Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-221

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 21 ans lors de son arrestation, le 21 août 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le lundi 21 août 2017, vers 17 h 47, la Police régionale de Peel (PRP) a communiqué avec l’UES pour l’informer d’une blessure grave subie par le plaignant.

La PRP a déclaré que vers 14 h 25, ce jour-là, l’AI et l’AT no 1 ont effectué une intervention au terminal 1 des arrivées de l’Aéroport international Pearson en lien avec le plaignant, qui avait un comportement étrange. Le plaignant a dit qu’il avait ingéré du LSD (diéthylamide de l’acide lysergique), une drogue hallucinogène et, en raison de son comportement, il a été transporté par ambulance à l’hôpital. L’AI a accompagné le plaignant dans l’ambulance et, en chemin vers l’hôpital, il a décidé d’appréhender le plaignant en vertu de la Loi sur la santé mentale.

À l’hôpital, le plaignant est devenu plus agité, était agressif et commençait à lutter avec les membres du personnel de l’hôpital et les agents de police, lesquels le retenaient sur une civière, aux urgences. Pendant la lutte, un claquement sonore a été entendu. On a ultérieurement diagnostiqué au plaignant une fracture de l’humérus gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Homme âgé de 21 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A décliné l’entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Le 21 août 2017, la PRP a été contactée par le personnel de sécurité de l’Aéroport international Pearson pour traiter avec un passager qui avait un comportement étrange. L’AI et l’AT no 1 ont été envoyés sur place, à l’aéroport, pour enquêter. À leur arrivée, ils sont entrés en contact avec le plaignant qui leur a dit qu’il avait ingéré du LSD. En raison du comportement bizarre du plaignant, il a été déterminé qu’il devrait être transporté à l’hôpital afin d’y être examiné et traité, au besoin.

En chemin vers l’hôpital, à l’intérieur de l’ambulance, l’AI a appréhendé le plaignant en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale, au motif qu’il était incapable de prendre soin de lui-même.

À son arrivée à l’hôpital, alors que le personnel médical, le personnel de sécurité de l’hôpital, un médecin et deux agents de police tentaient tous de maîtriser le plaignant, qui était très agité et agressif et se débattait sauvagement, le plaignant a subi une blessure à l’humérus.

Nature des blessures et traitement

L’examen radiologique du bras et de l’épaule gauches du plaignant a révélé qu’il avait subi une fracture de transfert à la diaphyse (tiers moyen) de l’humérus du bras gauche. La radiographie a révélé que le plaignant avait une malformation congénitale sous-jacente (un cal osseux) à l’os du bras et que la fracture avait traversé le cal. Il a été jugé que le défaut congénital dans l’os du bras gauche du plaignant l’avait sans doute prédisposé au type de fracture qu’il avait subie, car cela ne se serait pas produit si sa structure osseuse avait été normale.

Le bras gauche du plaignant a été plâtré et il devait recevoir un traitement de suivi lorsqu’il retournerait chez lui, aux États-Unis.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène a été identifiée comme étant la salle d’urgence no 6 de l’hôpital. Elle a été photographiée et examinée par l’EJ de l’UES, mais aucun élément n’ayant une valeur probante n’a été trouvé.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Cette partie de l’hôpital n’était pas équipée d’un système d’enregistrement de télévision en circuit fermé (TVCF).

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRP les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • chronologie des événements
  • notes de l’AT no 1 et de l’AI
  • rapport sur les détails de l’incident

Dispositions législatives pertinentes

Article 17 de la Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

  1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
  2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
  3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

  1. elle s’infligera des lésions corporelles graves
  2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
  3. elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 21 août 2017, le plaignant a été transporté par ambulance de l’Aéroport international Pearson à l’hôpital parce qu’il se comportait de façon étrange et avait indiqué qu’il avait consommé du LSD. L’AI de la Police régionale de Peel (PRP) a accompagné le plaignant dans l’ambulance et, en chemin, l’a appréhendé en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. L’AT no 1 a suivi l’ambulance jusqu’à l’hôpital. Une fois à l’hôpital, huit membres du personnel de l’hôpital et les deux policiers ont tenté de maîtriser le plaignant afin qu’il puisse recevoir les soins médicaux nécessaires pour assurer son bien-être. Plus tard, on a diagnostiqué au plaignant une fracture de l’humérus gauche (l’os long de la partie supérieure du bras).

Au cours de cette enquête, l’UES s’est entretenue avec neuf témoins civils, dont le plaignant, et un policier témoin. L’AI n’a pas consenti à être questionné, comme il en a légalement le droit, mais il a remis aux enquêteurs de l’UES, pour examen, les notes qu’il avait consignées dans son calepin.

Le plaignant n’avait aucun souvenir de son interaction avec la police, pas plus qu’il n’a pu dire quoi que ce soit aux enquêteurs de l’UES sur la façon dont il s’était blessé; néanmoins, avec la coopération de tous les autres témoins, on a pu brosser un tableau clair de ce qui s’est passé. Les faits ne sont pas contestés.

Initialement, au vu du comportement du plaignant à l’aéroport et en présence des policiers et des ambulanciers, il était évident qu’il était incapable de prendre soin de lui‐même en raison de sa consommation d’une drogue (qui s’est avérée être du LSD). Le plaignant était incohérent, délirait et représentait un danger pour lui-même et autrui, de sorte que son appréhension en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale était pleinement justifiée.

