Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-173

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 22 ans pendant son arrestation le 8 juillet 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 1 h 30, le 9 juillet 2017, la Police régionale de York (PRY) a informé l’UES que le 8 juillet 2017, à 22 h 43, des agents de la PRY avaient arrêté le plaignant, un homme âgé de 22 ans, pour introduction par infraction et qu’il avait été amené au poste de police, où il s’était plaint d’avoir la mâchoire endolorie. Le plaignant avait alors été transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait un os orbitaire fracturé.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Un enquêteur judiciaire (EJ) a photographié le lieu de l’arrestation ainsi que les blessures du plaignant. Initialement, le plaignant a dit aux enquêteurs de l’UES qu’il avait été « frappé avec un pistolet » par l’agent impliqué (AI) et que les blessures qu’il avait au visage avaient été causées par la crosse de cette arme; il a répété cette allégation à l’EJ de l’UES. L’EJ de l’UES a saisi les ceintures de service et le matériel de recours à la force de l’AI et de l’agent témoin (AT no 1) et a procédé à des prélèvements sur ces objets en vue d’analyses de l’ADN.

On a demandé au plaignant de fournir un frottis buccal (prélèvement à l’intérieur de la bouche) afin de créer un échantillon d’ADN aux fins de contrôle, auquel moment le plaignant a changé sa description de l’incident et a déclaré que ce n’était pas la crosse de l’arme à feu qui était entrée en contact avec son visage, mais plutôt le tranchant de la main de l’AI. Le plaignant a dit qu’il ne fournirait pas de frottis buccal.

Plaignant :

Homme de 22 ans, interviewé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

AT no 6 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 7 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 8 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le 8 juillet 2017, à 22 h 28, la PRY a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 d’une citoyenne qui a signalé qu’elle avait vu plusieurs hommes portant des masques s’introduire par effraction dans une résidence voisine par une porte arrière et que les hommes n’en étaient pas ressortis.

Plus tard, ces hommes ont été identifiés comme le plaignant, le TC no 1 et le TC no 2.

De nombreux agents de police appartenant à la PRY ont répondu à l’appel diffusé par la radio, et à l’arrivée des agents de police sur les lieux, le plaignant, le TC no 1 et le TC no 2 sont sortis de la résidence par la porte arrière et ont fui en courant dans des cours arrières et dans des zones boisées se trouvant derrière les résidences dans le secteur. Des agents de police de la PRY se sont lancés à la poursuite des suspects à pied.

Le plaignant, le TC no 1 et le TC no 2 ont fui en direction ouest sur la voie ferrée du Canadien National (CN)/Réseau GO, juste au nord de l’autoroute 7, entre les chemins McCowan et Kennedy. Ils ont été appréhendés sur la voie ferrée par l’AI et l’AT no 1, juste à l’ouest de la station Centennial du Réseau GO .

Le plaignant a été mis au sol par l’AI ou a été frappé au visage par celui-ci, ce qui a causé une blessure au côté gauche du visage. Il a été transporté à une division de la PRY et puis par ambulance à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture de l’os nasal et une fracture à la colonne nasale du maxillaire.

Preuve

Photographie de la section du chemin de fer où est survenue l’arrestation :

Photographie de la section du chemin de fer où est survenue l’arrestation

Preuve vidéo/audio/photographique

Les enquêteurs ont saisi et examiné des images provenant de nombreuses caméras du CN et du réseau GO, des images prises par l’hélicoptère Air 1 de la PRY, les séquences filmées par les caméras dans tous les véhicules en cause de la PRY et les séquences filmées par des caméras de sécurité de télévisions en circuit fermé (TVCF) dans le secteur. Aucune des images saisies ne montrait aucune partie de l’arrestation du plaignant et ainsi n’avait aucune valeur probante.

Éléments de preuve médicolégaux

Le 21 juillet 2017, l’UES a transmis une demande d’approbation préalable au Centre de sciences judiciaires (CSJ) en vue de l’analyse génétique et médicolégale des écouvillons ayant servi à faire des prélèvements sur les articles saisis de l’AI et de l’AT no 1, à savoir leurs ceintures de service et leur matériel de recours à la force. Le CSJ a également reçu un historique de cet incident et a été informé du refus du plaignant de fournir un frottis buccal à des fins de comparaison.

