Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-140

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 28 ans lors de son arrestation, le 11 juin 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le dimanche 11 juin 2017, vers 7 h 40, le Service de police de Windsor (SPW) a informé l’UES d’une blessure (morsure de chien) subie par le plaignant lors de sa mise sous garde.

Le SPW a déclaré que le 11 juin 2017, à 00 h 30, des agents du SPW se sont rendus à une résidence dans la ville de Windsor afin d’arrêter le plaignant pour vol à main armée. Une fois sur place, ils ont déterminé que le plaignant se cachait quelque part dans la résidence. Le SPW a entamé des négociations avec lui, mais en vain. Vers 5 h 30, après que les négociations fussent au point mort, les agents de police sont entrés et ont commencé une fouille méthodique de la maison avec un chien policier en laisse et son maître, l’agent impliqué (AI). Le plaignant a été localisé par le chien policier sous de l’isolant, dans le grenier. Pendant une interaction avec le chien policier, le plaignant a été mordu au cou par le chien, puis on a fait sortir le plaignant du grenier.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme âgé de 28 ans; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 7 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

De plus, les notes de trois autres agents ont été reçues et examinées.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas participé à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Le 11 mai 2017, des agents de l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) du SPW se sont présentés à une résidence, dans la ville de Windsor, pour appréhender le plaignant relativement à un certain nombre d’accusations en instance, dont le vol à main armée. Après être arrivés à la résidence, les membres de l’UIU et de l’unité canine ont tenté de s’assurer qu’il n’y ait plus personne à l’intérieur, et tous les occupants sont sortis de la maison sauf le plaignant.

La police a lancé de nombreux appels à l’adresse du plaignant pour qu’il sorte de la maison, sans réaction de sa part. Après des heures passées à tenter de convaincre le plaignant de sortir de la maison, sans obtenir aucune réponse, les policiers ont forcé la porte de la maison et ont continué de lancer leurs appels à l’intérieur en mentionnant la présence de l’unité canine et en conseillant donc au plaignant de se montrer. Il n’y avait pas de réponse ni de mouvement à l’intérieur de la maison. On a fini par faire entrer l’unité canine dans la maison, et le chien a fouillé le sous‐sol et le rez‐de‐chaussée, sans résultats.

Les agents ont remarqué quelques particules d’isolant sous la trappe menant au grenier, et ils ont ouvert la trappe; ils ont de nouveau lancé des appels en avertissant le plaignant que s’il ne sortait pas on allait envoyer le chien policier. Il n’y a pas eu de réponse. Finalement, le chien a été hissé dans le grenier, où il a trouvé le plaignant caché sous une bâche. En appréhendant le plaignant, le chien a mordu le plaignant et n’a pas lâché prise jusqu’à ce que l’AI soit capable de pénétrer dans le grenier, de déterminer que le plaignant n’était pas armé et ne constituait pas une menace pour l’AI et de retirer le chien. Le plaignant a ensuite été arrêté et on l’a fait sortir du grenier, à la suite de quoi il a été transporté à l’hôpital.

Nature des blessures et traitement

Le plaignant a été traité pour trois lacérations sur le côté gauche du cou et deux sur le côté droit. On lui a fait un certain nombre de points de suture pour refermer les plaies. Par mesure de précaution, on a inséré une sonde dans la trachée du plaignant pour vérifier s’il n’y avait pas de dommages, mais on n’en a pas trouvé.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène de l’incident se trouvait à l’intérieur d’une résidence privée dans la ville de Windsor.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné les photos de la scène prises par le SPW.

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications ont été reçus et écoutés.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPW les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • résumé détaillé des appels
  • tableau de service
  • enregistrements des communications
  • photographies de la scène de l’incident et des blessures subies par le plaignant
  • résumé de l’événement
  • notes des AT nos 1 à 7, de l’AI et de trois agents de police non désignés
  • document papier des antécédents d’une personne – le plaignant
  • déclarations écrites des agents témoins (AT) nos 1 à 5 et d’un agent de police non désigné
  • bulletin d’infractions criminelles du SPW
  • avis de recherche d’une personne connue du SPW – le plaignant
  • photo d’identité judiciaire du plaignant prise par le SPW
  • dépositions du témoin civil (TC) no 1 et d’un TC non désigné fournies au SPW