Une fois arrivé à l’hôpital, le plaignant était extrêmement agité et a été décrit par les témoins comme poussant des cris, donnant des coups avec ses jambes, essayant de se redresser, ayant des convulsions et ne se possédant plus. Le TC no 5, un médecin, a décrit le plaignant comme étant clairement psychotique, se débattant, étant agité, donnant des coups avec ses jambes et ne répondant pas aux commandes verbales. Le TC no 5 s’est dit d’avis, d’après son expérience, que le comportement du plaignant était compatible avec la consommation de LSD ou d’une autre drogue illicite et qu’il hallucinait et était plongé dans un état second.

Trois agents de sécurité, une infirmière autorisée, un médecin ainsi que l’AI et l’AT no 1 entouraient tous le plaignant sur le lit d’hôpital et le retenait, pendant qu’un quatrième agent de sécurité, le TC no 4, appliquait le dispositif de retenue à quatre points. Tandis que le TC no 4 appliquait les retenues sur le bras droit du plaignant, un craquement ou claquement venant du côté gauche a été entendu. On ne sait pas exactement où était placé les deux agents de police lorsque ce bruit a été entendu, divers témoins ayant indiqué que les agents se trouvaient au niveau de la tête du plaignant, qu’ils le retenaient au niveau des biceps, qu’ils retenaient le plaignant à son bras gauche et aux épaules, ou encore qu’ils le maintenaient du le lit en appliquant leurs mains sur sa poitrine.

Le TC no 5 a indiqué qu’il se trouvait du côté gauche du plaignant lorsque quelqu’un dans la pièce a dit avoir entendu un craquement et qu’il croyait que le plaignant s’était peut-être disloqué l’épaule gauche. Il a indiqué que l’un des agents de police était à côté de lui en train de prêter assistance pour maintenir le plaignant allongé, qu’un agent de sécurité était place à la tête du plaignant, essayant de le maintenir sur le lit d’hôpital en appuyant sur ses épaules et qu’une infirmière était placées aux pieds du plaignant, tandis qu’elle tentait d’établir une ligne intraveineuse dans son bras gauche.

Le TC no 5 a indiqué que, bien qu’il croyait initialement que le plaignant s’était peut-être disloqué l’épaule, lorsqu’on lui a fait passer une radiographie, il a été révélé que le plaignant avait subi une fracture de transfert au niveau de la diaphyse (tiers moyen) de l’humérus du bras gauche.

Le TC no 5 a jugé que l’infliction de cette blessure était incompatible avec le fait d’être retenu pendant qu’on se débat et qu’on oppose de la résistance, si bien qu’il a sollicité l’opinion d’un chirurgien orthopédiste, lequel a examiné la radiographie et a découvert que le plaignant avait une malformation congénitale (un cal) à l’os du bras et que la fracture avait traversé le cal. Le TC no 5 a exprimé l’avis qu’il était fort probable que ce défaut congénital prédisposait le plaignant à ce type de fracture et qu’en l’absence de cette malformation, la fracture ne se serait pas produite. Le TC no 5 a de plus exprimé l’avis que la fracture avait sans doute été subie, alors qu’on maintenait le bras du plaignant sur le lit et qu’il essayait de soulever son bras en appliquant une contrepression, se fracturant ainsi le bras. Le TC no 5 a indiqué que ce n’était pas un coup administré au bras qui avait causé cette blessure.

Bien que la preuve ne permette pas d’établir avec exactitude l’emplacement de l’AI et de l’AT no 1 au moment où l’on a entendu un craquement ou claquement provenant du bras gauche du plaignant, les témoins ont tous indiqué, dans leur témoignage, que les agents n’avaient rien fait d’autre que d’essayer de maîtriser le plaignant, à l’instar de tous les autres témoins présents, que les agents étaient calmes pendant toute la durée de la manœuvre, qu’ils tentaient de rassurer le plaignant et que seule la force nécessaire pour maintenir le plaignant sur le lit, afin que le personnel médical puisse le traiter et que l’on puisse lui insérer une ligne intraveineuse au bras pour que le personnel puisse commencer à lui administrer des soins médicaux, a été employée. Le plaignant, malheureusement, ne s’est finalement calmé que lorsqu’on lui a administré un sédatif.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est parfaitement clair qu’aucun agent de police n’a frappé ou donné un coup de poing ou un coup de pied au plaignant et que toutes les personnes présentes, à savoir les quatre agents de sécurité, l’infirmière, le médecin et les deux agents de police, agissaient tous collectivement pour tenter de maîtriser le plaignant pour sa sécurité, ainsi que la leur, et que la blessure subie par le plaignant n’a pas résulté des gestes de l’une ou l’autre de ces personnes, mais plutôt de l’effet conjugué de mouvements par lesquels le plaignant se débattait et résistait à la manœuvre de retenue et de sa prédisposition à ce type de blessure en raison d’une condition préexistante.

Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, bien que les efforts conjugués des huit membres du personnel médical et de sécurité de l’hôpital et des agents de police pour maîtriser le plaignant (qui ne pouvait pas prendre soin de lui-même), pendant que celui‐ci résistait violemment, puissent avoir indirectement causer sa blessure, il n’y a absolument aucune preuve sur le fondement de laquelle je puis trouver des motifs raisonnables qu’une force excessive a été employée par quiconque, pas plus qu’il y a d’allégations de force excessive, ni aucune raison de déposer des accusations criminelles. Tous les témoins civils présents ont convenu que les deux agents de police n’avaient rien fait qui aurait pu causer la blessure du plaignant.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, j’accepte que les deux agents de police présents s’acquittaient de leurs fonctions en aidant le personnel médical et de sécurité de l’hôpital à assurer la sécurité du plaignant et des personnes autour de lui, et que la blesse subie par le plaignant ne peut être décrite que comme une anomalie imprévisible et inattendue.

Date : 25 avril 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.