Le 24 juillet 2017, le gestionnaire de la Section de biologie du CSJ a fait savoir à l’UES qu’étant donné que le contact physique était un contact unique et que la peau sur la joue du plaignant n’avait pas été déchirée et qu’étant donné que le plaignant alléguait maintenant qu’il avait été frappé avec le talon de la main de l’agent et non pas avec la crosse du pistolet, les écouvillons ne seraient pas acceptés aux fins d’analyse.

Éléments obtenus des services de police

L’UES a demandé à la PRY les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • historique des événements
  • liste principale des agents qui ont répondu à l’appel
  • notes des AT nos 1 à 8 et de l’AI
  • procédure – recours à la force
  • procédure – mise en détention du délinquant – arrestation, infractions provinciales et libération
  • procédure – garde, contrôle et transport des prisonniers
  • dossiers de formation des AT nos 1 et 2
  • liste des témoins
  • déclarations des témoins de la PRY

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 348(1) du Code criminel – Introduction par effraction dans un dessein criminel

348 (1) Quiconque, selon le cas :

  1. s’introduit en un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un acte criminel
  2. s’introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel
  3. sort d’un lieu par effraction après :
    1. soit après y avoir commis un acte criminel
    2. soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité, si l’infraction est commise relativement à une maison d’habitation
  2. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si l’infraction est commise relativement à un endroit autre qu’une maison d’habitation

Article 349 du Code criminel – Introduction par effraction dans un dessein criminel

349 (1) Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité quiconque, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, s’introduit ou se trouve dans une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel.

(2) Aux fins des poursuites engagées en vertu du présent article, la preuve qu’un prévenu, sans excuse légitime, s’est introduit ou s’est trouvé dans une maison d’habitation fait preuve, en l’absence de toute preuve contraire, qu’il s’y est introduit ou s’y est trouvé avec l’intention d’y commettre un acte criminel.

Analyse et décision du directeur

À 20 h 24 m 54 s le 8 juillet 2017, la Police régionale de York (PRY) a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 demandant l’aide de la police à une résidence dans la ville de Markham. L’appelante a indiqué qu’elle avait vu deux hommes masqués entrer par effraction dans la maison à partir de la cour arrière en s’introduisant par la porte arrière et que les hommes étaient toujours dans la maison.

Par conséquent, des agents de la PRY ont été envoyés sur les lieux. L’AT no 4 et un agent de police non désigné sont arrivés à la résidence à 20 h 31 et ont vu trois hommes sortir par la porte arrière de la résidence en courant et se rendre dans la cour arrière et puis passer par‐dessus une clôture. L’ATno 4 et l’agent de police non désigné ont commencé à poursuivre les trois hommes à pied, mais les ont perdus de vue alors qu’ils traversaient des arrière‐cours résidentielles en courant.

Les AT nos 7 et 8 ont entendu par la radio que leurs collègues avaient perdu de vue les trois hommes et ils se sont rendus dans la cour arrière à l’adresse et dans celle d’une adresse adjacente et ont franchi la clôture pour se rendre ensuite dans une grande zone boisée dans l’espoir de retrouver les hommes. L’AT no 7 est arrivé à la voie ferrée du Réseau GO, qui est parallèle à la route, où il a vu trois hommes courir vers l’ouest sur les rails à environ 200 verges à l’est de sa position. Alors qu’il a commencé à courir vers les hommes, il a entendu l’AI, sans le voir, crier : [traduction] « Couchez‐vous! Couchez‐vous! »

Le plaignant allègue que pendant qu’il marchait sur la voie ferrée, il avait entendu deux agents de police s’approcher de lui et qu’il s’était immédiatement mis sur les genoux avec les mains derrière la tête et qu’il s’était penché vers l’avant et avait placé sa tête près du sol. Il est allégué que les deux agents avaient leur arme à feu à la main. Il est allégué aussi que l’AI avait alors levé la tête du plaignant et lui avait donné deux coups au visage, le frappant au côté gauche de celui-ci et à la mâchoire soit avec la main, soit avec la crosse de son pistolet. Puis, l’AI avait donné un troisième coup avec la crosse de son pistolet, qui était entrée en contact avec la joue gauche du plaignant.