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 343 du Code criminel – Vol qualifié

343 Commet un vol qualifié quiconque, selon le cas :

  1. vole et, pour extorquer la chose volée ou empêcher ou maîtriser toute résistance au vol, emploie la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens
  2. vole quelqu’un et, au moment où il vole, ou immédiatement avant ou après, blesse, bat ou frappe cette personne ou se porte à des actes de violence contre elle
  3. se livre à des voies de fait sur une personne avec l’intention de la voler
  4. vole une personne alors qu’il est muni d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme

Article 344 du Code criminel – Vol à main armée

344 (1) Quiconque commet un vol qualifié est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu à autorisation restreinte ou d’une arme à feu prohibée lors de la perpétration de l’infraction, ou s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction et que celle-ci est perpétrée au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant :
    1. de cinq ans, dans le cas d’une première infraction
    2. de sept ans, en cas de récidive

a.1) dans les autres cas où il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

  1. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité

Analyse et décision du directeur

Le lundi 5 juin 2017, vers 12 h 55, un homme est entré dans un commerce de prêts sur gage, dans la ville de Windsor, avec un fusil à canon scié. Il y avait alors, à l’intérieur du magasin, des employés et des clients. L’homme a cambriolé le magasin sous la menace de l’arme, s’emparant de toute la marchandise et la plaçant dans son sac à dos, puis a fui les lieux. Des articles d’une valeur totale de 30 000 $ à 40 000 $ auraient été pris lors du vol qualifié.

Le 6 juin 2017, le Service de police de Windsor (SPW) a publié un avis de recherche demandant l’aide du public pour identifier et retrouver le voleur. Était incluse dans l’avis de recherche une photo provenant de la caméra de surveillance à l’intérieur du magasin dans laquelle on voyait le voleur commettre le vol une arme à feu à la main. Le visage du voleur était recouvert d’un foulard et il portait une casquette à large bord, de sorte que son identité était cachée. Le 7 juin 2017, le SPW a appris que l’auteur du vol qualifié était le plaignant, et l’avis public a été mis à jour avec cette information.

Après un complément d’enquête, la police en est venue à croire que le plaignant pouvait habiter une résidence dans la ville de Windsor, si bien que le dimanche 11 juin 2017, à 00 h 06, des agents de l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) et l’agent témoin (AT) no 1 se sont rendus à la résidence et ont encerclé l’endroit.

À 00 h 24, la police a fait un appel téléphonique à la résidence et, quelques minutes plus tard, deux des occupants ont quitté la maison, laissant seulement le plaignant à l’intérieur.

L’AT no 2 a indiqué qu’on l’avait chargé de communiquer avec le plaignant en utilisant un mégaphone et que c’est ce qu’il a fait en annonçant ceci au plaignant : [traduction] « [Nom du plaignant], c’est la police de Windsor. Vous êtes en état d’arrestation. Nous savons que vous êtes à l’intérieur. Présentez‐vous à la porte avant. [Nom du plaignant], nous sommes l’unité tactique du service de police de Windsor. Vous êtes en état d’arrestation. Présentez‐vous à la porte d’en avant les mains en l’air. [Nom du plaignant], si vous désirez parler à votre avocate, vous pouvez appeler le service de police de Windsor et nous vous mettrons en communication avec un avocat. [Nom du plaignant], c’est le service de police de Windsor. Vous êtes en état d’arrestation. Nous avons un chien policier sur place. Si vous ne sortez pas, nous devrons envoyer le chien et vous pourriez être mordu. » Aucune de ces annonces n’a suscité de réaction de la part du plaignant. On a aussi tenté de communiquer avec le plaignant par téléphone cellulaire, mais il n’a pas répondu.

Cette preuve est confirmée par le témoin civil (TC) no 1, qui a estimé que la police a crié littéralement des centaines d’avertissements depuis l’extérieur de la maison pour ordonner au plaignant de sortir, et ce, sur une période d’environ cinq heures. Les agents ont aussi utilisé un mégaphone et ont averti le plaignant qu’ils avaient avec eux un chien d’assistance policière. Le plaignant n’a jamais réagi.

