de l’incident. Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI pour prendre en chasse et saisir le plaignant, qui tentait de fuir à la police après avoir été arrêté légalement, tombait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa détention légale.

En conclusion, je rends que le plaignant, en décidant de fuir à la police après avoir été menotté les mains dans le dos, était dans une large mesure responsable de son propre malheur, ce qui lui a causé la blessure qu’il a subie, et que l’AI n’avait pas d’autres moyens à sa disposition à l’époque et qu’il n’a pas utilisé plus de force que nécessaire pour appréhender le plaignant. Compte tenu de ces faits, je ne puis trouver de motif raisonnable de croire que l’AI a eu recours à de la force excessive, malgré la malheureuse blessure subie par le plaignant, et je conclus il n’y a aucune raison de porter des accusations au criminel dans cette affaire.

Date : 22 mars 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.