Après l’entrevue avec le plaignant le 9 juillet 2017, on a photographié ses blessures. On a constaté qu’il avait une contusion rectangulaire à la joue gauche; la peau n’avait pas été déchirée. En raison de la possibilité que cette blessure corrobore dans une certaine mesure l’allégation du plaignant qu’il avait été frappé avec la crosse de l’arme à feu de l’AI, on a demandé au plaignant de fournir un échantillon de son ADN afin de permettre l’analyse du matériel de recours à la force auquel avait accès les agents de police et ainsi de détecter l’éventuelle présence d’ADN et de confirmer ses allégations. Après y avoir réfléchi, le plaignant a indiqué qu’il n’avait en fait pas été frappé avec la crosse de l’arme à feu de l’AI, et que celui‐ci l’avait seulement frappé avec ses poings. Le plaignant a refusé de fournir un échantillon d’ADN pour cette raison.

Le TC no 1 a allégué qu’il avait été frappé à la bouche par l’AI avec l’extrémité de la poignée de son arme à feu. Le TC no 1 a également allégué que lorsqu’il avait regardé derrière lui, il avait vu l’AI frapper le plaignant au côté gauche de la mâchoire avec l’extrémité de la poignée de son arme à feu, qu’il tenait dans la main gauche. Puis, l’AI avait rengainé son arme à feu et avait menotté le plaignant, après quoi il avait de nouveau frappé le plaignant au côté gauche de la mâchoire et à la pommette gauche, avec son poing gauche, et puis, avait donné un coup de pied au côté gauche du plaignant avec son pied gauche.

Le TC no 2, qui se trouvait derrière les deux autres hommes sur le chemin de fer, alors que tous les trois étaient sur le ventre, a allégué que l’AI avait donné plusieurs coups de pied aux côtes du TC no 1 et qu’il avait poussé son visage dans le gravier entre les traverses et les rails. L’AI s’était alors approché du plaignant et l’avait traité brutalement. À aucun moment, le TC no 2 n’avait vu un agent de police frapper, avec ou sans arme à feu, le TC no 1 ou le plaignant.

L’AI a indiqué que lui et l’AT no 1 avaient franchi une clôture et s’étaient rendus sur les rails à la recherche des trois hommes, qu’ils avaient aperçus à environ 100 verges devant eux. Dès que les trois hommes avaient vu les deux agents de police, ils avaient commencé à courir dans la direction opposée et les agents les avaient poursuivis à pied. L’AI a expliqué qu’il avait alors dégainé son arme à feu, parce qu’il craignait que les hommes soient armés. Il avait également tenu compte du fait que lui et l’AT no 1 étaient désavantagés du fait qu’ils n’étaient que deux et que les autres agents de police ne savaient peut‐être pas où ils étaient exactement ou auraient de la difficulté à les trouver. L’AI a précisé que lorsqu’il s’était approché d’une quarantaine de mètres des hommes, il avait constaté qu’ils n’avaient rien entre les mains et il avait rengainé son arme à feu et avait crié plusieurs fois aux hommes qu’ils étaient en état d’arrestation et qu’ils devaient se coucher sur le sol. Les hommes avaient continué de courir. Il a précisé que les espaces qui séparaient les trois hommes était de six à dix pieds.

L’AI a indiqué que les hommes s’étaient alors arrêtés et se tenaient debout alors que lui et l’AT no 1 s’en approchaient. L’AI s’était approché du TC no 2 et avait saisi son bras gauche, et le TC no 2 avait immédiatement commencé à résister et à tenter de se dégager. L’AI l’avait mis au sol et l’avait menotté. L’AI avait constaté que l’AT no 1 s’occupait du TC no 1 et éprouvait une certaine difficulté et il était donc allé l’aider et avait également mis au sol et menotté le TC no 1.

L’AI avait observé le plaignant sur les rails à une dizaine de pieds à l’ouest de l’endroit où il se trouvait avec l’AT no 1. Puis, il s’était approché du plaignant du côté gauche, tandis que l’AT no 1 s’en approchait du côté droit. L’AI avait saisi la région de l’avant‐bras et du poignet du plaignant avec sa main gauche et, avec sa main droite, avait saisi le biceps/triceps gauche du plaignant. Il a indiqué que le plaignant avait commencé à se raidir et à essayer de se dégager et a décrit le plaignant comme un homme corpulent, fort et en bonne condition physique. L’AT no 1 prêtant main-forte à son collègue, les deux agents de police avaient tiré le plaignant sur le sol en utilisant pas mal de force, ce qui, de l’avis de l’AI, était nécessaire en raison de sa taille et du fait qu’il résistait. Le plaignant avait atterri sur les traverses et le gravier entre les rails, la tête et le visage en premier. Au moment où le plaignant touchait le sol, l’AI avait perdu prise et avait lâché le plaignant et était tombé sur lui. Puis, les agents de police avaient menotté le plaignant.