À 2 h 07, les agents ont forcé la porte de la résidence et ont à nouveau lancé de nombreux appels à travers la porte désormais ouverte en disant [traduction] « Vous êtes en état d’arrestation. Il y a un chien policier avec nous. Sortez les mains en l’air. » De plus, un robot de reconnaissance a été déployé, mais sans succès. Il n’y a eu ni réaction ni mouvement de l’intérieur de la maison.

À 3 h du matin, à la demande de l’AT no 1, l’AT no 2 et l’agent impliqué (AI) ont fait aboyer le chien policier dans l’embrasure de la porte ouverte ainsi qu’aux fenêtres ouvertes pour tenter de convaincre le plaignant de sortir de sa cachette.

Le fournisseur du service cellulaire du téléphone du plaignant a localisé l’emplacement de l’appareil et a confirmé que le plaignant se trouvait toujours dans la région immédiate de la résidence.

On a communiqué avec l’avocate du plaignant en l’appelant à son domicile et on lui a demandé si elle ne pourrait pas venir pour faciliter une arrestation sans rudesse de son client; l’avocate a décliné l’invitation, mais elle a tout de même essayé d’appeler son client sur son téléphone cellulaire, sans obtenir de réponse de sa part. L’avocate a ensuite laissé un message sur la boîte vocale du plaignant vers 04 h 03.

À 04 h 08, l’AT no 1 a demandé que l’AI et son chien aillent fouiller le sous‐sol de la résidence. L’AI est descendu dans le sous‐sol et a dit [traduction] « Police de Windsor, unité canine. Vous êtes en état d’arrestation. Montrez‐vous. Venez à la porte. » La police a alors attendu une minute et, comme il n’y avait pas de réponse ni de mouvement, un deuxième appel a été fait, à la suite de quoi on a envoyé le chien fouiller le sous‐sol et le rez‐de‐chaussée de la maison.

L’AT no 3 a déclaré que lorsqu’il a regardé dans la deuxième chambre, il a remarqué une marque d’éraflure sur le mur et a trouvé de l’isolant sur le plancher, directement au‐dessous d’une trappe d’accès au grenier. À l’aide d’un manche à balai, l’AT no 3 a poussé la trappe de bois vers le haut pour l’ouvrir, mais il a été incapable de voir dans le grenier. Pendant la demi‐heure qui a suivi, de nombreux appels ont été faits en direction du grenier, mais toujours sans réponse. L’AT no 3 a alors déployé une caméra à distance dans le grenier, mais elle n’a pas révélé l’emplacement du plaignant. L’AI a crié des avertissements répétés qu’un chien policier serait placé dans le grenier, mais toujours sans obtenir de réponse.

L’AT no 1 a indiqué qu’il craignait que le plaignant puisse avoir des problèmes de santé liés à la chaleur en raison de la température élevée qui régnait dans le grenier et des nombreuses heures qu’il avait passées là, et il a autorisé l’AI à lâcher son chien policier dans le grenier. L’AT no 1 a observé que l’AI avait d’abord eu son chien en laisse longue, mais qu’il a ensuite enlevé la laisse au chien policier pour lui permettre de fouiller l’endroit.

Dans les notes qu’il a consignées dans son calepin, l’AI a indiqué qu’à 05 h 20 il a hissé son chien dans le grenier alors qu’il était encore en laisse longue. Il avait été décidé qu’il n’était pas sécuritaire de mettre des agents de police dans le grenier alors qu’on ne savait pas si le plaignant serait encore en possession du fusil qu’il avait utilisé lors du vol qualifié. Le grenier n’était pas éclairé, la seule source de lumière provenant de l’ouverture de la trappe.

L’AI a ordonné à son chien de se coucher et a de nouveau ordonné au plaignant de se rendre, en l’avertissant que le chien se trouvait dans le grenier et qu’on allait envoyer le chien le chercher s’il refusait de se livrer aux autorités. Il n’y avait toujours pas de réponse. Après une autre demi‐heure à attendre que le plaignant réponde ou se montre, on a ordonné au chien de fouiller l’endroit. L’AI se tenait à l’entrée du grenier et retenait le chien par la laisse. Après deux minutes, le chien a été lâché sans sa laisse pendant que l’AI jetait un coup d’œil vers l’intérieur du grenier.

Jusque‐là, il n’y a pas de divergences entre la preuve du plaignant et celle des policiers témoins. Le plaignant a déclaré qu’il savait que la police était à l’extérieur et qu’elle avait cerné la maison. Lorsqu’il a vu la police, il a fermé la porte et a décidé de se cacher dans le grenier. Le plaignant a déclaré qu’il a entendu les ordres de la police lui enjoignant de sortir à défaut de quoi un chien policier serait lâché, mais il a fait la sourde oreille. Il est ensuite tombé endormi et s’est réveillé alors que le chien policier le mordait au cou, ce qui a continué pendant environ cinq minutes. Le plaignant a allégué qu’un agent de police du SPW était aussi présent et qu’il a laissé le chien le mordre. Après que le chien fut rappelé, le plaignant a été traîné jusqu’au rez‐de‐chaussée puis arrêté.

Lors d’une entrevue de suivi, quatre jours plus tard, le plaignant a fourni une deuxième version des événements qui ajoutait quelques détails n’ayant pas été fournis lors de la première entrevue et qui, dans certains cas, modifiaient sensiblement sa déclaration initiale.

Dans la deuxième entrevue, le plaignant a déclaré que la police avait tenté de lui parler ou de l’arrêter quelques jours auparavant à sa précédente résidence, de sorte qu’il s’est enfui. Il a déclaré que le 11 juin, lorsque les occupants de la maison étaient à l’extérieur en train de parler à la police, il a fermé la porte avant et l’a verrouillée. Il a alors attendu 30 minutes et a regardé un film. Il a déclaré que tout était calme à l’extérieur, qu’il n’avait pas vu de gyrophares ou feux d’urgence ni n’avait entendu de commandes venant de haut‐parleurs ou criées par des agents du SPW. De plus, le plaignant a allégué que son téléphone cellulaire n’a jamais sonné et que personne n’a frappé à la porte.

Le plaignant s’est alors caché sous une bâche, dans le grenier, où il est tombé endormi. Il a indiqué qu’il faisait très chaud dans le grenier et qu’il s’est endormi pendant deux heures environ, se réveillant ensuite avec un chien qui le mordait au cou. Il a précisé que le chien n’était pas en laisse. Il a également indiqué qu’à aucun moment il a entendu d’aboiements ni de commandes de la part de tout agent de police du SPW. Le chien l’a mordu pendant environ cinq minutes, avant qu’un agent du SPW n’entre dans le grenier et saisisse le chien par le collier. Il a indiqué qu’il y avait à ce moment‐là quatre ou cinq policiers dans le grenier et qu’il se demandait pourquoi ils avaient eu recours à un chien policier.

Dans ses notes, l’AI a indiqué qu’il a vu le chien qui flairait quelque chose, ce qui signifie qu’il avait décelé une odeur humaine. En tentant de trouver la source de l’odeur, le chien a marché sur une bâche bleue et de l’isolant, et apparemment sur le plaignant, qui se cachait sous lui.

Un instant plus tard, l’AI a vu le chien être violemment projeté à trois pieds de distance côté ouest par quelque chose qui se trouvait sous la bâche. Le chien a atterri sur le dos, mais s’est rapidement relevé et a réagi en s’élançant sur la bâche et l’isolant et en saisissant la bâche. L’AI a pu observer que le plaignant, qui était toujours sous la bâche, résistait activement au chien car la bâche était secouée vigoureusement et le chien était balancé d’un côté à l’autre.

L’AI a alors crié [traduction] « Arrêtez de combattre le chien, vous êtes en état d’arrestation. » Ce cri a été entendu par l’AT no 2 et l’AT no 1, qui étaient debout sous l’ouverture du grenier, ainsi que par l’AT no 3, qui se tenait dans l’entrée de la chambre.

L’AI a indiqué que le plaignant a fait fi de sa commande d’arrêter de combattre le chien. L’AI a parlé à l’AT no 1, au‐dessous, pour lui dire ce qui se passait. Il a alors dégainé son pistolet de service et est entré dans le grenier, où il pouvait voir le chien, mais pas le plaignant. L’AI s’est approché lentement et a crié au plaignant de montrer ses mains, pendant que le plaignant continuait de lutter avec le chien. L’AI a alors éclairé l’endroit avec sa lampe de poche et a vu le chien, la gueule enfouie dans la bâche et l’isolant, mordant le plaignant sur le haut du cou. L’AI a ensuite vu que le plaignant avait les mains autour du cou et de la trachée du chien; il a alors ordonné au plaignant de lâcher sa prise, ce à quoi le plaignant a obtempéré.