L’AI a précisé qu’il avait placé le plaignant au sol exactement de la manière dont il avait été entraîné à le faire au collège de la police et qu’à aucun moment il n’avait donné des coups au plaignant ni avec son poing ni avec son arme à feu et ne lui avait pas donné des coups de pied et n’avait pas vu l’AT no 1 le faire non plus. En outre, l’AI a indiqué qu’il n’avait jamais dégainé son arme à feu lors de son interaction avec le plaignant et qu’il n’avait jamais eu l’intention de lui causer des blessures.

L’AT no 1 a expliqué que lorsqu’il avait regardé vers l’ouest à une distance d’environ 100 à 200 verges, il avait vu les trois hommes courir au pas de course, tout en jetant constamment des regards par‐dessus leur épaule. L’AT no 1 a précisé que lorsque lui et l’AI s’étaient approchés à environ cinquante verges des hommes, l’AI les avait informés en criant qu’ils étaient en état d’arrestation pour introduction par effraction et leur avait donné l’ordre de se mettre à terre. L’AT no 1 a indiqué qu’à aucun moment il n’avait dégainé son arme à feu et qu’il n’avait pas vu l’AI le faire.

L’AT no 1 a indiqué que les trois hommes avaient continué de courir au pas de course sur une distance de quelques pieds et qu’alors, le TC no 2 et le TC no 1 s’étaient mis sur les genoux et avaient mis les mains derrière la tête, tandis que le plaignant se tenait debout et faisait face aux deux agents de police et refusait de se coucher par terre, en dépit du fait que l’AI lui avait dit plusieurs fois de le faire. L’AT no 1 a également décrit le plaignant comme étant le plus corpulent des trois hommes et comme très fort et en bonne condition physique. L’AT no 1 a expliqué qu’il s’était approché du TC no 1 et l’avait saisi et lui avait dit qu’il était en état d’arrestation. Le TC no 1 avait résisté et avait essayé de se dégager, et l’AT no 1 l’avait forcé au sol et l’avait ensuite menotté, avec l’aide de l’AI.

L’AT no 1 a expliqué que lui et l’AI s’étaient alors approchés du plaignant ensemble, tandis que le plaignant refusait de se mettre au sol. Il a décrit le plaignant comme se tenant debout entre les deux rails et lançant ses bras dans les airs. Puis, l’AT no 1 avait saisi le bras droit du plaignant, mais le plaignant s’était libéré et s’était éloigné de lui en pivotant et puis s’était raidi et ne permettait pas que ses bras soient tirés derrière son dos. L’AT no 1 avait de nouveau saisi le biceps droit du plaignant avec sa main droite et, avec sa main gauche, avait pris le bras droit du plaignant, entre le coude et le poignet, et l’avait tiré vers le sol. Le plaignant avait amorti sa chute, son avant‐bras et son épaule gauche touchant le sol entre les rails. L’AT no 1 a indiqué qu’il n’avait pas vu le visage du plaignant entrer en contact avec le sol. Puis, les deux agents de police avaient menotté le plaignant.

Après que le plaignant avait été amené au poste de police, il avait été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic, il avait une fracture à l’os nasal et une fracture à la colonne nasale du maxillaire. Ses dossiers médicaux révèlent qu’il avait dit au personnel hospitalier qu’il avait reçu ses blessures lorsqu’il avait été [traduction] « frappé au côté gauche du visage avec ? poing/main/arme à feu ».

Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je note qu’alors qu’il y avait cinq témoins de l’arrestation du plaignant et des TC nos 1 et 2, il y a cinq versions différentes de la manière dont ces arrestations se sont déroulées. Je conclus que le témoignage du plaignant quant à ce qui s’est produit n’est pas compatible avec la preuve fournie par le TC no 1, et les deux versions sont incompatibles avec celle du TC no 2. De plus, les déclarations de l’AI et de l’AT no 1, alors qu’elles divergent de celle fournie par chacun des trois hommes arrêtés, divergent également entre elles.