L’AI a alors rapidement cherché le fusil et, lorsqu’il a été convaincu que le plaignant n’avait pas accès à des armes, il a rengainé son pistolet, a rapidement saisi le collier du chien et a commandé au chien de lâcher le plaignant, le chien policier s’exécutant immédiatement. L’AI a alors alerté l’AT no 1 et a demandé qu’on appelle les services médicaux d’urgence (SMU). L’AT no 1 et l’AT no 2 ont alors rapidement pris possession du plaignant, qui saignait de ses morsures au cou, et l’AI est rapidement sorti de la pièce avec son chien.

Les dossiers médicaux du plaignant indiquent qu’il est resté dans le grenier, où il faisait [traduction] « une chaleur d’enfer » selon la description qu’il en a faite, pendant au moins quatre heures, qu’il avait ingéré de la méthamphétamine en cristaux plus tôt et qu’il avait trois marques de perforation sur le côté gauche du cou, et deux sur le côté droit, qui étaient dues à des morsures de chien.

Il y a très peu d’écarts dans les versions des faits tels que rapportés par le plaignant et les agents de police sur les lieux de l’incident, les principales différences n’ayant pas trait à ce qui s’est produit mais remettant plutôt en question le caractère approprié et justifié des actions de l’AI dans les circonstances.

Sur la foi de cette preuve, les deux principales divergences que je peux constater entre le témoignage du plaignant et celui de la police sont, tout d’abord, que le plaignant, dans sa deuxième déclaration, a indiqué qu’il n’avait entendu aucun avertissement de la police, ni aucun aboiement du chien policier, pendant qu’il se trouvait à l’intérieur de la maison.

Ce témoignage est contredit non seulement par un TC, qui a clairement indiqué que la police avait crié littéralement et des centaines d’avertissements sur une période de cinq heures, mais aussi par le plaignant lui-même qui, dans sa déclaration initiale faite aux enquêteurs le 1er juin, a indiqué qu’il avait entendu les ordres que lui donnait la police de sortir à défaut de quoi le chien policier serait lâché et qu’il a fait la sourde oreille. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je n’ai aucune hésitation à conclure que les agents de police, pendant la longue période de confrontation continue avec le plaignant, de façon répétée et sonore et en utilisant diverses ressources, ont tenté de communiquer avec le plaignant et que les deux agents lui ont ordonné de sortir et l’ont averti que, s’il ne le faisait pas, ils allaient envoyer le chien policier le chercher.

La deuxième divergence importante relevée est l’allégation que le plaignant a faite dans sa première déclaration selon laquelle un agent du SPW était présent et observait pendant que le chien le mordait. Là encore, cette affirmation est contredite par sa propre deuxième déclaration, dans laquelle il a indiqué que ce n’est qu’après que le chien l’avait mordu pendant cinq minutes environ qu’un agent est monté dans le grenier et a saisi le chien.

Compte tenu de ces deux incohérences de taille dans le témoignage même du plaignant, je ne suis pas enclin à tenir pour fiable l’une ou l’autre partie de son témoignage, en particulier lorsqu’on s’arrête à son affirmation assez illogique selon laquelle il se trouvait à l’intérieur de la maison et regardait un film et n’a entendu ni vu quoi que ce soit, alors que le témoignage d’un TC confirme clairement la preuve des agents de police présents sur place selon laquelle une importante opération policière se déroulait à l’extérieur de la maison.

Après avoir évalué l’ensemble de la preuve, dans laquelle, comme je l’ai mentionné plus tôt, les éléments ne divergent que sur des aspects mineurs, eu égard à la lutte entre le chien policier et le plaignant, je retiens la preuve de l’AI selon laquelle, conformément aux notes que l’AI a consignées peu de temps après l’incident, le plaignant résistait activement et combattait le chien, et il avait projeté le chien sur le côté, avant que le chien ne revienne sur lui et le saisisse au cou. Je le fais non seulement sur la foi de la preuve de l’AI, mais aussi à la lumière du témoignage de chacun des agents de police qui se trouvaient dans la chambre, sous le grenier, et qui ont entendu l’AI crier au plaignant de ne pas combattre le chien.

Je retiens aussi, en me fondant sur l’ensemble de la preuve, que la police avait donné au plaignant amplement l’occasion de venir à la porte, pendant que les agents se trouvaient toujours à l’extérieur de la maison, ainsi que de se montrer et de sortir de sa cachette quand les agents étaient à l’intérieur de la maison. J’accepte entièrement, compte tenu de l’ensemble de la preuve, y compris du propre témoignage du plaignant, le fait que le plaignant savait que des agents de police étaient là, qu’ils lui ordonnaient de se montrer et que le chien policier était présent également. Je conclus aussi que l’AI à maintes fois prévenu le plaignant que s’il ne descendait pas du grenier, le chien s’y rendrait.

J’ai également pris en considération l’opinion de l’AT no 6, le maître-chien et entraîneur principal du SPW. L’AT no 6 passe en revue tous les cas où un chien policier est utilisé et/ou mord quelqu’un, et il a examiné l’incident dont il est question ici. Après avoir examiné tous les faits, l’AT no 6 était d’avis que l’AI et son chien avaient fait tout ce qu’ils avaient été entraînés à faire et a indiqué que ni le déploiement du chien policier ni les actions de l’AI ne suscitaient de préoccupations selon lui.

L’AT no 6 a déclaré que les chiens d’assistance policière du SPW sont entraînés à aboyer puis à attendre là, ce qui signifie que le chien part à la recherche de la personne et que, lorsqu’il la localise, il aboie pour en aviser son maître. Si la personne fait alors un mouvement pour s’enfuir ou pour attaquer, le chien mord la personne, ce qui s’est manifestement produit ici. Cette opinion n’est évidemment pas concluante, mais j’en ai tenu compte pour en arriver à ma décision.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents sont protégés contre des poursuites s’ils agissent conformément à leurs fonctions légitimes et n’utilisent que la force nécessaire à cette fin légitime. Dans ce dossier, il est clair, d’après les renseignements fournis à la police ainsi que la propre enquête policière ayant mené à une identification de l’auteur du vol à main armé du 5 juin, ce voleur ayant été identifié comme étant le plaignant, que la police avait des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour vol à main armée.

De plus, comme la police avait la permission du propriétaire d’entrer dans la maison, les agents agissaient légalement lorsqu’ils sont entrés, ont fouillé la résidence et en ont sorti le plaignant. Il est donc clair, à la lumière de ces faits, que les agents de police agissaient dans le cadre de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils sont entrés et ont tenté d’appréhender le plaignant et que leurs actions étaient justifiées pour autant qu’ils n’employaient pas une force excessive.

En ce qui concerne le degré de force utilisé dans l’appréhension du plaignant, il est clair qu’aucun policier n’a employé de force physique directe sur le plaignant, en dehors du minimum requis pour le menotter, le remettre debout et le faire descendre du grenier, et qu’il n’y a pas eu d’allégations à l’effet du contraire.

Si le chien policier était clairement un prolongement de la police et constituait effectivement une option de recours à la force, dans cette situation particulière, où le plaignant était recherché pour des accusations de vol à main armée et, plutôt que de sortir et de parler à la police, il avait opté pour la solution extrême de se hisser dans le grenier afin de s’y cacher et où les agents ne disposaient d’aucun renseignement indiquant si le plaignant était armé ou non, je suis d’accord avec l’évaluation de la police selon laquelle il aurait été dangereux d’envoyer aveuglément un agent de police dans le grenier pour essayer de trouver une personne possiblement armée et dangereuse, et il était plus sûr d’envoyer le chien dans le grenier, après avoir donné d’amples avertissements et occasions de se livrer au plaignant.

Je note également que, dans cette circonstance particulière, la police n’a pas agi rapidement ou de façon irréfléchie, tentant plutôt de convaincre le plaignant de sortir de la maison pendant une période d’environ cinq heures, et qu’il n’a été décidé d’envoyer le chien dans le grenier que lorsque l’AT no 1 a déterminé qu’il serait dangereux de laisser le plaignant rester plus longtemps dans le grenier où régnait une chaleur étouffante.