Je peux soit accepter la preuve fournie par les trois hommes, selon laquelle les deux agents de police avaient leur arme à feu à la main lorsqu’ils se sont approchés d’eux, soit accepter le témoignage de l’AI, qui a dit qu’il était le seul à avoir dégainé son arme à feu, soit accepter la déclaration de l’AT no 1, qui a affirmé qu’il n’avait pas dégainé son arme à feu et qu’il n’avait jamais vu l’AI dégainer la sienne.

Le plaignant a indiqué que l’AI l’avait frappé trois fois au visage avec sa main droite tout en tenant son arme à feu dans cette même main. Il a précisé qu’il n’était pas certain si les deux premières fois c’était la crosse du pistolet ou le poing de l’AI qui avait touché son visage, mais il était certain que le troisième coup avait été porté par la crosse du pistolet.

En revanche, le TC no 1 a indiqué que l’AI s’était approché de lui d’abord et l’avait frappé à la bouche avec le bout de la poignée de son arme à feu et l’avait poussé vers le bas, après quoi l’AI avait fait passer l’arme à feu de sa main gauche à sa main droite, s’était approché du plaignant et l’avait frappé au visage avec la crosse de l’arme à feu et qu’il ne l’avait fait qu’une seule fois.

Tandis que le TC no 2 a précisé qu’aucun agent de police n’avait jamais frappé qui que ce soit au visage, ni avec ses poings ni avec son arme à feu, il a déclaré que l’AI avait donné un coup de pied au TC no 1 dans les côtes et avait poussé son visage dans le gravier. Il a également dit que l’AI avait poussé brutalement la joue gauche et le cou du plaignant contre le rail en acier.

D’après les trois hommes, les agents de police couraient vers eux sur la voie ferrée. Selon les deux agents de police, ils couraient derrière et après les hommes.

Selon le plaignant, dès que les deux hommes, dont il ne savait pas qu’ils étaient des agents de police, lui avaient ordonné en criant de se mettre au sol, il s’était immédiatement mis sur les genoux, avait mis les mains derrière la tête et avait mis son visage sur le sol.

Le TC no 1 a indiqué que les trois hommes s’étaient mis sur les genoux avec les mains derrière la tête, dès que les agents leur avaient dit de le faire, déclaration qui correspond à celle du TC no 2, qui a indiqué qu’ils avaient immédiatement obtempéré et qu’ils s’étaient couchés sur le sol, sur le ventre, avec les mains et les bras entièrement tendus devant la tête.

Or, l’AI a décrit les trois hommes comme n’obtempérant pas et a indiqué qu’il avait dû forcer chaque homme au sol du fait qu’ils refusaient d’obéir aux ordres, tandis que l’AT no 1 a précisé que le TC no 1 et le TC no 2 avaient obtempéré et s’étaient placés sur le sol et avaient mis les mains derrière la tête, tandis que le plaignant restait debout et faisait face aux agents de police et refusait de se mettre par terre.

Tandis que le TC no 1 a allégué que l’AI l’avait frappé au visage avec la crosse de son pistolet et que le TC no 2 a indiqué que l’AI avait donné un coup de pied aux côtes du TC no 1, l’AT no 1 a précisé que c’était en fait lui qui s’était occupé du TC no 1, et non pas l’AI.

Tandis que l’AI a indiqué que lui et l’AT no 1 avaient forcé le plaignant au sol, et que l’AT no 1 avait atterri à côté du plaignant et que lui, l’AI, s’était retrouvé sur le plaignant, l’AT no 1 n’a aucunement mentionné que l’un ou l’autre des agents étaient tombés sur le plaignant, et a indiqué au lieu de cela que le plaignant avait amorti sa chute, puisque son avant‐bras et son épaule gauche étaient entrés en contact avec le sol.

Selon le plaignant, après qu’il avait été agressé à plusieurs reprises par l’AI, celui‐ci s’était éloigné et s’était occupé de l’un des autres hommes, tandis que l’AT no 1 menottait le plaignant. Selon le TC no 1, c’était l’AI qui avait menotté le plaignant, après quoi l’AI lui avait donné un coup de pied au côté gauche avec son pied gauche, quelque chose que le plaignant n’a jamais mentionné.

Aussi bien le plaignant que le TC no 1 ont affirmé très clairement que les trois coups allégués par le plaignant ou le coup unique allégué par le TC no 1 avaient été portés par l’AI contre le plaignant et l’avaient touché au côté gauche du visage, à la ligne de la mâchoire et à la pommette. Aucun de ces coups ne semble correspondre à la blessure subie par le plaignant qui, tel qu’il est indiqué plus haut, était une fracture de l’os nasal et de la colonne nasale du maxillaire, qui semblent tous deux se trouver au centre du visage, dans le nez et autour de celui‐ci.