S’il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que le chien policier a mordu le plaignant et a causé ses blessures, il est tout aussi clair que, si le plaignant ne s’était pas activement employé à se cacher de la police, il n’aurait pas été mordu. Le chien policier a agi exactement de la façon dont il a été dressé, c’est‐à‐dire que lorsqu’il a localisé le plaignant, il a d’abord aboyé pour en avertir son maître, puis lorsque le plaignant a donné un coup pour éloigner le chien, le chien a réagi comme il avait été entraîné à le faire et a mordu le plaignant. Avant que le chien n’affronte le plaignant, il n’était pas sécuritaire pour l’AI ou pour tout autre agent de police d’entrer dans le grenier pour s’occuper du plaignant qui, à ce moment-là, était toujours une personne susceptible d’être armée et violente.

Le chien d’assistance policière a saisi le plaignant comme il a été entraîné à le faire et en obéissant à la commande de son maître, et il n’a lâché prise qu’au moment où le maître‐chien lui a dit de relâcher le plaignant. Il se peut bien que le temps que l’AI a mis à se hisser dans le grenier et à s’approcher du plaignant pour l’appréhender ait retardé le moment auquel il a pu ordonner au chien de lâcher prise et donc, qu’à cause de ce facteur, le chien policier ait continué de tenir le plaignant pendant plus longtemps que cela aurait été le cas dans d’autres circonstances. Toutefois, je ne puis faire autrement que conclure que cette situation a été créée par le plaignant lui-même et qu’elle aurait pu être facilement évitée si le plaignait était simplement sorti et s’était expliqué à la police, au lieu de se cacher sous de l’isolant dans le grenier et de combattre le chien lorsque celui‐ci l’avait trouvé.

En arrivant à la conclusion que l’intervention n’était pas accompagnée d’un recours excessif à la force, j’ai à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’il a été exposé dans R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon lequel on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention, ainsi que dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206, selon lequel on ne devrait pas non plus appliquer aux policiers la norme de la perfection.

En dernière analyse, je suis d’avis que ce sont les actions du plaignant qui ont forcé la police à recourir au déploiement du chien policier pour fouiller la maison et que ce sont toujours les actions du plaignant, lorsqu’il a refusé de sortir et de montrer ses mains, qui ont poussé l’AI à placer son chien policier dans le grenier. En bout de ligne, le chien a eu la réaction directe, lorsqu’il a été frappé par le plaignant, de le mordre, lui causant ainsi ses blessures.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que le plaignant, de son propre gré, a décidé d’ignorer les nombreux ordres de la police lui enjoignant de sortir et de parler avec les agents, et qu’il a décidé, au lieu de cela, de se dissimuler dans un grenier sombre dans l’espoir, que soit on ne le trouverait pas, soit que la police finirait simplement par renoncer et partir. Je retiens, en me fondant sur la première déclaration du plaignant, qu’il a décidé de tenter sa chance et a fait la sourde oreille aux avertissements répétés que le chien policier serait envoyé dans le grenier pour l’appréhender; manifestement, le plaignant a fait le mauvais choix. Il incombait aux policiers d’arrêter le plaignant pour des accusations en instance très graves liées au vol à main armée et, à l’évidence, les agents n’allaient pas partir sans avoir procédé à cette arrestation.

Si le plaignant s’était simplement présenté à la police pour se rendre, il n’aurait pas été nécessaire de recourir au chien policier. Selon les commentaires du plaignant, je ne peux qu’en déduire qu’il savait qu’il était recherché par les services de police et qu’il s’est caché de la police pour cette raison. Le plaignant a tenté le coup et a perdu. Ces décisions, il les a prises tout seul, alors qu’il savait très bien, après avoir reçu de nombreux avertissements, que le chien serait envoyé vers lui s’il n’obtempérait pas. À la lumière de la preuve qui m’a été présentée, je conclus que je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a eu recours à une force excessive lorsqu’il a utilisé son chien, et que, par conséquent, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une quelconque infraction criminelle, si bien qu’aucune accusation sera portée contre lui.

Date : 19 avril 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

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