Finalement, la crédibilité du plaignant a été grandement compromise lorsqu’à la fin de son entrevue, après avoir clairement indiqué qu’il avait été frappé avec la crosse du pistolet de l’AI la troisième fois qu’il avait été frappé, il a rétracté cette allégation et a ensuite prétendu qu’il avait seulement reçu des coups de poing de la part de l’AI. Bien que je soupçonne que le changement dans le compte rendu du plaignant était dû à une raison sans aucun lien avec cette affaire l’ayant motivé à refuser de fournir un échantillon d’ADN, il n’y a aucune preuve à l’appui de cette hypothèse. Ce qui est ironique est que la condamnation subséquente du plaignant pour introduction par effraction dans une résidence était assortie d’une ordonnance obligatoire de prélèvement d’un échantillon de son ADN en vue de son versement dans la banque d’ADN.

En l’absence d’une certaine corroboration fournie par l’un ou l’autre des cinq témoignages différents de ce qui s’est produit durant cet incident, je ne peux trouver des motifs raisonnables d’ajouter foi à l’une ou l’autre des versions différentes, bien qu’elles me laissent avec quelques soupçons. D’après le témoignage du TC no 2, qui apparemment était le plus éloigné lorsque les trois hommes ont été arrêtés et était le mieux placé pour voir ce qui se passait avec le TC no 1 et le plaignant, qui étaient devant lui, aucun agent n’a jamais donné des coups à aucun des hommes, ni avec un poing ni avec une arme à feu. Cette preuve met directement en doute la véracité des allégations du plaignant et du TC no 1, dont les témoignages se contredisent et se minent également.

Malheureusement, je ne parviens pas non plus à trouver de terrain d’entente entre l’AI et l’AT no 1, à l’exception de leurs dénégations d’actes répréhensibles, qui reposent sur des faits tout à fait différents.

Finalement, même si j’acceptais le témoignage du plaignant, dont le récit présente des éléments très improbables, comprenant, sans s’y limiter, son affirmation qu’il s’était immédiatement mis sur les genoux et avait mis les mains derrière la tête quand deux hommes, dont il ne savait pas qu’il s’agissait d’agents de police, mais qui portaient l’uniforme policier complet, lui avaient dit de le faire, son compte rendu quant à la façon et l’endroit où il avait été agressé ne semble pas correspondre aux preuves physiques de ses blessures.

L’endroit des blessures semble correspondre davantage au témoignage de l’AI que lui et l’AT no 1 avaient amené le plaignant durement au sol, ce qui avait eu pour effet que son visage et sa tête y avaient atterri en premier, son visage entrant en contact avec une traverse et le gravier. Ce qui est intéressant c’est que le témoignage de l’AT no 1 diverge de celui de l’AI. L’AT no 1 a indiqué que le plaignant avait amorti sa chute avec son avant‐bras et son épaule gauche. Il a également indiqué qu’il n’avait pas vu le visage du plaignant heurter le sol, et sa version des événements n’explique pas nécessairement comment le plaignant en était venu à se blesser au visage.

Bien que le résultat de l’enquête soit insatisfaisant, je dois arriver à la conclusion qu’en raison des cinq versions contradictoires fournies par les cinq témoins qui étaient les seuls à avoir observé l’interaction entre le plaignant et la police, je suis incapable de conclure que l’une ou l’autre des versions me convainc, pour des motifs raisonnables, quant au déroulement exact des événements, le seul fait n’étant pas contesté est que le plaignant a subi des fractures à l’os nasal et à la colonne nasale. Alors qu’il n’y a aucun doute que si l’AI avait frappé le plaignant au visage avec la crosse de son arme à feu, après que le plaignant était déjà sur le sol et menotté, ou même avant qu’il ne soit menotté, ces actes constitueraient normalement un recours à de la force excessive et justifieraient le dépôt d’accusations criminelles; toutefois, en l’absence d’une preuve concluante dans l’un ou l’autre sens, je ne suis pas en mesure de tirer des conclusions de fait et je conclus que la preuve est insuffisante pour me convaincre qu’il y a des motifs raisonnables de porter des accusations criminelles.

Date : 3 avril 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.